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                                                                                                                                 Date : 20051003

                                                                                                                         Dossier :    T-2448-03

                                                                                                                Référence : 2005 CF 1299

Ottawa (Ontario), le 3 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                                                        PFIZER CANADA INC. et

                                                                   PFIZER INC.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

                                                      NOVOPHARM LIMITÉE et

                                                    LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                          défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

       (Motifs de l'ordonnance et ordonnance confidentiels prononcés le 21 septembre 2005)

1.         Introduction


1                     Pfizer Canada Inc. et Pfizer Inc. sollicitent une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer à Novopharm Limitée (Novopharm) un avis de conformité relatif à ses comprimés pour administration orale de monohydrate d'azithromycine de force équivalente à 250 mg d'azithromycine avant l'expiration du brevet canadien 2,148,071 (le brevet 071). Les demanderesses fabriquent et vendent de l'azithromycine sous la dénomination commerciale de ZITHROMAX. Novopharm soutient que la revendication 23 du brevet 071 est invalide pour cause d'antériorité, d'évidence, de portée excessive et d'imprécision. Elle affirme en outre que sa version de la drogue ne contrefera pas les revendications 1, 2, 9, 10, 17, 18 et 24 à 28 (les revendications relatives au comprimé) du brevet 071 étant donné qu'elle ne fabrique pas ses comprimés par granulation humide. La question à trancher dans la présente espèce est celle de savoir si les allégations d'invalidité et d'absence de contrefaçon du brevet avancées par Novopharm sont fondées.

2.         Le contexte

2                     Les demanderesses, Pfizer Canada Inc. et Pfizer Inc. (ci-après désignées collectivement Pfizer) sont des fabricants de médicaments de marque. La défenderesse Novopharm Limitée (Novopharm) est un fabricant de médicaments génériques. Le ministre de la Santé (le ministre), codéfendeur, est chargé de l'application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement).

3                     Le dihydrate d'azithromycine (azithromycine) est un antibiotique utilisé dans le traitement de diverses infections. Il a d'abord été breveté aux États-Unis en 1984 sous le numéro de brevet 4,474,768.


4                     Le défaut de l'azithromycine était son « interaction avec les aliments » lorsqu'elle était prise sous forme de capsule. Lorsqu'un médicament est administré par voie orale, la présence d'aliments dans le tube digestif peut nuire à son activité. Une des principales caractéristiques de tout médicament administré par voie orale est sa biodisponibilité. La biodisponibilité est le pourcentage des principes actifs du médicament qui sont assimilés par l'organisme pour produire un effet thérapeutique. Si la biodisponibilité d'un médicament est altérée au-delà d'un certain point par la présence de nourriture dans le tube digestif, on dit qu'il y a interaction avec les aliments.

5                     Pour contrer cette interaction, la prescription d'azithromycine s'accompagnait d'instructions recommandant sa prise à jeun, c'est-à-dire plus d'une heure avant un repas ou plus de deux heures après un repas. Cette exigence risquait cependant de réduire l'observance du traitement par le patient ainsi que l'efficacité clinique de l'azithromycine.

6                     Pfizer prétend avoir trouvé un façon de régler le problème de l'interaction avec les aliments de sorte que l'azithromycine peut être administrée efficacement à des patients qui viennent de manger. Elle a fait une demande de brevet pour cette innovation. Le 27 avril 1995, les demanderesses ont déposé une demande au Canada revendiquant une priorité découlant de la demande de brevet américain déposée le 29 avril 1994. Le brevet 071 a été délivré le 17 octobre 2000. Le 13 août 2003, le brevet 071 a été inscrit au registre des brevets que tient le ministre.


7                     Le 4 novembre 2003, Novopharm a fourni à Pfizer un avis d'allégation et un énoncé détaillé indiquant qu'elle projetait [traduction] « la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un comprimé de monohydrate d'azithromycine de 250 mg pour administration orale » .

8                     Pfizer a alors déposé la présente demande tendant à obtenir de la Cour qu'elle interdise au ministre de délivrer un avis de conformité qui permettrait à Novopharm de produire ses comprimés, activité qui, selon Pfizer, contreferait son brevet.

3.         Le régime applicable

9                     Le paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements d'application.

10                 Dans la présente espèce, Pfizer est la première personne et Novopharm est la seconde personne, selon les définitions données de ces expressions à l'article 2 du Règlement.

11                 Le Règlement prévoit que la seconde personne doit alléguer, dans l'avis d'allégation, soit que la première personne n'est pas le breveté, soit que le brevet est expiré, soit que le brevet n'est pas valide, soit que le brevet ne serait pas contrefait par la seconde personne si l'avis de conformité était délivré. L'avis d'allégation est communiqué au ministre et signifié à la première personne.


12                 Le paragraphe 6(1) du Règlement porte que, après la communication de l'avis de conformité, la première personne peut, dans les 45 jours, demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet visé par l'allégation pour le motif que les allégations ne sont pas fondées. Le paragraphe 6(2) du Règlement prévoit que le tribunal rend l'ordonnance demandée s'il conclut qu' « aucune » des allégations n'est fondée.

13                 Le paragraphe 6(6) du Règlement, qui porte sur les revendications dites « de produit par procédé » , établit la présomption que le médicament que la seconde personne projette de produire est, en l'absence d'une preuve contraire, produit selon le procédé breveté.

14                 Le dépôt par la première personne d'une demande d'interdiction en vertu de l'article 6 du Règlement déclenche l'application de l'alinéa 7(1)e), qui prévoit que le ministre ne peut délivrer un avis de conformité avant la date qui suit de 24 mois la demande visée à l'article 6.

15                 Dans la présente espèce, Pfizer demande à la Cour d'interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à Novopharm. Pfizer a déposé et signifié son opposition à l'avis d'allégation le 23 décembre 2003. Le délai de 24 mois applicable à ce qui est essentiellement une injonction de fait expirera donc le 23 décembre 2005.

4.         La nature de la procédure visée à l'article 6


16                 La procédure visée à l'article 6 n'est pas une action visant à faire établir la validité ou la contrefaçon d'un brevet : Fournier Pharma Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 1718. Il s'agit plutôt d'une procédure de contrôle judiciaire, qui doit être expéditive, dont le but est d'établir s'il est permis au ministre de délivrer l'avis de conformité demandé et dont la portée se limite à des fins administratives : Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1997] A.C.F. no 1251 (C.A.F.) (QL); (1997), 76 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.).

17                 La décision doit avoir pour objet la question de savoir si la seconde personne a formulé des allégations suffisamment étayées, comme quoi le brevet de la première personne ne serait pas enfreint si son produit était mis sur le marché, pour justifier une conclusion à fin administrative, soit la délivrance d'un avis de conformité : Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1995] 1 C.F. 588 (C.A.F.); (1994), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.).

18                 Le Règlement prescrit à la Cour d'établir sommairement, sur la base de la preuve produite, si les allégations sont fondées. La procédure visée à l'article 6 n'est pas juridictionnelle et la décision qui s'ensuit n'a pas l'autorité de la chose jugée : AB Hassle c. Genpharm Inc., 2003 CF 1443. La première personne, ou le breveté, n'est privée d'aucun des recours qui lui sont normalement ouverts pour assurer le respect de ses droits. Si une instruction en bonne et due forme des questions de la validité ou de la contrefaçon se révèle nécessaire, on peut l'obtenir de la manière habituelle en intentant une action : Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., [2001] A.C.F. no 17 (C.A.F.) (QL); (2001), 11 C.P.R. (4th) 245 (C.A.F.).


19                 La jurisprudence définit sans ambiguïté la charge de persuasion applicable à la procédure que prévoit l'article 6. Les allégations d'invalidité et d'absence de contrefaçon formulées dans l'avis d'allégation sont présumées fondées, et le demandeur doit établir qu'elles ne le sont pas suivant la prépondérance de la preuve. Si elles ne sont pas contestées, ces allégations autorisent le ministre à délivrer un avis de conformité : Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1998] 2 R.C.S. 193; (1998), 80 C.P.R. (3d) 368 (C.S.C.); SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc., [2001] 4 C.F. 518; (2001), 14 C.P.R. (4th) 76 (C.F. 1re inst.), conf. par [2003] 1 C.F. 118 (C.A.F.); (2002), 21 C.P.R. (4th) 129 (C.A.F.); et Novopharm Limitée c. Pfizer Canada Inc. et al., 2005 CAF 270.

5.         La preuve

20                 Les deux parties ont produit des affidavits d'experts et de cadres.

21                 Pfizer s'appuie sur les déclarations de quatre témoins :

1)         Madeleine Pesant, qui a souscrit son affidavit le 19 février 2004, travaille pour la demanderesse, Pfizer Canada Inc., comme directrice adjointe, Information réglementaire, affaires réglementaires pharmaceutiques et sécurité - Canada. Mme Pesant a fait l'historique des procédures du dossier et de la production d'azithromycine par Pfizer, et elle a confirmé le succès commercial du Zithromax. Des pièces ont été jointes à son affidavit, notamment l'avis d'allégation et le brevet 071.



2)         Le Dr Vincent Andriole, qui a souscrit son affidavit le 12 février 2004, est professeur de médecine à la Faculté de médecine de l'Université Yale et est médecin traitant au Yale-New Haven Hospital. Il a reçu un certificat de spécialiste de l'American Board of Internal Medicine en 1964 et un certificat dans la sous-spécialité des maladies infectieuses en 1976. Il a obtenu un baccalauréat en sciences du College of the Holy Cross, à Worcester (Massachusetts), en 1953, ainsi qu'un diplôme en médecine de la Faculté de médecine de l'Université Yale en 1957. En plus de ses activités d'enseignement, de recherche et de service à l'université, le Dr Andriole est membre d'un grand nombre d'associations professionnelles, de comités nationaux, de comités consultatifs scientifiques et de comités de rédaction de publications spécialisées. Il a effectué des recherches approfondies dans le domaine des maladies infectieuses et a publié une centaine d'articles, chapitres de livres et textes scientifiques et critiques sur divers sujets comme les maladies infectieuses et les médicaments pour les traiter et, plus précisément, sur l'azithromycine. Il affirme bien connaître l'azithromycine, ses caractéristiques et son utilisation dans le traitement des maladies infectieuses, de même que les essais cliniques de Pfizer et l'amélioration apportée par celle-ci à l'azithromycine. Il affirme également avoir examiné le brevet 071 et l'avis d'allégation. La demanderesse lui a demandé de donner son opinion sur trois questions : 1) l'objet de la revendication 23 du brevet 071 se heurte-t-il aux publications antérieures invoquées par Novopharm dans son avis d'allégation? 2) une personne versée dans l'art serait-elle amenée directement et sans aucune difficulté à l'objet de la revendication 23, compte tenu de l'état de la technique décrite dans l'avis d'allégation de Novopharm? et 3) la plainte de Novopharm selon laquelle la revendication 23 est imprécise et a une portée plus large que toute invention divulguée dans le brevet 071 est-elle fondée? Le Dr Andriole a été présenté comme témoin expert.


3)         M. Robert Rapp, qui a souscrit son affidavit le 19 février 2004, est professeur de pharmacie au Collège de pharmacie et professeur de chirurgie au Collège de médecine de l'Université du Kentucky. Il exerce également les fonctions de directeur des services cliniques au Département des services de pharmacie à l'University Hospital. Il a obtenu un baccalauréat en pharmacie de l'Université du Kentucky en 1963. En 1970, il a terminé un doctorat en pharmacie au Collège de pharmacie de l'Université du Kentucky. En plus de ses activités d'enseignement et de recherche à l'université, il est membre de diverses associations, a siégé aux comités de rédaction de publications spécialisées et exerce les fonctions d'expert-conseil pour l'industrie pharmaceutique. Il a publié plus de 200 articles dans des revues professionnelles et scientifiques, en particulier dans le domaine de la pharmacologie. Il confirme son expérience relativement à l'azithromycine et affirme avoir étudié les interactions aliments-médicaments. Il a examiné le brevet 071 de même que l'avis d'allégation, et Pfizer lui a demandé de donner son opinion sur deux questions : 1) une personne versée dans l'art serait-elle amenée directement et sans aucune difficulté à l'objet de la revendication 23, compte tenu de l'état de la technique en avril 1994? et 2) l'objet de la revendication 23 se heurte-t-il aux publications antérieures invoquées par Novopharm dans son avis d'allégation? M. Rapp formule également des commentaires concernant les maladies infectieuses et l'utilisation de l'azithromycine pour traiter les infections, ainsi que l'état général des connaissances des cliniciens et des chercheurs. Il a été présenté comme témoin expert.

4)         Rose Lombardi, technicienne juridique travaillant pour l'avocat de Pfizer, a souscrit un affidavit confidentiel le 23 février 2004. Elle affirme que l'avocat de Novopharm a livré deux cartables de documents contenant des passages de la présentation abrégée de drogue nouvelle de Novopharm (PADN) pour le Novo-Azithromycin. Elle joint à son affidavit les pages 18 à 47 de cette partie de la présentation intitulée Quality Overall Summary - Chemical Entities (Résumé général sur la qualité - Entités chimiques).

22                 Mme Pesant, le Dr Andriole, M. Rapp et Mme Lombardi ont été contre-interrogés sur leurs affidavits.

23                 Sont annexées à l'affidavit de M. Rapp les antériorités invoquées par Novopharm dans son avis d'allégation, cotées comme pièces D à R de cet affidavit. Pfizer a aussi annexé ses propres éléments de preuve à l'affidavit de M. Rapp, soit les pièces S à FF.


24                 Ces éléments de preuve additionnels annexés à l'affidavit de M. Rapp concernent les propriétés de l'azithromycine, des études sur la pharmacocinétique de l'azithromycine, des études sur son devenir chez les humains, les effets des aliments sur l'absorption du médicament, des études sur la clarithromycine et l'effet des aliments, la tolérance clinique de l'azithromycine, les profils d'interaction médicamenteuse pour les antimicrobiens homologués de la famille des macrolides et du groupe des azalides, la pharmacocinétique et la pharmacodynamique de l'azithromycine intraveineuse et orale. La preuve contient également un article par Foulds et al. intitulé The absence of an effect of food on the bioavailability of azithromycin administered as tablets, sachet or suspension, qui, selon Pfizer, est [traduction] « l'étude capitale [...] sur laquelle est fondé le brevet 071 et qui a montré au corps médical que les comprimés d'azithromycine, contrairement aux capsules, pouvaient être pris par un patient qui venait de manger. »

25                 Novopharm s'est appuyée sur les déclarations de quatre témoins :


(1)        M. Jeffrey Rudolph, expert-conseil en pharmacie, a souscrit son affidavit le 21 mai 2004. Il est titulaire d'un baccalauréat en sciences de l'Université de l'Illinois ainsi que d'une maîtrise en sciences et d'un doctorat en sciences pharmaceutiques industrielles de l'Université Purdue. Il est inscrit au tableau de l'association professionnelle des pharmaciens de l'Illinois et de la Floride. Il a publié des articles et des chapitres de livres et a été membre d'organisations pharmaceutiques nationales et internationales. Il confirme avoir examiné le brevet 071, l'avis d'allégation ainsi que les affidavits du Dr Andriole, de M. Rapp, de Mme Pesant et de Mme Lombardi. Novopharm lui a demandé de donner son opinion relativement aux questions suivantes : 1) quelle est l'invention visée par le brevet 071? 2) que signifierait la revendication 23 du brevet 071 pour une personne versée dans l'art? 3) l'objet de la revendication 23 serait-il évident pour une personne versée dans l'art, compte tenu de l'état antérieur de la technique et des connaissances générales courantes? On lui a également demandé de donner son opinion au sujet des affidavits du Dr Andriole et de M. Rapp. Il a été présenté comme témoin expert.

