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Date : 20201224


Dossier : T‑834‑20

Référence : 2020 CF 1191

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 décembre 2020

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA

demandeur
(défendeur reconventionnel)

et

CICC THE COLLEGE OF IMMIGRATION AND CITIZENSHIP CONSULTANTS CORP., NUHA NANCY SALLOUM et RYAN DEAN

défendeurs

ET ENTRE :

CICC THE COLLEGE OF IMMIGRATION AND CITIZENSHIP CONSULTANTS CORP.

demanderesse reconventionnelle

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse reconventionnelle

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demande du demandeur et la présente requête en injonction interlocutoire s’articulent autour du droit d’employer le nom « Collège des consultants en immigration et en citoyenneté ».

[2] Depuis 2011, le demandeur – le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada, ou le CRCIC – est le seul organisme national désigné d’autoréglementation des consultants en immigration et en citoyenneté au Canada : art 91(5) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC (2001), c 27 [la LIPR] et art 21.1(5) de la Loi sur la citoyenneté, LRC (1985), c C‑29. Dans la décision Société canadienne de consultants en immigration c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1435 [SCCI 2011], le juge Martineau a passé en revue la genèse de cette évolution et a tranché la demande de contrôle judiciaire concernant les textes réglementaires révoquant la désignation de l’ancien organisme de réglementation.

[3] La nouvelle Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, LC (2019), c 29, art 292 [la Loi sur le Collège], qui a obtenu la sanction royale le 21 juin 2019, prévoit un mécanisme autorisant précisément le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada [le CRCIC] à proroger son statut d’organisme de réglementation sous le nom de « Collège des consultants en immigration et en citoyenneté » : Loi sur le Collège, art 2 et 83‑85. Le CRCIC a pris les mesures requises pour demander sa prorogation, une fois la Loi sur le Collège proclamée.

[4] La Loi sur le Collège est entrée en vigueur le 9 décembre 2020, à l’issue d’un processus à deux volets. Premièrement, le gouverneur général en conseil a pris le décret numéro CP 2020‑0903, le 20 novembre 2020, soit le même jour que l’audition de la présente affaire. Ce décret a fixé la date d’entrée en vigueur de la Loi sur le Collège à « la date d’enregistrement du présent décret, la date d’entrée en vigueur de l’article 292 de cette Loi [la Loi no1 d’exécution du budget de 2019, LC (2019), c 29] ». Deuxièmement, le décret a été enregistré le 9 décembre 2020 sous le numéro SI/ 2020‑0073 (les lettres « SI » signifient « Statutory Instrument » ou « Texte réglementaire »), et publié à cette date dans la partie II de la Gazette du Canada. Le paragraphe 16(1) de la Loi sur les textes réglementaires, LRC (1985), c S‑22, oblige la Cour à admettre d’office la proclamation de la Loi sur le Collège.

[5] La société défenderesse CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp. a été constituée en société sous le régime d’une loi fédérale le 25 octobre 2019 en vue de reprendre les activités de la Canadian Society of Immigration Practitioners [la CSIP]. Cette dernière était désignée comme une société affiliée de la Federal Society of Citizenship and Immigration Councils Inc. (FSCIC), qui, en 2010‑2011, avait présenté sa candidature, sans succès toutefois, pour devenir l’organisme national désigné d’autoréglementation des consultants en immigration et en citoyenneté au Canada. La société défenderesse espérait se substituer au CRCIC en tant que nouvel organisme de réglementation sous le régime de la Loi sur le Collège, essentiellement de la même façon que le CRCIC avait succédé à la Société canadienne de consultants en immigration [la SCCI] en tant que nouvel organisme de réglementation en 2011. La défenderesse individuelle, Mme Nuha Nancy Salloum, est la présidente et cheffe de l’exploitation de la société défenderesse, et elle était la directrice générale de la CSIP. Le défendeur individuel, M. Ryan Dean, était le chef de l’exploitation de la société défenderesse, jusqu’à ce qu’il présente sa lettre de démission, le 7 décembre 2020. Il demeure néanmoins partie à l’action ainsi qu’à la présente requête.

[6] Dans sa déclaration, le CRCIC allègue que les défendeurs ont violé les alinéas 7a), b), c) et d), l’alinéa 9(1)d) et l’article 11 de la Loi sur les marques de commerce. Il sollicite donc une injonction interlocutoire, en application de l’article 373 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, afin d’empêcher, directement ou indirectement, les défendeurs de :

[traduction]

  1. Utiliser la raison sociale et les marques CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp., The College of Immigration and Citizenship Consultants, les lettres CICC, « The College Act » ou tout autre mot ou symbole donnant à penser qu’ils sont le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté constitué au titre de la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, en lien avec leur entreprise, en tant que marque de commerce ou d’une autre façon;
  2. Utiliser le nom de domaine cicc-lcic.com;
  3. Conserver l’inscription LinkedIn à l’adresse https://www.linkedin.com/company/the-college-of-immigration-and-citizenship-consultants-corp;
  4. Se faire passer pour l’organisme de réglementation des consultants en immigration ou en citoyenneté.

[7] La société défenderesse est la demanderesse dans la demande reconventionnelle. Elle y allègue que le ou les défendeurs reconventionnels violent les alinéas 7a), b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce, de même que les articles 3, 14.1, 27 et 28.1 de la Loi sur le droit d’auteur. La demanderesse reconventionnelle sollicite des déclarations concernant l’existence et la propriété de droits d’auteur au sens des articles 5 et 13 de cette dernière loi. Entre autres choses, elle allègue avoir antérieurement employé le nom CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants et être titulaire du droit d’auteur sur une œuvre intitulée « The Regulated Citizenship and Immigration Professionals Act ».

[8] Le CRCIC est désigné comme défendeur reconventionnel dans l’intitulé de l’action principale, mais non dans celui de la demande reconventionnelle. Cela dit, il est décrit comme un défendeur reconventionnel dans le corps du document. Sa Majesté la Reine, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, et le procureur général du Canada étaient tout d’abord mentionnés comme défendeurs reconventionnels dans l’intitulé de la demande reconventionnelle, mais, après l’audition de la présente requête, les noms de ces deux dernières parties ont été retirés de l’intitulé sur consentement, ainsi que sur ordonnance de la protonotaire Furlanetto, la juge responsable de la gestion de l’instance, en date du 25 novembre 2020.

[9] Dans une requête en injonction interlocutoire, le rôle de la Cour n’est pas de répondre aux questions cruciales de l’action, mais plutôt de déterminer si le requérant satisfait au critère à trois volets qui est décrit dans l’arrêt RJR‑MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [arrêt RJR‑MacDonald]. Ce critère est formé des questions de nature conjonctive suivantes : i) existe-t-il une question sérieuse à juger, ii) la partie qui sollicite l’injonction interlocutoire subira‑t‑elle, sans cette dernière, un préjudice irréparable, non quantifiable et non indemnisable par des dommages-intérêts, et iii) quelle partie la prépondérance des inconvénients favorise‑t‑elle, c’est‑à‑dire à quelle partie l’octroi ou le refus de la requête causera-t-il le plus grand préjudice? Une conclusion ferme quant à l’une de ces trois questions peut faire abaisser le seuil des deux autres : Bell Media Inc. c GoldTV.Biz, 2019 CF 1432 [décision Bell Media] au para 56, citant Bell Canada c 1326030 Ontario Inc. (iTVBox.net) 2016 CF 612 au para 30.

[10] La principale question qu’il me faut examiner en l’espèce consiste à savoir si le CRCIC a satisfait au critère de l’arrêt RJR‑MacDonald en ce qui a trait aux alinéas 7a), b), c) ou d) ou à l’alinéa 9(1)d) et à l’article 11 de la Loi sur les marques de commerce. Premièrement, pour savoir si le CRCIC a établi l’existence d’une question sérieuse à juger, il est nécessaire d’examiner le fond de l’action : RJR‑MacDonald, précité, à la p 337; R c Société Radio‑Canada, 2018 CSC 5 [SRC] au para 12. Cependant, ce volet est généralement considéré comme peu exigeant, en ce sens que la cause du requérant ne doit pas être frivole ou vexatoire. Ensuite, le CRCIC doit convaincre la Cour qu’il subirait un préjudice irréparable – un préjudice clair et non conjectural – si l’injonction interlocutoire était refusée : Reckitt Benckiser LLC c Jamieson Laboratories Ltd, 2015 CF 215 au para 51, citant Centre Ice Ltd c National Hockey League (1994), 53 CPR (3d) 34 (CAF) au para 50; Sleep Country Canada Inc. c Sears Canada Inc., 2017 CF 148 aux para 27 et 29; CBC, précité, au para 12. Troisièmement, l’examen de la prépondérance des inconvénients consiste à « établir quelle partie subirait le plus grand préjudice en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond, selon que la demande d’injonction est accueillie ou rejetée » : CBC, précité, au para 12. La question primordiale consiste à savoir s’il serait juste et équitable d’accorder l’injonction eu égard à l’ensemble des circonstances et du contexte de l’affaire : Google Inc. c Equustek Solutions Inc., 2017 CSC 34 aux para 1 et 25.

[11] Après avoir examiné la preuve des parties, de même que leurs arguments écrits et oraux, je conclus que le CRCIC a satisfait au critère qui s’applique à une requête en injonction interlocutoire : il existe des questions sérieuses à juger au sujet des alinéas 7a) et d), de l’alinéa 9(1)d) et de l’article 11, les défendeurs ont causé un préjudice irréparable au CRCIC, notamment quant à sa transition ordonnée vers le statut d’organisme de réglementation sous le régime de la Loi sur le Collège, et à l’intérêt public, et la prépondérance des inconvénients favorise le CRCIC. Pour les motifs exposés plus en détail ci‑dessous, je fais donc droit à la requête du CRCIC qui vise à empêcher les défendeurs par la voie d’une injonction interlocutoire de se livrer aux activités décrites au paragraphe 6 qui précède (sous réserve de quelques modifications afin d’assurer une correspondance plus étroite avec la déclaration), en attendant que la Cour tranche la demande du CRCIC et la demande reconventionnelle des défendeurs.

[12] Je vais maintenant examiner une question préliminaire qui a été soulevée en rapport avec le dossier de requête en réponse que Mme Salloum a déposé et sa preuve par affidavit sur laquelle elle a cherché à s’appuyer dans le cadre de la présente requête. Je résumerai ensuite les éléments admis en preuve que les parties ont présentés et d’autres éléments contextuels avant de me lancer dans mon analyse.

II. Question préliminaire

[13] Une question préliminaire, qui a été réglée au début de l’audience concernant la requête en injonction interlocutoire, reflète la complexité procédurale de la présente affaire. Cette question a trait à la preuve par affidavit de Mme Salloum, contenue dans le dossier de réponse qui a été déposé pour le compte de la société défenderesse et de la défenderesse individuelle, Mme Salloum, par suite des procédures qui sont décrites ci‑après. Parmi les affidavits contenus dans le dossier de réponse, seul l’affidavit du 15 septembre 2020 de Mme Salloum, sur lequel elle a été contre‑interrogée, a été présenté en défense à la requête en injonction interlocutoire. J’ai donc refusé d’admettre les affidavits complémentaires de Mme Salloum dans le cadre de la présente requête. À mon avis, les éléments de preuve que l’on cherchait à produire dans ces affidavits étaient, pour la plupart, disponibles avant le contre‑interrogatoire de Mme Salloum, et les défendeurs auraient donc pu invoquer explicitement ces éléments dans le cadre de la requête en injonction interlocutoire.

[14] Le 19 octobre 2020, Mme Salloum a déposé une requête en vertu de l’article 120 des Règles des Cours fédérales afin de pouvoir représenter la société défenderesse. À la suite d’une conférence de gestion d’instance tenue avec les parties, le 3 novembre 2020, la protonotaire Furlanetto a fait droit à la requête, sous certaines réserves. Reconnaissant que les deux défendeurs individuels n’étaient alors pas représentés par un avocat et que Mme Salloum était seule propriétaire de la totalité des actions ordinaires de la société défenderesse, la protonotaire Furlanetto s’est dite disposée à autoriser Mme Salloum à représenter la société défenderesse à l’étape de la requête préliminaire. L’ordonnance qu’elle a rendue à cet égard, le 3 novembre 2020, indique que la Cour conserve le pouvoir discrétionnaire de réexaminer, sur une base régulière, la question de la représentation pour déterminer si Mme Salloum est en mesure de gérer la complexité de l’instance pour le compte de la société défenderesse ou si l’affaire n’avance plus assez rapidement.

