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     Date : 19990128

     Dossier : IMM-1544-98

     OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 28 JANVIER 1999
     EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE TEITELBAUM

Entre :

     OLATUNJI AGBOOLA,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     Pour les raisons énoncées dans les motifs de mon ordonnance, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée pour nouvelle décision par un autre agent des visas.

                             " Max M. Teitelbaum "

                            

                                 JUGE

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     Date : 19990128

     Dossier : IMM-1544-98

Entre :

     OLATUNJI AGBOOLA,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, de la décision d'une agente des visas en date du 17 février 1998, par laquelle cette dernière a refusé la demande de résidence permanente du demandeur au Canada. Le demandeur réclame un bref de certiorari pour annuler cette décision et un bref de mandamus afin d'obliger le défendeur à examiner et à traiter de nouveau sa demande de résidence permanente.


LES FAITS

[2]      Le demandeur et sa famille, citoyens du Nigeria, ont présenté une demande de résidence permanente au Canada au Haut-commissariat du Canada à Londres le 20 juin 1997. Ils résidaient au Royaume-Uni depuis 1989. Après un premier examen sur dossier, le demandeur a obtenu 63 points d'appréciation et a donc été convoqué en entrevue. Le 5 janvier 1998, l'agente des visas Delphina Ocquaye a interrogé le demandeur et sa conjointe. Dans une lettre en date du 17 février 1998, elle a rejeté leur demande de résidence permanente au motif que le demandeur n'avait pas réuni les 70 points d'appréciation exigés en vertu du Règlement de 1978 sur l'immigration. L'agente a évalué le demandeur en tant que rédacteur et lui a accordé les points d'appréciation suivants :

         Age                              10         

         Demande dans la profession                  03

         Préparation professionnelle spécifique              17

         Études et formation                 

         Expérience                          0

         Emploi réservé                           0

         Facteur démographique                      08

         Études                              16

         Connaissance de l'anglais                  09

         Connaissance du français                       0

         Prime (Proches parents au Canada)              0

         Personnalité                          05

         TOTAL                              68



LA POSITION DES PARTIES

La position du demandeur

[3]      Le demandeur fait valoir que l'agente des visas a commis une erreur en n'accordant aucun point d'appréciation au titre de son expérience comme rédacteur. Il fait valoir que l'agente des visas a mal interprété les conditions d'emploi, qu'elle a tronqué la définition de rédacteur tirée de la Classification nationale des professions (CNP) et qu'elle a ensuite omis d'évaluer si l'expérience professionnelle connexe du demandeur comme reporter respectait les exigences énoncées sous la profession de rédacteur. Il soutient également que la décision de l'agente des visas selon laquelle le demandeur n'exerçait pas les fonctions d'un rédacteur est déraisonnable.

La position du défendeur

[4]      Le défendeur fait valoir que l'agente des visas a correctement conclu que le demandeur ne s'était pas acquitté du fardeau de prouver qu'il avait une expérience pertinente dans la profession de rédacteur et que cette expérience pouvait être adaptée au marché canadien. En outre, il soutient que l'agente a examiné l'expérience connexe du demandeur comme reporter et professeur de journalisme et qu'elle a conclu que le demandeur n'avait pas l'expérience nécessaire en journalisme, en rédaction, en publication ou dans un domaine connexe comme l'exige la CNP. En outre, il soutient que la décision de l'agente des visas n'était pas déraisonnable étant donné qu'elle a conclu que le demandeur n'exerçait pas certaines des fonctions d'un rédacteur. Qui plus est, le demandeur n'a pas prouvé que l'agente des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire sans tenir compte des éléments matériels pertinents ou d'une façon contraire à la loi.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[5]      Le demandeur soulève deux questions :

     1)      L'agente des visas a-t-elle omis de prendre en considération l'expression " domaines connexes " pour évaluer si le demandeur respectait les conditions de la profession qu'il comptait exercer ?         
     2)      La conclusion de l'agente des visas selon laquelle le demandeur ne remplissait pas les fonctions d'un " rédacteur " est-elle déraisonnable compte tenu des éléments matériels dont elle était saisie ?         

