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Date : 19980423


T-2870-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 23 AVRIL 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARC NOËL


E n t r e :


APOTEX INC.,


demanderesse,


et


SYNTEX PHARMACEUTICALS INTERNATIONAL LIMITED et

HOFFMANN-LA ROCHE LIMITED,


défenderesses.


     ORDONNANCE

     La demande de jugement sommaire est rejetée et la demanderesse est condamnée aux dépens peu importe l'issue de la cause.



Marc Noël

Juge



Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL. L.





Date : 19980423


T-2870-96


E n t r e :


APOTEX INC.,


demanderesse,


et


SYNTEX PHARMACEUTICALS INTERNATIONAL LIMITED et

HOFFMANN-LA ROCHE LIMITED,


défenderesses.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE NOËL



[1]      Par voie de requête en jugement sommaire, la demanderesse Apotex sollicite un jugement déclaratoire d'absence de contrefaçon en vertu du paragraphe 60(2) de la Loi sur les brevets . Plus précisément, Apotex sollicite un jugement déclarant que la " fabrication " et la " vente " de sa formulation de comprimés de naproxène à libération lente ne contrefait pas le brevet no 1,204,671 des défenderesses.

[2]      Dans leur défense, les défenderesses nient qu'Apotex a droit à un jugement déclaratoire d'absence de contrefaçon au fond et adoptent le point de vue selon lequel Apotex n'a pas la qualité requise pour solliciter ce jugement déclaratoire d'absence de contrefaçon. Elles affirment en outre que l'affaire est chose jugée et que la demande équivaut à un abus de procédure.


[3]      Lorsque le juge Rothstein a inscrit la requête de la demanderesse au rôle pour audition, il a fait observer, à juste titre à mon humble avis, que son ordonnance ne devait pas être interprétée comme une indication que la présente affaire pouvait donner lieu au prononcé d'un jugement sommaire. Avant de statuer au fond sur la requête de la demanderesse, j'ai demandé aux avocats d'aborder la question de savoir si la présente affaire devait être tranchée par jugement sommaire. Un débat animé de quelque sept heures s'en est suivi. À la clôture de ce débat, j'ai précisé que je rendrais ma décision le lendemain.


[4]      À la reprise de l'audience, j'ai déclaré que la requête en jugement sommaire serait rejetée pour les motifs qui suivent. Premièrement, la requête est déficiente, en ce sens qu'elle ne traite pas de l'exception préliminaire portant sur la qualité pour agir que les défenderesses ont soulevée dans leur défense1. Le jugement sollicité ne peut être accordé que si cette exception préliminaire est également examinée dans le contexte d'un jugement sommaire et que si elle est tranchée en faveur d'Apotex. Il incombait donc à Apotex de traiter de cette question dans le cadre de sa requête en jugement sommaire, ce qu'elle n'a pas fait.


[5]      L'avocat d'Apotex a adopté le point de vue selon lequel cette question préliminaire est simple et directe et qu'il est évident qu'elle devrait être tranchée en faveur de son client. Cette question ne fait donc pas obstacle au prononcé d'un jugement sommaire. Il se peut que la suite des événements lui donne raison, mais la Cour a été totalement prise au dépourvu et, comme cela ressort à l'évidence des questions qui ont été soulevées, je suis loin d'être convaincu que la question est aussi simple et directe que l'avocat le prétend2. C'est en effet à la partie qui cherche à se prévaloir de la procédure du jugement sommaire qu'il incombe de convaincre la Cour qu'il y a une question sérieuse à juger et, en faisant totalement fi de ce qui me semble être une importante question de compétence qui doit être tranchée avant que le jugement sommaire qu'elle réclame puisse lui être accordé, Apotex a omis d'informer la Cour des questions à trancher dans le cadre de sa requête.


[6]      En second lieu, bien que les questions de contrefaçon de brevets ne débordent pas, par définition, le cadre des jugements sommaires, elles ont tendance à soulever des questions de fait et de droit complexes qu'il est habituellement préférable de n'examiner qu'au procès. La présente affaire ne fait pas exception.


