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Date : 20031030

Dossier : T-609-02

Référence : 2003 CF 1263

ENTRE :

                                                  GREGORY ALLAN MACDONALD

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

LES FAITS

[1]                 Le demandeur, Gregory Allan MacDonald, voudrait faire annuler par cette demande de contrôle judiciaire la décision du 12 février 2002 du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le « tribunal » ), qui confirmait la décision du comité d'examen de rejeter, en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, sa demande de droit à pension de novembre 1998, fondée sur le dysfonctionnement interne de son genou droit et sur son état variqueux.

[2]                 Le tribunal a reconnu que M. MacDonald avait subi une blessure au genou droit en 1968 alors qu'il jouait au football pour RMC à Kingston, une activité qui avait été organisée et autorisée par l'armée. Il n'est donc pas contestable que le demandeur a subi une « invalidité » causée par une blessure, au sens de l'alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions.

[3]                 Le tribunal a estimé que la question dont il était saisi concernait le lien de causalité et il a tiré la conclusion suivante à propos du genou droit :

[traduction] Il s'agit de savoir ici si une blessure subie en 1968 au genou droit durant le service a entraîné la déchirure mineure ou partielle du LCA [ligament croisé antérieur], qui a été constatée en 1999 par arthroscopie. Le tribunal a accepté l'opinion du Dr Wiltshire selon laquelle la déchirure du LCA, qu'il avait décelée au moment de l'arthroscopie, « s'accordait avec une blessure subie jusqu'à 30 ans auparavant » . Cependant, le tribunal imagine que, si la déchirure partielle du ligament s'était produite en 1968, il y aurait eu des plaintes et/ou des traitements, fût-ce par intermittence au fil des ans. Il n'a été consigné ni traitement ni plainte jusqu'en 1998. Par ailleurs, l'absence au genou droit du moindre changement dégénératif ou de la moindre arthrose, ainsi que le montrent l'arthroscopie et la radiographie 30 ans après la déchirure ligamentaire, semblerait attester une lésion plus récente du LCA. Dans sa recherche, le tribunal a constaté que le LCA est très peu irrigué par le sang et qu'il ne guérit pas en général après une blessure (Clinically Oriented Anatomy, quatrième édition). Par conséquent, bien que le tribunal reconnaisse que le Dr Wiltshire est un spécialiste, aucune explication n'a été donnée sur la manière de faire la distinction entre la déchirure récente d'un ligament et une autre déchirure nettement plus ancienne, c'est-à-dire remontant à 30 ans. Par ailleurs, le tribunal note l'absence de changements dégénératifs au genou droit 30 ans après la présumée blessure. Le tribunal rejettera donc le droit à pension en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. [Dossier certifié, page 5] [non souligné dans l'original]

[4]                 S'agissant de l'état variqueux du demandeur, le tribunal s'est exprimé ainsi :

[traduction] Pour ce qui est de l'état variqueux du demandeur, le tribunal remarque une note manuscrite du Dr St-Arnaud en date du 20 mai 1999, dans laquelle il dit :

Varices derrière le genou droit.                                                                                          Pourraient résulter de la blessure subie à Saskatoon en 1969.


Le tribunal a examiné l'opinion du Dr St-Arnaud; cependant, en l'absence d'une explication du lien entre l'état variqueux et le service dans la force régulière, le tribunal refusera le droit à pension. [Dossier certifié, page 5]

[5]                 La seule preuve médicale dont disposait le tribunal a été produite par le demandeur. Le Dr Wiltshire, qui a fait une intervention chirurgicale au genou de M. MacDonald en novembre 1999, a écrit deux lettres.

[6]                 La première lettre, datée du 20 juin 2000, contient ce qui suit :

[traduction]

OBJET :     Gregory MacDonald

Le patient susmentionné souffre d'un dysfonctionnement du genou droit depuis novembre 1999. À l'époque, une arthroscopie avait confirmé la présence d'une déchirure du ligament croisé antérieur du genou droit.