[15] À la suite d’une autre conférence de gestion d’instance tenue avec les parties le 13 novembre 2020, la protonotaire Furlanetto a accordé aux défendeurs une prorogation de délai (à compter du 6 novembre), leur donnant jusqu’au 17 novembre 2020 pour signifier et déposer leurs dossiers de réponse relativement à la requête en injonction interlocutoire. Seule Mme Salloum a déposé un dossier de réponse; M. Dean ne l’a pas fait.

[16] Dans une lettre en date du 17 novembre 2020 qu’il a adressée à la Cour, le CRCIC a dit s’opposer au dossier de réponse de Mme Salloum parce qu’il contenait des affidavits complémentaires qui n’avaient pas déjà été signifiés et déposés en lien avec la requête en injonction interlocutoire et avant le contre‑interrogatoire de Mme Salloum, même si la plupart d’entre eux avaient été déposés dans le cadre d’autres requêtes ou étapes afférentes à l’action. Le 5 novembre 2020, le CRCIC a contre‑interrogé Mme Salloum sur son affidavit du 15 septembre 2020, dans lequel elle affirme qu’il est présenté en défense à la requête en injonction. Les affidavits complémentaires sont datés du 17 mars 2020 (soit avant que l’action soit introduite, le 28 juillet 2020), des 5, 16 et 26 octobre 2020 ainsi que du 10 novembre 2020. Aucun d’eux ne précise qu’il a été établi pour les besoins de la requête en injonction interlocutoire, mais qu’ils l’ont plutôt été à d’autres fins. Par lettre en date du 17 novembre 2020 adressée à la Cour, Mme Salloum a répondu à la lettre du CRCIC, qui porte la même date.

[17] La Cour souligne que, dans les directives que la protonotaire Furlanetto a données¸ le 17 novembre 2020, il est précisé que les seuls affidavits pouvant faire partie des documents déposés par les parties en vue de la requête en injonction interlocutoire étaient ceux qui avaient été signifiés pour les besoins de ladite requête, soit dans le cas des défendeurs, l’affidavit souscrit par Mme Salloum le 15 septembre 2020, et dans le cas du demandeur, les affidavits souscrits par Mme Kennedy les 28 juillet, 18 septembre et 2 novembre 2020. La question de leur admissibilité serait débattue au moyen d’observations orales au début de l’audience, le 20 novembre 2020, et les documents complémentaires contenus dans le dossier de réponse des défendeurs ne seraient considérés comme en faisant partie que si le juge du fond l’autorisait.

[18] Mme Salloum a répondu en déposant à la Cour d’autres observations sur la question. Citant les décisions de notre Cour Pfizer Canada Inc. c Rhoxalpharma Inc., 2004 CF 1685 [Pfizer] et Fibremann Inc. c Rocky Mountain Spring (Icewater 02) Inc., 2005 CF 977 [Fibremann], elle a fait valoir qu’il y avait lieu d’admettre les affidavits complémentaires parce que la preuve qu’elle souhaitait présenter :

[traduction]

  1. servira l’intérêt de la justice;

  2. aidera la Cour;

  3. ne causera pas de préjudice grave à la partie adverse;

  4. n’était pas disponible avant le contre‑interrogatoire relatif aux affidavits de la partie adverse.

[19] Mme Salloum n’a pas expliqué dans ses observations écrites en quoi les affidavits complémentaires satisfaisaient aux directives susmentionnées ou au critère d’admissibilité d’une preuve tardive adopté par la juge Snider (aujourd’hui à la retraite) dans la décision Fibremann, précitée, au para 12, citant l’arrêt Atlantic Engraving Ltd c LaPointe Rosenstein, 2002 CAF 503.

[20] Après avoir entendu les observations orales sur la question présentées à l’audience, j’ai conclu que les décisions Fibremann et Pfizer, invoquées par Mme Salloum, se distinguaient de la présente affaire. Comme l’a souligné la juge Snider dans la décision Fibremann, le deuxième affidavit qui avait été déposé dans cette affaire après le contre‑interrogatoire visait à remédier à l’insuffisance du premier affidavit. Le deuxième affidavit n’avait pas pour but de compléter ou de modifier les éléments contenus dans l’affidavit précédent : « […] il n’y a pas un seul mot de l'affidavit [sur lequel son auteur a été contre-interrogé] qui est changé » : Fibremann, précitée, au para 13. C’est pourquoi la juge Snider a estimé que l’admission du second affidavit ne porterait pas préjudice à la partie adverse.

[21] Dans la décision Pfizer, la Cour a fait droit à l’appel de l’ordonnance de la protonotaire qui autorisait Pfizer Canada à déposer de nouveaux éléments de preuve après la fin des contre‑interrogatoires. La Cour a jugé qu’il était difficile de justifier la conclusion de la protonotaire, selon qui les affidavits ne contenaient aucun élément qui aurait pu être produit plus tôt. La Cour a conclu que l’affidavit complémentaire ne pouvait remplacer les renseignements qui étaient disponibles avant le contre‑interrogatoire; qui plus est, les parties sont tenues de divulguer tous les renseignements dont elles disposent avant le contre‑interrogatoire afin d’éviter le fractionnement de la preuve : Pfizer, précitée, au para 21. J’estime que, dans les circonstances, la décision Pfizer justifie mon refus de permettre à Mme Salloum de déposer ses affidavits complémentaires.

[22] Tel que mentionné, aucun des affidavits complémentaires n’a été déposé à l’appui de la requête en injonction interlocutoire; ils l’ont plutôt été dans le cadre d’autres requêtes ou étapes afférentes à l’action (à l’exception de l’affidavit du 17 mars 2020, qui date d’avant le début de l’action). Dans ce contexte, les renseignements étaient, pour la plupart, déjà disponibles avant le contre‑interrogatoire de Mme Salloum, et les défendeurs auraient pu les invoquer expressément dans le cadre de la requête en injonction interlocutoire. En ce qui concerne l’affidavit souscrit le 10 novembre 2020, soit cinq jours après le contre-interrogatoire de Mme Salloum, il est indiqué dans ses deux derniers paragraphes qu’il a également été établi à d’autres fins, notamment en vue d’une procédure distincte dont le numéro de dossier de la Cour est T‑1033‑20 (intitulée Procureur général du Canada c CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp. et Nuha Nancy Salloum). Par ailleurs, la plupart des renseignements figurant dans l’affidavit du 10 novembre 2020 étaient eux aussi déjà disponibles avant le contre‑interrogatoire de Mme Salloum ou concernent le dossier no T‑1033‑20. Je n’étais donc pas disposée à permettre, au titre du paragraphe 84(2) des Règles des Cours fédérales, le dépôt des affidavits complémentaires de Mme Salloum, datés du 17 mars 2020, des 5, 16 et 26 octobre 2020, ainsi que du 10 novembre 2020, en lien avec la requête interlocutoire du demandeur.

[23] Par souci d’exhaustivité, je souligne que le dossier de réponse contient deux autres affidavits, auxquels le CRCIC s’est opposé dans sa lettre du 17 novembre 2020. L’un est une copie incomplète d’un affidavit d’Aakash Mistry souscrit le 16 septembre 2020 et décrivant une série de recherches faites dans Internet le 10 septembre 2020. L’autre est une copie d’un affidavit souscrit par Amandeep Singhera, le 10 août 2020, en lien avec une requête urgente en suspension provisoire déposée par le CRCIC contre M. Ryan Dean. Comme les deux affidavits semblent être liés à d’autres instances et qu’ils n’ont pas été souscrits pour les besoins de la requête en injonction interlocutoire, je n’en ai pas tenu compte.

III. Résumé de la preuve admise par la Cour et autres éléments contextuels

[24] La preuve présentée par le CRCIC, et admise par la Cour, se compose de trois affidavits souscrits par Mme Mary Kennedy, registraire adjointe du CRCIC, les 28 juillet, 18 septembre et 30 octobre 2020. Il est précisé dans les trois affidavits qu’ils ont été établis afin d’obtenir une injonction contre les défendeurs. Comme je l’ai mentionné plus tôt, la preuve présentée par les défendeurs, et que la Cour a admise, se compose de l’affidavit de Mme Salloum, daté du 15 septembre 2020. Les deux déposantes ont été contre‑interrogées, et les transcriptions font partie du dossier de preuve de la présente requête.

A. a) La preuve du CRCIC

(a) (i) L’affidavit de Mme Mary Kennedy, souscrit le 28 juillet 2020 [l’affidavit de Mme Kennedy no 1]

[25] Mme Kennedy a confirmé qu’elle est la registraire adjointe du CRCIC. Elle est responsable de l’accès à la pratique des nouveaux membres et doit aussi s’assurer que ceux‑ci répondent aux conditions d’admission. Il lui incombe aussi de rédiger et de réviser le projet de règlement assurant la transition prochaine du CRCIC au titre de Collège des consultants en immigration et en citoyenneté. Elle compte plus de 14 années d’expérience dans le domaine de la réglementation professionnelle, ayant occupé antérieurement divers postes auprès de plusieurs organismes de réglementation professionnelle en Ontario, dont l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, le College of Denturists of Ontario, l’Ordre des physiothérapeutes de l’Ontario, de même que le Conseil transitoire de l’Ordre des homéopathes de l’Ontario.

[26] La mission du CRCIC, qui dispose d’un budget annuel de plus de 10 millions de dollars, est de servir et de protéger le public en supervisant les consultants réglementés en immigration et en citoyenneté. Les 6 500 membres et plus que compte le CRCIC sont des consultants réglementés en immigration canadienne [CRIC] et, à ce titre, eux seuls peuvent conseiller ou représenter une personne lors d’un examen au titre de la LIPR et de la Loi sur la Citoyenneté, à part les avocats ou les parajuristes ou, au Québec, les notaires. Le CRCIC a fait enregistrer le mot CRIC comme marque de certification sous le numéro d’enregistrement LMC895693, en date du 4 février 2015.

[27] Le CRCIC réglemente ses membres au moyen de diverses mesures. Pour devenir CRIC, une personne doit passer un examen d’accès à la pratique et, pour cela, elle doit répondre aux critères suivants : a) maîtriser l’anglais ou le français, b) se soumettre avec succès à une vérification de ses antécédents, et c) avoir réussi un programme des praticiens en immigration reconnu par le CRCIC. Pour conserver leur statut de membre, les CRIC doivent également répondre aux exigences suivantes : a) maintenir leur compétence dans l’usage de l’anglais ou du français, b) se conformer au Code d’éthique professionnel, c) obtenir et conserver une assurance‑responsabilité professionnelle, et d) suivre 16 heures de formation professionnelle continue par année. Le CRCIC tient un registre public des CRIC autorisés.

[28] Pour l’instant, le CRCIC n’a pas le pouvoir de poursuivre les consultants en immigration non autorisés. La Loi sur le Collège habilitera le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté constitué sous son régime à non seulement contrôler l’emploi des titres « consultant en immigration » et « consultant en citoyenneté », mais aussi à réglementer les non-membres : Loi sur le Collège, art 77‑78.

[29] Le 19 septembre 2019, le CRCIC a adopté une résolution spéciale en vue de sa prorogation sous le régime de la Loi sur le Collège et il a demandé au ministre désigné en vertu de cette Loi d’être ainsi prorogé : Loi sur le Collège, para 84(1). Il a été demandé à Mme Kennedy, en contre‑interrogatoire, s’il y avait une garantie ou une certitude quelconque que le CRCIC deviendrait le Collège ou s’il était possible que celui-ci soit constitué de la manière prévue à l’article 86 de la Loi. Elle a répondu que le CRCIC est nommé dans la Loi et qu’elle n’était pas sûre de pouvoir affirmer le contraire. Quand on lui a demandé si le CRCIC utilisait le nom CICC, Mme Kennedy a répondu que non; c’était dans la Loi. À l’audience tenue devant moi, le CRCIC a confirmé qu’il n’utilisait pas encore ce nom et qu’il ne le ferait pas avant que la transition ait lieu; une fois qu’il deviendrait le Collège, il changerait alors de nom.

[30] Environ un mois plus tard, le 25 octobre 2019, Mme Salloum a constitué en société CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp. [CICC] sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC (1985), c C‑44. De plus, à la même date, CICC a présenté une demande d’enregistrement de la marque de commerce CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp. sous le numéro de demande 1992497. Le 28 octobre 2019, CICC a également présenté une demande d’enregistrement de la marque de commerce « The College Act » sous le numéro de demande 1992636. (Je signale que l’état des deux demandes est qualifié de « formalized » ([traduction] « officialisé ») en date du 14 novembre 2019, d’après les détails relatifs à ces demandes qui sont joints en tant que pièces à l’affidavit de Mme Kennedy no 1.)