[7]      L'interprétation du brevet relève en dernière analyse de la Cour. Les brevets doivent cependant être interprétés en fonction des personnes versées dans l'art ou la science, ce qui, dans le cas des brevets portant sur des médicaments, oblige habituellement la Cour à s'en remettre à l'avis d'experts. En pareil cas, la crédibilité des experts devient pertinente premièrement parce que les avis contradictoires qui sont donnés sur la même question ne peuvent pas tous être exacts et que la Cour doit décider lesquels doivent être préférés et, en second lieu, parce que, dans certains cas, le désir ou la capacité des experts d'éclairer objectivement la Cour sont remis en question. De toute évidence, lorsque des questions de crédibilité sont soulevées, particulièrement des questions de la seconde catégorie susmentionnée, il est difficile de concevoir comment la Cour pourrait rendre justice aux parties sans avoir eu l'avantage d'entendre des témoins de vive voix.


[8]      En l'espèce, de nombreuses questions de crédibilité du second type ont été soulevées en ce qui concerne chacun des quatre experts que les parties ont convoqués pour aider le tribunal. La demanderesse soutient que les docteurs Banker et Yum n'ont pas rédigé l'affidavit qu'ils ont signé et elle conteste précisément leur crédibilité pour cette raison3. La demanderesse laisse entendre que les experts en question ont fait reposer leur crédibilité sur une opinion qui n'était pas la leur. Cette allégation est suivie de nombreuses autres par lesquelles la demanderesse affirme que ces témoins ne se sont pas informés de faits qui étaient essentiels à la formulation de l'avis qu'ils ont donné4.


[9]      Les défenderesses affirment, en revanche, que l'avis formulé par le docteur Sherman n'est pas crédible parce qu'il ne possède par l'objectivité voulue. Elles affirment qu'il a personnellement déposé une demande de brevet se rapportant au médicament en litige5. Le docteur Niebergall serait un témoin [TRADUCTION] " de complaisance " qui [TRADUCTION] " a participé à tellement de procès pour le compte d'Apotex qu'il n'a même pas pu en préciser le nombre "6, laissant ainsi entendre qu'il est un expert qui a tendance à s'adapter aux besoins de son client.


[10]      Compte tenu de la nature de ces attaques, je ne crois pas qu'il me soit nécessaire de mentionner l'une ou l'autre des nombreuses décisions citées par les avocats pour appuyer ma conclusion qu'en l'espèce il serait préférable que la Cour entende les témoins eux-mêmes dans le cadre d'un procès habituel en bonne et due forme.


[11]      La demande est rejetée et la demanderesse est condamnée aux dépens peu importe l'issue de la cause.



Marc Noël

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 23 avril 1998



Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :                  T-2870-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Apotex Inc.
                         c.
                         Syntex Pharmaceuticals International Limited et Hoffman-La Roche Limited

LIEU DE L'AUDIENCE :              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :              21 et 22 avril 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Noël le 23 avril 1998


ONT COMPARU :

     Me Harry S. Radomski                          pour la demanderesse
     Me David M. Scrimger

     Me Gunars A. Gaikis                          pour les défenderesses
     Me J. Sheldon Hamilton

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Goodman, Phillips & Vineberg                      pour la demanderesse
     Avocats et procureurs
     Toronto (Ontario)

     Smart & Biggar                              pour les défenderesses
     Avocats et procureurs
     Toronto (Ontario)
__________________

1      Le mémoire d'Apotex est lui aussi muet sur cette question préliminaire.

2      Plus précisément, je ne crois pas que les propos que le juge Hugessen a tenus dans l'arrêt Merk Frost Canada Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) , 55 C.P.R. (3d) 302, aux pages 319 et 320, soient déterminants en ce qui concerne cette question. Il s'agissait d'observations incidentes et la Cour ne songeait pas à la question qui est soulevée en l'espèce et qui porte sur l'effet d'une ordonnance d'interdiction prononcée en vertu du par. 6(2) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) à l'égard d'un médicament relativement à la qualité d'une seconde personne de solliciter un jugement concluant à l'absence de contrefaçon en vertu du par. 60(2) de la Loi sur les brevets en ce qui concerne le même médicament.

3      Alinéas 42a) et b) du mémoire d'Apotex.

4      Alinéas 42c) à h) du mémoire d'Apotex.

5      Paragraphes 88 à 94 du mémoire des défenderesses.

6      Paragraphe 96 du mémoire des défenderesses.

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