Cette déchirure est ancienne et résulte évidemment du traumatisme subi au genou droit dans le passé. [Dossier certifié, page 35] [non souligné dans l'original]

[7]                 La deuxième lettre du Dr Wiltshire, datée du 11 janvier 2001, contient ce qui suit :

[traduction]

OBJET :     Gregory MacDonald

Le 20 juin 2000, j'écrivais une lettre pour dire que la blessure de M. MacDonald pouvait parfaitement être décrite ainsi : « Cette déchirure est ancienne et résulte évidemment du traumatisme subi au genou droit dans le passé. »

M. MacDonald m'a informé que le ministère des Affaires des anciens combattants a refusé d'admettre que sa blessure au genou droit lui confère un droit à pension, notamment parce que M. MacDonald n'a pas pu rattacher le ligament déchiré à une blessure subie au cours d'un match de football quelque 30 années auparavant.

Je n'ai traité M. MacDonald qu'en 1999 et je n'ai aucune connaissance personnelle de la blessure dont il fait état, mais je puis affirmer sans équivoque que la nature de la déchirure que j'ai observée au moment de pratiquer l'intervention chirurgicale à son genou droit s'accordait avec une blessure subie jusqu'à 30 ans auparavant. [Dossier certifié, page 34] [non souligné dans l'original]


[8]                 Une note brève du Dr St-Arnaud, datée du 20 mai 1999, mentionne ce qui suit :

[traduction]

Les varices présentes à l'arrière du genou droit pourraient être le résultat de la blessure subie à Saskatoon en 1969. [Dossier certifié, page 5] [non souligné dans l'original]

[9]                 Dans sa décision, le tribunal a examiné d'autres renseignements médicaux. Il s'est référé à une radiographie et à l'examen médical pratiqué par le Dr St-Arnaud sur le genou droit de M. MacDonald le 23 avril 1999, faisant observer :

[traduction]

La seule information médicale actuelle dont dispose le tribunal et qui se rapporte à l'état du genou droit du demandeur est une radiographie datée du 10 décembre 1998, qui n'a révélé aucune anomalie osseuse ou articulaire au genou droit, ainsi qu'un rapport d'examen médical daté du 23 avril 1999 et signé par le Dr St-Arnaud, qui, après examen du genou droit, avait mentionné :

- léger épanchement au genou droit

- instabilité du genou droit, niveau 2, MCL

- jeu d'articulation actif et passif, complet et sans douleur [Dossier certifié, page 3)

[10]            Le tribunal a ensuite fait mention du rapport opératoire du Dr Wiltshire pour une arthroscopie, rapport daté du 23 novembre 1999, puis il s'est exprimé ainsi :

[traduction]

Le tribunal s'est alors penché sur le rapport opératoire du 23 novembre 1999 pour une arthroscopie effectuée par le Dr Wiltshire, rapport où il est mentionné que le demandeur avait une douleur au genou droit depuis l'été 1999, douleur qui était apparue alors que le demandeur faisait du jogging, et la douleur s'était aggravée lorsque le demandeur avait joué au golf. Le demandeur s'était plaint que son genou droit fût encore « un peu symptomatique » .


Les observations du Dr Wiltshire durant l'opération avaient été les suivantes :

CONSTATATIONS OPÉRATOIRES : les ménisques étaient intacts et la surface de cartilage articulaire des compartiments médian, latéral et fémoro-rotulien était normale. Il y a eu élongation ou déchirure de quelques-unes des fibres de la portion antérieure du ligament croisé antérieur, avec un peu d'érythème dans cette région. Aucune autre pathologie n'a été observée au genou.