[31] De plus, CICC est inscrite parmi plusieurs détenteurs des enregistrements de droit d’auteur suivants : i) numéro 1163760, daté du 28 octobre 2019, pour une œuvre intitulée « CICC – The College of Immigration and Citizenship Consultants », ii) numéro 1163819, daté du 29 octobre 2019, pour une œuvre intitulée « The College Act », et iii) numéro 1163808, daté du 29 octobre 2019, pour une œuvre intitulée « The College of Immigration and Citizenship Consultants ». Quand on a posé des questions à Mme Salloum en contre‑interrogatoire sur les enregistrements relatifs à « The College Act » et « The College of Immigration and Citizenship Consultants », elle a répondu que le premier est un [TRADUCTION] « droit d’auteur sur un titre » et que le second vise à [TRADUCTION] « mettre en valeur ce collège, The College, pas un simple collège ou le CICC college, mais The College [; i]l fallait donc que nous protégions ce terme lui‑même ».

[32] Le 1er novembre 2019, le nom de domaine CICC-LCIC.COM a été enregistré. Les détails de cet enregistrement, joints en tant que pièce à l’affidavit de Mme Kennedy no 1, révèlent que l’inscrit est Domains by Proxy, LLC et que le registraire est GoDaddy.com, LLC. Les pièces jointes à l’affidavit de Mme Kennedy no 1 comprennent des captures d’écran tirées d’un site Web de CICC, à l’adresse cicc-lcic.com. Je signale toutefois l’absence de localisateur de ressources uniforme – ou URL – sur les pièces qui contiendraient ou confirmeraient le nom de domaine. Cependant, les captures d’écran comportent bel et bien la mention « POWERED BY GODADDY WEBSITE BUILDER » (ou : OPTIMISÉ PAR LE CRÉATEUR DE SITE WEB GODADDY).

[33] CICC a également créé une inscription LinkedIn à l’adresse https://www.linkedin.com/company/the-college-of-immigration-and-citizenship-consultants-corp/. Les pièces jointes à l’affidavit de Mme Kennedy no 1 comprennent des extraits de cette inscription, dont : [traduction] « Veuillez nous visiter à www.cicc-lcic.com pour en apprendre davantage sur nous ». J’admets que CICC est à l’origine de l’enregistrement du nom de domaine et qu’elle utilise – ou utilisait – le nom de domaine cicc-lcic.com en lien avec son site Web, à l’adresse www.cicc-lcic.com. Ce fait est confirmé dans l’affidavit de Mme Salloum, souscrit le 15 septembre 2020 et résumé ci‑après. Comme il est indiqué plus loin, GoDaddy.com a toutefois suspendu le site Web pour une période de 90 jours, à la demande du CRCIC.

[34] Les fausses allégations et déclarations que l’on retrouve à la fois sur le site Web de CICC et dans l’inscription LinkedIn comprennent les suivantes [reproduites à partir des pièces jointes aux affidavits, avec ajout du soulignement et indication de la source] :

[traduction]

  • - Commet une infraction punissable par la loi quiconque fournit des services d’immigration et de citoyenneté canadienne moyennant rémunération ou toute autre contrepartie s’il n’est pas réglementé par « CICC », une société juridique canadienne, ou la Chambre des notaires du Québec [site Web de CICC];

  • - Les praticiens en citoyenneté et en immigration doivent être membres de « CICC » pour exercer le droit de la citoyenneté et de l’immigration au Canada (site Web de CICC];

  • - Tous les praticiens en citoyenneté et en immigration au Canada qui sont membres du « CRCIC » doivent être des membres en transition de « CICC ») [sic] pour pouvoir exercer le droit de la citoyenneté et de l’immigration [site Web de CICC];

  • - Le College of Immigration and Citizenship Consultantsest une société fédérale enregistrée jouissant d’un statut extraprovincial. Le Collegeest enregistré à titre d’organisme de réglementationdes professionnels de l’immigration et de la citoyenneté [site Web de CICC];

  • - Le College sera pleinement opérationnel à compter du 31 août 2020. Il est ouvert pour affaires, veuillez en devenir membre à compter du 1er juillet 2020. Demandez à votre ancien organisme de réglementation, le CRCIC, de vous rembourser ou de transférer vos cotisations professionnelles payées au bureau du registraire de CICC avant le 1er juillet 2020 [extrait de LinkedIn];

  • - Le nouvel organisme de réglementation « CICC » a été constitué le 25 octobre 2019 par le bureau d’enregistrement des sociétés d’Industrie Canada à titre d’organisme de réglementation enregistré pour les consultants en immigration en vertu de la Loi fédérale [extrait de LinkedIn];

  • - Le Sénat du Canada a approuvé l’offre de 2010 de la CSIP en vue de sa mise en œuvre en 2020. Le Collegeest protégé par les lois sur la propriété intellectuelle, ce qui fait que Salloum est en droit d’exploiter la société fédérale enregistrée CICC [extrait de LinkedIn];

  • - Le nom du College appartient à CSIP et à Salloum en vertu des dispositions de protection de la propriété intellectuelle. Nul n’est autorisé à utiliser ce nom, même pas le ministre lui-même. Cela sera considéré comme une violation de la propriété intellectuelle [extrait de LinkedIn].

[35] À la fin de juin 2020, le CRCIC a reçu par courriel une demande de renseignements de la part de l’un de ses membres au sujet de CICC et de son site Web, à l’adresse https://cicc-lcic.com. La demande de renseignements transmise par courriel indique qu’elle a été envoyée le 25 juin 2020 et elle est jointe en tant que pièce à l’affidavit de Mme Kennedy no 1. L’auteur du courriel s’informe de la légitimité des informations que l’on peut trouver en consultant les hyperliens présentés sur le site Web de CICC et dans un compte Dropbox ([traduction] « Pas mal sûr que ce n’est pas légitime »), et conclut‑il : [traduction] « Cela est TRÈS déroutant, surtout pour les nouveaux membres de mon groupe, et je parie donc qu’il y a pas mal de gens qui vont se faire avoir par ça ». Le CRCIC reçoit régulièrement des demandes de renseignements semblables à propos des activités des défendeurs. Lorsqu’on lui a demandé en contre‑interrogatoire si le CRCIC tenait un registre des membres qui avaient laissé leur adhésion expirer, Mme Kennedy a répondu que oui. Elle a de plus déclaré que la période de renouvellement annuel avait pris fin plus tard cette année, le 1er septembre, à cause de la COVID, et qu’il y avait eu une augmentation du nombre de personnes suspendues pour non‑paiement des cotisations.

[36] Le ou vers le 25 juin 2020, M. Ryan Dean a envoyé aux membres du CRCIC une lettre, écrite sur du papier à en‑tête de CICC, dans laquelle il disait notamment : [traduction] « AVIS EST PAR LES PRÉSENTES DONNÉ à tous les consultants en immigration canadiens autorisés par l’organisme de réglementation existant de s’inscrire auprès du College of Immigration and Citizenship College Corp. (le « College ») ». La lettre fait référence aux [TRADUCTION] « Doc. en matière de PI du College », lesquels comprennent les demandes de marque de commerce et les enregistrements de droit d’auteur susmentionnés.

[37] Est reproduit ci‑dessous l’en‑tête apparaissant sur la copie de la lettre jointe en tant que pièce à l’affidavit de Mme Kennedy no 1, et où figurent les mots « Licensed Councils » (Conseils autorisés) sous l’acronyme CICC‑LCIC :

Je note qu’une configuration légèrement différente de l’en‑tête, mais comportant les mêmes éléments, apparaît sur des documents plus récents que les défendeurs ont déposés à la Cour; cet en‑tête est reproduit ci‑dessous :

[38] À ceux qui ont répondu à la lettre de M. Dean, CICC a envoyé le 28 juin 2020 une lettre de bienvenue qui mentionne que CICC a joint 1 878 membres au cours des 24 heures précédentes. Mme Kennedy souligne que ni la lettre de bienvenue ni le site Web de CICC ne font état des conditions d’accès à la pratique ou des critères de reconnaissance et d’évaluation des connaissances antérieures. Elle conclut que CICC n’a aucun processus en place pour confirmer les connaissances, les compétences et le jugement des membres éventuels car, si cela avait été le cas, CICC n’aurait pas pu sélectionner 1 878 membres dans un délai aussi court. Mme Kennedy ajoute que, même si le site Web de CICC fait mention de la disponibilité d’un code d’éthique et de normes de pratique qui est entré en vigueur le 19 juillet 2019, une copie de ce document n’est pas disponible sur le site Web.

[39] Le CRCIC a envoyé une mise en demeure à M. Ryan Dean, le 28 juin 2020, exigeant que l’on mette fin aux fausses déclarations et que le site Web soit fermé. Mme Salloum y a répondu le 29 juin 2020, sur du papier à en‑tête de CICC. Elle a notamment allégué que les références qui sont faites dans la mise en demeure à la College Act et au College of Immigration and Citizenship Consultants [traduction] « violaient les droits de propriété intellectuelle de CICC ». De plus, [traduction] « CICC et Salloum, qui sont propriétaires de marques de commerce en attente d’enregistrement et de droits d’auteur enregistrés, peuvent poursuivre le CRCIC pour ‘commercialisation trompeuse’, ainsi que pour ‘violation’ et ‘dépréciation’ de l’achalandage » [non souligné dans l’original].

[40] Mme Salloum a également envoyé aux membres du CRCIC une autre lettre dans laquelle elle prétendait qu’en constituant CICC en société, cette dernière est devenue le Collège et que le CRCIC a cessé d’être l’organisme de réglementation et n’avait plus de mandat fédéral. Elle s’appuyait à cet égard sur les enregistrements de droit d’auteur et les demandes de marque de commerce, de même que sur la constitution en société de CICC et son enregistrement extraprovincial en Ontario.

[41] L’affidavit de Mme Kennedy no 1 décrit également, et joint en tant que pièce, un courriel qui a été envoyé le 9 juillet 2020 au CRCIC par le courtier en assurance‑responsabilité professionnelle qui représentait les membres du CRCIC. Dans ce courriel, l’expéditeur mentionne un appel téléphonique de Nuha Nancy Salloum, cheffe de l’exploitation de CICC‑LCIC, qui soutenait qu’elle était à la tête de CICC‑LCIC – College of Immigration and Citizenship Consultants et que les membres devaient relever de cet organisme parce qu’il était maintenant l’organe qui régissait tous les consultants en immigration au Canada. L’expéditeur conclut son message en disant : [traduction] « Nous cherchons seulement à obtenir les indications ou les renseignements que vous pouvez nous fournir ». Lors du contre‑interrogatoire de Mme Salloum, le courriel de suivi que CICC a envoyé le 9 juillet 2020 au courtier d’assurance, après l’appel, a été produit. Après avoir résumé la [traduction] « situation actuelle de CICC College », l’auteur du courriel fait valoir que : [traduction] « [CICC] a reçu l’autorisation [d’être l’organisme de réglementation] des deux chambres du gouvernement (Parlement et Sénat) le 21 juin 2019 », et [traduction] « votre compagnie d’assurance doit décider que tous les membres du CRCIC exercent dans l’illégalité parce que le statut de ce dernier en tant qu’organisme de réglementation a été révoqué le 25 octobre 2019 ». Après avoir décrit le fonctionnement de [traduction] « notre nouveau College », le courriel se termine par la mention suivante : [traduction] « Une confusion publique a pris l’industrie entièrement par surprise ».

[42] L’affidavit de Mme Kennedy no 1 décrit de plus des éléments du site Web de CICC qui sont copiés d’autres sites Web, comme ceux de l’Ordre des éducatrices et des éducateurs de la petite enfance et de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario. Les parties du site Web de CICC qui ont été copiées de ces autres sites Web contiennent des références à la [traduction] « profession d’éducatrice ou d’éducateur en petite enfance » et à la [traduction] « profession médicale », respectivement.

(b) ii) L’affidavit de Mme Mary Kennedy souscrit le 18 septembre 2020 [l’affidavit de Mme Kennedy no 2]

[43] Mme Kennedy confirme avoir souscrit l’affidavit de Mme Kennedy no 1. Est notamment joint à l’affidavit de Mme Kennedy no 2 une version PDF du rapport du Comité de sélection daté du 27 janvier 2011 et faisant état de ses recommandations sur les propositions des organismes souhaitant devenir l’organisme de réglementation des consultants en immigration. Le rapport est archivé sur le site Web de Citoyenneté et Immigration Canada.