L'ANALYSE

Considérations pertinentes

[6]      Dans la présente demande il s'agit de savoir si l'agente des visas a mal interprété la définition de rédacteur et, ensuite, si elle a omis d'examiner l'expérience connexe du demandeur comme reporter afin de déterminer si celui-ci respectait les conditions applicables à la profession de rédacteur. Le demandeur cite la décision Qiu c. Canada (M.C.I.), C.F. 1re inst. (IMM-2715-96, le 16 mai 1997) à l'appui de la proposition selon laquelle les agents des visas ont l'obligation d'examiner l'expérience dans des domaines connexes pour évaluer l'expérience d'une personne relativement à une profession donnée.

[7]      Le défendeur soutient que l'agente des visas, Mme Ocquaye, a effectivement examiné l'expérience connexe du demandeur comme reporter pour évaluer son expérience comme rédacteur. Par voie d'affidavit, l'agente des visas a déclaré que le demandeur lui avait mentionné son expérience de reporter au ministère de l'Information et de la Culture du Nigeria, dont les détails sont consignés dans ses notes au STIDI. L'affidavit de Mme Ocquaye déclare également ce qui suit concernant l'expérience du demandeur comme reporter, aux paragraphes 7 et 11 :

         [TRADUCTION]                 
         On exige habituellement de l'expérience en journalisme ou en rédaction pour la profession de rédacteur. Le travail du demandeur comme reporter au ministère de l'Information du Nigeria en vue de promouvoir les politiques du gouvernement ne le qualifiait pas, à mon avis, comme journaliste. Je n'ai pas été convaincue que le travail du demandeur au ministère de l'Information et de la Culture pourrait être adapté au marché du travail canadien. J'ai donc conclu qu'il ne remplissait pas les conditions d'emploi de rédacteur.                 
         [...]                 
         Je ne lui ai donc accordé aucun point d'appréciation au titre de l'expérience parce que je ne croyais pas qu'il satisfaisait aux conditions d'emploi exigées pour le poste dans la Classification nationale des professions ou que les fonctions qu'il avait exercées équivalaient aux compétences exigées pour ce poste au Canada.                 

[8]      À mon avis, cet extrait démontre que l'agente des visas croyait qu'une expérience en journalisme ou en rédaction était nécessaire pour être rédacteur. Par conséquent, elle n'a pas tenu compte de son expérience connexe comme reporter parce que les fonctions qu'il exerçait comme reporter pour le ministère de l'Information du Nigeria n'équivalaient pas à celles d'un journaliste. Le défendeur prétend que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle parce qu'elle a examiné l'expérience du demandeur comme reporter.

[9]      Je ne peux accepter la position du défendeur. Bien que l'agente ait été informée de l'expérience du demandeur comme reporter et qu'elle en ait tenu compte dans son appréciation, je suis convaincu qu'elle a commis une erreur en concluant que la demande devrait être refusée parce que l'expérience du demandeur comme reporter ne le qualifiait pas comme journaliste et qu'il lui fallait une expérience de journaliste pour être rédacteur. À mon avis, cette conclusion indique que l'expérience connexe du demandeur a été rejetée au motif qu'elle n'équivalait pas à une expérience en journalisme.

[10]      Il s'agit là d'une mauvaise interprétation de la Classification canadienne descriptive des professions (CCDP). Le mémoire du demandeur reproduit la définition de rédacteur dans les termes suivants :

         [TRADUCTION]

         Un baccalauréat en journalisme, en anglais, en français ou dans une discipline connexe est habituellement demandé.                 
         Plusieurs années d'expérience en journalisme, en rédaction, en publication ou dans un domaine connexe sont habituellement demandées.                 
         [souligné par le demandeur]                 

[11]      Il ressort clairement de la lecture de cette définition que même si les normes fondamentales de comparaison sont presque toujours une expérience en journalisme ou en rédaction, l'expérience dans des domaines connexes qui a permis à une personne d'acquérir l'expérience et les compétences nécessaires pour travailler comme rédacteur ne doit pas être négligée pour la simple raison qu'elle n'équivaut pas à une expérience en journalisme. À mon avis, l'agente des visas a mal interprété la CCDP ou elle n'a pas tenu compte de toute la définition de rédacteur dans son évaluation de l'expérience du demandeur.