Dans la procédure opératoire, le Dr Wiltshire indiquait notamment ce qui suit :

Une arthroscopie a été effectuée à travers les portes antéromédiane et antérolatérale... Les constatations ont été celles qui sont indiquées ci-dessus. Toutes les structures ont été minutieusement examinées et aucune autre pathologie n'a été observée. Les fibres déchirées du cordon antérieur du LCA étaient excisées, mais la plus grande partie du LCA était intacte, et la stabilité ligamentaire est apparue tout à fait solide. [Dossier certifié, page 4]

[11]            Le tribunal s'est ensuite exprimé ainsi à propos de l'examen effectué par le Dr St-Arnaud :

[traduction]

Le tribunal a relevé que la constatation clinique d'instabilité du genou droit, ainsi qu'en fait état le Dr St-Arnaud, n'a pas été confirmée par l'arthroscopie. Il convient de noter aussi que les surfaces de cartilage articulaire des compartiments médian, latéral et fémoro-rotulien étaient normales et que l'élongation ou la déchirure de certaines des fibres indique un problème mineur du LCA puisque le Dr Wiltshire a dit que la plus grande partie du LCA était intacte et « paraissait tout à fait solide » . [Dossier certifié, page 4] [non souligné dans l'original]

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[12]            L'alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions est ainsi rédigé :



(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l'armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :

(2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie - ou son aggravation - consécutive ou rattachée directement au service militaire;

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;


[13]            Les articles 3, 18, 31, 38 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) sont ainsi rédigés :


3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

18. Le Tribunal a compétence exclusive pour réviser toute décision rendue en vertu de la Loi sur les pensions et statuer sur toute question liée à la demande de révision.

18. The Board has full and exclusive jurisdiction to hear, determine and deal with all applications for review that may be made to the Board under the Pension Act, and all matters related to those applications.

31. La décision de la majorité des membres du comité d'appel vaut décision du Tribunal; elle est définitive et exécutoire.

31. A decision of the majority of members of an appeal panel is a decision of the Board and is final and binding.

38. (1) Pour toute demande de révision ou tout appel interjeté devant lui, le Tribunal peut requérir l'avis d'un expert médical indépendant et soumettre le demandeur ou l'appelant à des examens médicaux spécifiques.

38. (1) The Board may obtain independent medical advice for the purposes of any proceeding under this Act and may require an applicant or appellant to undergo any medical examination that the Board may direct.


38(2) Avis d'intention

(2) Avant de recevoir en preuve l'avis ou les rapports d'examens obtenus en vertu du paragraphe (1), il informe le demandeur ou l'appelant, selon le cas, de son intention et lui accorde la possibilité de faire valoir ses arguments.

38(2) Notification of intention

(2) Before accepting as evidence any medical advice or report on an examination obtained pursuant to subsection (1), the Board shall notify the applicant or appellant of its intention to do so and give them an opportunity to present argument on the issue.39 Règles régissant la preuve

39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande. [non souligné dans l'original]

39 Rules of evidence

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case. [emphasis mine]


ANALYSE

a)         Norme de contrôle

[14]            Selon moi, la décision du tribunal tient à sa conclusion selon laquelle M. MacDonald n'a pas apporté une preuve suffisante montrant que la blessure subie par lui en 1968 alors qu'il jouait au football contre les Huskies de l'Université de la Saskatchewan à Saskatoon était réellement la cause de la déchirure du ligament croisé antérieur de son genou droit et la cause de la présence de varices à l'arrière de son genou droit.

[15]            Cette question dépend largement des faits et la Cour devra donc acquiescer à la décision du tribunal, à moins que le demandeur réussisse à montrer, selon l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, que le tribunal a rendu sa décision en se fondant sur une conclusion de fait « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait » , ou, en d'autres termes, que la décision est une décision manifestement déraisonnable.

[16]            Cependant, M. MacDonald ne prétend pas que le tribunal a tiré une conclusion arbitraire ou abusive à propos du lien de causalité, mais plutôt que le tribunal est arrivé à sa décision au mépris de son mandat officiel, et sans tenir compte de l'article 39 de la Loi, qui l'oblige à accepter tout élément de preuve non contredit que lui présente le demandeur et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence, et que, pour arriver à sa décision, le tribunal a tiré des conclusions de nature médicale, un domaine dans lequel il n'est pas spécialisé.