(2)        M. Isadore Kanfer, qui est doyen et directeur de la Faculté de pharmacie de l'Université Rhodes à Grahamstown (Afrique du Sud), a souscrit son affidavit le 22 mai 2004. Il est titulaire d'un baccalauréat en pharmacie et d'un baccalauréat spécialisé en sciences de l'Université Rhodes, qu'il a obtenus respectivement en 1967 et en 1968. Il a obtenu son doctorat en pharmacie en 1975. En plus de ses activités d'enseignement et de recherche, il est membre de nombreuses associations professionnelles nationales et internationales et il a de multiples publications à son actif dans le domaine de la biopharmaceutique. Il confirme avoir examiné le brevet 071, l'avis d'allégation ainsi que les affidavits de Mme Lombardi, de Mme Pesant, du Dr Andriole et de M. Rapp. Novopharm lui a demandé de donner son opinion au sujet des mêmes questions qui ont été posées à M. Rudolph. Il a été présenté comme témoin expert.


(3)        M. Gregory Bell, Ph.D., est vice-président de groupe et directeur des produits pharmaceutiques et des pratiques en matière de propriété intellectuelle de la société Charles River Associates, une firme de consultants en économique et en gestion. Il a souscrit son affidavit confidentiel le 20 mai 2004. Il est titulaire d'une maîtrise en administration des affaires et d'un doctorat en économique de l'Université Harvard. Il est également comptable agréé au Canada. À titre de directeur de la pratique pharmaceutique, il a travaillé dans les domaines suivants : l'établissement du prix des produits, la stratégie de négociation des contrats pour les organisations de soins intégrés et les hôpitaux, les façons d'influencer les habitudes de prescription des médecins, la stratégie de lancement des produits et l'impact de lancements simultanés à l'intérieur d'une même catégorie thérapeutique. Novopharm lui a demandé de donner son opinion concernant la mesure dans laquelle le succès commercial du Zithromax au Canada était directement lié à l'introduction des comprimés de 250 mg de Zithromax. On lui a demandé à cet égard de répondre à l'affidavit de Madeleine Pesant. Il a examiné l'avis d'allégation, le brevet 071 et les monographies de produit.

(4)        M. Timothy Butler, qui a souscrit un affidavit le 18 mai 2004, est un spécialiste de l'information au cabinet d'avocats Kenyon & Kenyon (à New York), qui certifie la demande de brevet américain no 08/235069 et en fournit une copie.

26                 MM. Rudolph et Kanfer ont été contre-interrogés sur leurs affidavits.

6.         La personne versée dans l'art


27                 Novopharm soutient que ses experts sont mieux qualifiés pour répondre aux questions touchant le brevet 071. Elle ajoute qu'étant donné que le brevet 071 a trait à la façon dont l'azithromycine devrait être formulée pour surmonter ses interactions avec les aliments, le témoignage de ses experts devrait être privilégié puisque les deux possèdent une connaissance et une expérience approfondies dans la formulation des formes posologiques pharmaceutiques. Novopharm prétend que les experts de Pfizer ne sont pas des formulateurs et n'ont donc pas d'expertise en rapport avec l'invention du brevet 071.

28                 Novopharm fait valoir que la personne versée dans l'art du brevet 071 est une personne qui a des connaissances et une expérience en pharmacie physique, la science de la formulation des formes posologiques pharmaceutiques. M. Rudolph, témoin expert de Novopharm, atteste que la personne versée dans l'art, dans la présente instance, a une formation en sciences pharmaceutiques industrielles ou dans la mise au point de produits, ce qui comprend la conception, la mise au point et l'évaluation de la qualité des formes posologiques pharmaceutiques, les aspects physiques, chimiques et biologiques des principes pharmaceutiques actifs et des excipients pharmaceutiques, ainsi que la physique, la micrométrie, les opérations unitaires et diverses disciplines en génie. L'autre témoin expert de Novopharm, M. Kanfer, indique que l'objet du brevet 071 s'adresse à une personne qui a une formation en sciences pharmaceutiques et dans la formulation de formes posologiques pharmaceutiques de même qu'une connaissance des concepts de la pharmacie physique élémentaire.


29                 Pfizer soutient que, dans le cas du brevet 071, une personne versée dans l'art est une personne ayant des compétences ordinaires qui connaît l'application clinique de l'azithromycine et non la formulation pharmaceutique ou la pharmacie physique. Selon M. Rapp, une personne ayant des compétences ordinaires aux yeux de Pfizer est une personne qui a un doctorat en pharmacie, en pharmacologie, en chimie ou l'équivalent, ou encore une maîtrise ou un baccalauréat en sciences pharmaceutiques et plusieurs années d'expérience dans l'industrie pharmaceutique.

30                 Je ne conviens pas avec Novopharm que seul un formulateur de produits pharmaceutiques peut aider la Cour à interpréter le brevet 071. Bien qu'un formulateur de produits pharmaceutiques puisse posséder les connaissances d'un travailleur versé dans l'art dont relève le brevet, à mon avis, il en va de même de la personne ayant un diplôme en sciences pharmaceutiques et plusieurs années d'expérience dans l'industrie pharmaceutique. Dans le cas du brevet 071, une expertise en ce qui concerne l'étude des interactions aliments-médicaments, les effets des aliments sur l'absorption des médicaments et les profils d'interaction médicamenteuse pour les antimicrobiens approuvés du groupe des azalides peut également être utile et aider la Cour. Les experts de Pfizer ont les compétences requises pour répondre à ces questions. Par conséquent, j'estime que les déclarations des quatre témoins experts sont admissibles pour les besoins de la présence instance. Le poids accordé au témoignage des experts dépendra des opinions professées par ceux-ci concernant les questions soulevées.

7.         Les antériorités


31                 J'ai soigneusement examiné les antériorités produites en preuve par les parties, y compris celles qui sont annexées à l'avis d'allégation.

8.         Le brevet en cause

32                 Le brevet 071 a été délivré le 17 octobre 2000 sur la base de la demande déposée le 27 avril 1995. Celle-ci revendiquait la priorité découlant de la demande américaine no 08/235,069, déposée le 29 avril 1994. Le brevet 071 comporte 33 revendications. Comme la demande de brevet a été déposée au Canada entre le 1er octobre 1989 et le 1er octobre 1996, c'est la version de la Loi sur les brevets applicable aux demandes déposées pendant cette période qui s'applique en l'espèce.

33                 Le brevet 071 concerne diverses formes d'azithromycine : comprimés, sachets-dose, suspension, poudre, suspension orale. Il ne vise pas cependant les capsules, qui sont expressément exclues du brevet. Le mémoire descriptif énonce ce qui suit à la page 4 du résumé de l'invention : [traduction] « Les capsules comme forme posologique ne font pas partie de l'invention. »

34                 Le brevet 071 divulgue, entre autres, l'invention d'un comprimé composé d'azithromycine, d'un agent délitant et d'excipients facultatifs comme des liants, des aromatisants, des agents de remplissage, des diluants, des lubrifiants, des agents de glissement ou des colorants qui n'interagissent pas avec le médicament lorsqu'ils sont administrés à un patient qui a mangé.

9.         L'avis d'allégation


35                 Novopharm a envoyé son avis d'allégation à Pfizer le 4 novembre 2003. Elle a informé Pfizer qu'elle prévoyait fabriquer, construire, utiliser ou vendre un comprimé de monohydrate d'azithromycine de 250 mg pour administration orale. L'avis d'allégation contient les deux allégations suivantes :

(1)        La première allégation, faite conformément au sous-alinéa 5(1)b)(iii) du Règlement, porte qu'une revendication du brevet 071, plus précisément la revendication 23, n'est pas valide pour cause d'antériorité, d'évidence, de portée excessive et d'imprécision. Novopharm formule l'allégation de la manière suivante :

[traduction] La revendication 23 du brevet 071 n'est pas valide. Cette revendication a trait au comprimé de Novopharm et n'est pas valide pour les motifs suivants :

a)             la revendication se heurte à des antériorités;

b)            la revendication est évidente;

c)             la revendication a une portée plus large que l'invention réalisée et divulguée;

d)            la revendication est imprécise en vertu du paragraphe 27(4).

            (2)        La deuxième allégation, faite conformément à l'alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement, porte que les revendications relatives au comprimé ne seront pas contrefaites. Novopharm formule cette allégation de la manière suivante :

[traduction] Les revendications 1, 2, 9, 10, 17, 18 et 24 à 28 du brevet 071 ne seront pas contrefaites par la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente par Novopharm du comprimé de Novopharm.


36                 La Cour note que Pfizer ne conteste pas le caractère adéquat de ces allégations. Par conséquent, la Cour n'est pas saisie dans la présente espèce de la question du caractère adéquat de l'avis d'allégation.

10.       Les questions en litige

37                 La question fondamentale à trancher est celle de savoir si la Cour devrait rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Novopharm avant l'expiration du brevet 071 de Pfizer.

38                 Pour rendre cette décision, il faut répondre aux questions suivantes :

1)         Les allégations d'absence de contrefaçon formulées dans l'avis d'allégation de Novopharm sont-elles fondées?

2)         Les allégations d'invalidité formulées dans l'avis d'allégation de Novopharm sont-elles fondées?

11.       Analyse

A. L'interprétation des revendications

1)         Principes d'interprétation des revendications de brevet


39                 Avant d'arriver à une conclusion sur les allégations d'invalidité et d'absence de contrefaçon formulées par Novopharm, il faut interpréter les revendications en cause du brevet 071 afin d'établir « ce qui, selon l'inventeur, constituait les éléments "essentiels" de son invention » : Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067.

40                 Le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets définit ce que doit être le contenu du mémoire descriptif d'une invention :


27. Mémoire descriptif

(3) Le mémoire descriptif doit :

a) décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

b) exposer clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'invention;

c) s'il s'agit d'une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l'application;

d) s'il s'agit d'un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l'invention en cause d'autres inventions.

27. Specification

(3) The specification of an invention must

(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;

(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;

(c) in the case of a machine, explain the principle of the machine and the best mode in which the inventor has contemplated the application of that principle; and

(d) in the case of a process, explain the necessary sequence, if any, of the various steps, so as to distinguish the invention from other inventions.


41                 Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets explique la fonction des revendications, qui sont formulées à la fin du mémoire descriptif :



27. Revendications

(4) Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l'objet de l'invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

27. Claims

(4) The specification must end with a claim or claims defining distinctly and in explicit terms the subject-matter of the invention for which an exclusive privilege or property is claimed.


42                 Le mémoire descriptif se compose de l'exposé (ou divulgation) de l'invention et des revendications. L'exposé de l'invention peut comprendre le titre de l'invention, une description complète de celle-ci permettant à une personne raisonnablement versée dans l'art de la mettre en pratique, des dessins et, à la fin, les revendications, qui caractérisent de manière distincte et explicite l'invention revendiquée. L'exposé doit aussi contenir une description détaillée des réalisations privilégiées de l'invention. Il doit décrire les caractéristiques de l'invention définies dans les revendications. Quant à celles­-ci, il faut qu'elles définissent distinctement et en des termes explicites l'objet de l'invention dont on revendique la propriété ou le privilège exclusif. Essentiellement, l'exposé décrit l'invention, et les revendications en définissent la portée.

43                 L'interprétation d'un brevet vise à définir le but de l'invention; c'est une « interprétation téléologique » : Free World Trust c. Electro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024. L'interprétation téléologique des revendications de brevet a pour objectif de permettre d'arriver à une interprétation « qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public » , ainsi que l'a fait observer le juge Dickson dans Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504:


Il faut considérer l'ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l'invention et son mode de fonctionnement (Noranda Mines Limited c. Minerals Separation North American Corporation, [1950] R.C.S. 36), sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public. Ce n'est pas le moment d'être trop rusé ou formaliste en matière d'oppositions soit au titre ou au mémoire descriptif puisque, comme le dit le juge en chef Duff, au nom de la Cour, dans l'arrêt Western Electric Company, Incorporated, et Northern Electric Company c. Baldwin International Radio of Canada, [1934] R.C.S. 570, à la page 574 : [traduction] « quand le texte du mémoire descriptif, interprété de façon raisonnable, peut se lire de façon à accorder à l'inventeur l'exclusivité de ce qu'il a inventé de bonne foi, la Cour, en règle générale, cherche à mettre cette interprétation à effet » .

44                 La Cour suprême du Canada, dans Whirlpool et dans Free World Trust, précités, a établi que le tribunal appelé à interpréter une revendication dans un sens téléologique ne doit pas excéder les limites du mémoire descriptif, s'en tenir au libellé de la revendication interprétée dans le contexte de l'ensemble du mémoire descriptif et éviter le recours à une preuve extrinsèque d'intention : GlaxoSmithKline Inc. c. Apotex Inc. (2003), 234 F.T.R. 251; (2003), 27 C.P.R. (4th) 114. Les témoignages d'expert sont admissibles, mais uniquement pour aider le tribunal à interpréter les revendications de brevet de manière éclairée : Whirlpool, précité.

45                 Les revendications constituent le point de départ de l'interprétation du brevet; elles sont adressées à la personne versée dans l'art et doivent faire l'objet d'une interprétation téléologique fondée sur l'ensemble du mémoire descriptif à la date de la publication de la demande de brevet. L'interprétation téléologique des revendications exige qu'elles soient interprétées en fonction de l'ensemble de l'exposé de l'invention, y compris le mémoire descriptif : Schmeiser c. Monsanto Canada Inc., [2004] 1 R.C.S. 902, au paragraphe 18. Il n'est pas nécessaire d'avoir recours au reste du mémoire descriptif lorsque les termes à interpréter dans la revendication ont un sens clair et dénué d'ambiguïté. Le recours au reste du mémoire est également illégitime s'il sert à modifier la portée de la revendication : Canamould Extrusions Ltd. c. Driangle Inc., 2004 CAF 63; [2004] A.C.F. no 266 (QL).


