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Date : 20051104

Dossier : IMM-10452-04

Référence : 2005 CF 1500

Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

GIRISH SHARAD PRADHAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La demande de résidence permanente présentée par Girish Sharad Pradhan en qualité d'époux ou de conjoint de fait a été rejetée parce que l'agent d'immigration était convaincu que son mariage n'était pas authentique et visait principalement l'acquisition d'un statut au Canada.

[2]                M. Pradhan demande le contrôle judiciaire de la décision de l'agent d'immigration parce que ce dernier aurait mal apprécié les faits.

[3]                Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincue que l'agent a correctement tenu compte de tous les éléments de preuve relatifs à la demande de M. Pradhan. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

La décision de l'agent d'immigration

[4]                L'agent d'immigration avait plusieurs raisons de conclure que le mariage de M. Pradhan n'était pas authentique. Selon lui, la date et les circonstances du mariage n'étaient pas conformes aux traditions du couple. À cet égard, il a constaté que M. Pradhan et son épouse s'étaient mariés lors d'une cérémonie civile qui n'avait pas été suivie d'une cérémonie religieuse, malgré le fait qu'ils s'étaient rencontrés lors d'un événement religieux et qu'ils pratiquaient la même religion.

[5]                L'agent a aussi été influencé par le fait que la mère de M. Pradhan, qui habite en Inde, n'avait pas assisté à la cérémonie même s'il s'agissait du premier mariage de son fils. Selon l'agent, le couple n'a pas pu expliquer de manière satisfaisante pourquoi il s'est marié précipitamment, étant donné en particulier que M. Pradhan possédait une entreprise en Inde et qu'il détenait d'autres visas lui permettant d'assister à d'autres événements religieux.

La question préliminaire

[6]                M. Pradhan souligne que le dossier certifié du tribunal qui a été produit à l'origine était incomplet car certains documents concernant son épouse ont été enlevés par erreur de celui-ci, soi-disant en conformité avec la Loi sur la protection des renseignements personnels. Selon M. Pradhan, cela pourrait être suffisant en soi pour que la Cour accueille la demande. Il fait valoir subsidiairement que les lacunes du dossier devraient faire en sorte que toute contradiction entre sa version des faits et celle de l'agent d'immigration soit interprétée en sa faveur.

[7]                Je ne suis pas d'accord avec lui. Il semble que le dossier fourni à l'origine était effectivement incomplet à cause d'une erreur du défendeur. Or, un dossier complet a été fourni rapidement une fois l'erreur découverte. M. Pradhan a le dossier complet du tribunal entre les mains depuis quelques mois et n'a donc subi aucun préjudice du fait de l'erreur.

La norme de contrôle

[8]                Les parties reconnaissent que l'authenticité du mariage est une question de fait. Cependant, M. Pradhan prétend que c'est la norme de la décision raisonnable qui devrait tout de même s'appliquer à la décision en l'espèce, alors que, selon le défendeur, c'est plutôt celle de la décision manifestement déraisonnable. Il n'est pas nécessaire que je me prononce sur ce point car je suis convaincue que la décision ne peut résister à un examen poussé auquel la norme moins rigoureuse de la décision manifestement déraisonnable s'applique parce que l'agent n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents.

Analyse

[9]                Le critère applicable en l'espèce est décrit à l'article 4 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) : un étranger n'est pas considéré comme étant l'époux d'une personne si le mariage n'est pas authentique ou visait principalement l'acquisition d'un statut ou d'un privilège aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

[10]            En l'espèce, l'agent d'immigration a pris en considération un certain nombre de facteurs afin de déterminer si M. Pradhan était effectivement un « époux » au sens du Règlement.

[11]            À titre d'exemple, l'agent a tenu compte du fait que M. Pradhan était un travailleur religieux, que lui et son épouse pratiquaient la même religion et, en particulier, qu'ils s'étaient rencontrés à un événement religieux. Pourtant, ils se sont mariés lors d'une cérémonie civile qui n'a pas été suivie d'une cérémonie religieuse, que ce soit au Canada ou en Inde. L'agent pouvait peut-être raisonnablement tirer une conclusion défavorable de ces faits, mais il n'a pas tenu compte de la prétention de M. Pradhan selon laquelle le couple se rendrait ultérieurement en Inde pour se marier lors d'une cérémonie religieuse à laquelle sa mère assisterait.

[12]            L'agent a conclu également que M. Pradhan n'avait pas expliqué de manière satisfaisante pourquoi le mariage avait été célébré avec une certaine précipitation. Il faut mentionner à cet égard que M. Pradhan est arrivé au Canada le 7 juillet 2003, qu'il a fait la connaissance de son épouse six jours plus tard et qu'il s'est marié au mois d'octobre suivant. Après avoir examiné le dossier, notamment les notes prises par l'agent à l'époque de l'entrevue de M. Pradhan, je suis convaincue que l'agent pouvait raisonnablement tirer aussi cette conclusion.

[13]            L'agent disposait cependant d'autres éléments de preuve qui, à mon avis, étaient pertinents au regard de la question de l'authenticité du mariage et dont il ne semble pas avoir tenu compte lorsqu'il a conclu que le mariage n'était pas authentique. Il s'agit notamment des copies des permis de conduire de M. Pradhan et de son épouse, lesquels indiquaient qu'ils vivaient à la même adresse, de la preuve qu'ils possédaient un compte de banque conjoint et d'une copie d'un contrat d'achat démontrant leur intention d'acquérir une maison ensemble.

[14]            Il est vrai qu'un tribunal administratif est présumé avoir pris en considération tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés. Cependant, lorsque, comme en l'espèce, des éléments de preuve pertinents vont directement à l'encontre de la conclusion qu'elle a tirée sur la question fondamentale, la Commission est tenue d'analyser ces éléments de preuve et d'expliquer pourquoi elle ne les accepte pas ou pourquoi elle leur préfère d'autres éléments de preuve sur le point en question : Cepeda-Gutierrez c. Canada (MCI), [1998] A.C.F. no 1425, 157 F.T.R. 35, aux paragraphes 14 à 17.

Conclusion

[15]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

La certification

[16]            Aucune partie n'a proposé une question à des fins de certification, et aucune question de ce genre n'est soulevée en l'espèce.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE :

                       

            1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent d'immigration pour faire l'objet d'une nouvelle décision.

            2.          Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

« Anne Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-10452-04

INTITULÉ :                                                                GIRISH SHARAD PRADHAN

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 3 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS

Et DE L'ORDONNANCE :                                       LE 4 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Max Chaudhary                                                             POUR LE DEMANDEUR

Angela Marinos                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Max Chaudhary                                                             POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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