[44] Mme Kennedy atteste que, depuis le 28 juillet 2020, le CRCIC a pris plusieurs mesures contre CICC, soit : i) déposer une opposition au nom de CICC auprès du directeur, LCSA, ii) déposer une plainte en vertu du paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence, et iii) demander à GoDaddy.com de suspendre le site Web de CICC pendant 90 jours, ce que GoDaddy.com a fait.

(c) iii) L’affidavit de Mme Kennedy souscrit le 30 octobre 2020 [l’affidavit de Mme Kennedy no 3]

[45] Dans son affidavit no 3, Mme Kennedy atteste s’être servie de la Wayback Machine pour voir des captures archivées des sites http://voicecanada.ca et www.csip.ca sauvegardés par l’organisme Internet Archive aux dates suivantes : i) pour www.csip.ca : le 19 avril 2010, le 26 juillet 2010, le 15 octobre 2010, le 28 janvier 2011 et le 9 septembre 2011, et ii) pour http://voicecanada.ca : le 27 août 2010, le 28 juillet 2011, le 29 juillet 2011, le 30 juin 2011, le 23 avril 2015, le 24 avril 2015 et le 18 décembre 2014. Des imprimés sont joints en tant que pièces à l’affidavit.

[46] Mme Kennedy a également téléchargé depuis l’organisme Internet Archive une capture du site Web de l’Ordre des médecins et chirurgiens, avec comme date d’archivage le 3 novembre 2010 et concernant un Manuel sur les processus de gouvernance – Février 2010.

B. b) La preuve de CICC

(a) i) L’affidavit de Mme Nuha Nancy Salloum, souscrit le 15 septembre 2020 [l’affidavit de Mme Salloum]

[47] Mme Salloum atteste qu’elle est la présidente de CICC. Elle explique que, en 2010, Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] a lancé un processus visant à sélectionner un organisme qui réglementerait les consultants en immigration, de manière à protéger contre la fraude les éventuels immigrants vulnérables et à prendre des mesures répressives à l’endroit des consultants en immigration malhonnêtes. Ce lancement faisait suite à un avis d’intention publié dans la Gazette du Canada, le 12 juin 2010. Un appel de propositions de la part des candidats intéressés a été publié dans la Gazette du Canada, le 28 août 2010 (d’après la pièce jointe, par opposition à la date du 12 juin 2010 qui est mentionnée dans l’affidavit). Les candidats intéressés avaient jusqu’au 29 décembre 2010 pour soumettre leur proposition.

[48] La Canadian Society of Immigration Practitioners (CSIP), dont Mme Salloum était la cheffe de la direction, a soumis sa proposition au ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme de l’époque, l’honorable Jason Kenny, le 9 octobre 2010. Dans sa proposition, la CSIP a inventé la marque THE COLLEGE OF IMMIGRATION AND CITIZENSHIP CONSULTANTS (la « marque de CICC »). (Je signale que la lettre d’accompagnement fait en fait référence à « CICC – the College of Immigration and Citizenship Consultants », en plus de « CCIC – the College of Citizenship and Immigration Consultants » en tant que deux noms possibles).

[49] La candidature de la CSIP n’a pas été retenue. En 2011, le CRCIC a été choisi comme nouvel organisme de réglementation. Néanmoins, la CSIP a poursuivi ses activités dans le secteur de l’immigration et de la citoyenneté en utilisant sa marque, et en agissant notamment comme « organisme de réglementation » pour ses propres membres, qui fournissaient bénévolement des services à des immigrants. Les services de la CSIP ont été fournis gratuitement entre 2006 et 2018, et aucun de ses membres n’a été obligé d’adhérer au CRCIC. Depuis sa constitution, le CRCIC n’est jamais entré en contact avec la CSIP au sujet de l’utilisation de la marque CICC. Je signale que l’affidavit de Mme Kennedy n3 fait mention d’une capture d’archives du site http://voicecanada.ca datée du 18 décembre 2014, et que cette capture y est jointe en tant que pièce. Il s’agit d’une discussion, datée du 4 octobre 2011, au sujet de décisions de la Cour fédérale qui confirment la compétence de la SCCI. La juge Snider y est citée : « Tant que la SCCI sera une société dotée de règlements administratifs et comptera des membres, elle pourra choisir de ‘réglementer’ ces derniers ». La discussion se poursuit ainsi : [TRADUCTION] « Il est évident que le fait que la SCCI perde sa désignation ne libère pas ses membres de leurs obligations envers la Société ». Indépendamment de la question de savoir si Mme Salloum avait cela à l’esprit quand elle a souscrit son affidavit, elle a reconnu en contre‑interrogatoire que rien n’interdisait à quiconque de fournir bénévolement des services de consultant en immigration et, a‑t‑elle de plus déclaré : [TRADUCTION] « Il n’y a pas d’infraction à l’alinéa 91.1a), non ».

[50] La CSIP exploitait un site Web à l’adresse csip.ca. Des captures d’écran archivées sont jointes en tant que pièces à l’affidavit de Mme Salloum, et plusieurs pages comportent la mention « CICC – College of Immigration and Citizenship Consultants ».

[51] Le 31 août 2017, la CSIP a mis fin à ses activités en tant qu’ONG et a cédé ses biens, dont la propriété de la marque, à Copyrightme Corp., qui lui a rétrocédé exclusivement l’emploi de la marque. Une copie d’une résolution finale à cet effet, signée par Mme Salloum le 31 août 2017, est jointe à l’affidavit de cette dernière.

[52] Mme Salloum confirme qu’elle a constitué CICC en société fédérale le 25 octobre 2019 afin de reprendre les activités opérationnelles en matière d’immigration de la CSIP. Copyrightme Corp. a ensuite révoqué la licence d’utilisation de marque de commerce qu’elle avait accordée à la CSIP et a octroyé exclusivement à CICC le droit d’utiliser la marque CICC. Vers le mois de juin 2020, les renseignements qui figuraient sur le site Web de la CSIP ont été transférés au site Web de CICC, cicc-lcic.com. Mme Salloum fait valoir que le mot CICC figure au haut de la page du site Web et que celle‑ci était en cours d’élaboration, ce qui veut dire qu’il y avait des changements à y apporter et qu’ils allaient être faits. De plus, ce site Web était destiné aux membres de la CSIP, et non au grand public.

[53] Le ou vers le 2 septembre 2020, CICC a affiché, bien en vue sur son site Web, un avertissement indiquant que [TRADUCTION] « le ‘College of Immigration and Citizenship Consultants Corp.’ N’EST PAS reconnu par le gouvernement fédéral en tant qu’organisme de réglementation régissant les consultants en immigration et en citoyenneté » [majuscules dans l’original.]. De plus, il était indiqué que le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada était le [TRADUCTION] « seul organisme de réglementation actuellement autorisé par le gouvernement fédéral à réglementer les consultants en immigration et en citoyenneté ». Enfin, on pouvait y lire que [TRADUCTION] « CICC est un collège d’enseignement et non un organisme de réglementation de la profession ». Étant donné que GoDaddy.com a désactivé le site Web, aucune copie des pages Web, telles qu’elles se présentent à l’heure actuelle, n’est disponible.

[54] En contre‑interrogatoire, Mme Salloum a déclaré que l’avertissement public n’a pas été affiché sur le site Web, mais plutôt sur LinkedIn en raison d’une entente entre CICC et le procureur général du Canada. Je remarque qu’un avertissement est reproduit dans les extraits de LinkedIn qui sont joints en tant que pièce à l’affidavit de Mme Kennedy n1. Il apparaît dans ce qui semble être une lettre ou un message mis en ligne et adressé [TRADUCTION] « Aux membres du CRCIC ». L’avertissement lui-même ne mentionne pas le CRCIC, mais indique plutôt que [TRADUCTION] « [l]e College n’est pas un mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, et ses administrateurs […] ne font pas partie de l’administration publique fédérale ». Cet avertissement apparaît sous la mention [TRADUCTION] « Fondé sur le statut 7 de la College Act » et au‑dessus de la mention [TRADUCTION] « Le CRCIC a cessé d’être l’organisme de réglementation ».

[55] Lorsqu’on a demandé à Mme Salloum, en contre-interrogatoire, à quel endroit avait été déplacé le site Web de CICC et si le CRCIC pouvait y avoir accès, elle a répondu : [TRADUCTION] « Ce n’est pas de vos affaires ». Elle a donné la même réponse lorsqu’on lui a demandé combien de personnes étaient membres de CICC. Elle a toutefois indiqué que [TRADUCTION] « [p]lus de 4 200 membres du CRCIC ont joint nos rangs, les deux tiers [des membres du CRCIC] ».

[56] Un problème a été soulevé au sujet du site Web de CICC lors du contre‑interrogatoire de Mme Kennedy et de celui de Mme Salloum. Une série de questions ont été posées à Mme Kennedy à propos des lettres envoyées à la fin de juin 2020 par CICC, lettres qu’elle a décrites dans son affidavit et qui sont résumées aux paragraphes 36 et 37 de la présente décision. Pour ce qui est de la lettre du 25 juin 2020 qui commence par la mention [TRADUCTION] « AVIS EST PAR LES PRÉSENTES DONNÉ », Mme Kennedy a indiqué qu’elle se souvient bien de l’avoir lue sur le site Web [de CICC] et qu’elle croit qu’elle se trouvait probablement aussi dans le compte Dropbox (les hyperliens y menant ont été fournis dans la demande de renseignements envoyée dans le courriel du 25 juin du membre du CRCIC, décrit au paragraphe 35 de la présente décision). Elle a de plus déclaré avoir cliqué sur l’hyperlien de Dropbox le jour ouvrable suivant le 25 juin. Il n’a jamais été demandé précisément à Mme Kennedy si elle avait également cliqué à ce moment‑là sur l’hyperlien menant au site Web de CICC. Elle a toutefois déclaré qu’elle avait découvert que quelqu’un se faisait passer pour le Collège lorsqu’elle avait reçu une plainte à ce sujet, et qu’elle avait vérifié le site Web à plus d’une reprise, entre les mois de juillet et d’août, lorsque le CRCIC a reçu la plupart des plaintes.

[57] Mme Salloum a décrit un bogue de GoDaddy à cause duquel le site Web est devenu consultable, entre le 29 juin et le 10 juillet, à un moment où il n’était pas censé être accessible au public. Des lettres ont été publiées alors que le site Web privé était en voie de création. Aucune preuve n’a été toutefois produite dans le cadre de la requête, de la part d’un représentant de GoDaddy.com, pour confirmer le bogue et le fait que le site Web des défendeurs en avait été victime. De plus, dans la réponse du 29 juin 2020 à la mise en demeure, il n’a pas été mentionné que le site Web était privé et qu’il était en voie de création, pas plus que dans la défense et la demande reconventionnelle des défendeurs.

[58] Néanmoins, même si le prétendu bogue a eu lieu et que, n’eût été cet incident, le site Web était de nature privée à ce moment-là, il y a des renseignements très semblables qui figurent dans les extraits de LinkedIn, résumés aux paragraphes 33 et 34 de la présente décision, ainsi que dans le courriel du 9 juillet 2020 qui a été envoyé au courtier en assurance‑responsabilité professionnelle représentant les membres du CRCIC et qui est décrit au paragraphe 41 de la présente décision. De plus, le courriel du 9 juillet 2020 indique erronément que la demande d’enregistrement de la marque de commerce (en instance) est déjà [TRADUCTION] « publiée dans la Gazette aux fins d’opposition depuis les neuf derniers mois ». Comme il est mentionné dans les pièces jointes à l’affidavit de Mme Kennedy n1, l’état des demandes de marque de commerce en instance était simplement « officialisé » en date du 14 novembre 2019, et on ne m’a présenté aucune preuve que cet état avait depuis changé. Autrement dit, les demandes ne semblent pas encore avoir été annoncées aux fins d’opposition, eu égard aux paragraphes 37(1) et 38(1) de la Loi sur les marques de commerce.

IV. Les dispositions applicables

[59] Voir l’annexe A.