46                 L'interprétation des revendications a pour objectif fondamental d'établir le but de l'invention afin d'accorder à l'inventeur la protection de ce qu'il a effectivement inventé : Western Electric Co. c. Baldwin International Radio of Canada, [1934] R.C.S. 570, à la page 574. Dans l'accomplissement de cette tâche, la Cour doit distinguer les éléments essentiels des éléments non essentiels de l'invention. Pour qu'un élément soit jugé non essentiel, il faut établir que l'inventeur n'a manifestement pas voulu qu'il soit essentiel ou que, à la date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l'art aurait constaté qu'un élément donné pouvait être remplacé ou omis sans que le fonctionnement de l'invention en soit modifié : Free World Trust, précité, au paragraphe 55. C'est peut-être le juge Denault qui, dans Martinray Industries Ltd. c. Fabricants National Dagendor Manufacturing Ltd., [1991] 49 F.T.R. 81; (1991), 41 C.P.R. (3d) 1, a formulé le plus simplement la manière d'établir ce qui constitue un élément non essentiel :

Bref, chaque élément d'une revendication sera considéré comme étant essentiel à moins qu'il ne soit évident, pour l'homme de l'art, que l'inventeur savait que le défaut de reprendre cet élément spécifique n'aurait aucune conséquence sur le fonctionnement de l'invention.

47                 L'interprétation des revendications relève du seul juge : Fournier Pharma, précité. De plus, les revendications font l'objet d'une seule et même interprétation à toutes les fins, c'est-à-dire pour l'examen des allégations d'invalidité et d'absence de contrefaçon : Whirlpool, précité.

48                 Le juge Binnie, s'exprimant au nom de la Cour suprême du Canada, a donné au paragraphe 31 de l'arrêt Free World Trust, précité, une liste de principes qui orientent l'interprétation téléologique des revendications :

1)             La Loi sur les brevets favorise le respect de la teneur des revendications.


2)             Le respect de la teneur des revendications favorise à son tour tant l'équité que la prévisibilité.

3)             La teneur d'une revendication doit toutefois être interprétée de façon éclairée et en fonction de l'objet.

4)             Ainsi interprétée, la teneur des revendications définit le monopole. On ne peut s'en remettre à des notions imprécises comme « l'esprit de l'invention » pour en accroître l'étendue.

5)             Suivant une interprétation téléologique, il ressort de la teneur des revendications que certains éléments de l'invention sont essentiels, alors que d'autres ne le sont pas. Les éléments essentiels et les éléments non essentiels sont déterminés :

a)             en fonction des connaissances usuelles d'un travailleur versé dans l'art dont relève l'invention;

b)            à la date à laquelle le brevet est publié;

c)             selon qu'il était ou non manifeste, pour un lecteur averti, au moment où le brevet a été publié, que l'emploi d'une variante d'un composant donné ne modifierait pas le fonctionnement de l'invention, ou

d)            conformément à l'intention de l'inventeur, expresse ou inférée des revendications, qu'un composant en particulier soit essentiel, peu importe son effet en pratique;

e)             mais indépendamment de toute preuve extrinsèque de l'intention de l'inventeur.

2)         Les revendications en litige

49                 Le brevet 071 comprend 33 revendications. Sont en litige dans la présente espèce la revendication 23 et les « revendications relatives au comprimé » .

50                 La revendication 23 est ainsi rédigée :

[traduction] L'utilisation d'une quantité thérapeutiquement efficace d'azithromycine dans la préparation d'une forme posologique pharmaceutique qui n'a aucune interaction avec les aliments lorsqu'elle est administrée, dans le cadre d'un traitement contre une infection microbienne, à un patient qui a mangé.

51                 Les revendications relatives au comprimé sont ainsi rédigées :


[traduction]

1.             Une forme posologique orale d'azithromycine sous forme de comprimé obtenu par granulation humide, qui peut être administré a un mammifère ayant mangé, qui contient de l'azithromycine et un délitant et qui n'a aucune interaction notable avec les aliments, la forme posologique permettant la dissolution d'au moins environ 90 % de l'azithromycine en l'espace d'environ 30 minutes, lorsqu'une quantité de la forme posologique équivalant à 200 mg d'azithromycine est mise à l'essai conformément à la méthode USP < 711 > dans un appareil de dissolution USP-2 dans des conditions satisfaisant aux critères minimaux suivants : 900 mL d'un tampon de phosphate de sodium, pH de 6,0, température de 37 EC, vitesse de rotation de 100 tr/min, pourvu que la forme posologique ne contienne pas d'oxydes ni d'hydroxydes de métaux alcalino-terreux en quantité suffisante pour masquer le goût.

2.             Une forme posologique telle que définie à la revendication 1, le mammifère visé étant ici un humain.

9.             Une forme posologique orale d'azithromycine sous forme de comprimé produit par granulation humide, qui peut être administrée à un mammifère ayant mangé, qui contient de l'azithromycine et un délitant et qui n'a aucune interaction notable avec les aliments, la forme posologique présentant une valeur (AUCfed)/AUCfst) d'au moins 0,80 et une limite inférieure de confiance à 90 % d'au moins 0,75, pourvu que la forme posologique ne contienne pas d'oxydes ni d'hydroxydes de métaux alcalino-terreux en quantité suffisante pour masquer le goût.

10.           Une forme posologique telle que définie dans la revendication 9, le mammifère visé étant ici un humain.

17.           Un conditionnement pour le traitement, qui comprend un contenant, une forme posologique orale d'azithromycine, telle que définie dans l'une des revendications 1 à 16 du présent brevet, et une documentation écrite ne se limitant pas à indiquer si la forme posologique peut être prise ou non avec de la nourriture.

18.           Un conditionnement pour le traitement, tel que défini dans la revendication 17, dans lequel la forme posologique est un comprimé.

24.           Un comprimé d'azithromycine destiné à un patient humain, peu importe qu'il ait mangé ou non, qui contient :

une quantité de 25 mg à 3 g d'azithromycine

une quantité d'agent délitant correspondant à 1 à 25 % du poids total du comprimé, et

au moins un excipient pharmaceutiquement acceptable,

pourvu que le comprimé ne contienne pas d'oxydes ni d'hydroxydes de métaux alcalino-terreux ou qu'il n'en contienne pas en quantité suffisante pour masquer le goût,

le comprimé n'ayant aucune interaction notable avec les aliments, qu'il présente une valeur                                               (AUCfed)/AUCfst) d'au moins 0,80 et une limite inférieure de confiance à 90 % entre 0,75 et                                   1,40 et qu'il soit produit par granulation humide.


25.           Un comprimé tel que défini dans la revendication 24, qui contient, comme agent délitant, au moins un des produits suivants, à raison de 3 à 15 % du poids total du comprimé : croscarmellose sodique, glycolate d'amidon sodique, cellulose microcristalline et polyvinylpyrrolidone réticulée.

26.           Un comprimé tel que défini dans la revendication 25, qui contient, comme agents délitants, de la croscarmellose sodique et de l'amidon prégélatinisé.

27.           Un comprimé tel que défini dans l'une des revendications 22 à 26, enrobé d'un film d'hydroxypropylméthylcellulose, d'hydroxypropylcellulose ou de copolymère acrylate-méthacrylate.

28.           Un conditionnement pour le traitement qui sera vendu dans le commerce et qui comprend un contenant, le comprimé tel que défini dans l'une des revendications 24 à 27 du présent brevet et un message écrit indiquant si le comprimé peut être pris ou non avec de la nourriture.

(3)        L'interprétation proposée par les parties


52                 Les arguments des parties en ce qui concerne les éléments essentiels de l'invention ne concernent que la revendication 23 du brevet 071. Les demanderesses soutiennent que la revendication 23 [traduction] « reflète l'aspect lié à l'utilisation de l'invention réalisée dans le brevet 071 » . Elles font valoir que la revendication 23 décrit une nouvelle utilisation, à savoir l'usage d'azithromycine administrée par voie orale qui n'a aucune interaction avec les aliments en vue de traiter une infection microbienne chez un patient qui a mangé. L'expert de Pfizer, M. Rapp, dit, au paragraphe 46 de son affidavit, que [traduction] « [...] la revendication 23 concerne la formulation pharmaceutique qui n'a pas d'interaction avec les aliments ou, plus particulièrement, l'utilisation d'une forme posologique d'azithromycine pour traiter une infection microbienne chez un malade qui a mangé » . Au paragraphe 37 de son affidavit, le Dr Andriole, également expert de Pfizer, considère que la revendication 23 [traduction] « [...] revendique l'utilisation d'une préparation d'azithromycine qui n'interagit pas avec les aliments dans le traitement d'une infection microbienne chez un patient qui a mangé. » La demanderesse soutient donc que les éléments essentiels de la revendication 23 sont les suivants : 1) l'administration par voie orale d'une forme posologique d'azithromycine; 2) pour traiter une infection microbienne; 3) la forme posologique orale n'ayant pas d'interaction avec les aliments chez un patient qui a mangé.

53                 La défenderesse affirme que l'invention incluse dans le brevet 071, et dont un seul aspect est représenté dans la revendication 23, consiste à administrer une forme posologique à désintégration rapide d'azithromycine afin de contrer l'interaction avec les aliments observée dans le cas des capsules. Les deux experts de l'intimé déclarent que les termes « interaction avec les aliments » et « un patient qui a mangé » sont définis dans le brevet. Ils reconnaissent qu'on devrait considérer que l'expression « forme posologique pharmaceutique » englobe toutes les formes posologiques et non seulement les formes orales. La défenderesse soutient donc que les éléments essentiels de la revendication 23 sont les suivants : 1) l'utilisation d'une quantité thérapeutiquement efficace d'azithromycine; 2) pour fabriquer une forme posologique pharmaceutique qui n'interagit pas avec les aliments; 3) qui est administrée à un patient ayant mangé, 4) en vue de traiter une infection microbienne.

(4)        L'interprétation de la Cour

54                 D'abord, il convient de noter que la revendication 23 renvoie par erreur à une « antimicrobial infection » ( « infection antimicrobienne » ). Les deux parties reconnaissent qu'on voulait dire « microbial infection » ( « infection microbienne » ) dans la revendication 23. Elles reconnaissent que l'erreur est sans conséquence pour la demande en cause.


55                 Pour ce qui est de l'objet de l'invention divulguée dans le brevet 071, l'historique de l'invention et le résumé détaillé expliquent, comme le laisse entendre Pfizer, que l'interaction avec les aliments observée dans le cas des capsules d'azithromycine constituait un problème dans le traitement des patients parce que la capsule devait être prise à jeun. Le brevet 071 indique donc qu'il serait utile si l'azithromycine pouvait être administrée à des patients qui ont mangé. La solution à ce problème est démontrée par le brevet 071.

56                 Après avoir examiné les revendications et l'ensemble de la divulgation, et après avoir examiné le témoignage des experts visant à aider la Cour à interpréter de manière éclairée le brevet, j'estime que les éléments essentiels de l'invention divulguée par les revendications en litige du brevet 071 sont à tout le moins les suivants :

1)         une forme posologique pharmaceutique orale;

2)         contenant une quantité thérapeutiquement efficace d'azithromycine;

3)         qui n'aura pas d'interaction avec les aliments lorsqu'elle est administrée, dans le cadre du traitement d'une infection microbienne, à un patient qui a mangé;


4)         si au moins environ 90 % de l'azithromycine est dissoute en l'espace d'environ 30 minutes lorsqu'une quantité de la forme posologique équivalant à 200 mg d'azithromycine est mise à l'essai conformément à la méthode USP < 711 > dans un appareil de dissolution USP-2 dans des conditions satisfaisant aux critères minimaux suivants : 900 mL d'un tampon de phosphate de sodium, pH de 6,0, température de 37 oC, vitesse de rotation de 100 tr/min, pourvu que la forme posologique ne contienne pas d'oxydes ni d'hydroxydes de métaux alcalino-terreux en quantité suffisante pour masquer le goût.

57                 Deux des éléments essentiels susmentionnés ne sont pas contestés par les parties. Premièrement, le brevet 071 concerne une quantité thérapeutiquement efficace d'azithromycine et, deuxièmement, la signification des expressions « interaction avec les aliments » et « patient qui a mangé » ne sont pas contestées. Cela ressort clairement des affidavits produits en preuve par les deux parties. Le Dr Andriole et M. Rapp se sont tous les deux appuyés sur la définition de ces termes fournis par les inventeurs du brevet 071. Les experts de Novopharm, MM. Rudolph et Kanfer, reconnaissent que les termes « interaction avec les aliments » et « patient qui a mangé » sont définis dans le brevet 071.

58                 Le brevet 071 définit l'expression « interaction avec les aliments » de la façon suivante :

[traduction] En général, on sait que l'absorption et la biodisponibilité d'un agent thérapeutique donné peuvent être altérées par de nombreux facteurs lorsque cet agent est administré par voie orale. Au nombre de ces facteurs figure la présence d'aliments dans le tractus gastro-intestinal (GI), parce que, de façon générale, la durée de séjour dans l'estomac d'un médicament est habituellement beaucoup plus longue en présence de nourriture que lorsque le patient est à jeun. Si la présence d'aliments dans le tractus GI nuit au-delà d'un certain point à la biodisponibilité du médicament, on dit de ce dernier qu'il a une « interaction avec les aliments » . Les interactions avec les aliments sont importantes dans la mesure où, lorsqu'un médicament interagit avec les aliments, il y a un risque associé à l'administration du médicament à un patient qui a mangé récemment. Le risque tient à la possibilité que l'absorption dans la circulation sanguine puisse être abaissée au point où le patient n'absorbe pas une quantité suffisante du médicament pour corriger le problème visé par le traitement.

59                 Le brevet 071 définit l'expression « patient qui a mangé » :


[traduction] La référence ici et dans les revendications à un mammifère (y compris un humain) qui a « mangé » indique que le mammifère a consommé des aliments quelconques dans l'heure qui a précédé l'administration de la dose ou dans les deux heures suivantes.

60                 L'expression « forme posologique pharmaceutique » , fréquemment utilisée dans le brevet, notamment dans la revendication 23, est toutefois un point litigieux entre les parties. Plus précisément, les parties se demandent si, partout dans le brevet 071, cette expression englobe toutes les formes posologiques pharmaceutiques, comme le soutient Novopharm, ou si elle se limite aux formes posologiques pharmaceutiques orales, comme le prétend Pfizer. Je considère que tous les experts sont qualifiés pour donner une opinion à ce sujet. À mon avis, il s'agit dans tous les cas de personnes versées dans l'art qui peuvent aider la Cour à établir ce qu'on entend par « forme posologique pharmaceutique » dans le cadre du brevet 071.


61                 Je commence par examiner les revendications du brevet 071 pour déterminer si elles contiennent des indices pouvant aider la Cour à interpréter la signification de l'expression « forme posologique pharmaceutique » dans le cadre du brevet 071. Les revendications 1, 3, 6, 9, 11, 14 et 17 renvoient toutes à une « forme posologique orale d'azithromycine » . Les revendications 1, 9, 18, 24, 25, 26, 27 et 28 concernent les comprimés. Les revendications 3, 11, 19, 20, 29, 30 et 31 ont trait à une poudre. Les revendications 6, 14, 21, 22, 32 et 33 traitent d'un sachet-dose. Les revendications 2, 4, 5, 7, 8, 10, 12, 13, 15 et 16 sont toutes des revendications dépendantes, renvoyant à une forme posologique définie dans les revendications précédentes qui, comme je l'ai déjà indiqué, ne décrivent que les formes posologiques pharmaceutiques orales. C'est seulement dans la revendication 23 qu'il n'y a aucune mention d'une « forme posologique orale » ; les inventeurs parlent plutôt d'une « forme posologique pharmaceutique » qui n'a pas d'interaction avec les aliments chez un patient qui a mangé.