[12]      Dans la décision Prajapati c. Canada (M.C.I.) (C.F. 1re inst.) (IMM-4927-94, le 2 novembre 1995), la Cour a accueilli une demande de contrôle judiciaire au motif que l'agent des visas avait mal interprété la description de la profession au regard de la situation du demandeur, et qu'il avait commis une erreur de droit. Voici le raisonnement du juge Gibson :

         S'étant guidé sur la CCDP, l'agent des visas avait pour obligation de prendre en considération la description prise dans son ensemble et de l'interpréter correctement. En l'espèce, l'énoncé général de la description indique clairement qu'un coordonnateur de la production peut coordonner et activer la progression du travail dans un atelier d'une usine de fabrication, bien que l'énoncé des tâches semble viser la coordination entre plusieurs ateliers, ce qui ne correspond que partiellement à l'énoncé général. L'agent des visas n'a pas évalué le requérant au regard de la profession de coordonnateur de la production parce qu'il n'assurait pas la coordination " de différentes unités, mais surveillait le travail au sein d'une seule unité de production ". Je conclus que, par cette conclusion, l'agent des visas a mal interprété la description de la profession à appliquer au cas du requérant et qu'ainsi il a commis une erreur de droit.                 

[13]      Je suis convaincu que l'agente a mal interprété la définition de rédacteur figurant dans la CCDP d'après les faits de l'espèce, et, comme le dit le juge Gibson dans la décision Prajapati, précitée, je suis d'avis de renvoyer l'affaire au défendeur pour nouvel examen.

[14]      Le demandeur prétend également que la décision de l'agente selon laquelle il n'exerçait pas les fonctions de rédacteur est déraisonnable. Il semble y avoir des divergences entre les souvenirs qu'ont gardé les parties de ce qui s'est déroulé au cours de l'entrevue à ce sujet, comme en font foi leurs affidavits respectifs. Le demandeur déclare dans son affidavit qu'il a donné à l'agente des visas une longue liste de fonctions qu'il avait exercées comme rédacteur, et qui figure dans son affidavit. L'agente des visas déclare ceci aux paragraphes 14 et 15 de son affidavit :

         [TRADUCTION]                 
         À aucun moment au cours de l'entrevue ni à aucun autre moment pertinent le demandeur ne m'a-t-il indiqué que dans le cadre de ses fonctions, il assurait la liaison avec d'autres rédacteurs, comme le rédacteur des sports, le rédacteur des articles de fond ou le rédacteur de la page féminine. En fait, il n'y a eu aucune référence au rédacteur des sports, au rédacteur des articles de fond ou au rédacteur de la page féminine au cours de l'entrevue.                 
         À aucun moment au cours de l'entrevue, le demandeur n'a-t-il parlé de ses fonctions générales, notamment assister à des réunions et des conférences, contrôler le budget, motiver les journalistes et les adjoints de bureau, s'assurer que les journalistes assistaient à certaines réunions ou à des cours ou à des séminaires pour améliorer l'image de l'éditeur.                 

[15]      Toutefois, en l'espèce, il n'est pas nécessaire de déterminer l'authenticité de ces déclarations contradictoires ou d'évaluer le caractère raisonnable de la décision de l'agente des visas concernant l'expérience du demandeur comme rédacteur étant donné que je suis convaincu que cette affaire doit être renvoyée pour nouvel examen.

CONCLUSION

[16]      La conclusion de l'agente des visas se fonde sur l'hypothèse que l'expérience connexe du demandeur ne le qualifiait pas comme journaliste. Je suis convaincu que l'agente a commis une erreur en ne tenant pas compte de l'expérience du demandeur comme reporter parce que cela ne le qualifiait pas comme journaliste.

[17]      J'accueille la demande de contrôle judiciaire et je renvoie la question pour nouvel examen par un autre agent des visas.

[18]      Aucune partie n'a proposé de question aux fins de la certification.

                             " Max M. Teitelbaum "

                            

                                 JUGE

Ottawa (Ontario)

le 28 janvier 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-1544-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          OLATUNJI AGBOOLA c. LE
                             MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
                             ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 21 janvier 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE TEITELBAUM

DATE :                          le 28 janvier 1999

ONT COMPARU :

Max Chaudhary                          POUR LE DEMANDEUR

Godwin Friday                          POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet Chaudhary                      POUR LE DEMANDEUR

North York (Ontario)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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