V. Analyse

[60] Gardant à l’esprit la preuve présentée par les parties, j’examinerai maintenant si le CRCIC a satisfait au critère de l’arrêt RJR‑MacDonald qui s’applique en matière d’injonction interlocutoire, et qui s’attache notamment au bien‑fondé de l’action. Dans le cadre de son action et de la présente requête, le CRCIC invoque les alinéas 7a), b), c) ou d) ou l’alinéa 9(1)d) et l’article 11 de la Loi sur les marques de commerce. Comme il est expliqué plus en détail ci‑après, et sans me prononcer sur le fond, je conclus que les alinéas 7b) et c), lesquels codifient les activités élargies et classiques de la commercialisation trompeuse, respectivement, n’aident pas le CRCIC dans sa requête. Je ne suis pas convaincue que la jurisprudence applicable confirme qu’il est possible d’établir l’existence d’une commercialisation trompeuse en se fondant sur l’utilisation proposée ou future d’un nom ou d’une marque, plutôt que sur son utilisation actuelle ou démontrée. En fait, j’estime que l’argument le plus solide du CRCIC, dans la mesure où il existe une question sérieuse à juger, réside dans les alinéas 7a) et d) et 9(1)d), et dans l’article 11 de la Loi sur les marques de commerce.

A. a) Les questions sérieuses à juger

(a) (i) L’inapplicabilité possible des alinéas 7b) et c) de la Loi sur les marques de commerce

[61] Je ne suis pas persuadée que la position du CRCIC sur l’applicabilité de ces dispositions soit étayée par la jurisprudence, ce qui permettrait de dire qu’il existe une question sérieuse à juger. L’action du CRCIC est fondée sur la Loi sur le Collège ainsi que sur les dispositions qui lui offrent un moyen de poursuivre ses activités en tant qu’organisme de réglementation sous le nom du Collège des consultants en immigration et en citoyenneté. La preuve du CRCIC est toutefois que, à ce jour, il ne s’est pas servi de ce nom et qu’il ne changera pas de nom tant qu’il ne sera pas prorogé. L’achalandage sur lequel le CRCIC cherche à se fonder est celui qui s’est créé pendant les années où il a été l’organisme national de réglementation des consultants en immigration et en citoyenneté, ainsi que l’expectative qu’il poursuivra ses activités en tant que Collège des consultants en immigration et en citoyenneté sous le régime de la Loi sur le Collège. En d’autres termes, le CRCIC affirme que l’achalandage réside dans le fait qu’il est et qu’il continuera d’être l’organisme de réglementation, et qu’il n’est pas rattaché à des activités ou à un nom préexistants, hormis le nom indiqué dans la Loi. De plus, il soutient que l’alinéa 7c) n’est pas rattaché à l’emploi du nom.

[62] Il existe une limite constitutionnelle à l’article 7, en ce sens que, à lui seul et en relation seulement avec (maintenant) l’article 55, cette disposition ne serait pas une disposition législative fédérale valide en vertu du paragraphe 91(2) de l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique; cet article tire sa validité du fait qu’il comprend des dispositions que l’on peut considérer comme un complément des systèmes de réglementation établis par le Parlement dans l’exercice de sa compétence à l’égard des brevets, du droit d’auteur, des marques de commerce et des noms commerciaux : MacDonald et al. c Vapor Canada Ltd., 1976 CanLII 181 (CSC), [1977] 2 RCS 134 [arrêt Vapor], à la p 172.

[63] Dans une contestation plus récente de la validité constitutionnelle de l’alinéa 7b), la Cour suprême du Canada a conclu que « la [Loi sur les marques de commerce] crée un régime applicable à la fois aux marques de commerce déposées et aux marques de commerce non déposées […]. En raison de son caractère véritable, l’al. 7b) se trouve ainsi directement lié à la protection des marques de commerce et des noms commerciaux au Canada : le recours civil prévu à l’al. 7b) protège l’achalandage rattaché aux marques de commerce et a pour objet d’empêcher que l’emploi de marques de commerce sème la confusion chez les consommateurs » [Souligné dans l’original] : Kirkbi AG c Gestions Ritvik Inc., 2005 CSC 65 [Kirkbi], au para 35.

[64] De plus, pour arriver à sa conclusion quant aux trois éléments nécessaires de la commercialisation trompeuse (achalandage, tromperie par suite d’une déclaration trompeuse et dommages réels ou éventuels), la Cour suprême a fait référence, dans l’arrêt Ciba‑Geigy, à l’analyse suivante qui a été faite à propos de l’achalandage dans l’arrêt Reckitt & Colman Products Ltd v Borden Inc, [1990] 1 All ER 873, à la p 880 [souligné dans l’original] : [traduction] « [Le demandeur] doit établir l'existence d'un achalandage ou d'une réputation relativement aux produits ou services qu'il fournit en raison du fait que le public associe, dans son esprit, la présentation particulière (qu'il s'agisse simplement d'une marque de commerce ou d'une description commerciale, ou des caractéristiques particulières de l'étiquetage ou de l'emballage) des produits ou des services qui lui sont offerts à ceux du demandeur, de sorte que cette présentation est reconnue par le public comme constituant un caractère distinctif des produits ou services du demandeur » : Ciba‑Geigy Canada Ltd c Apotex Inc., 1992 CanLII 33 (CSC), [1992] 3 RCS 120 [Ciba‑Geigy], à la p 132.

[65] Avant l’arrêt Ciba‑Geigy, la Cour suprême a renvoyé, dans l’arrêt Oxford Pendaflex, à l’analyse portant sur la commercialisation trompeuse (passing-off) dans l’arrêt J.B. Williams Company v H. Bronnley & Co Ld (1909), 26 RPC 765 [Williams], à la page 771 [non souligné dans l’original] : [traduction] « pour avoir gain de cause, [le demandeur] doit tout d’abord établir qu’il a choisi une conception nouvelle et originale telle qu’elle confère un caractère distinctif à ses marchandises, que celles‑ci sont connues sur le marché, où elles ont acquis une réputation en raison justement de ce caractère distinctif, et que s’il ne peut réussir à prouver cela, les bases mêmes de son action sont absentes » : Oxford Pendaflex Canada Ltd. c Korr Marketing Ltd et al., 1982 CanLII 45 (CSC), [1982] 1 RCS 494 [Oxford Pendaflex], aux p 502 et 503. Je doute que le fait d’être un organisme de réglementation constitue, en soi, un caractère distinctif tel que celui envisagé dans l’arrêt Williams.

[66] La jurisprudence citée ci‑dessus fait ressortir la situation difficile dans laquelle se trouve le CRCIC pendant qu’il opère sa transition au titre de Collège des consultants en immigration et en citoyenneté sous le régime de la Loi sur le Collège, une situation décrite plus en détail ci‑après, et avant qu’il change de nom. Comme l’a signalé Daniel R Bereskin, c.r. dans l’ouvrage intitulé The Canadian Law of Unfair Competition (Toronto : Thomson Reuters Canada Limited, 2020) au para 5.8, à la p 68 [non souligné dans l’original] : [TRADUCTION] « [l]a réputation [dont découle l’achalandage] désigne la notoriété d’une marque de commerce, ce qui dénote dans l’esprit du public un lien entre les activités du propriétaire de la marque de commerce et les produits ou les services qui y sont associés ». À défaut d’une utilisation valide du nom, sous la forme d’une marque de commerce ou d’une dénomination sociale, la jurisprudence et l’ouvrage cités précédemment donnent à penser qu’il ne peut pas y avoir dans le nom aucune réputation, et donc aucun achalandage; sans achalandage, il ne peut pas y avoir de commercialisation trompeuse.

[67] À mon avis, l’analyse qui précède vaut aussi pour l’alinéa 7c). Comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale, « [i]l ne peut y avoir violation de cet alinéa [7(c)] que dans le cadre d'une activité commerciale mettant en jeu des marques de commerce. Plus précisément, il doit y avoir substitution des marchandises ou des services d'un commerçant à ‘ceux qui sont commandés ou demandés’ » : Albian Sands Energy Inc. c Positive Attitude Safety System Inc., 2005 CAF 332 (CanLII) au para 34. Dans la présente affaire, ce qui est « commandé » par les consultants en immigration et en citoyenneté à CICC, quoique par erreur, pourrait‑on dire, ce sont les services du « Collège des consultants en immigration et en citoyenneté », à savoir l’entité réglementaire qu’envisage la Loi sur le Collège. Le CRCIC n’a pas encore été prorogé en tant que cette entité, pas plus que, de son propre aveu, il n’a utilisé ce nom. La question de savoir si l’emploi que CICC fait de ce nom est valide est une autre affaire. De plus, comme l’illustre la preuve, CICC s’est donnée beaucoup de mal dans sa documentation pour se dissocier ou se distinguer du CRCIC en prétendant, faussement et publiquement, que celui-ci a cessé d’être l’organisme de réglementation, que son statut a été révoqué et qu’il n’a plus de mandat fédéral. Les prétentions de ce genre ont une incidence sur l’alinéa 7a), ainsi que nous le verrons plus loin.

[68] Étant donné que le CRCIC demeure toutefois l’organisme de réglementation compétent, et ce, jusqu’à ce que sa prorogation soit approuvée à une date (non encore) précisée, quelle qu’elle puisse être, tous les services qu’il fournit le sont sous son nom actuel. Il n’existe tout simplement aucun organisme de réglementation sanctionné par l’État sous le régime de la Loi sur le Collège, et actuellement opérationnel, qui porte le nom de Collège des consultants en immigration et en citoyenneté. À l’heure actuelle, ni le demandeur ni la société défenderesse, pas plus que tout autre organisme quant à cela, n’est cette entité, malgré les déclarations contraires des défendeurs.

(b) (ii) L’applicabilité possible de l’alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce

[69] Cela dit, j’estime qu’il est plus probable que le contraire, selon la prépondérance des probabilités, que le CRCIC sera prorogé sous le régime de la Loi sur le Collège en tant qu’organisme fédéral ou national de réglementation des consultants en immigration et des consultants en citoyenneté, sous le nom du Collège des consultants en immigration et en citoyenneté. Dans l’intervalle, le CRCIC continue d’être, sous son nom actuel, l’organisme national mandaté de réglementation. Je conclus donc que les prétentions ou les déclarations des défendeurs, à savoir que le statut du CRCIC a été révoqué ou que celui-ci n’est plus investi d’un mandat fédéral, et que ses membres exercent dans l’illégalité, entre autres déclarations semblables, contreviennent en apparence à l’alinéa 7a), qui interdit de « faire passer d’autres produits ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés ». Dans la mesure où CICC se fait passer pour le nouvel organisme de réglementation, ses propres prétentions en font un concurrent du CRCIC. Pour les raisons expliquées ci‑après, je suis donc convaincue qu’il y a une question sérieuse à juger.

[70] Bien que les avocats du CRCIC aient reconnu à l’audience qu’il se pouvait que leur client ne devienne peut-être pas l’organisme de réglementation, la Loi sur le Collège n’avait pas encore été proclamée (à la date de l’audience). De plus, même si la Loi sur le Collège prévoit un mécanisme, à l’article 84, pour que le CRCIC lui-même devienne le Collège, l’article 86 envisage la possibilité qu’une autre entité devienne le Collège, dans des circonstances précisées. Cependant, le paragraphe 84(2) dispose que si le ministre a reçu la demande de prorogation du CRCIC, comme il est envisagé au paragraphe 84(1), et qu’il n’a pas rendu l’arrêté prévu à l’article 86 (« constituer le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, personne morale sans capital-actions »), il approuve, par arrêté, la demande de prorogation et fixe la date de la prorogation. Je trouve que le texte de la version anglaise du paragraphe 84(2) est un peu vague mais, selon moi, la version française correspondante est claire. De plus, l’alinéa 85(7)a) de la Loi sur le Collège dispose qu’à compter de la date de prorogation, le Conseil (défini comme étant le CRCIC à l’article 83) devient le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté.

[71] La preuve du CRCIC est qu’il a été autorisé par ses membres et qu’il a présenté une demande de prorogation en vertu du paragraphe 84(1) de la Loi sur le Collège. En contre‑interrogatoire, Mme Kennedy a confirmé que le CRCIC a présenté la demande de prorogation; quand on lui a demandé si le ministre avait approuvé la demande ou si le CRCIC avait reçu du ministre une lettre d’approbation quelconque, elle a répondu : [TRADUCTION] « Oui; je pense que le fait que nous ayons entrepris une consultation sur la réglementation, mais aucune date n’a encore été fixée pour la proclamation. C’est normalement à ce moment‑là qu’on recevrait la lettre dont vous parlez ».

[72] La Loi sur le Collège n’a été proclamée que le 9 décembre 2020 et on ignore donc si le ministre a déjà approuvé la prorogation et a précisé une date de prorogation. Quoi qu’il en soit, le paragraphe 84(2) de la Loi sur le Collège donne à penser que si les conditions préalables sont remplies (aucun arrêté n’a été rendu en vertu de l’article 86 et le CRCIC a présenté une demande de prorogation en vertu du paragraphe 84(1)), le ministre n’a donc pas d’autre choix que de le faire un moment donné; le libellé de la disposition est de nature impérative (« le ministre approuve »). Dans la requête qui m’est soumise, rien ne prouve que le ministre a rendu un arrêté en vertu de l’article 86 ou qu’il n’a pas reçu la demande de prorogation du CRCIC.