62                 À la lumière des définitions d' « interaction avec les aliments » et de « patient qui a mangé » dans le brevet 071, je crois qu'il y a de bons indices montrant que la revendication 23 s'applique également à des formes posologiques orales. Par exemple, la « durée de séjour dans l'estomac d'un médicament » , qui ne peut s'appliquer qu'à un médicament qui a été ingéré, est un élément de la définition de l' « interaction avec les aliments » et laisse peu de doute sur le fait que les formes posologiques non orales n'étaient pas censées être incluses dans la revendication 23. Compte tenu des définitions et des termes employés dans la revendication 23, je suis convaincu que cette dernière renvoie à des formes posologiques pharmaceutiques orales.

63                 Ma conclusion est étayée par le mémoire descriptif et le témoignage des experts. Dans la demande, la forme posologique orale est clairement indiquée dans l'extrait suivant tiré du résumé de l'invention :

[traduction] À un autre égard, cette invention concerne une forme posologique orale d'azithromycine spécifique qui n'interagit pas avec les aliments. [...] La forme posologique est un comprimé (incluant les formes qui peuvent être uniquement avalées et celles qui peuvent être croquées), sous la forme d'un sachet-dose, sous la forme d'une suspension fabriquée à partir d'un sachet-dose, sous la forme d'une poudre pour une suspension orale et sous la forme d'une suspension orale comme telle. [Non souligné dans l'original.]

64                 Les extraits suivants tirés du mémoire descriptif du brevet 071 montrent clairement que l'invention concerne une forme posologique orale d'azithromycine. Je reproduis ci-dessous certains extraits de l'exposé de l'invention :


[traduction] En général, on sait que l'absorption et la biodisponibilité d'un agent thérapeutique donné peuvent être altérées par de nombreux facteurs lorsque cet agent est administré par voie orale.

[...]

À un autre égard, cette invention fournit une méthode de traitement d'une infection microbienne chez un mammifère qui comprend l'administration, à un mammifère ayant mangé et ayant besoin d'un tel traitement, d'une quantité d'azithromycine efficace contre les microbes dans une forme posologique orale qui n'a aucune interaction notable avec les aliments.

[...]

Pour les besoins de la définition et pour la mesure de la SSC après la prise de nourriture, une population de sujets ayant mangé est constituée de sujets qui ont pris un petit déjeuner standard à haute teneur en matières grasses recommandé par la Food and Drug Administration (FDA) à l'intérieur d'une période de 20 minutes, puis ont ingéré (c.-à-d. avalé) la forme posologique étudiée essentiellement tout de suite après.

[...]

Tel qu'indiqué, les formes posologiques orales d'azithromycine divulguées et décrites ci-dessus peuvent être administrées à un mammifère, y compris un humain, qui a besoin d'un tel traitement lorsque le mammifère a mangé, peu importe quand et peu importe la nature et la quantité d'aliments, sans qu'il y ait d'interaction avec les aliments. [Non souligné dans l'original.]

65                 Bien que la preuve d'expert produite par Novopharm semble indiquer que la « forme posologique pharmaceutique » englobe, dans le cadre du brevet 071, toutes les formes posologiques, notamment les formes posologiques non orales, le contraire a été admis par ces mêmes experts lors de leur contre-interrogatoire sur leur affidavit. Comme le souligne Pfizer, M. Rudolph et M. Kanfer ont reconnu en contre-interrogatoire que la revendication 23, la seule revendication interprétée par les parties, est censée renvoyer aux formes posologiques administrées par voie orale. J'ai reproduit une partie de leur témoignage :

M. Rudolph, page 1696 du volume 7 du dossier des demanderesses :

[traduction]


Q.            Et vous avez compris que les inventeurs décrivaient leur invention s'appliquant aux formes posologiques orales, exact?

R.            Oui.

M. Kanfer, page 1910 du volume 8 du dossier des demanderesses :

[traduction]

Q.            Mais les inventeurs n'ont pas divulgué ni décrit nulle part, dans le brevet 071, une forme posologique d'azithromycine par voie intraveineuse?

R.            Ils ne l'ont pas fait.

Q.             En fait, ils parlent de formes posologiques orales qui sont avalées, est-ce exact?

R.            C'est exact.

66                 Le Dr Andriole, expert de Pfizer, a affirmé durant son contre-interrogatoire sur son affidavit, aux pages 1126 et 1127 du dossier des demanderesses, que le brevet met l'accent sur le traitement oral :

[traduction]

Q.            Il est question dans la revendication 23 d' « une forme posologique pharmaceutique » . En termes clairs, cela signifie toute forme posologique pharmaceutique connue en date d'avril 1994?

R.            Elle englobe toutes les formes posologiques pharmaceutiques.

Q.            Le brevet exclut expressément les capsules?

R.            Oui.

Q.            Alors, ce sont toutes les autres formes. Cela inclut-il toutes les formes posologiques, peu importe la façon dont elles sont fabriquées et formulées?

R.            Oui, mais l'idée est d'offrir un traitement oral; ce n'est pas un traitement intraveineux ni d'un autre type. C'est là l'objet central du brevet. [Non souligné dans l'original.]


67                 Pour effectuer l'interprétation téléologique de la revendication 23, je m'inspire des principes énoncés plus tôt dans les présents motifs et je conclus donc que la « forme posologique pharmaceutique » telle qu'elle est mentionnée dans la revendication 23 s'applique, dans le contexte du brevet 071, aux formes posologiques pharmaceutiques orales. Mon interprétation se fonde sur les revendications interprétées dans le contexte du mémoire descriptif en entier. Comme nous l'avons vu, cette interprétation est confirmée par tous les témoins experts.

68                 Accepter l'argument de Novopharm selon lequel la « forme posologique pharmaceutique » devrait inclure toutes les formes posologiques non orales, telles que les timbres transdermiques, les solutions IV, les suppositoires, etc., donnerait lieu à une interprétation non voulue de la revendication 23. Il ne peut y avoir de lien entre ces formes posologiques non orales et une interaction avec les aliments vu qu'elles ne sont pas ingérées. La résolution du problème de l'interaction avec les aliments est l'objectif fondamental visé par les inventeurs dans le brevet 071. Par conséquent, une telle interprétation n'aurait pas pu être voulue par les inventeurs.

69                 Je vais maintenant examiner le quatrième élément essentiel de l'invention :

[traduction]

(4)            si au moins environ 90 % de l'azithromycine est dissoute en l'espace d'environ 30 minutes lorsqu'une quantité de la forme posologique équivalant à 200 mg d'azithromycine est mise à l'essai conformément à la méthode USP < 711 > dans un appareil de dissolution USP-2 dans des conditions satisfaisant aux critères minimaux suivants : 900 mL d'un tampon de phosphate de sodium, pH de 6,0, température de 37 oC, vitesse de rotation de 100 tr/min, pourvu que la forme posologique ne contienne pas d'oxydes ni d'hydroxydes de métaux alcalino-terreux en quantité suffisante pour masquer le goût.


70                 Tel qu'indiqué, le brevet 071 offre une solution au problème observé par Pfizer, à savoir que l'azithromycine sous forme de capsule interagit avec les aliments. Les formes posologiques pharmaceutiques orales décrites dans le brevet 071 (comprimés, poudres, sachets-dose, suspensions fabriquées à partir d'un sachet-dose et suspension orale fabriquée à partir d'une poudre) et fabriquées selon la formulation divulguée dans le brevet 071 n'ont pas une telle interaction avec les aliments lorsqu'elles sont administrées à un patient qui a mangé. Les inventeurs, dans le résumé de l'invention, déclarent que la [traduction] « forme posologique comprend de l'azithromycine et un véhicule pharmaceutiquement acceptable, ci-après décrit plus en détail. »

71                 Les revendications servent la fonction du brevet, qui est d'aviser la population, et délimitent la portée de l'invention. Un examen attentif des revendications 1, 3 et 6 du brevet 071 montre que celles-ci divulguent des seuils de dissolution et d'absorption qui doivent être atteints par différentes formes posologiques pharmaceutiques orales d'azithromycine ne présentant aucune interaction notable avec les médicaments. Autrement dit, les formes pharmaceutiques de base d'azithromycine divulguées dans le brevet 071 (comprimés, poudres et sachets-dose), qui comprennent une quantité thérapeutiquement efficace d'azithromycine et un véhicule, comme nous l'enseigne le résumé de l'invention, doivent être formulées de façon à atteindre le critère de dissolution et d'absorption énoncé dans les revendications 1, 3 et 6 afin de n'avoir aucune interaction avec les aliments lorsqu'elles sont administrées à un patient qui a mangé. Ces éléments ne peuvent être remplacés ou omis sans altérer le fonctionnement de l'invention. Ce que nous montre précisément cet élément, c'est qu'on ne pourrait produire la forme posologique brevetée en vue de surmonter le problème de l'interaction avec les aliments. À mon avis, c'est un élément essentiel de l'invention. Cet élément essentiel est reproduit dans les revendications suivantes :

[traduction]


revendication 1.     Une forme posologique orale d'azithromycine sous forme de comprimé obtenu par granulation humide, qui peut être administré a un mammifère ayant mangé, qui contient de l'azithromycine et un délitant et qui n'a aucune interaction notable avec les aliments, la forme posologique permettant la dissolution d'au moins environ 90 % de l'azithromycine en l'espace d'environ 30 minutes, lorsqu'une quantité de la forme posologique équivalant à 200 mg d'azithromycine est mise à l'essai conformément à la méthode USP < 711 > dans un appareil de dissolution USP-2 dans des conditions satisfaisant aux critères minimaux suivants : 900 mL d'un tampon de phosphate de sodium, pH de 6,0, température de 37 EC, vitesse de rotation de 100 tr/min, pourvu que la forme posologique ne contienne pas d'oxydes ni d'hydroxydes de métaux alcalino-terreux en quantité suffisante pour masquer le goût.

revendication 3.     Une forme posologique orale d'azithromycine sous forme de poudre pour suspension buvable, qui peut être administrée à un mammifère ayant mangé, qui contient de l'azithromycine, un ou plusieurs agents épaississants et un tampon anhydre et qui n'a aucune interaction notable avec les aliments, la forme posologique permettant la dissolution d'au moins environ 90 % de l'azithromycine en l'espace d'environ 30 minutes, lorsqu'une quantité de la forme posologique équivalant à 200 mg d'azithromycine est mise à l'essai conformément à la méthode USP < 711 > dans un appareil de dissolution USP-2 dans des conditions satisfaisant aux critères minimaux suivants : 900 mL d'un tampon de phosphate de sodium, pH de 6,0, température de 37 EC, vitesse de rotation de 100 tr/mn, pourvu que la forme posologique ne contienne pas d'oxydes ni d'hydroxydes de métaux alcalino-terreux en quantité suffisante pour masquer le goût.

revendication 6.    Une forme posologique orale d'azithromycine sous forme de sachet-dose, qui peut être administrée à un mammifère ayant mangé, qui contient de l'azithromycine et un agent dispersant et qui n'a aucune interaction notable avec les aliments, la forme posologique permettant la dissolution d'au moins environ 90 % de l'azithromycine en l'espace d'environ 30 minutes, lorsqu'une quantité de la forme posologique équivalant à 200 mg d'azithromycine est mise à l'essai conformément à la méthode USP < 711 > dans un appareil de dissolution USP-2 dans des conditions satisfaisant aux critères minimaux suivants : 900 mL d'un tampon de phosphate de sodium, pH de 6,0, température de 37 EC, vitesse de rotation de 100 tr/min, pourvu que la forme posologique ne contienne pas d'oxydes ni d'hydroxydes de métaux alcalino-terreux en quantité suffisante pour masquer le goût. [Non souligné dans l'original]

72                 De plus, ce critère est également établi et expliqué dans l'exposé de l'invention. À la page 7 du brevet 071, les inventeurs affirment ce qui suit :


[traduction] Une forme posologique d'azithromycine autre qu'une capsule est considérée également comme étant visée par les revendications annexées si elle respecte les critères pour les tests de dissolution in vitro ici énumérés. Dans la forme posologique d'azithromycine, visée par l'invention, au moins environ 90 % de l'azithromycine est dissoute en l'espace de 30 minutes, de préférence en l'espace de 15 minutes, lorsqu'une quantité de la forme posologique équivalant à 220 mg d'azithromycine est mise à l'essai conformément à la méthode USP < 711 > dans un appareil de dissolution USP-2 dans des conditions satisfaisant aux critères minimaux suivants : 900 mL env. 0,1 M d'un tampon de phosphate de sodium dibasique, pH de 6,0, température de 37 ° C, vitesse de rotation de 100 tr/min. Ce test est décrit dans l'US Pharmacopaea XXII, pp. 1578-1579. Les formes posologiques qui réussissent le test dans des conditions plus strictes (volume plus faible de tampon, quantité plus grande de la forme posologique, température plus basse, pH plus élevé, vitesse de rotation plus lente) sont aussi incluses dans la définition ci-dessus. Toute modification de ce test est également ici décrite. On pense que le temps requis pour la dissolution d'une forme posologique particulière d'azithromycine dans ce test in vitro est un indicateur du temps requis pour la dissolution de la forme posologique dans le milieu GI.

73                 En résumé, pour les besoins de la présente demande et compte tenu des revendications en litige, le brevet 971 divulgue les éléments essentiels suivants : 1) une forme posologique pharmaceutique orale, 2) contenant une quantité thérapeutiquement efficace d'azithromycine, 3) qui n'aura pas d'interaction avec les aliments lorsqu'elle est administrée, dans le cadre du traitement d'une infection microbienne, à un patient qui a mangé, si 4) au moins environ 90 % de l'azithromycine est dissoute en l'espace d'environ 30 minutes lorsqu'une quantité de la forme posologique équivalant à 200 mg d'azithromycine est testée conformément à la méthode USP < 711 > dans un appareil de dissolution USP-2 dans des conditions satisfaisant aux critères minimaux suivants : 900 ml d'un tampon de phosphate de sodium, pH de 6,0, température de 37 ° C, vitesse de rotation de 100 tr/min, pourvu que la forme posologique ne contienne pas d'oxydes ni d'hydroxydes de métaux alcalino-terreux en quantité suffisante pour masquer le goût.


12.       Revendications relatives au comprimé - Granulation humide

74                 Les revendications relatives au comprimé décrivent un comprimé « obtenu par granulation humide » . Le principal argument de la défenderesse est qu'elle ne contrefera pas les revendications relatives aux comprimés du brevet 071 vu qu'elle envisage de fabriquer ses comprimés au moyen d'un procédé différent, à savoir la « granulation sèche » par opposition à la « granulation humide » . Pour les motifs qui suivent, j'estime que le « procédé de granulation humide » n'est pas un élément essentiel de l'invention.

