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Date : 20020822

Dossier : IMM-6464-00

Toronto (Ontario), le 22 août 2002

EN PRÉSENCE de Monsieur le juge Rothstein

ENTRE :

GAGIK SHAHINIAN

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE

LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il statue à nouveau sur l'affaire après avoir examiné le dossier déjà soumis et toute nouvelle preuve que le demandeur choisira de présenter ou qui sera requise par l'agent des visas.

« Marshall Rothstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


Date : 20020822

Dossier : IMM-6464-00

Référence neutre : 2002 CFPI 897

ENTRE :

GAGIK SHAHINIAN

demandeur

                                                                              - et -

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN (juge de la Section d'appel agissant d'office)

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision par laquelle un agent des visas a rejeté la demande de visa de résident permanent, à titre d'ingénieur, que le demandeur a présentée. La présente affaire requiert un examen particulièrement minutieux parce que l'agent des visas a attribué au demandeur 67 points d'appréciation dont seulement 2 points pour sa connaissance de l'anglais et 2 points pour sa personnalité.


[2]                 Bien que d'autres points aient été débattus, seulement deux questions doivent être tranchées :

1.        L'évaluation de l'agent des visas quant à la capacité du demandeur à lire l'anglais était-elle déraisonnable?

2.        L'agent des visas a-t-il omis de prendre en compte des éléments de preuve lorsqu'il a attribué au demandeur les points pour la personnalité?

[3]                 Relativement à la première question, l'agent des visas a conclu que le demandeur parlait et écrivait l'anglais « correctement » . Toutefois, il a conclu que le demandeur lisait l'anglais « difficilement » . Étant donné que le nombre total de points obtenus était 4 points, seulement 2 points ont été attribués au demandeur pour sa connaissance de l'anglais suivant le critère 3b) du facteur 8 de l'annexe I.

[4]                 À l'égard de la capacité du demandeur à lire l'anglais, l'agent des visas a, dans les notes du STIDI, écrit :

[TRADUCTION]

Après avoir lu le texte, il était incapable de faire un résumé logique de ce qu'il venait juste de lire.

  


[5]                 Je suis conscient de la grande retenue qui doit être exercée à l'égard des appréciations que font les agents des visas et notamment à l'égard de la capacité d'un demandeur à parler, lire et écrire l'anglais ou le français. Il y a effectivement, par la force des choses, une certaine subjectivité dans de telles appréciations. Néanmoins, selon un critère objectif, je suis respectueusement d'avis que le document utilisé pour évaluer la capacité du demandeur à lire et à comprendre l'anglais ne permettait pas de faire une évaluation raisonnable de ses capacités.

[6]                 Le document intitulé [TRADUCTION] « Emploi temporaire pour étudiants au Canada » est rédigé sur le papier à en-tête du Haut-commissariat canadien de Londres. Le document comporte deux pages. Il énonce les grandes lignes de deux programmes pour les étudiants du Royaume-Uni ou d'Irlande et énumère les exigences de chaque programme. Le document contient de nombreux acronymes. Il fait en outre référence à des étudiants d'autres pays pour lesquels, dans certains cas, il existe un programme d'emploi d'été alors que pour d'autres il n'en existe pas. Le document fournit de plus les renseignements relatifs aux acceptations des demandes, aux délais de traitement et aux motifs pour lesquels les demandeurs n'obtiennent pas de réponses aux demandes d'information.


[7]                 L'évaluation de la capacité à lire sert à établir si un demandeur peut lire l'anglais et comprendre ce qu'il a lu. Toutefois, lorsqu'un document relativement long, traitant de la procédure et contenant de nombreuses exigences réglementaires, est utilisé pour faire l'évaluation, il ne peut pas être clairement établi si le manque de compréhension d'un demandeur est dû à une incapacité à lire et à comprendre l'anglais ou si le manque de compréhension résulte d'une incapacité à lire et à comprendre les exigences procédurales et réglementaires. Le guide d'évaluation linguistique, dont disposent les agents des visas, prévoit qu'un demandeur est capable de lire « correctement » s'il est capable de comprendre presque tous les documents de nature concrète et générale. Je ne pense pas que le document qui a été utilisé en l'espèce entre dans cette catégorie. Bien que le document ait pu être explicite pour une personne qui travaille dans le domaine de l'immigration, ou pour un avocat, il peut ne pas être compris du premier coup par d'autres personnes qui pourraient avoir besoin de plus de temps pour en comprendre le contenu. Le fait de demander à quelqu'un de lire un tel document dans le cadre d'un test de lecture et de lui demander de dire sans délai ce qu'il signifie, est, à mon avis, déraisonnable.

[8]                 Je ne dis pas qu'un document d'immigration ne peut jamais être utilisé pour faire un test de lecture. Dans l'affaire Verma c. Ministre de la Citoyenneté et l'Immigration, 2001 CFPI 945, on avait demandé au demandeur de lire un court paragraphe extrait du guide canadien d'auto-évaluation à l'intention des candidats à l'immigration. Le paragraphe traitait des demandeurs qui ont une condamnation au criminel. Dans cette affaire précédemment mentionnée, l'idée générale du paragraphe était qu'une personne qui a été condamnée au criminel ne sera pas admise au Canada sauf dans des circonstances exceptionnelles ou après sa réhabilitation. Le sujet était un sujet traité dans le formulaire de demande de résidence permanente que le demandeur avait déclaré avoir compris. Le test de lecture, effectué avec l'extrait de ce guide, n'avait alors pas été jugé inéquitable.