[73] [TRADUCTION] « Pour qu’il y ait un droit d’action, que ce soit en common law ou en vertu de l’alinéa 7a), il est impératif que le demandeur soit identifié dans la déclaration supposément fausse. Il peut être raisonnable d’inférer que le demandeur est considéré comme la cible, […] » : The Canadian Law of Unfair Competition, précité, au para 7.3, à la p 123. Même en faisant abstraction du site Web de CICC, à cause du bogue que le site GoDaddy.com aurait subi et qui aurait fait en sorte que le prétendu site Web privé devienne accessible au public, un bogue qui n’a toutefois pas été confirmé, je conclus que CICC a fait d’autres déclarations publiques, apparemment fausses ou trompeuses, qui ont identifié ou ciblé le CRCIC et qui tendaient à le discréditer. Par exemple, l’inscription LinkedIn qui est jointe en tant que pièce à l’affidavit de Mme Kennedy n1 contient les énoncés suivants :

[traduction]

  • - « Le CRCIC a été l’organisme national de réglementation jusqu’au 25 octobre 2019 »;

  • - « Le CRCIC a cessé d’être l’organisme de réglementation »;

  • - « Le CRCIC n’est plus un organisme de réglementation qui favorise et protège l’intérêt du public en supervisant les consultants réglementés en immigration et en citoyenneté »; (les énoncés qui précèdent apparaissent dans la lettre ou le message envoyé par la poste « Aux membres du CRCIC » qui est mentionné au paragraphe 54 de la présente décision);

  • - « Il [le cabinet du ministre responsable du CRCIC] entend apporter d’importants changements au système existant. Dont le REMPLACEMENT du CRCIC par une nouvelle société et de nouveaux membres du conseil »;

  • - « Le ministre de l’Immigration est mandaté pour régler ce différend en remplaçant le CRCIC par CICC afin d’atténuer le plus possible les dommages causés par le gouvernement à l’industrie »;

  • - « 80 % des 6 700 membres du CRCIC ont approuvé la transition vers le nouveau Collège CICC »; et

  • - « Il est regrettable de le dire, malgré le recul de neuf ans provoqué par l’effondrement du CRCIC, et le mécontentement de ses membres qui semble refléter l’échec du mandat de la SCCI en 2009 ».

[74] De plus, le courriel daté du 9 juillet 2020 que Mme Salloum a envoyé au courtier en assurance-responsabilité professionnelle qui représentait les membres du CRCIC contient les énoncés suivants :

[traduction]

  • - « Le but de notre appel est de pouvoir répondre aux membres du CRCIC qui ne comprennent pas pourquoi son statut a été révoqué »;

  • - « Le ministre ne peut qu’approuver la transition entre le CRCIC et CICC et révoquer le statut d’organisme de réglementation du CRCIC »;

  • - « Votre compagnie d’assurance doit décider que tous les membres du CRCIC exercent dans l’illégalité parce que le statut de ce dernier en tant qu’organisme de réglementation a été révoqué le 25 octobre 2019 »; et

  • - « Le nouveau Collège déposera des réclamations contre tous les membres du CRCIC qui fournissent des services d’immigration sous l’égide du CRCIC à compter du 25 octobre 2019 ».

[75] La prise en compte du site Web de CICC ne ferait que renforcer mes conclusions.

(c) iii) L’applicabilité possible de l’alinéa 7d) de la Loi sur les marques de commerce

[76] Je suis également convaincue que l’alinéa 7d) suscite une question sérieuse à juger. Cette disposition interdit d’employer, en liaison avec des produits ou des services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde, notamment, les caractéristiques des produits ou des services. Selon l’arrêt Vapor, « [l]’alinéa d) de l’art. 7 […] implique ce que j’appellerais de la duperie dans l’offre au public de marchandises ou services, duperie au sens de désignation fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde les caractéristiques […] des marchandises ou services » : Vapor, précité, à la p 148.

[77] Là encore, en faisant abstraction de son site Web, je conclus que CICC a fait d’autres déclarations publiques, apparemment fausses, dans son inscription LinkedIn ainsi que dans le courriel du 9 juillet 2020 adressé au courtier en assurance‑responsabilité professionnelle représentant les membres du CRCIC, des déclarations qui pourraient être interprétées comme étant de nature à tromper le public en ce qui regarde les caractéristiques des services de CICC. Ces déclarations laissent entendre que CICC est le Collège prévu par la Loi sur le Collège, et qu’elle est maintenant l’organisme national de réglementation; par exemple :

[traduction]

  • - « Le College [CICC] est inscrit à titre d’organisme de réglementation des professionnels de l’immigration et de la citoyenneté »;

  • - « Le Collegesera pleinement opérationnel à compter du 31 août 2020 »;

  • - « Le nom du Collegeappartient à CSIP et Salloum en vertu des dispositions de protection de la propriété intellectuelle »;

  • - « Nul n’est autorisé à utiliser ce nom, même pas le ministre lui-même. Cela sera considéré comme une violation de la propriété intellectuelle »;

  • - « Le nouvel organisme de réglementation « CICC » a été constitué le 25 octobre 2019 »;

  • - « Nous nous attendons à ce que Salloum qui a créé la CollegeActen 2010 dans le cadre de sa proposition constitue une entité plus puissante que le CRCIC » [cet énoncé s’applique également, selon moi, à l’analyse qui précède au sujet de l’alinéa 7a)];

  • - « Le Sénat du Canada a approuvé l’offre de 2010 de la CSIP en vue de sa mise en œuvre en 2020 »;

  • - « Nous avons reçu l’autorisation des deux chambres du gouvernement (Parlement et Sénat) le 21 juin 2019 ».

[78] La prise en compte du site Web de CICC ne ferait toutefois que renforcer mes conclusions.

[79] Je conclus par ailleurs que l’avertissement public que CICC a affiché sur LinkedIn, et dont il est question aux paragraphes 54 et 73 de la présente décision, n’a pas pour effet d’atténuer ou d’amoindrir les conséquences de ses déclarations. Il en est de même de ses affirmations selon lesquelles le mot « College » dans son nom et ailleurs est utilisé dans le sens éducatif du terme. Dans la mesure où [TRADUCTION] « [u]ne confusion publique a pris l’industrie entièrement par surprise », comme l’affirme Mme Salloum dans son courriel du 9 juillet 2020 au courtier en assurance-responsabilité professionnelle représentant les membres de CRCIC, je suis d’avis que c’est à l’égard des caractéristiques des activités et des services de CICC qu’elle a vraisemblablement eu lieu, à cause de déclarations comme celles qui précèdent.

(d) iv) L’applicabilité possible de l’alinéa 9(1)d) et de l’article 11 de la Loi sur les marques de commerce

[80] À mon avis, les noms à l’égard desquels les défendeurs revendiquent des droits, et qui sont décrits aux paragraphes 30 et 31 de la présente décision, tombent apparemment sous le coup de l’interdiction prévue à l’alinéa 9(1)d) et pourraient donc être interdits par l’article 11, ce qui veut dire qu’il existe une question sérieuse à juger. Cette dernière disposition indique : « [n]ul ne peut employer relativement à une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, un signe ou une combinaison de signes adoptés contrairement aux articles 9 ou 10 ». Le critère qui s’applique au sujet de l’alinéa 9(1)d) est le suivant : « si la marque est ‘susceptible de laisser croire que les services qui y sont associés ont reçu l’approbation gouvernementale ou sont exécutés sous l’autorité ou avec l’approbation du gouvernement’ » : College of Dietitians of Alberta c 3393291 Canada Inc. (Collège spécialisé en nutrition naturelle), 2015 CF 449 au para 66, citant College of Traditional Chinese Medicine Practitioners and Acupuncturists of British Columbia c Council of Natural Medicine College of Canada, 2009CF 1110 au para 224.

[81] Les noms qui sont en litige en l’espèce et que CICC a adoptés sont les suivants : CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp.; CICC – The College of Immigration and Citizenship Consultants; The College of Immigration and Citizenship Consultants et The College Act. Je conclus qu’il existe une question sérieuse à juger quant à savoir si les noms que CICC a adoptés sont « susceptible[s] de laisser croire que les services qui y sont associés ont reçu l’approbation gouvernementale ou sont exécutés sous l’autorité ou avec l’approbation du gouvernement », indépendamment de l’avertissement public susmentionné que CICC a affiché sur LinkedIn ou des droits de propriété intellectuelle qui sont revendiqués sur les noms. Ma conclusion à cet égard est fondée sur la Loi sur le Collège (c’est‑à‑dire la loi qui a obtenu la sanction royale le 21 juin 2019, par opposition au cadre législatif proposé par la FSCIC/CSIP et Mme Salloum en 2010 – je considère qu’ils ne sont pas identiques, ni même à peu près identiques), et sur le nom du Collège qui figure dans la Loi sur le Collège, ainsi que sur des déclarations telles que celles qui sont reproduites au paragraphe 77 ci‑dessus.

[82] De plus, les défendeurs n’ont aucun droit afférent à une marque de commerce déposée à l’égard du nom ou de la marque « The College of Immigration and Citizenship Consultants ». Dans sa défense reconventionnelle, le CRCIC a contesté, notamment, les droits de CICC sur cette marque au motif que celle‑ci est clairement descriptive (ce qui est susceptible d’avoir des répercussions sur le caractère enregistrable – au sens de l’article 12 de la Loi sur les marques de commerce – ainsi que sur l’opposabilité de la marque). Cette considération s’applique aussi, selon moi, au nom ou à la marque « The College Act ». Même si dans son affidavit, Mme Salloum fait état d’une utilisation modérée du nom « College of Immigration and Citizenship Consultants » avant 2019 – ce dont le demandeur a contesté la crédibilité – ce fait, à mon sens, n’atteint pas le niveau requis pour établir l’existence d’un caractère distinctif acquis, abstraction faite des préoccupations en matière de crédibilité. De plus, aucune mesure n’a été prise au cours des années qui se sont écoulées depuis la proposition pour protéger ce nom ou cette marque. En outre, je conclus que Mme Salloum a fait des déclarations incohérentes au sujet de la propriété des noms ou des marques – d’une part, la CSIP dans l’inscription de LinkedIn (voir le paragraphe 77 ci‑dessus) et, d’autre part, Copyrightme Corp. dans l’affidavit de Mme Salloum (voir le paragraphe 51 ci‑dessus).

[83] À l’audience, les avocats du CRCIC ont également soulevé le spectre de la description fausse et trompeuse, relativement aux noms se trouvant entre les mains de CICC, étant donné que le mot « college » peut désigner un organisme de réglementation, ce que j’admets. Je signale cependant que le CRCIC n’a pas plaidé cette question dans la défense reconventionnelle (contrairement à l’allégation de la description claire), ni, expressément, dans la déclaration. Enfin, en ce qui concerne la propriété intellectuelle que revendiquent les défendeurs, Mme Salloum a déclaré en contre‑interrogatoire que les enregistrements de droit d’auteur avaient été obtenus à l’égard d’un [TRADUCTION] « droit d’auteur sur un titre » et pour [TRADUCTION] « protéger ce terme lui-même ». Compte tenu de la définition du mot « œuvre » dans la Loi sur le droit d’auteur, je doute que ces enregistrements puissent atteindre l’objectif pour lequel ils ont été obtenus.

[84] Dans l’ensemble, je conclus que l’action du CRCIC n’est ni frivole ni vexatoire. De plus, ce dernier a démontré qu’il avait des arguments suffisamment solides à l’égard non pas d’une seule question sérieuse à juger, mais de plusieurs, si bien que le seuil qu’il doit atteindre pour les volets restants du critère de l’arrêt RJR‑MacDonald est nettement plus bas : Bell Media, précitée, au para 56.

B. b) Le préjudice irréparable

[85] Je suis convaincue que le CRCIC subirait, et a peut-être déjà subi, un préjudice irréparable – un préjudice qui est évident et non conjectural, non quantifiable et non indemnisable en dommages-intérêts – si l’on refusait la requête en injonction interlocutoire. Selon l’arrêt RJR‑MacDonald, le mot « irréparable » a trait à la nature, par opposition à l’étendue, du préjudice causé, qui ne peut être quantifié du point de vue pécuniaire ou auquel il ne peut être remédié : RJR‑MacDonald, précité, à la p 341. Une perte commerciale permanente ou un préjudice irrémédiable à la réputation en sont deux exemples. De plus, comme il est mentionné dans l’arrêt Newbould, dans le cas d’une atteinte alléguée à la réputation, le préjudice irréparable peut être « inféré de l’ensemble des circonstances de l’espèce » : Newbould c Canada (Procureur général), 2017 CAF106 [Newbould] au para 29.