75                 L'interprétation des revendications du brevet permet à la Cour de distinguer les éléments essentiels des éléments non essentiels. Dans Free World Trust, précité, la Cour suprême du Canada a statué que les éléments essentiels et les éléments non essentiels doivent être déterminés de la manière suivante :

1)               en fonction des connaissances usuelles d'un travailleur versé dans l'art dont relève l'invention;

2)               ce qui constitue un élément « essentiel » doit être déterminé en fonction des connaissances acquises dans le domaine à la date de la publication;

3)               il faut se demander s'il était manifeste, au moment où le brevet a été publié, que la substitution d'une variante modifierait le fonctionnement de l'invention;

4)               conformément à l'intention de l'inventeur, expresse ou inférée des revendications;

5)               interprétation fondée sur le mémoire descriptif lui-même, indépendamment de toute preuve extrinsèque.


Si j'applique ces principes, je me vois incapable de conclure que la « granulation humide » dont il est question dans les revendications 1, 9 et 24 constitue un élément essentiel de l'invention divulguée dans le brevet 071. Il aurait été manifeste pour la personne versée dans l'art, à la date de la publication du brevet, que cet élément particulier pouvait être remplacé sans que le fonctionnement de l'invention en soit modifié. J'expose ci-dessous les motifs de cette conclusion.

76                 Les revendications en litige qui visent les comprimés, soit les revendications 1, 9 et 24, renvoient à une [traduction] « forme posologique orale d'azithromycine sous forme de comprimé obtenu par granulation humide » . Aucune des 33 revendications du brevet 071 n'explique le procédé de granulation humide, procédé particulier aux comprimés. La granulation humide est un procédé de production de comprimés qui n'est pas utilisé pour fabriquer les poudres ni les sachets-dose, les autres formes posologiques pharmaceutiques de base visées par le brevet en litige. Par conséquent, je suis convaincu qu'il est possible d'inférer à partir des revendications du brevet que les inventeurs ne considéraient pas la « granulation humide » , ni d'autres procédés spécifiques de production de comprimés, comme un élément essentiel de l'invention.

77                 Le mémoire descriptif du brevet 071 est également utile. Le texte de l'exposé de l'invention indique manifestement que le processus de production de comprimés, par granulation sèche ou humide ou par compression directe, était connu des personnes versées dans l'art et qu'il s'agissait d'un élément remplaçable. Les inventeurs ont clairement affirmé dans la description détaillée, aux pages 10 et 11 de l'exposé de l'invention, qu'un comprimé est fabriqué, pour les besoins de l'invention décrite au brevet 071, en suivant les méthodes connues dans l'art, c'est-à-dire la granulation sèche, la granulation humide ou la compression directe. Les extraits suivants sont tirés de la description détaillée de l'exposé de l'invention :


[traduction] Comme le savent les personnes versées dans l'art, les mélanges pour les comprimés peuvent être soumis à une granulation sèche ou à une granulation humide avant d'être formulés en comprimés. Ou bien, les mélanges pour les comprimés peuvent être comprimés directement. Le choix de la technique de traitement dépend des propriétés du médicament et des excipients retenus, par exemple la taille des particules, la compatibilité des éléments du mélange, la densité et l'aptitude à l'écoulement. Dans le cas des comprimés d'azithromycine, la granulation est privilégiée, la granulation humide étant la méthode de choix. L'azithromycine peut être soumise à une granulation humide, puis d'autres excipients peuvent être ajoutés à l'extérieur des granules. Ou bien, l'azithromycine et un ou plusieurs excipients peuvent être soumis à une granulation humide. En outre, les comprimés peuvent être enrobés d'un revêtement qui n'a peu ou pas d'effet positif ou négatif sur leur dissolution, afin qu'ils soient plus faciles à avaler ou que leur apparence soit plus élégante.

Le procédé comme tel de production de comprimés est sinon standard et facile, consistant à former un comprimé à partir d'un mélange désiré ou d'un mélange d'ingrédients pour obtenir la forme appropriée au moyen d'une machine à comprimer classique. La formulation et les techniques classiques de traitement des comprimés ont été largement décrites, par exemple dans Pharmaceutical Dosage Forms : Tablets, publié sous la direction de Lieberman, Lachman, and Schwartz, édité par Marcel Dekker, Inc., 2e édition, Copyright 1989. [Souligné dans le brevet.]

78                 Les inventeurs indiquent expressément dans l'exposé de l'invention que les mélanges pour les comprimés peuvent faire l'objet d'une granulation sèche, d'une granulation humide ou être directement comprimés, ce qui est connu dans le domaine. L'indication dans le brevet que quelque chose fait partie de la technique antérieure lie le titulaire du brevet : Whirlpool, précité.

79                 Aidant la Cour à interpréter les revendications du brevet, le Dr Andriole, qui a examiné l'ensemble du mémoire descriptif, confirme cette conclusion dans son affidavit. Au paragraphe 83, il déclare :

[traduction] Toutefois, les inventeurs divulguent que les comprimés peuvent être obtenus par granulation humide, granulation sèche ou compression directe, la granulation humide étant la méthode privilégiée.


80                   Contre-interrogé sur son affidavit, M. Rudolph a reconnu que les passages précédemment cités de l'exposé de l'invention du brevet 071 dénotent l'intention des inventeurs de laisser à une personne versée dans l'art le soin d'exercer un certain savoir-faire pour le procédé de fabrication de comprimés. Voir la page 1713 du dossier des demanderesses, où l'échange suivant est consigné :

[traduction]

Q.          Et vous avez compris que les inventeurs prévoyaient qu'un certain savoir-faire serait exercé dans le procédé de fabrication de comprimés lui-même, est-ce exact?

R.          Oui.

Q.          Autrement dit, la technique de fabrication des comprimés n'est pas entièrement décrite aux pages 8 à 11, mais les inventeurs prévoyaient qu'une personne versée dans l'art capable de fabriquer les comprimés utiliserait un certain savoir-faire, est-ce exact?

R.          Oui.

81                 À la lumière de ces considérations, je conclus que l'expression « granulation humide » présente dans les revendications relatives aux comprimés n'est pas un élément essentiel de l'invention divulguée dans le brevet 071. La granulation humide était connue, par la personne versée dans l'art, à la date de publication, comme un procédé de fabrication de comprimés. La personne versée dans l'art aurait su que le remplacement de la granulation humide par un autre procédé de fabrication de comprimés ne modifierait pas le fonctionnement de l'invention; de fait, le brevet 071 le reconnaît expressément. Il ressort clairement des revendications ou du mémoire descriptif que les inventeurs ne prévoyaient pas que le procédé soit un élément essentiel. Telle est aussi ma conclusion.

13.       Revendication 23 - Portée excessive


82                 Novopharm soutient que la revendication 23 a une portée excessive. J'accepte cet argument. Il convient d'examiner cette question dans le contexte de l'interprétation des revendications. J'exposerai maintenant les motifs de ma conclusion à ce sujet.

83                   La fonction des revendications de brevet a été judicieusement définie à la page 352 de Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines Ltd., [1947] R.C.É. 306 :

[traduction] En formulant ses revendications, l'inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l'avertissement nécessaire, et seule la propriété de l'inventeur doit être clôturée. La teneur d'une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque. Si une revendication ne remplit pas ces conditions, elle ne peut être valide.

[...] L'inventeur peut restreindre à sa guise la portée de ses revendications dans les limites de son invention, mais il ne peut leur donner une portée plus grande que l'invention. Il ne doit pas revendiquer ce qu'il n'a pas inventé, car il clôturerait ainsi un terrain qui ne lui appartient pas. [Non souligné dans l'original.]

84                 S'il est vrai que chaque revendication doit être examinée dans le contexte de l'ensemble du mémoire descriptif, la question qu'il faut trancher lorsqu'on doit se prononcer sur l'argument voulant qu'une revendication porte sur un résultat souhaité est celle de savoir si celle-ci dépasse la portée de la divulgation sur laquelle elle se fonde : Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 1349; [2004] A.C.F. no 1644 (QL).


85                 Pfizer soutient que la revendication 23 est soigneusement formulée de façon à représenter l'invention du brevet 071 et est tout à fait dans les limites de ce qui pourrait être considéré comme une juste récompense pour avoir surmonté le problème de l'interaction avec les aliments associé aux capsules d'azithromycine. Elle fait valoir qu'une personne versée dans l'art comprendrait bien que la revendication 23 vise une nouvelle utilisation d'un ancien composé, à savoir l'administration par voie orale d'azithromycine, sans interaction avec les aliments chez un patient qui a mangé. Pfizer ajoute que l'azithromycine destinée à un patient qui a mangé et n'ayant aucune interaction avec les aliments n'a nul besoin de se limiter à une forme posologique particulière. Pfizer soutient que la nature précise de la forme posologique qui peut ainsi être administrée est facilement identifiable à partir du brevet par une personne qui possède une compétence ordinaire dans le domaine.

86                 Novopharm prétend que la revendication 23 est simplement une reformulation du résultat souhaité par les inventeurs. Elle ne revendique pas une façon particulière d'obtenir ce résultat, mais plutôt toutes les façons d'y arriver. Novopharm soutient que la revendication 23 est une tentative par Pfizer d'étendre son monopole pour englober tout ce qui peut produire le résultat souhaité.

87                 Je souscris à l'argument de Novopharm selon lequel l'invention visée par le brevet 071 a trait à la façon dont l'azithromycine devrait être formulée pour régler le problème de l'interaction avec les aliments. Même M. Rapp, un expert de Pfizer, a reconnu, lors du contre-interrogatoire sur son affidavit, que c'est ce que les inventeurs du brevet 071 ont fait. (Voir la question 6 à la page 1183 du volume 5 du dossier des demanderesses.)


88                 À mon avis, la formulation de la forme posologique pharmaceutique orale, conformément aux éléments essentiels des revendications en litige, constitue l'essence de l'invention décrite dans le brevet 071. On trouve dans les revendications 1, 3 et 6 du brevet 071 des exemples des formes posologiques expressément décrites. La revendication 23 ne revendique pas de formulation particulière d'une forme posologique, elle revendique toute « préparation » d'une forme posologique orale qui peut n'avoir aucune interaction avec les aliments. En d'autres termes, la revendication 23 revendique le résultat souhaité. C'est le même résultat souhaité qui est exprimé différemment par les inventeurs dans la section « Historique de l'invention » dans l'exposé de l'invention : [traduction] « Il serait donc utile que l'azithromycine puisse être administrée à des patients qui ont mangé récemment et également que l'on dispose d'une forme posologique d'azithromycine qui pourrait être administrée à des patients ayant mangé de même qu'à des patients à jeun » (non souligné dans l'original). Les deux experts de Novopharm souscrivent à cette interprétation de la revendication 23. Leur témoignage est utile vu qu'ils sont tous les deux versés dans l'art de formuler des formes posologiques pharmaceutiques. Il convient donc de reproduire leur témoignage.

89                 À partir du paragraphe 32 de son affidavit, M. Rudolph déclare ce qui suit :

[traduction]

32.             À mon avis, la revendication 23 est une déclaration d'un résultat souhaitable ou attribué de l'azithromycine. Autrement dit, la revendication 23 ne nous dit pas comment le problème d'une interaction avec les aliments associé aux capsules a été résolu. Il dit simplement que la forme posologique ne présente pas d'interaction avec les aliments. La revendication 23 englobe donc tous les types de formes posologiques pharmaceutiques qui n'ont pas d'interaction avec les aliments.


33.             Une personne versée dans l'art en avril 1994 aurait su qu'il était souhaitable qu'une forme posologique pharmaceutique possède les caractéristiques suivantes :

a)             elle contient une quantité thérapeutiquement efficace du médicament;

b)            elle n'a que peu ou pas d'interaction avec les aliments dans le cas d'une forme posologique orale;

c)             elle peut être administrée à un patient en tout temps, peu importe le moment de la dernière prise de nourriture dans le cas d'une forme posologique orale;

d)            elle peut aider à traiter la maladie.

34.             La revendication 23 reflète simplement la déclaration suivante dans le brevet 071 qui résume le problème que les inventeurs tentaient de surmonter :

Il serait donc utile que l'azithromycine puisse être administrée à des patients qui ont mangé récemment et également que l'on dispose d'une forme posologique d'azithromycine qui pourrait être administrée à des patients ayant mangé de même qu'à des patients à jeun. »

35.             Je suis d'avis que la revendication 23 ne fait que reformuler le résultat souhaité que les inventeurs tentaient d'obtenir. La revendication 23 ne nous dit pas comment atteindre ce résultat, elle reformule simplement la citation ci-dessus. La revendication n'englobe donc pas les façons d'obtenir les caractéristiques/ résultats souhaités dans une forme posologique pharmaceutique d'azythromycine. Par exemple, la revendication 23 est dénuée de tout enseignement indiquant que la forme posologique doit être formulée de façon que la désintégration/dissolution soit rapide afin d'atténuer les interactions avec les aliments. La revendication 23 ne dit pas comment en arriver à atténuer l'interaction avec les aliments.

90                 À partir du paragraphe 30 de son affidavit, M. Kanfer déclare ce qui suit :

[traduction]

30.              Selon moi, la revendication 23 n'est qu'une déclaration d'un résultat souhaité pour l'azithromycine. Il était évident en avril 1994 qu'il était souhaitable de formuler une forme posologique d'azithromycine qui posséderait une quantité thérapeutiquement efficace du médicament et n'interagirait pas avec les aliments.

31.             La revendication 23 ne fait que résumer simplement le résultat souhaité. Aucune indication n'est donnée dans la revendication 23 quant à la façon d'atteindre ce résultat.


32.             Il n'y a pas de distinction entre la revendication 23 et la déclaration suivante dans le brevet 071 qui résume le problème que les inventeurs tentaient de surmonter :

« Il serait donc utile que l'azithromycine puisse être administrée à des patients qui ont mangé récemment et également que l'on dispose d'une forme posologique d'azithromycine qui pourrait être administrée à des patients ayant mangé de même qu'à des patients à jeun. »

33.             La revendication 23 ne donne donc pas à la personne versée dans l'art d'indication quant à la façon de surmonter le problème que les inventeurs du brevet 071 ont cerné.

91                 Au paragraphe 32 de l'exposé de ses motifs dans l'arrêt Free World Trust, précité, le juge Binnie a dit que « [...] l'ingéniosité propre à un brevet ne tient pas à la détermination d'un résultat souhaitable, mais bien à l'enseignement d'un moyen particulier d'y parvenir. La portée des revendications ne peut être extensible au point de permettre au breveté d'exercer un monopole sur tout moyen d'obtenir le résultat souhaité. »


92                 Bien que je reconnaisse que la nature précise de la forme posologique décrite dans le brevet 071 est facilement identifiable à partir du brevet par une personne qui possède une compétence ordinaire dans le domaine, la description détaillée de l'invention commençant à la page 6 du brevet définit les paramètres de désintégration et de dissolution de la formulation. À la page 7, il est dit que [traduction] « [...] Une forme posologique d'azithromycine autre qu'une capsule est considérée également comme étant visée par les revendications annexées si elle respecte les critères pour les tests de dissolution in vitro ici énumérés. » Ces critères sont reproduits en gros aux revendications 1, 3 et 6 du brevet 071, mais non à la revendication 23. Rien dans le texte du mémoire descriptif ou de la revendication 23 ne permettrait de limiter la portée de la revendication 23 à la « préparation » de formes posologiques pharmaceutiques orales décrites dans la description détaillée. Le texte de la revendication 23 est clair : utilisation d'une quantité efficace d'azithromycine pour la préparation d'une forme posologique pharmaceutique orale afin de surmonter le problème de l'interaction avec les aliments chez les patients qui ont mangé, essentiellement à mon avis, pour atteindre le résultat souhaité. La revendication 23 a une portée excessive. Elle revendique quelque chose qui dépasse le cadre du brevet. Après avoir examiné l'ensemble du mémoire descriptif, je conclus que l'expression « préparation d'une forme posologique pharmaceutique » dans la revendication 23 ne peut se limiter uniquement à la formulation décrite dans l'exposé de l'invention. Sinon, ce serait imposer à la revendication 23 une limite qui ne peut être déduite des termes clairs de la revendication.