[9]                 À l'inverse, en l'espèce, le document en question n'avait pas de lien avec la demande de visa de résident permanent présentée par le demandeur. Ce n'est pas qu'un seul paragraphe qu'on a demandé au demandeur de lire, mais un document de deux pages énonçant les grandes lignes de la procédure et d'autres déclarations à caractère juridique. Le document contenait des acronymes.

[10]            Il m'apparaît que, comme règle générale, il serait plus approprié d'utiliser un paragraphe comportant un contenu plus courant, comme un extrait d'un article de journal, pour évaluer la capacité d'un demandeur à lire correctement. Cependant, comme je l'ai déclaré, les règlements ne prévoient pas le type de document qui doit être utilisé et, dans certaines circonstances, un document d'immigration peut être approprié.

[11]            Pour les motifs énoncés, je suis d'avis que le test de lecture que l'agent des visas a fait passer au demandeur ne constituait pas un test raisonnable pour évaluer s'il pouvait lire l'anglais « correctement » . Si l'agent des visas avait évalué que le demandeur pouvait lire l'anglais « correctement » , il lui aurait attribué 6 points au lieu de 2 points et le total des points aurait été 71 points, ce qui aurait permis au demandeur d'être admissible à un visa de résident permanent.


[12]            Bien que la conclusion précédemment énoncée soit suffisante pour trancher du présent contrôle judiciaire, je note en outre que l'agent des visas n'a attribué au demandeur que 2 points pour la personnalité, du moins en partie parce que, selon les notes du STIDI, le [TRADUCTION] « [...] demandeur n'a démontré aucune initiative particulière visant à améliorer des déficiences quant à ses aptitudes en langue anglaise [...] » . L'agent des visas n'a rien mentionné dans les notes du STIDI relativement à un document que lui a fourni le demandeur lors de l'entrevue et qui montrait qu'il était inscrit à un cours d'anglais. Dans son affidavit, l'agent des visas reconnaît que le demandeur avait effectivement un tel document. Cependant, il déclare ensuite :

[TRADUCTION]

Il n'y avait pas, pour autant que je puisse me le rappeler, de documents comparables à, par exemple, une feuille de résultats de test TOEFL, permettant d'évaluer objectivement les aptitudes du demandeur ou le progrès fait afin d'améliorer sa connaissance de l'anglais.

[13]            L'agent des visas n'a pas conservé le document que lui a montré le demandeur et ses notes ont été consignées au STIDI le 15 novembre 2000, environ deux semaines après l'entrevue du 2 novembre 2000. Dans son affidavit, l'agent des visas donne à penser que le problème était l'absence d'une feuille de résultats de test TOEFL ou d'un autre document permettant d'évaluer le progrès fait par le demandeur afin d'améliorer sa connaissance de l'anglais. Cependant, dans les notes du STIDI, le motif énoncé pour justifier le résultat exceptionnellement peu élevé quant à la personnalité du demandeur était son manque d'initiative visant à améliorer sa connaissance de l'anglais. Indépendamment des aptitudes du demandeur ou de son progrès, le fait qu'il se soit inscrit à un cours d'anglais semble être une certaine preuve d'initiative visant à améliorer sa connaissance de l'anglais.


[14]            L'agent des visas, s'il avait tenu compte du fait que le demandeur était inscrit à un cours d'anglais, aurait peut-être accordé peu ou pas d'importance à cette inscription. Cependant, les notes du STIDI ne mentionnent pas l'inscription et ont été consignées environ deux semaines après l'entrevue. J'ai l'impression que l'agent des visas n'a simplement pas tenu compte de l'inscription lorsqu'il a conclu que le demandeur n'avait [TRADUCTION] « aucune initiative » . Ainsi, sa conclusion quant à la personnalité du demandeur ne peut pas être retenue.

[15]            Pour les motifs énoncés, je suis d'avis d'accueillir la demande de contrôle judiciaire et de renvoyer l'affaire à un autre agent des visas pour qu'il statue à nouveau sur l'affaire après avoir examiné le dossier déjà soumis et toute nouvelle preuve que le demandeur choisira de soumettre ou qui sera requise par l'agent des visas.

  

« Marshall Rothstein »

Juge

                      

Le 22 août 2002

Toronto (Ontario)

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

           Avocats inscrits au dossier

  

DOSSIER :                                                      IMM-6464-00

INTITULÉ :                                                     GAGIK SHAHINIAN

demandeur

          - et -

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

          DE L'IMMIGRATION

défendeur

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE JEUDI 15 AOÛT 2002   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :           LE JUGE ROTHSTEIN

DATE DES MOTIFS :                     LE JEUDI 22 AOÛT 2002

  

COMPARUTIONS :                        Nancy Myles Elliott

                        Pour le demandeur

         Pamela Larmondin

                        Pour le défendeur

                                                                                                                   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Nancy Myles Elliott

        Avocate

        130, rue Bloor

        Bureau 601

        Toronto (Ontario) M5S 1N5

                        Pour le demandeur         

         Morris Rosenberg

         Sous-procureur général du Canada

                        Pour le défendeur


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

             Date : 20020822

    Dossier : IMM-6464-00

ENTRE :

GAGIK SHAHINIAN

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                      défendeur

                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                   

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