[86] Je conclus que « l’ensemble des circonstances de l’espèce », tel que démontré dans la présente requête, indique que les défendeurs ont agi de « façon délibérée et préventive », non seulement pour faire échec à la prorogation et à la transition du CRCIC en tant que Collège des consultants en immigration et en citoyenneté sous le régime de la Loi sur le Collège, mais aussi pour miner la confiance de ses membres et du public envers cet organisme : Reckitt Benckiser LLC c Jamieson Laboratories Ltd, 2015 CF 215 [Reckitt] au para 42. Les activités menées par les défendeurs à cet égard comprennent, d’une part, la constitution de la société défenderesse sous le nom « CICC – The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp. » environ un mois après que le CRCIC eut adopté une résolution spéciale en vue d’obtenir sa prorogation sous le régime de la Loi sur le Collège et, d’autre part, la campagne apparemment concertée de mauvaise information et de désinformation quant au statut du CRCIC et de CICC. Cette campagne est illustrée par les extraits de LinkedIn (sur la majorité desquels on peut voir [TRADUCTION] « 75 followers »), la demande de renseignements, datée du 25 juin 2020, de la part d’un membre du CRCIC au sujet de CICC, de même que le courriel du 9 juillet 2020 envoyé par CICC au courtier en assurance‑responsabilité professionnelle qui représentait les membres du CRCIC.

[87] De plus, je crois qu’il serait presque impossible de quantifier la perte causée par la conduite de CICC, tant sur le plan des dommages à la réputation du CRCIC que sur celui de l’incidence sur la réglementation des consultants en immigration et en citoyenneté. Mme Kennedy déclaré que, lorsque la période de renouvellement annuel du CRCIC a pris fin, le 1er septembre, l’organisme a relevé une augmentation du nombre de personnes suspendues pour non‑paiement des cotisations. De plus, la lettre de bienvenue du 28 juin 2020 de CICC fait état de 1 878 nouveaux membres en 24 heures. Lors de son contre‑interrogatoire, Mme Salloum a indiqué que CICC comptait 4 200 membres (censément en commun avec le CRCIC). À mon avis, le CRCIC aurait à mener une vaste enquête pour déterminer combien, parmi les membres de CICC, ne sont plus ou n’ont jamais été membres du CRCIC et échappent ainsi, délibérément ou non, à la portée réglementaire du CRCIC, ce qui inclut l’accès à la profession, l’application des exigences en matière d’éducation permanente et d’assurance, ainsi que les mesures disciplinaires. Cela est d’autant plus vrai si l’on tient compte de l’actuelle pandémie et du court laps de temps qui s’est écoulé entre la tenue des contre‑interrogatoires, le 5 novembre 2020, et l’audition de la présente requête, le 20 novembre 2020.

[88] Plus important encore, le CRCIC, l’organisme de réglementation actuel qui a été désigné sous le régime de la LIPR et de la Loi sur la citoyenneté, ne peut protéger le public contre les personnes qui n’en sont pas membres, dont celles qui se sont jointes à CICC, et non à CRCIC, croyant à tort, encouragées en cela par les activités de CICC, que celle-ci est le nouvel organisme national de réglementation. Ainsi que l’a déclaré le juge Sharpe dans un article intitulé Injunctions and Specific Performance (Toronto : Canada Law Book Inc., feuilles mobiles), aux p 2‑29 et 2‑30, cité dans la décision Sirius Diamond, [traduction] « [l]orsque l'intérêt public est en jeu, l'évaluation du préjudice irréparable devient plus difficile étant donné qu’il faut tenir compte d’intérêts étrangers à ceux des parties immédiates […], l'intérêt public peut constituer une puissante influence, selon les circonstances, favorisant ou non le prononcé d’une injonction interlocutoire » : Territoires du Nord‑Ouest c Sirius Diamond Ltd., 2001 CFPI 702 [Sirius Diamond] au para 58. Comme le souligne la Cour suprême dans l’arrêt RJR‑MacDonald, citant Ainsley Financial Corp v Ontario Securities Commission (1993), 14 OR (3d) 280, aux p 303 et 304 [non souligné dans l’orignal] : [traduction] « Il faut tenir compte des intérêts du public, que l'organisme a comme mandat de protéger, et en faire l'appréciation par rapport à l'intérêt des plaideurs privés » : RJR‑MacDonald, précité, à la p 343. Je conclus donc, contrairement à ce que prétendent les défendeurs, que lorsque l’intérêt du public est en jeu, le préjudice causé à des tiers est un facteur pertinent.

[89] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées relativement aux arguments convaincants avancés par CRCIC quant à l’existence de questions sérieuses à juger, je conclus que, en l’espèce, ce qui précède permet de répondre au critère du préjudice irréparable.

C. c) La prépondérance des inconvénients

[90] Je conclus aussi que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi de l’injonction interlocutoire demandée. L’examen de ce troisième volet du critère de l’arrêt RJR‑MacDonald oblige à mettre en balance le préjudice que subirait le demandeur si l’injonction n’était pas accordée et le préjudice que subiraient les défendeurs, le cas échéant, si elle était accordée. Contrairement à Mme Salloum, je ne crois pas qu’il y ait lieu de maintenir le statu quo. J’estime plutôt que le préjudice que les activités des défendeurs ont causé et celui qu’a subi le CRCIC sur le plan de sa réputation, ainsi que sur celui de l’intérêt public qu’il protège, l’emportent sur le préjudice que subiraient les défendeurs s’ils devaient mettre fin aux activités qu’ils ont entreprises en grande partie après l’adoption par la CRCIC de la résolution spéciale visant à signifier sa transition au titre de Collège des consultants en immigration et en citoyenneté sous le régime de la Loi sur le Collège. Je souligne en outre que le CRCIC s’est engagé à se conformer à toute ordonnance concernant les dommages que causerait l’octroi d’une injonction interlocutoire.

[91] Une fois de plus, au vu des conclusions que j’ai tirées relativement aux arguments convaincants avancés par le CRCIC quant à l’existence de questions sérieuses à juger, je conclus que, en l’espèce, ce qui précède permet de répondre au volet de la prépondérance des inconvénients.

VI. Conclusion

[92] Pour les motifs exposés ci‑dessus, je conclus que le CRCIC a satisfait au critère permettant de faire droit à une requête en injonction interlocutoire : il existe des questions sérieuses à juger, un préjudice irréparable pour la réputation du CRCIC ainsi que pour l’intérêt du public a été démontré, et la prépondérance des inconvénients favorise le CRCIC. Je conclus que, eu égard à l’ensemble des circonstances et au contexte de l’affaire, il serait juste et équitable d’octroyer l’injonction interlocutoire. Je fais donc droit à la requête du CRCIC qui vise à empêcher les défendeurs par la voie d’une injonction interlocutoire de se livrer aux activités décrites au paragraphe 6 de la présente décision (sous réserve de quelques modifications afin d’assurer une correspondance plus étroite avec la déclaration), en attendant que la Cour tranche la demande du CRCIC et la demande reconventionnelle des défendeurs.

[93] Bien que les parties aient présenté à l’audience de brèves observations sur les dépens et aient demandé l’autorisation d’en présenter d’autres, j’exerce le pouvoir discrétionnaire que me confère l’article 400 des Règles des Cours fédérales et je conclus que les dépens suivront l’issue de la cause.


ORDONNANCE dans le dossier T‑834‑20

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête présentée par le demandeur – le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada – en vue d’obtenir une injonction interlocutoire au titre de l’article 373 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, est accordée.

  2. Il est interdit dès maintenant aux défendeurs, CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp., Nuha Nancy Salloum et Ryan Dean, ainsi qu’à chacun d’eux, à leurs dirigeants, administrateurs, cadres, préposés, représentants, mandataires, employés, entités commerciales connexes, et à tous les autres sur qui ils exercent un contrôle, de, directement ou indirectement :

A. Utiliser la raison sociale et les marques CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp., The College of Immigration and Citizenship Consultants, les lettres CICC, « The College Act », même sans l’article défini « the » ou les lettres CICC, ou tout autre mot ou symbole donnant à penser qu’ils sont le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté établi sous le régime de la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, en lien avec leur entreprise, à titre de marque de commerce ou d’une autre façon;

B. Utiliser le nom de domaine cicc-lcic.com;

C. Conserver l’inscription LinkedIn à l’adresse https://www.linkedin.com/company/the-college-of-immigration-and-citizenship-consultants-corp;

D. Se faire passer pour l’organisme national de réglementation des consultants en immigration ou en citoyenneté;

en attendant que la Cour tranche la demande du demandeur et la demande reconventionnelle des défendeurs.

  1. Les dépens suivront l’issue de la cause.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.
Annexe A : Dispositions applicables

Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T‑13

Interdictions

Prohibitions

7 Interdictions

7 No person shall

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent;

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, goods or services of a competitor;

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

c) faire passer d’autres produits ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés;

(c) pass off other goods or services as and for those ordered or requested; or

d) employer, en liaison avec des produits ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde :

(d) make use, in association with goods or services, of any description that is false in a material respect and likely to mislead the public as to

(i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition,

(i) the character, quality, quantity or composition,

(ii) soit leur origine géographique,

(ii) the geographical origin, or

(iii) soit leur mode de fabrication, de production ou d’exécution.

(iii) the mode of the manufacture, production or performance of the goods or services.

Marques interdites

Prohibited marks

9 (1) Nul ne peut adopter à l’égard d’une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit :

9 (1) No person shall adopt in connection with a business, as a trademark or otherwise, any mark consisting of, or so nearly resembling as to be likely to be mistaken for,

d) un mot ou symbole susceptible de porter à croire que les produits ou services en liaison avec lesquels il est employé ont reçu l’approbation royale, vice-royale ou gouvernementale, ou que leur production, leur vente ou leur exécution a lieu sous le patronage ou sur l’autorité royale, vice-royale ou gouvernementale;

 

(d) any word or symbol likely to lead to the belief that the goods or services in association with which it is used have received, or are produced, sold or performed under, royal, vice-regal or governmental patronage, approval or authority;

Autres interdictions

Further prohibitions

11 Nul ne peut employer relativement à une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, un signe ou une combinaison de signes adopté contrairement aux articles 9 ou 10.

11 No person shall use in connection with a business, as a trademark or otherwise, any sign or combination of signs adopted contrary to section 9 or 10.

Loi sur le droit d’auteur, LRC (1985), c C-42

Définitions

Definitions

2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2 In this Act,

œuvre Est assimilé à une œuvre le titre de l’œuvre lorsque celui-ci est original et distinctif. (work)

work includes the title thereof when such title is original and distinctive; (œuvre)

Droit d’auteur sur l’œuvre

Copyright in works

3 (1) Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

3 (1) For the purposes of this Act, copyright, in relation to a work, means the sole right to produce or reproduce the work or any substantial part thereof in any material form whatever, to perform the work or any substantial part thereof in public or, if the work is unpublished, to publish the work or any substantial part thereof, and includes the sole right

a) de produire, reproduire, représenter ou publier une traduction de l’œuvre;

(a) to produce, reproduce, perform or publish any translation of the work,

b) s’il s’agit d’une œuvre dramatique, de la transformer en un roman ou en une autre œuvre non dramatique;

(b) in the case of a dramatic work, to convert it into a novel or other non-dramatic work,

c) s’il s’agit d’un roman ou d’une autre œuvre non dramatique, ou d’une œuvre artistique, de transformer cette œuvre en une œuvre dramatique, par voie de représentation publique ou autrement;

(c) in the case of a novel or other non-dramatic work, or of an artistic work, to convert it into a dramatic work, by way of performance in public or otherwise,

d) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique ou musicale, d’en faire un enregistrement sonore, film cinématographique ou autre support, à l’aide desquels l’œuvre peut être reproduite, représentée ou exécutée mécaniquement;

(d) in the case of a literary, dramatic or musical work, to make any sound recording, cinematograph film or other contrivance by means of which the work may be mechanically reproduced or performed,

e) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique, de reproduire, d’adapter et de présenter publiquement l’œuvre en tant qu’œuvre cinématographique;

(e) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to reproduce, adapt and publicly present the work as a cinematographic work,

f) de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique;

(f) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to communicate the work to the public by telecommunication,

g) de présenter au public lors d’une exposition, à des fins autres que la vente ou la location, une œuvre artistique — autre qu’une carte géographique ou marine, un plan ou un graphique — créée après le 7 juin 1988;

(g) to present at a public exhibition, for a purpose other than sale or hire, an artistic work created after June 7, 1988, other than a map, chart or plan,

h) de louer un programme d’ordinateur qui peut être reproduit dans le cadre normal de son utilisation, sauf la reproduction effectuée pendant son exécution avec un ordinateur ou autre machine ou appareil;

(h) in the case of a computer program that can be reproduced in the ordinary course of its use, other than by a reproduction during its execution in conjunction with a machine, device or computer, to rent out the computer program,

i) s’il s’agit d’une œuvre musicale, d’en louer tout enregistrement sonore;

(i) in the case of a musical work, to rent out a sound recording in which the work is embodied, and

j) s’il s’agit d’une œuvre sous forme d’un objet tangible, d’effectuer le transfert de propriété, notamment par vente, de l’objet, dans la mesure où la propriété de celui-ci n’a jamais été transférée au Canada ou à l’étranger avec l’autorisation du titulaire du droit d’au-teur. Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d’autoriser ces actes.