93                 En résumé, je conclus que la revendication 23 du brevet 071 porte sur un résultat souhaitable. Je conclus en outre que la revendication 23 outrepasse la portée du brevet en ce qu'elle est excessive, dans la mesure où elle s'applique à toute « préparation » qui permettrait d'obtenir la production d'une forme posologique pharmaceutique orale contenant une quantité thérapeutiquement efficace d'azithromycine exempte d'interaction avec les aliments. À mon sens, l'inventeur essaie au moyen de la revendication 23 de s'assurer un monopole sur toute « préparation » qui permettrait d'obtenir le résultat souhaitable. La revendication 23 est donc trop générale et de portée trop vaste; en conséquence, l'allégation de l'invalidité de cette revendication est fondée.

14.       Question 1 :       Les allégations d'absence de contrefaçon formulées dans l'avis d'allégation de Novopharm sont-elles fondées?


94                 La contestation entre les parties touchant l'allégation d'absence de contrefaçon est centrée sur l'élément de la « granulation humide » . Novopharm a soutenu dans son avis d'allégation que les revendications relatives au comprimé ne seraient pas contrefaites par l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente du comprimé Novopharm parce que, contrairement à Pfizer, la défenderesse projette de fabriquer ses comprimés par « granulation sèche » . Pfizer fait valoir que Novopharm n'a pas produit d'éléments de preuve à l'appui de cette allégation.

95                 Les allégations d'absence de contrefaçon sont présumées vraies, et Pfizer doit réfuter, suivant la prépondérance de la preuve, toutes les allégations formulées par la partie adverse, lesquelles, si elles ne sont pas contestées, autorisent le ministre à délivrer un avis de conformité : Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1994] A.C.F. no 662 (QL). Cependant, le paragraphe 6(6) du Règlement prévoit que, en l'absence d'une preuve contraire, le médicament que la seconde personne projette de produire est réputé préparé ou produit selon le procédé breveté.


96                 Aux fins de l'interprétation des revendications en litige et pour les motifs exposés plus haut, j'ai recensé les quatre éléments essentiels de l'invention. J'ai conclu que les termes « granulation humide » des revendications relatives au comprimé, plus précisément des revendications 1, 9 et 24, ne constituent pas un élément essentiel de l'invention divulguée par le brevet 071. J'ai conclu qu'il eût été évident pour la personne versée dans l'art, à la date de la publication du brevet, que cet élément particulier pouvait être remplacé sans que soit modifié le fonctionnement de l'invention. J'ai aussi conclu que tout procédé particulier de production de comprimés ne forme pas un élément essentiel de l'invention. Comme la « granulation humide » n'est pas un élément essentiel de l'invention et que l'allégation d'absence de contrefaçon formulée par Novoparm repose uniquement sur le fait qu'elle compte fabriquer ses produits selon un procédé différent, à savoir la « granulation sèche » , cette allégation ne peut être fondée. Même si la preuve établissait que la « granulation sèche » que Novopharm projette d'utiliser est effectivement un procédé différent de celui qu'utilise Pfizer pour fabriquer ses comprimés, l'allégation n'en serait pas pour autant fondée puisqu'elle repose sur un élément qui n'est pas essentiel à l'invention. Vu les circonstances, peu importe que Novopharm projette de produire ses comprimés selon le procédé de la « granulation sèche » . Le procédé envisagé n'est pas un élément essentiel du brevet 071.

97                 Même si la conclusion que je viens de formuler tranche la question du bien-fondé de l'allégation d'absence de contrefaçon formulée par Novopharm, j'examinerai néanmoins l'argument de Pfizer selon lequel Novopharm n'a pas produit d'éléments de preuve à l'appui de cette allégation.

98                 Pfizer fait valoir que les dispositions du paragraphe 6(6) sont applicables à la présente espèce : comme Novopharm n'a pas produit d'éléments de preuve pour établir qu'elle ne fabrique pas ses comprimés par granulation sèche, son produit est réputé préparé ou produit selon le procédé breveté.


99                 Novopharm soutient quant à elle que la présomption énoncée au paragraphe 6(6) du Règlement ne peut s'appliquer à la présente espèce. Elle fait valoir que ce nouvel argument, que Pfizer n'a pas formulé dans son avis de demande, représente pour elle un préjudice grave, et qu'il a été avancé pour la première fois dans l'exposé des arguments de Pfizer, en contravention de l'alinéa 301e) des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (Règles des Cours fédérales, DORS/2004-283, article 2), qui prévoit que l'avis de demande doit contenir un énoncé complet et concis des motifs que le demandeur prévoit d'invoquer. Je rejette l'argument de Novopharm. Je conclus que Pfizer a effectivement avancé dans son avis de demande l'argument qu'il n'y avait pas de preuves à l'appui de l'allégation d'absence de contrefaçon formulée par Novopharm, et qu'elle a effectivement fait référence au Règlement. J'ai du mal à croire que Novopharm, comme elle le prétend, ait été prise au dépourvu et ait subi un préjudice grave du fait que Pfizer ait invoqué le paragraphe 6(6), alors que les demanderesses ont déclaré expressément dans leur avis de demande qu'elles invoqueraient le Règlement et qu'elles soutiendraient que Novopharm n'avait pas produit d'éléments de preuve à l'appui de son allégation d'absence de contrefaçon.

100             Je conclus cependant que la présomption énoncée au paragraphe 6(6) du Règlement ne peut s'appliquer aux faits de la présente espèce pour les motifs qui suivent, différents de ceux invoqués par Novopharm.

101             Le libellé du paragraphe 6(6) du Règlement est clair. Pour que la présomption soit applicable, il faut qu'il soit question d'une allégation faite « à l'égard d'un brevet » et « que ce brevet [ait] été accordé pour le médicament en soi [...] (non souligné dans l'original). Or, le terme « médicament » est défini comme suit à l'article 2 de la Loi :



« médicament » Substance destinée à servir ou pouvant servir au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes

"medicine" means a substance intended or capable of being used for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or the symptoms thereof;


102             En l'espèce, le brevet n'a pas été délivré pour le médicament « azithromycine » . Il a plutôt été accordé pour une « drogue » qui contient le « médicament » azithromycine. C'est la drogue dans ses différentes formulations et non le médicament qui est l'invention revendiquée dans le brevet 071. Je souscris à la conclusion de la juge Dawson qui a dit au paragraphe 26 dans Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 676, 26 C.P.R. (4th) 360, « J'accepte l'argument du ministre voulant que, selon le Règlement, "drogue" et "médicament" ne soient pas équivalents. De fait, une "drogue" se compose entre autres choses d'un médicament » .

103             Comme la présomption du paragraphe 6(6) du Règlement ne se rapporte pas à une drogue, elle ne peut être applicable au brevet 071. Il résulte de la conclusion que je viens de formuler que Pfizer ne peut invoquer cette présomption pour réfuter l'allégation d'absence de contrefaçon.

104             J'examinerai maintenant les arguments des parties touchant la preuve relative à l'allégation d'absence de contrefaçon.


105             Novopharm soutient que son avis d'allégation et son énoncé détaillé établissent en termes clairs qu'elle produira ses comprimés selon le procédé de la « granulation sèche » . Elle fait en outre valoir qu'on trouve d'autres éléments à l'appui de ce fait dans la présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) annexée à l'affidavit de Lombardi, où il est dit que ses comprimés seront préparés par « granulation sèche » .

106             Pfizer soutient que Novopharm n'a pas produit d'éléments de preuve pour établir que le procédé qu'elle projette d'utiliser est différent du procédé breveté de Pfizer. Elle fait valoir que Novopharm ne peut invoquer, pour établir la nature de son procédé, le document qu'elle a produit en l'annexant à l'affidavit de Lombardi. Ce document est présenté comme faisant partie de la PADN de Novopharm. Selon les demanderesses, il est inadmissible parce qu'il relève du ouï-dire : il s'agit d'une déclaration extrajudiciaire rédigée par quelqu'un d'autre qu'un témoin apte à authentifier la PADN. En outre, affirme Pfizer, ce document ne relève pas d'une exception à la règle du ouï-dire pour les raisons suivantes. Il n'est pas nécessaire puisque Novopharm aurait pu produire sa PADN en preuve; il n'est pas fiable puisqu'il ne peut être soumis à l'épreuve d'un contre-interrogatoire; il n'est pas authentifié par un témoin de Novopharm comme étant sa propre PADN; et il constitue une preuve intéressée. J'estime établi, essentiellement pour les raisons énumérées par Pfizer, que le document en question n'est pas admissible en preuve, et je conclus qu'il ne l'est pas.


107             En dépit de la conclusion qui précède touchant la preuve de Novopharm, l'allégation d'absence de contrefaçon est présumée vraie, et c'est à la demanderesse qu'il incombe d'établir, suivant la prépondérance de la preuve, que l'allégation formulée dans l'avis d'allégation n'est pas fondée. Comme la présomption prévue au paragraphe 6(6) du Règlement, qu'invoque Pfizer, n'est pas applicable à la présente espèce, je conclus, vu la preuve, que la demanderesse ne s'est pas acquittée de sa charge de persuasion. Par conséquent, même si j'avais conclu que la « granulation humide » constituait un élément essentiel de l'invention, ce qui n'est pas le cas, j'aurais aussi conclu, subsidiairement, que la demanderesse ne s'était pas acquittée de la charge d'établir, suivant la prépondérance de la preuve, le caractère infondé de l'allégation d'absence de contrefaçon pour ce qui concerne les revendications relatives au comprimé.

108             Cependant, comme j'ai conclu que n'est pas fondée l'allégation, formulée par Novopharm, d'absence de contrefaçon des revendications relatives au comprimé, pour le motif que la « granulation humide » ne constitue pas un élément essentiel et dans la mesure où la validité de ces revendications n'est pas en question, la demande de Pfizer est accueillie et, en conséquence, une ordonnance d'interdiction sera rendue. J'examinerai maintenant la deuxième question en litige.

15.       Question 2 :      Les allégations d'invalidité formulées dans l'avis d'allégation de Novopharm sont-elles fondées?

109             Le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets établit le principe que, une fois délivré, le brevet est valide prima facie.

110             La Cour d'appel fédérale, dans Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2000] A.C.F. no 464 (QL), a clarifié la question de la charge de présentation applicable dans le contexte des demandes en interdiction formées sous le régime du Règlement :


Une demande visant à obtenir une ordonnance d'interdiction conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) est assimilable à toute demande de contrôle judiciaire en ce sens qu'il incombe au requérant d'établir qu'il a droit à l'ordonnance sollicitée. En d'autres mots, il incombait à Bayer de prouver que l'allégation d'invalidité d'Apotex n'était pas justifiée [...]

Pour tenter de se décharger de ce fardeau, Bayer s'est appuyée sur la présomption légale de la validité de son brevet. En raison de cette présomption, on peut dire qu'Apotex, en sa qualité de partie répondant à la demande d'ordonnance de prohibition, a le fardeau de la preuve en ce sens que si Apotex n'avait produit aucun élément de preuve susceptible d'établir l'invalidité du brevet, Bayer aurait pu obtenir gain de cause sur le seul fondement de cette présomption légale [...]

Toutefois, en l'espèce, Apotex a bel et bien produit un élément de preuve, sous la forme d'un affidavit, que le juge des requêtes a considéré à juste titre comme relatif à la question de la validité.

L'application de la présomption légale en présence d'une preuve de l'invalidité dépend de la force de cette preuve. Si celle-ci démontre selon la probabilité la plus forte que le brevet est invalide, la présomption est réfutée et n'est plus pertinente : Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp. (1991), 35 C.P.R. (3d) 350 (C.A.F.), à la page 359.

111             Pour ce qui concerne la présente espèce, j'estime que Novopharm a produit, sous la forme d'opinions d'experts et d'antériorités touchant les motifs invoqués dans l'avis d'allégation, une preuve suffisante pour permettre à la Cour de tirer les conclusions de fait nécessaires relativement aux allégations d'invalidité.

112             Je rejette l'argument de Pfizer selon lequel Novopharm demande à la Cour de réviser la décision prise par le commissaire aux brevets de délivrer la revendication 23, décision qui doit être contrôlée suivant la norme de la décision raisonnable. Les procédures engagées sous le régime de l'article 6 n'attaquent pas la décision du commissaire aux brevets. La Cour doit plutôt décider, suivant la prépondérance de la preuve, si les allégations formulées dans l'avis d'allégation sont fondées et, dans la négative, rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité : Sanofi-Synthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 390.


A.          La revendication 23 est-elle invalide pour cause d'évidence?

113             L'article 28.3 de la Loi sur les brevets prévoit que l'objet d'une revendication de brevet ne doit pas être évident à la date de la revendication. Le critère de l'évidence est formulé comme suit par la Cour d'appel fédérale dans Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy, [1986] A.C.F. no 87 (C.A.F.) (QL) :

Pour établir si une invention est évidente, il ne s'agit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. La pierre de touche classique de l'évidence de l'invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d'esprit inventif ou d'imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d'intuition; un triomphe de l'hémisphère gauche sur le droit. Il s'agit de se demander si, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l'invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C'est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

114             Pour être dite évidente, l'invention doit pouvoir être réalisée directement par la personne versée dans l'art, sans réflexions, recherches ou expérimentations excessives : Apotex Inc. et al. c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 145 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 264, conf. par [2001] 1 C.F. 495, conf. par [2002] 4 R.C.S. 153.


115             Je reconnais l'utilité de la preuve d'expert dans l'examen de cette question. Cependant, je n'oublie pas l'observation formulée par la Cour d'appel fédérale dans Beloit, précité, selon laquelle les opinions d'expert, s'agissant de la question de l'évidence, doivent être prises en considération avec la plus grande prudence. Plus précisément, la Cour doit se garder de la sagesse rétrospective, étant donné en particulier la tendance des experts à appliquer cette manière de penser : AB Hassle c. Genpharm, précité. Avant de prendre en considération la déclaration d'un expert comme quoi « il aurait pu faire cela » , la Cour doit se demander « pourquoi il ne l'a pas fait » : Beloit, précité. Dans la présente espèce, je suis d'avis que la preuve de tous les experts est admissible. Tous ont les titres nécessaires pour se prononcer sur le caractère suffisant ou non des antériorités invoquées par Novopharm à l'appui de son allégation d'évidence, pour aider la Cour à les interpréter et pour dire si la personne versée dans l'art, en avril 1994, « serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet » .

