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Date : 20010706

Dossier : IMM-5023-00

Référence neutre : 2001 CFPI 772

ENTRE :

                                                         BROWN NOSAKHARE

                                                                                                                                          demandeur

- et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) en date du 25 août 2000, qui a conclu que M. Brown Nosakhare (le demandeur) n'était pas un réfugié au sens de la Convention.


[2]                Le demandeur est un Nigérian âgé de 25 ans qui prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social particulier, à savoir un groupe réunissant des enfants de membres de sectes qui refusent de suivre les traces de leurs parents en joignant ou rejoignant la secte Ogboni.

[3]                Le demandeur, en tant que fils aîné, a été intégré dans la secte Ogboni, laquelle est présumée pratiquer des sacrifices humains et le cannibalisme. Le demandeur a compris, en vieillissant, qu'il ne pourrait continuer à rester dans ce groupe et s'est converti au christianisme en 1997, ce qui a causé un conflit grave avec sa famille. Son père lui a dit qu'il ne pouvait quitter la secte car cela entraînerait de graves conséquences s'il le faisait.

[4]                Le demandeur prétend que lorsque son père est mort en novembre 1999, les membres de la secte s'attendaient à ce qu'il accomplisse certains rituels, dont le retrait de certains organes du corps de son père. Le demandeur a interdit aux membres de la secte de retirer des organes du corps de son père, ce qui a occasionné un conflit.

[5]                Les membres de la secte ont insisté pour que le demandeur assiste à la prochaine réunion et prenne la place de son père. Le demandeur a décidé de quitter Benin City (Edo State) avec sa mère et de s'en aller à Worri (Delta State) où il s'est caché pendant deux semaines jusqu'à ce qu'ils le trouvent, le battent et le conduisent à Abudu (Edo State) où il a été enfermé pendant une semaine, sans nourriture, dans la maison du chef de la secte. Les membres de la secte ont menacé de mort le demandeur s'il ne prenait pas la place de son père dans la secte, ce qu'il a finalement accepté afin de garantir son relâchement. Il s'en est alors venu au Canada.


[6]                Dans sa décision datée du 25 août 2000, la Commission a conclu que le demandeur avait témoigné de façon directe mais que, lorsqu'on l'a questionné sur certains détails qu'il avait donnés au sujet des activités de la secte, ses réponses ne semblaient pas corroborer la preuve; en guise de réponse, il a dit que l'information en provenance du Nigéria était contrôlée. La Commission a préféré la preuve sur la secte qui ne la présente pas comme étant une secte violente.

[7]                Le demandeur a témoigné qu'il n'avait pas fait rapport du rapt à la police, déclarant que son père lui avait dit que la secte avait des membres au sein de la police et qu'il lui serait inutile de rechercher sa protection. La Commission a noté que le demandeur avait répondu aux questions sur la secte en fonction de connaissances acquises de son père.

[8]                La Commission a accepté la description des événements que lui a faite le demandeur mais a conclu qu'il avait été victime d'actes criminels de la part de ce groupe particulier et non victime de persécution au sens de la Convention sur les réfugiés. La Commission a conclu qu'il n'existait aucun lien entre les prétentions du demandeur et la définition de réfugié au sens de la Convention.

[9]                Après examen, la Commission a ensuite conclu qu'il existait pour le demandeur une possibilité de refuge intérieur au Nigéria.


[10]            Le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, définit un réfugié au sens de la Convention comme « toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques [...] » .

[11]            Il ressort de cette définition qu'il doit y avoir un lien entre l'existence de persécutions et l'un des cinq motifs qu'elle énonce; l'existence de ce lien est une question de fait qui relève clairement de la compétence de la Commission et qui n'est pas sujette à contrôle judiciaire à moins d'avoir été établie d'une manière maligne ou arbitraire ou sans égards aux documents existants (voir, par exemple, Mia c. M.C.I., [2000] J.C.F. no 120). Je suis convaincue que la Commission s'est trompée dans ses conclusions de fait.

[12]            La preuve révèle clairement que le rapt et les coups subis par le demandeur étaient des actes perpétrés par un groupe religieux par suite des croyances religieuses du demandeur. Par conséquent, je suis convaincue que d'après le dossier soumis à la Commission, il y avait un lien entre la revendication du demandeur et l'un des cinq motifs énoncés dans la Convention.


[13]            En outre, nonobstant la conclusion selon laquelle le demandeur n'a pas réussi à établir qu'il tombait sous le coup de la définition du réfugié au sens de la Convention, la Commission a procédé à une analyse des PRI et a conclu qu'il en existait une viable accessible au demandeur. Étant donné que le Nigéria est le plus grand pays d'Afrique avec une population de plus de cent millions d'habitants, la Commission n'a pas cru qu'un jeune homme de 24 ans qui avait travaillé dans la boulangerie de son père ne pouvait se replacer sans difficulté extrême ailleurs au Nigéria. Je le répète, je ne suis pas convaincue qu'une bonne analyse des PRI existantes ait été faite. Une PRI n'est pas quelque chose de spéculatif ou de théorique, c'est une option réelle. Ici, la Commission a omis d'identifier dans quelle partie du pays il serait objectivement raisonnable pour le demandeur de se replacer.

[14]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La question est renvoyée à un tribunal nouvellement constitué pour nouvelle décision.

                                                                                                               « Danièle Tremblay-Lamer »

      JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 6 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                              IMM-5023-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             BROWN NOSAKHARE c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 6 juillet 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Mme LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE :                                               le 6 juillet 2001

COMPARUTIONS :

K. JESUOROBO                                                                                 POUR LE DEMANDEUR

J. TODD                                                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

K. JESUOROBO                                                                                 POUR LE DEMANDEUR

TORONTO (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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