[17]            De telles erreurs, si elles sont démontrées, constitueront des erreurs de droit qui donneront à M. MacDonald le droit aux mesures prévues par le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur la Cour fédérale, pour les motifs exposés dans l'alinéa 18.1(4)c) de cette Loi, le tribunal ayant « rendu une décision entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier » . Voir l'arrêt Hall c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. n ° 1800 (C.A.F.), où monsieur le juge Sexton, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, écrivait : « [le juge des requêtes] a eu raison de dire que, pour accueillir la demande de l'appelant, il lui faudrait conclure que la décision contestée était fondée sur une erreur de droit ou sur une conclusion de fait erronée tirée d'une manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont disposait le tribunal » [le Tribunal des anciens combattants (révision et appel)]. En d'autres termes, à cause de la retenue qu'il convient de montrer envers le tribunal (voir l'arrêt Tonner c. Canada (Ministre des Affaires des anciens combattants), [1996] A.C.F. n ° 825 (C.A.F.)), une décision rendue sur un tel fondement est qualifiée, aux fins de la norme de contrôle, de décision déraisonnable (voir le jugement rendu par le juge Evans lorsqu'il siégeait à la Section de première instance, dans l'affaire McTague c. Canada (Procureur général), [2000] 1 C.F. 647 (C.F. 1re inst.)).

b)         Conclusions

[18]            Après examen de la décision du tribunal, je suis amené à conclure que le tribunal n'a pas dit que les documents rédigés par le Dr Wiltshire ou le Dr St-Arnaud n'étaient pas crédibles. Il a plutôt trouvé qu'ils étaient crédibles pour autant qu'ils fussent concernés.

[19]            Comme je l'ai indiqué auparavant, la décision du tribunal repose sur le lien de causalité et, pour dire que la preuve ne suffisait pas à établir ce lien de causalité, le tribunal a ignoré l'unique preuve médicale versée dans le dossier en tirant des conclusions de nature médicale quand il ne disposait pas, dans le dossier, d'autres preuves médicales qu'il aurait pu validement apprécier, se fondant plutôt, pour combler le vide, sur ses propres connaissances et sur sa propre recherche.

[20]            Il ne fait aucun doute, selon moi, que le tribunal a tiré des conclusions médicales qui lui ont permis de dire que la preuve ne suffisait pas à établir un lien de causalité. Je signalerai les aspects suivants :


(1)        Tout en acceptant l'opinion du Dr Wiltshire selon laquelle la déchirure du LCA pouvait résulter d'une blessure subie jusqu'à 30 ans auparavant, le tribunal a minimisé cette opinion en disant : « Cependant, le tribunal imagine que, si la déchirure partielle du ligament s'était produite en 1968, il y aurait eu des plaintes et/ou des traitements, fût-ce de façon intermittente au fil des ans » .

(2)        Ignorant la preuve médicale, le tribunal a dit que l'absence du moindre changement dégénératif ou de la moindre arthrose au genou droit, ainsi que le montrent l'arthroscopie et la radiographie 30 ans après la déchirure ligamentaire, semblerait attester une lésion plus récente du LCA.

(3)        Pour arriver à sa décision, le tribunal a fait sa propre recherche et tiré certaines conclusions sur le fait que le LCA est très peu irrigué par le sang et qu'il ne guérit généralement pas après une blessure. Cette conclusion a conduit le tribunal à dire qu'aucune explication n'avait été donnée sur la manière de faire la distinction entre une déchirure ligamentaire récente et une autre déchirure sensiblement plus ancienne.

(4)        Le tribunal a remarqué aussi l'absence de tout changement dégénératif.

(5)        Le tribunal a ignoré l'opinion du Dr St-Arnaud selon laquelle les varices de M. MacDonald avaient pu résulter de la blessure subie durant le match de football, mais il ne disposait d'aucune autre preuve ou explication concernant la relation entre les varices et la blessure en question. J'observe que le dossier indique la présence d'une légère varicosité lors de son examen de sortie en 1975. [Dossier certifié, page 92]


(6)        Le tribunal a usé de son propre jugement médical pour ignorer la conclusion du Dr St-Arnaud sur l'instabilité du genou droit de M. MacDonald, en affirmant que cette instabilité n'était pas confirmée par l'arthroscopie.