116             Il n'est pas contesté que la date pertinente aux fins de l'appréciation de l'évidence dans la présente espèce est le 29 avril 1994.


117             L'évidence peut être fondée aussi bien sur une divulgation unique que sur une « combinaison » de réalisations antérieures : AB Hassle c. Apotex Inc., 2003 CFPI 771. Dans la présente espèce, l'allégation d'évidence de Novopharm repose sur une « combinaison » de réalisations antérieures en ce qu'elle se fonde non sur une source unique, mais sur un certain nombre de brevets et de publications antérieures, pour arriver à sept propositions qui auraient été connues de la personne versée dans l'art en avril 1994, ce qui confirmerait le caractère évident de l'invention. Novopharm soutient qu'on savait auparavant que les capsules d'azithromycine ont une interaction avec les aliments et que les formes posologiques qui se désintègrent ou se dissolvent plus rapidement dans l'estomac sont aussi absorbées plus rapidement dans le petit intestin, ce qui agit contre l'effet des aliments. Il était donc évident que, pour résoudre le problème de l'interaction avec les aliments que posaient les capsules d'azithromycine, la personne versée dans l'art, afin d'optimiser l'absorption, formulerait l'azithromycine en comprimés, en suspensions ou en solutions, lesquels se désintègrent ou se dissolvent plus rapidement.

118             Pfizer soutient que les allégations de Novopharm ne sont pas étayées par la preuve pour deux raisons. Premièrement, la plupart des propositions qu'elle avance dans son avis d'allégation sont des principes généraux. Deuxièmement, même si ces principes étaient considérés comme avérés concernant l'azithromycine, aucun élément de preuve n'indique qu'une personne possédant une compétence ordinaire dans le domaine les prendrait jamais en considération. Selon Pfizer, la conception qui prédominait dans le domaine en 1994 était que les capsules d'azithromycine avaient une interaction avec les aliments. La personne versée dans l'art n'aurait pas songé, en 1994, à recourir aux principes généraux de la formulation pharmaceutique pour résoudre le problème que posaient les capsules d'azithromycine. Le fait que les propositions générales avancées par Novopharm dans son avis d'allégation étaient connues dans l'état antérieur de la technique ne prive pas le brevet 071 de son caractère de nouveauté.


119             Vu la preuve d'expert, les antériorités invoquées et les thèses des parties, je conclus que, si l'exploration de la possibilité que d'autres formes posologiques orales n'avaient pas d'interaction avec les aliments était une voie scientifiquement évidente, elle n'était pas évidente au sens juridique du terme. L'idée de produire une forme posologique orale d'azithromycine qui n'aurait pas d'interaction avec les aliments était sans aucun doute un objectif explicite avant le 29 avril 1994, mais on ignorait la manière d'y parvenir. À mon avis, Novopharm n'a pas établi par sa preuve que la personne versée dans l'art aurait pu savoir, à partir de l'état de la technique, comment réaliser l'invention qui fait l'objet du brevet 071. Par conséquent, je conclus que la revendication 23 n'est pas invalide pour cause d'évidence. J'exposerai maintenant les motifs sur lesquels se fonde cette conclusion.

120             Tout d'abord, en ce qui concerne les affirmations de Novopharm selon lesquelles le problème de l'interaction avec les aliments posé par les capsules d'azithromycine aurait pu être résolu de manière évidente par l'administration de formes posologiques non orales de cette drogue, je répète ma conclusion relative à l'interprétation de l'expression « forme posologique pharmaceutique » dans le contexte du brevet 071. Pour les raisons exposées plus haut, je ne puis souscrire à la thèse que cette expression peut s'interpréter de manière à inclure les formes posologiques pharmaceutiques non orales. Par conséquent, je n'accorde aucun poids aux éléments de preuve de Novopharm qui ont trait aux formes posologiques non orales d'azithromycine.

121             J'examinerai maintenant les propositions qui, selon l'avis d'allégation de Novopharm, étaient connues de la personnes versée dans l'art au 29 avril 1994, ce dont il y aurait lieu de conclure que la revendication 23 est évidente.

(1)       L'azithromycine est stable à un pH acide et se dégraderait peu dans le milieu gastrique.


122             Je constate que ce point n'est pas contesté. Les publications invoquées examinent effectivement ce principe, et les experts de Pfizer souscrivent à cette proposition dans leurs affidavits (voir le paragraphe 43 de l'affidavit du Dr Andriole et le paragraphe 52 de celui de M. Rapp).

(2)       Les aliments nuisent à l'absorption de l'azithromycine des capsules.

123             Je constate que ce point n'est pas contesté. Les experts de Pfizer souscrivent à cette proposition dans leurs affidavits (voir les paragraphes 45 et 46 de l'affidavit du Dr Andriole et le paragraphe 61 de celui de M. Rapp).

(3)       Les suspensions ou solutions de médicaments sont moins sensibles aux effets des aliments que les capsules et les comprimés.

124             Pfizer ne conteste pas l'exactitude de cette affirmation. Elle soutient cependant que la preuve établit que l'affirmation est d'application générale, mais qu'elle n'est pas vraie dans tous les cas. Toothaker et Welling, dans leur article intitulé « The Effect of Food on Drug Bioavailability » , affirment clairement que ce principe est d'application générale. Ce n'est pas un absolu (voir page 714 du dossier des demanderesses).

[traduction] Les suspensions et solutions sont généralement considérées comme étant moins sensibles à l'action des aliments que d'autres formes posologiques à cause de leur nature diffuse, de leur plus grande motilité à l'intérieur du tractus GI et de la facilité relative avec laquelle elles peuvent passer de l'estomac à l'intestin grêle. Dans le cas des formes posologiques comme les capsules et les comprimés, non seulement la dissolution risque-t-elle d'être altérée par la présence d'aliments, mais également le retard dans la vidange gastrique lié à la présence d'aliments risque d'avoir un plus grand effet lorsque le médicament est contenu dans une seule unité posologique. [Non souligné dans l'original.]

125             Un expert de Novopharm, M. Rudolph, a également reconnu ce fait lorsqu'il a été contre-interrogé sur son affidavit (à la page 1760 du dossier des demanderesses).


[traduction]

Q.              Est-ce que l'absorption d'un médicament - ou est-ce que le retard dans l'absorption d'un médicament - à cause de la présence de nourriture constitue une interaction avec un aliment?

R.              Oui.

Q.              Cela veut donc dire que si l'absorption de votre formulation était retardée par la prise de nourriture, vous aimeriez éviter un tel problème, n'est-ce pas?

R.              Cela dépend du médicament. Pour certains médicaments, cela ne ferait aucune différence.

Q.              C'est la raison pour laquelle dans votre déclaration au paragraphe b) de votre affidavit à la page 41, section 48b), où vous dites « les suspensions et les solutions sont en général considérées comme moins sensibles » , vous utilisez les mots en général parce que la proposition n'est pas vraie dans tous les cas, est-ce exact?

R.              Pas dans tous les cas, non.

À la lumière du témoignage qui précède, j'estime qu'il s'agit de la déclaration d'un principe général qui n'est pas nécessairement applicable à tous les cas. Par conséquent, la personne versée dans l'art pourrait ne pas s'en être inspirée pour conclure qu'il s'ensuit forcément que l'azithromycine sous une forme posologique particulière serait nécessairement moins sensible à l'action des aliments.

(4)      Dans le cas des médicaments administrés dans des formes posologiques solides, le taux d'absorption du médicament peut être accru si la vitesse de dissolution/désintégration de la forme posologique est augmentée.


126             La preuve d'expert fournie par les deux parties et les publications invoquées indiquent que cette affirmation est généralement vraie. La preuve établit que plusieurs facteurs peuvent influer sur le taux d'absorption d'un médicament. Dans leur texte, « Remington's Pharmaceutical Sciences » , Osol et ses collaborateurs passent en revue divers facteurs qui peuvent influer sur l'absorption d'un médicament. À la page 770 du dossier des demanderesses, les auteurs indiquent qu'outre [traduction] « les propriétés biochimiques des molécules d'un médicament et des membranes biologiques, divers facteurs influent sur le taux d'absorption et dictent, en partie, le choix de la voie d'administration » . Au nombre de ces facteurs figurent la concentration, l'état physique de la formulation et la vitesse de dissolution, l'aire de la surface d'absorption, la vascularité et le débit sanguin, le mouvement, la motilité et la vidange gastriques, l'effet Donnan et les véhicules des adjuvants facilitant l'absorption. Au sujet de la formulation et de la vitesse de dissolution, les auteurs écrivent ce qui suit :

[traduction] Lorsque des médicaments sont administrés dans des formes posologiques solides (capsules, comprimés, poudres, suspensions, etc.), la vitesse avec laquelle le médicament est libéré dans la solution peut souvent être plus lente que celle d'autres processus intervenant dans l'absorption, de sorte que la dissolution devient le facteur qui limite le taux d'absorption.

La vitesse de dissolution dépend de la surface du solide, qui dépend à son tour de la finesse avec laquelle le médicament est subdivisé (ou trituré). Cela dépend également de l'énergie et des niveaux d'énergie à l'intérieur des cristaux du médicament. L'équation de Noyes-Whitney incorpore les principaux facteurs intervenant dans la vitesse de la dissolution, dc / dt :

dc / dt = KS (Cs - Ct)

S est la surface des particules, K est une constante propre à la substance chimique qui intègre l'énergie et les facteurs d'entropie, Cs est la concentration à saturation et Ct est la concentration au temps t. K varie grandement d'un médicament à l'autre, et certains médicaments peuvent avoir une faible vitesse de dissolution malgré une subdivision fine. Certains médicaments peuvent exister sous plus d'une forme cristalline, de sorte qu'il peut y avoir plus d'un K. Par exemple, certaines préparations d'hydroxyde d'aluminium se dissolvent complètement dans le suc gastrique en l'espace de 30 min alors que dans d'autres cas, il n'y a pas de dissolution notable après une heure. [Non souligné dans l'original.]


127             Bien qu'on reconnaisse dans les publications antérieures que la vitesse de dissolution/désintégration des médicaments administrés sous formes solides peut influer sur l'absorption, des données montrent également que ce n'est pas toujours le cas. À cet égard, M. Rapp révèle, au paragraphe 68 de son affidavit, que les sites d'absorption de la phénytoïne sodique, un autre médicament, sont susceptibles d'être saturés, c'est-à-dire qu'une dissolution rapide peut entraîner une diminution nette de l'absorption. Ces éléments viennent corroborer l'argument de Pfizer selon lequel il existe des exceptions à l'affirmation générale faite par Novopharm.

128             J'ai examiné attentivement la preuve produite par Novopharm à l'appui de cette affirmation. Bien que je convienne que l'affirmation est généralement correcte, je crois également la preuve qui indique que la vitesse d'absorption peut varier d'un médicament à l'autre sous l'effet de plusieurs facteurs et, en outre, qu'il y a des exceptions à cette affirmation générale. À mon avis, ces exceptions ne permettraient pas à une personne versée dans l'art de conclure à partir de l'état antérieur de la technique et sans effectuer d'autres tests que le taux d'absorption de l'azithromycine peut nécessairement croître si l'on augmente la vitesse de dissolution/désintégration de la forme posologique solide.

(5)      En augmentant la vitesse de dissolution/désintégration du comprimé, de façon qu'il se dissolve ou se désintègre de façon plus complète dans l'estomac, on augmentera l'absorption de l'azithromycine.


129             Eu égard à cette affirmation, l'expert de Novopharm, M. Rudolph, traite dans son affidavit en termes généraux de la relation entre la vitesse de dissolution et le taux d'absorption. Il déclare au paragraphe 41 de son affidavit : [traduction] « il s'ensuit généralement que plus la désintégration/dissolution est rapide, plus le taux et le degré d'absorption de la forme posologique sont améliorés » . Il ne parle pas cependant de la façon dont ce principe général s'applique à l'azithromycine et dans quelle mesure il aurait été évident pour une personne versée dans l'art, en avril 1994, de mettre en application ce principe pour contrer l'interaction avec les aliments associée spécifiquement aux capsules d'azithromycine.

130             À mon avis, c'est précisément le genre de sagesse rétrospective dont doit se garder la Cour : AB Hassle c. Genpharm, précité. En examinant le témoignage du Dr Rudolph selon lequel une personne versée dans l'art « aurait pu faire cela » , je trouve qu'il ne répond pas à la question « pourquoi ne l'a-t-elle pas fait? » : Beloit, précité. En l'absence de preuve permettant de répondre à cette question, je conviens avec Pfizer que l'affirmation (5) n'est pas corroborée par les publications antérieures étant donné qu'il n'y a aucune référence spécifique à l'azithromycine. En effet, certains articles publiés qu'a présentés Novopharm à l'appui de la proposition ont trait à différents médicaments, et non à l'azithromycine. L'affirmation de Novopharm s'appuie sur des généralités contenues dans les publications antérieures et à partir desquelles elle tire des conclusions spécifiques concernant la pharmacologie, la pharmacocinétique et la pharmacodynamique de l'azithromycine; or, sans faire d'autres essais particuliers, la personne versée dans l'art n'aurait pu savoir, en avril 1994, que ces conclusions s'appliquaient nécessairement alors à l'azithromycine. Ce constat est corroboré par les experts de Pfizer, dont j'accepte le témoignage. La preuve d'expert produite par Novopharm se limite à l'applicabilité d'une affirmation relative aux médicaments en général et ne traite pas de l'azithromycine en particulier (voir les paragraphes 58, 59 et 61 de l'affidavit du Dr Andriole et les paragraphes 73, 74 et 77 de l'affidavit de M. Rapp).


(6)      Des études portant sur des composés chimiques apparentés (c.-à-d. des dérivés de l'érythromycine qui comme l'azithromycine sont des antibiotiques du groupe des macrolides) ont montré que les suspensions ne posaient pas le problème de l'interaction avec les aliments observé avec les comprimés et les capsules. La prise de nourriture ne nuit pas à l'absorption de l'estolate d'érythromycine (qui, comme l'azithromycine, est stable en milieu acide) lorsqu'il est administré dans une suspension, mais non dans une capsule.

131             Novopharm soutient, en ce qui concerne l'affirmation (6), que la conclusion à laquelle étaient arrivées des études touchant les composés chimiques apparentés aurait été applicable, de facto, à l'azithromycine en avril 1994. À cet égard, je reconnais la validité de la preuve soumise par Pfizer, qui indique qu'il n'est pas possible d'extrapoler les résultats des études sur l'érythromycine, un médicament différent, à l'azithromycine en raison des différences considérables qui existent entre ces deux médicaments (voir le paragraphe 68 de l'affidavit du Dr Andriole). Je conviens qu'une personne versée dans l'art aurait su qu'il ne faut pas appliquer les résultats tirés d'études portant sur un composé à un autre composé. Comme le déclare le Dr Andriole au paragraphe 69 de son affidavit : [traduction] « La personne possédant une compétence ordinaire dans le domaine ne tirerait pas des conclusions audacieuses concernant une interaction avec les aliments liée à l'azithromycine en se fondant sur des études sur l'érythromycine. » Novopharm n'a produit aucune donnée pour contrer cette preuve, que je juge des plus logiques.