(j) in the case of a work that is in the form of a tangible object, to sell or otherwise transfer ownership of the tangible object, as long as that ownership has never previously been transferred in or outside Canada with the authorization of the copyright owner, and to authorize any such acts.

Conditions d’obtention du droit d’auteur

Conditions for subsistence of copyright

5 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le droit d’auteur existe au Canada, pendant la durée mentionnée ci-après, sur toute œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale si l’une des conditions suivantes est réalisée :

5 (1) Subject to this Act, copyright shall subsist in Canada, for the term hereinafter mentioned, in every original literary, dramatic, musical and artistic work if any one of the following conditions is met:

a) pour toute œuvre publiée ou non, y compris une œuvre cinématographique, l’auteur était, à la date de sa création, citoyen, sujet ou résident habituel d’un pays signataire;

(a) in the case of any work, whether published or unpublished, including a cinematographic work, the author was, at the date of the making of the work, a citizen or subject of, or a person ordinarily resident in, a treaty country;

b) dans le cas d’une œuvre cinématographique — publiée ou non —, à la date de sa création, le producteur était citoyen, sujet ou résident habituel d’un pays signataire ou avait son siège social dans un tel pays;

(b) in the case of a cinematographic work, whether published or unpublished, the maker, at the date of the making of the cinematographic work,

BLANK

(i) if a corporation, had its headquarters in a treaty country, or

BLANK

(ii) if a natural person, was a citizen or subject of, or a person ordinarily resident in, a treaty country; or

c) s’il s’agit d’une œuvre publiée, y compris une œuvre cinématographique, selon le cas :

(c) in the case of a published work, including a cinematographic work,

(i) la mise à la disposition du public d’exemplaires de l’œuvre en quantité suffisante pour satisfaire la demande raisonnable du public, compte tenu de la nature de l’œuvre, a eu lieu pour la première fois dans un pays signataire,

(i) in relation to subparagraph 2.2(1)(a)(i), the first publication in such a quantity as to satisfy the reasonable demands of the public, having regard to the nature of the work, occurred in a treaty country, or

(ii) l’édification d’une œuvre architecturale ou l’incorporation d’une œuvre artistique à celle-ci, a eu lieu pour la première fois dans un pays signataire.

(ii) in relation to subparagraph 2.2(1)(a)(ii) or

BLANK

(iii), the first publication occurred in a treaty country.

Possession du droit d’auteur

Ownership of copyright

13 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l’auteur d’une œuvre est le premier titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre.

13 (1) Subject to this Act, the author of a work shall be the first owner of the copyright therein.

Œuvre exécutée dans l’exercice d’un emploi

Work made in the course of employment

(3) Lorsque l’auteur est employé par une autre personne en vertu d’un contrat de louage de service ou d’apprentissage, et que l’œuvre est exécutée dans l’exercice de cet emploi, l’employeur est, à moins de stipulation contraire, le premier titulaire du droit d’auteur; mais lorsque l’œuvre est un article ou une autre contribution, à un journal, à une revue ou à un périodique du même genre, l’auteur, en l’absence de convention contraire, est réputé posséder le droit d’interdire la publication de cette œuvre ailleurs que dans un journal, une revue ou un périodique semblable.

(3) Where the author of a work was in the employment of some other person under a contract of service or apprenticeship and the work was made in the course of his employment by that person, the person by whom the author was employed shall, in the absence of any agreement to the contrary, be the first owner of the copyright, but where the work is an article or other contribution to a newspaper, magazine or similar periodical, there shall, in the absence of any agreement to the contrary, be deemed to be reserved to the author a right to restrain the publication of the work, otherwise than as part of a newspaper, magazine or similar periodical.

Droits moraux

Moral rights

14.1 (1) L’auteur d’une œuvre a le droit, sous réserve de l’article 28.2, à l’intégrité de l’œuvre et, à l’égard de tout acte mentionné à l’article 3, le droit, compte tenu des usages raisonnables, d’en revendiquer, même sous pseudonyme, la création, ainsi que le droit à l’anonymat.

14.1 (1) The author of a work has, subject to section 28.2, the right to the integrity of the work and, in connection with an act mentioned in section 3, the right, where reasonable in the circumstances, to be associated with the work as its author by name or under a pseudonym and the right to remain anonymous.

Règle générale

Infringement generally

27 (1) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir.

27 (1) It is an infringement of copyright for any person to do, without the consent of the owner of the copyright, anything that by this Act only the owner of the copyright has the right to do.

Atteinte aux droits moraux

Infringement generally

28.1 Constitue une violation des droits moraux de l’auteur sur son œuvre ou de l’artiste-interprète sur sa prestation tout fait — acte ou omission — non autorisé et contraire à ceux-ci.

28.1 Any act or omission that is contrary to any of the moral rights of the author of a work or of the performer of a performer’s performance is, in the absence of the author’s or performer’s consent, an infringement of those rights.

Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, LC 2019, c 29, art 292*

*Nota : À jour au 2 décembre 2020.

Exercice non autorisé

Unauthorized practice

77 Il est interdit à quiconque n’est pas titulaire d’un permis :

77 A person, other than a licensee, must not

a) d’utiliser les titres de « consultant en immigration », de « consultant en citoyenneté », de « conseiller en immigration pour étudiants étrangers », une variante ou une abréviation de ces titres ou des mots, un nom ou une désignation de manière à donner raisonnablement lieu de croire qu’il est titulaire d’un permis;

(a) use the title “immigration consultant,” “citizenship consultant,” “international student immigration advisor” or a variation or abbreviation of any of those titles, or any words, name or designation, in a manner that leads to a reasonable belief that the person is a licensee;

b) de se présenter, de quelque manière ou par quelque moyen, comme étant titulaire d’un permis;

(b) represent themselves, in any way or by any means, to be a licensee; or

c) de sciemment représenter ou conseiller une personne, de façon directe ou indirecte — ou d’offrir de le faire —, moyennant rétribution, relativement à une demande ou à une instance prévue par la Loi sur la citoyenneté ou à la soumission d’une déclaration d’intérêt faite en application du paragraphe 10.1(3) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou encore à une demande ou à une instance prévue par cette loi, sauf s’il est visé par les alinéas 21.1(2)a) ou b) ou les paragraphes 21.1(3) ou (4) de la Loi sur la citoyenneté ou les alinéas 91(2)a) ou b) ou les paragraphes 91(3) ou (4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

(c) unless the person is a person referred to in paragraph 21.1(2)(a) or (b) or subsection 21.1(3) or (4) of the Citizenship Act or paragraph 91(2)(a) or (b) or subsection 91(3) or (4) of the Immigration and Refugee Protection Act, knowingly, directly or indirectly, represent or advise a person for consideration — or offer to do so — in connection with a proceeding or application under the Citizenship Act, the submission of an expression of interest under subsection 10.1(3) of the Immigration and Refugee Protection Act or a proceeding or application under that Act.

Injonction

Injunction

78 S’il est convaincu qu’il y a contravention ou risque de contravention à l’article 77, tout tribunal compétent peut, sur demande du Collège, accorder une injonction, assortie des conditions qu’il estime indiquées, ordonnant à quiconque de cesser toute activité liée à la contravention, de s’en abstenir ou de prendre toute mesure qu’il estime indiquée.

78 On application by the College, if a court of competent jurisdiction is satisfied that a contravention of section 77 is being or is likely to be committed, the court may grant an injunction, subject to any conditions that it considers appropriate, ordering any person to cease or refrain from any activity related to that contravention or ordering the person to take any measure that the court considers appropriate.

Demande de prorogation

Application for continuance

84 (1) Le Conseil peut, s’il y est autorisé par ses membres conformément aux paragraphes 213(3) à (5) de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, demander au ministre une prorogation sous le régime de la présente loi.

84 (1) The Council may, if it is authorized to do so by its members in accordance with subsections 213(3) to (5) of the Canada Not-for-profit Corporations Act, apply to the Minister to be continued under this Act.

Approbation de la demande

Approval of application

(2) S’il reçoit la demande visée au paragraphe (1) et n’a pas pris l’arrêté visé à l’article 86, le ministre approuve, par arrêté, la demande de prorogation et fixe, dans l’arrêté, la date de la prorogation.

(2) Unless an order has been made under section 86, after receiving an application made under subsection (1), the Minister must, by order, approve the continuance and specify a date of continuance.

Copie de l’arrêté

Copy of order

(3) Le ministre fournit une copie de l’arrêté pris au titre du paragraphe (2) au directeur nommé au titre de l’article 281 de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif.

(3) If the Minister makes an order under subsection (2), he or she must provide the Director appointed under section 281 of the Canada Not-for-profit Corporations Act with a copy of it.

Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif

Canada Not-for-profit Corporations Act

(4) Pour l’application du paragraphe 213(7) de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, l’arrêté pris au titre du paragraphe (2) est réputé être l’avis attestant que l’organisation a été prorogée; en outre, ce paragraphe 213(7) s’applique à l’égard du Conseil sans tenir compte du passage : « s’il estime que la prorogation a été effectuée conformément au présent article ».

(4) An order made under subsection (2) is, for the purpose of subsection 213(7) of the Canada Not-for-profit Corporations Act, deemed to be a notice that the corporation has been continued, and that subsection 213(7) is to be applied in respect of the Council without regard to the words “if the Director is of the opinion that the corporation has been continued in accordance with this section”.

Non-application de certains paragraphes

Non-application of certain subsections

(5) Pour l’application de la présente loi, les paragraphes 213(1), (2), (6) et (10) de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif ne s’appliquent pas.

(5) For the purposes of this Act, subsections 213(1), (2), (6) and (10) of the Canada Not-for-profit Corporations Act do not apply.

Constitution du Collège

Establishment of College

86 Si le Conseil n’est pas prorogé au titre de l’article 84 et que six mois — ou toute autre période plus courte fixée par décret du gouverneur en conseil — se sont écoulés depuis la date d’entrée en vigueur du présent article, le ministre peut, par arrêté, constituer le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, personne morale sans capital-actions.

86 If the Council has not been continued under section 84 and a period of six months — or any shorter period that the Governor in Council may, by order, specify — has elapsed after the day on which this section comes into force, the Minister may establish, by order, a corporation without share capital to be known as the College of Immigration and Citizenship Consultants.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑834‑20

 

INTITULÉ :

CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA c CICC THE COLLEGE OF IMMIGRATION AND CITIZENSHIP CONSULTANTS CORP., NUHA NANCY SALLOUM et RYAN DEAN

 

DEMANDE RECONVENTIONNELLE :

CICC THE COLLEGE OF IMMIGRATION AND CITIZENSHIP CONSULTANTS CORP. c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario) (PAR VIDÉOCONFÉRENCE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 NovembrE 2020

 

JUGeMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 DÉcembrE 2020

 

COMPARUTIONS :

Gervas W. Wall

Michelle Noonan

 

POUR LE DEMANDEUR

(DÉFENDEUR RECONVENTIONNEL)

 

Nancy Salloum

 

POUR LES DÉFENDEURS

(POUR SON PROPRE COMPTE ET AU NOM DE CICC THE COLLEGE OF IMMIGRATION AND CITIZENSHIP CONSULTANTS CORP.)

 

Ryan Dean

 

POUR LE DÉFENDEUR (POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Jennifer Chow

 

POUR LA DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

Nancy Salloum

 

POUR LA DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gervas W. Wall

Michelle Noonan

Deeth Williams Wall

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR lA défendeRESSE ReCONVENTIONNELLE

 

 

 

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