(7)        Le tribunal a interprété le rapport opératoire du Dr Wiltshire et tiré des conclusions sur des questions médicales alors qu'il n'avait devant lui aucune preuve médicale interprétant le rapport opératoire du Dr Wiltshire.

[21]            La démarche adoptée par le tribunal dans cette affaire ressemble aux circonstances de l'affaire Laurent Rivard c. Procureur général du Canada, [2001] CFPI 704, décidée par monsieur le juge Nadon alors qu'il siégeait à la Section de première instance. Dans cette affaire, le juge Nadon a fait droit à une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui avait refusé une pension d'invalidité à un demandeur.

[22]            Dans l'affaire Rivard, précitée, le juge Nadon avait fait les remarques suivantes, compte tenu des dispositions de la Loi sur les pensions et de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) :


(1)         En application de l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le tribunal doit accepter toute preuve non contredite que lui présente le demandeur et qu'il juge vraisemblable en l'occurrence, et il doit aussi tirer les conclusions les plus favorables possible au demandeur [voir le paragraphe 22 de ses motifs], sous la réserve qu'un tribunal peut rejeter une preuve médicale s'il avait devant lui des témoignages contradictoires, ou s'il expose des motifs qui intéressent leur crédibilité et leur plausibilité [voir aussi le jugement Wood c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. n ° 52 (1re inst.), rendu par le juge MacKay].

(2)        L'article 38 de la Loi, qui permet au tribunal de requérir l'avis d'un expert médical indépendant, donne à penser que le tribunal n'a aucune compétence médicale particulière. Voir les paragraphes 40 et suivants du jugement du juge Nadon, dans lesquels il fait état de plusieurs décisions de la Section de première instance qui confirment ce point de vue, et en particulier le paragraphe 42, où il dit que l'existence même de l'article 38 montre que le tribunal n'est pas investi d'une compétence intrinsèque pour statuer sur les questions médicales et qu'il n'a aucune compétence médicale particulière qui lui permettrait d'exposer ses vues en l'absence d'éléments de preuve.

[23]            Eu égard aux jugements Rivard et Wood, ainsi qu'aux précédents cités par les juges Nadon et MacKay à l'appui des propositions qu'ils énoncent dans les jugements en question, je suis d'avis que le tribunal a fait, dans le cas dont je suis saisi, des erreurs de même nature qui m'autorisent à annuler sa décision.

[24]            En bref, le tribunal a fait une incursion en territoire interdit en tirant des conclusions médicales qui ignoraient des preuves crédibles et non contredites, alors qu'il n'avait aucune compétence médicale propre et qu'il avait la possibilité d'obtenir et de partager des avis médicaux indépendants sur les aspects qui l'embarrassaient.

[25]            Mes conclusions suffisent à disposer de cette demande, mais j'ajouterais que je suis troublé de ce que le tribunal ne se soit pas exprimé sur la preuve qui montrait que M. MacDonald avait été traité immédiatement après sa blessure lors du match de football et que, durant une période critique (mai à novembre 1968), son dossier médical avait été égaré par l'état-major de la Défense.

[26]            Pour tous ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du tribunal du 12 février 2002 est annulée et l'affaire est renvoyée pour nouvelle décision à une autre formation du Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

                                                                                _ François Lemieux _            

                                                                                                             Juge                          

OTTAWA (ONTARIO)

le 30 octobre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         T-609-02

INTITULÉ :                                                        GREGORY ALLAN MACDONALD

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 2 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                     LE 30 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :

Gregory Allan MacDonald                                                             POUR LE DEMANDEUR (AUTOREPRÉSENTÉ)

Patricia Gravel                                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Montréal (Québec)


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