132             En outre, bien qu'elles soient structuralement analogues, l'érythromycine et l'azithromycine diffèrent grandement. Cet aspect qui est reconnu dans l'état antérieur de la technique corrobore ma conclusion que l'affirmation (6) ne peut pas être un motif sur lequel on peut se fonder pour conclure à l'évidence du brevet. Les études comparatives de Whitman et al., d'Amsden, Zuckerman et al. et de Rapp montrent que, non seulement l'érythromycine et l'azithromycine diffèrent du point de vue de leur structure et de leur pharmacocinétique, mais elles présentent également des différences en ce qui concerne leur biodisponibilité, leur demi-vie, leurs concentrations tissulaires, leurs effets digestifs indésirables et leur activité antimicrobienne (voir les pièces Y, Z, AA et DD jointes à l'affidavit de M. Rapp).

133             J'estime donc qu'il n'a pas été établi que l'allégation de Novopharm était évidente, en avril 1994, pour une personne versée dans l'art qui voulait résoudre le problème de l'interaction avec les aliments associée aux capsules d'azithromycine.

(7)      Les formes posologiques comme les suspensions et les comprimés, y compris les comprimés à croquer, étaient connues et l'on savait que l'azithromycine pouvait être administrée soit sous forme de comprimé ou de suspension.


134             Novopharm soutient que cette affirmation était connue d'une personne versée dans l'art en avril 1994, à cause de l'enseignement fourni par deux brevets existants, soit le brevet américain no 4,963,531 et le brevet canadien no 2,101,466. Après examen de ces brevets, je constate que ni le brevet américain no 4,963,531 ni le brevet canadien no 2,101,466 ne rendent évident le brevet 071. Je discuterai de ces brevets plus en détail dans la section de la présente analyse touchant l'antériorité; toutefois, en ce qui concerne l'affirmation (7), j'estime que, bien que ces brevets traitent de la formulation d'azithromycine sous forme de comprimé et de suspension, ils montrent effectivement comment une telle formulation répond au problème de l'interaction avec les aliments, qui est l'objectif essentiel de l'invention 071. Je conclus donc que ces deux brevets ne pouvaient rendre évidente la revendication 23. Aucune autre réalisation antérieure n'est invoquée par Novopharm dans son avis d'allégation pour appuyer cette affirmation.

135             En résumé, je conclus que les propositions sur lesquelles Novopharm a fondé son allégation d'invalidité pour cause d'évidence sont trop générales pour confirmer la thèse de l'invalidité de la revendication 23. J'accepte la preuve de Pfizer qui établit que ces principes généraux ne sont pas des absolus. Il fallait encore une quantité considérable d'essais et d'expériences pour confirmer le résultat souhaité qu'enseigne le brevet 071. Ce fait est illustré par les réponses que M. Rapp a données au contre-interrogatoire sur son affidavit (page 1257 du dossier des demanderesses) :

[TRADUCTION]

Q.              Au paragraphe 67, vous faites référence à une autre proposition de Novopharm, et vous dites au paragraphe 69 que cette proposition est généralement vraie.

R.              Oui.

Q.              Ici encore, plutôt probable qu'improbable?

R.              Exact.

Q.              Vous supposeriez que cette proposition est vraie, pour reprendre le terme « supposer » . Si elle est généralement vraie -

R.              Il me faut les données.

Q.              Pour être certain à 100 pour cent.

R.              Absolument.

Q.              Autrement, vous supposeriez que c'est vrai?               

R.              Encore une fois, nous revenons à la proposition « généralement vraie » . Quand on formule une drogue, on fait des choses dont on espère qu'elles seront utiles, mais on ne peut certainement rien garantir.

Q.              Il y a toujours une exception.

R.              Oui, beaucoup d'exceptions.


Q.              Mais vous faites certaines choses dont vous supposez qu'elles marcheront.

R.              Selon la plus forte probabilité.

Q.              Dans la dernière partie du paragraphe 61 de votre affidavit, M. Rapp, vous dites que, étant donné que cette proposition est généralement vraie, elle ne permet pas à la personne versée dans l'art de prédire l'action de formulations différentes.

R.              Absolument.

Q.              Mais elle vous permet de supposer comment ces formulations pourraient agir.

R.              Selon la plus forte probabilité.

136             La preuve soumise par Novopharm n'a pas démontré qu'une personne versée dans l'art aurait pu savoir comment fabriquer une forme posologique orale d'azithromycine qui n'interagissait pas avec les aliments. Compte tenu de l'état antérieur de la technique, une personne versée dans l'art n'aurait pas été amenée directement et sans difficulté à formuler une forme posologique pharmaceutique orale d'azithromycine qui n'interagit pas avec les aliments lorsque celle-ci est administrée à un patient qui a mangé. Pour les raisons susmentionnées et compte tenu de la preuve, je suis convaincu, suivant la prépondérance de la preuve, que l'allégation selon laquelle la revendication 23 du brevet 071 est invalide pour cause d'évidence n'est pas fondée.

B.          La revendication 23 est-elle invalide pour cause d'antériorité?

137             La Loi sur les brevets prévoit que le brevet n'est valide que s'il décrit une invention nouvelle, c'est-à-dire qui ne se heurte pas à une antériorité. Selon l'alinéa 28.2(1)a) de la même loi, pour que le brevet soit valide, l'invention qu'il revendique ne doit pas avoir fait, de la part du demandeur ou d'un tiers ayant obtenu de lui l'information à cet égard de façon directe ou autrement, l'objet d'une communication qui l'a rendue accessible au public plus d'un an avant la date du dépôt de la demande.


138             On dit que l'invention se heurte à une antériorité lorsque toutes ses caractéristiques essentielles sont divulguées dans une même publication antérieure : Beloit, précité, page 297 :

[...] Il faut en effet pouvoir s'en remettre à une seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l'invention revendiquée sans l'exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d'une clarté telle qu'une personne au fait de l'art qui en prend connaissance et s'y conforme arrivera infailliblement à l'invention revendiquée. Lorsque, comme c'est le cas ici, l'invention consiste en une combinaison de plusieurs éléments connus, une publication qui ne révèle pas la combinaison de tous ces éléments ne peut avoir un caractère d'antériorité.

139             Pour ce qui concerne la date pertinente aux fins de l'examen de la question de l'antériorité, les parties s'accordent à dire que la date de priorité du brevet 071 est le 29 avril 1994, date de dépôt d'une demande aux États-Unis. On ne peut donc alléguer comme antériorité au brevet 071 qu'un document qui aurait été publié avant le 29 avril 1994.

140             Dans la présente instance, Novopharm allègue que la revendication 23 se heurte à une antériorité, soit le brevet américain no 4,963,531 intitulé « Azithromycin and Derivatives as Antiprotozoal Agents » ( « Azithromycine et dérivés d'agents antiprotozoaires » ) (le brevet 531) aussi connu sous le nom de brevet Remington, qui a été délivré le 16 octobre 1990, soit le brevet canadien no 2,101,466 intitulé « Composition masquant le goût amer d'agents pharmaceutiques » (le brevet 466) aussi connu sous le nom de brevet Catania, qui a été mis à la disposition du public le 31 janvier 1994.


141             Novopharm soutient que le brevet 531 comprend tous les éléments de la revendication 23 du brevet 071 et que cette revendication se heurte donc à une antériorité. Le brevet 531 concerne une méthode d'utilisation de l'azithromycine pour traiter une infection causée par Toxoplasma gondii au moyen de formulations en poudres et en comprimés. Novopharm fait valoir que le brevet 531 est antérieur à la revendication 23 du brevet 071 vu qu'il divulgue l'ensemble de ses éléments, notamment 1) l'utilisation d'une quantité thérapeutiquement efficace d'azithromycine, 2) pour la préparation d'une forme posologique pharmaceutique qui n'interagit pas avec les aliments, 3) lorsqu'elle est administrée, dans le cadre du traitement d'une infection microbienne, 4) à un patient qui a mangé.

142             Novopharm prétend en outre que le brevet 466 est antérieur à la revendication 23 du brevet 071 parce qu'il comprend tous les éléments de la revendication 23. Le brevet 466 divulgue des compositions pharmaceutiques d'azithromycine qui ont réduit le goût amer du produit parce qu'elles comprennent un agent masquant le goût. Une poudre et des comprimés à croquer sont donnés comme exemples.


143             Je ne suis pas d'accord avec l'argument de Novopharm. La preuve de Pfizer établit que ni le brevet 531 ni le brevet 466 ne traitent de la question de l'interaction avec les aliments (voir les paragraphes 72 et 73 de l'affidavit du Dr Andriole et les paragraphes 85 et 87 de l'affidavit de M. Rapp). Même les témoins experts de Novopharm confirment que le brevet 531 n'indique pas que la forme posologique pourrait interagir avec les aliments si elle était prise par un patient qui a mangé (paragraphe 52 de l'affidavit de M. Rudolph et paragraphe 63 de l'affidavit de M. Kanfer). Au paragraphe 61 de son affidavit, M. Rudolph affirme :

[traduction] De plus, le brevet Remington [brevet 531] et le brevet Catania [brevet 466] divulguent tout ce qui est mentionné dans la revendication 23. On n'y indique pas cependant de façon précise que les formes posologiques n'ont pas une interaction avec les aliments. Néanmoins, une personne versée dans l'art savait que la solution IV dans l'exemple 5 du brevet Remington n'interagirait nullement avec les aliments. [Non souligné dans l'original.]

144             Vu les brevets 531 et 466, j'accepte la preuve d'expert ci-dessus. Aucun de ces brevets ne prétend porter sur la question de l'interaction avec les aliments. Il s'ensuit que ni le brevet 531 ni le brevet 466 n'est une publication antérieure unique qui divulguerait l'invention que décrit le brevet 071. À mon avis, la personne versée dans l'art qui lirait l'un ou l'autre de ces brevets antérieurs et se conformerait à ses instructions n'arriverait pas infailliblement à l'invention revendiquée. En conséquence, je déclare non fondée l'allégation que la revendication 23 du brevet 071 serait invalide pour cause d'antériorité de l'un ou l'autre des brevets 531 et 466.

145             J'estime inutile d'examiner l'allégation d'invalidité pour cause d'imprécision que Novopharm a formulée dans son avis d'allégation. Novopharm n'a pas produit de preuve sur cette question, pas plus qu'elle n'a proposé d'observations à ce sujet dans son exposé des faits et du droit.

16.       Conclusion


146             Comme je l'ai établi plus tôt dans les présents motifs, les éléments essentiels de l'invention divulguée par les revendications en litige du brevet 071 comprennent une forme posologique pharmaceutique orale contenant une quantité thérapeutiquement efficace d'azithromycine qui n'interagira pas avec les aliments lorsqu'elle est administrée, dans le cadre du traitement d'une infection microbienne, à un patient qui a mangé, si au moins 90 % de l'azithromycine est dissoute en l'espace d'environ 30 minutes lorsqu'une quantité de la forme posologique équivalant à 200 mg d'azithromycine est mise à l'essai conformément à la méthode USP < 711 > dans un appareil de dissolution USP-2 dans des conditions satisfaisant aux critères minimaux suivants : 900 mL d'un tampon de phosphate de sodium, pH de 6,0, température de 37 oC, vitesse de rotation de 100 tr/min, pourvu que la forme posologique ne contienne pas d'oxydes ni d'hydroxydes de métaux alcalino-terreux en quantité suffisante pour masquer le goût. Je suis d'avis que l'expression « granulation humide » n'est pas un élément essentiel de l'invention.

147             J'ai conclu que, suivant la prépondérance de la preuve, les allégations d'invalidité pour cause d'évidence et d'antériorité formulées par Novopharm ne sont pas fondées. Cependant, l'interprétation des revendications du brevet 071 m'a amené à conclure que sa revendication 23 a pour objet un résultat souhaitable. J'ai donc conclu à l'invalidité de cette réclamation. Il s'ensuit que l'allégation d'invalidité pour cause de portée excessive qu'a formulée Novopharm est fondée.


148             Novopharm a basé son allégation d'absence de contrefaçon sur la seule affirmation qu'elle projetait de fabriquer ses comprimés selon un procédé différent, à savoir la « granulation sèche » . J'ai conclu que le procédé de fabrication des comprimés, qu'il s'agisse de granulation « humide » ou « sèche » , ne constitue pas un élément essentiel de l'invention. Il s'ensuit nécessairement que l'allégation d'absence de contrefaçon formulée par Novopharm doit être rejetée. L'allégation d'absence de contrefaçon n'est donc pas fondée.

149             Ayant conclu que l'allégation d'absence de contrefaçon formulée par Novopharm n'est pas fondée, j'estime que l'ordonnance d'interdiction sollicitée par les demanderesses est justifiée. En conséquence, il sera rendu une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à la défenderesse à l'égard de ses comprimés pour administration orale de monohydrate d'azithromycine de force équivalente à 250 mg d'azithromycine avant l'expiration du brevet 071.

17.       Les dépens

150             Comme suite à ma directive concernant la lettre de Novopharm en date du 24 juin 2005, Pfizer demande que lui soient adjugés, au titre de la réponse à la duplique, des dépens à taxer au niveau le plus élevé que permet la colonne V du tarif B. Vu les circonstances et dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, j'adjuge à la demanderesse les dépens afférents à la présente demande, y compris au titre de la réponse à la duplique, à taxer selon le milieu de la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/2004-283, article 2.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande est accueillie.

2.         Il est interdit au ministre de la Santé de délivrer à la défenderesse un avis de conformité à l'égard de ses comprimés pour administration orale de monohydrate d'azithromycine de force équivalente à 250 mg d'azithromycine avant l'expiration du brevet 071.

3.          Les dépens afférents à la demande sont adjugés à la demanderesse, y compris au titre de la réponse à la duplique, et seront taxés selon le milieu de la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/2004-283, article 2.

                                                                                                                     « Edmond P. Blanchard »           

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2448-03       

INTITULÉ :                                        PFIZER CANADA INC. et al.

c.

NOVOPHARM LIMITÉE et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LES 22 ET 23 JUIN 2005 - TÉLÉCONFÉRENCE :

LE 11 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE BLANCHARD

(Motifs de l'ordonnance et ordonnance confidentiels prononcés le 21 septembre 2005)

DATE DES MOTIFS :                       LE 3 OCTOBRE 2005

COMPARUTIONS :                            

Andrew Shaughnessy, Andrew Bernstein

et Lindsay Neidrauer                             POUR LA DEMANDERESSE

Dino Clarizio et Ruth Promislow             POUR LA DÉFENDERESSE NOVOPHARM LIMITÉE

                                                                                                                                                           

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :               

Torys LLP                                             POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Bennett Jones                                        POUR LA DÉFENDERESSE NOVOPHARM

Toronto (Ontario)                                  LIMITÉE


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