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Date : 20050623

Dossier : IMM-6537-04

Référence : 2005 CF 889

Toronto (Ontario), le 23 juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :                                

BLESSING OSAGIE

demanderesse

et

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]        En l'instance, la demanderesse, une citoyenne du Nigeria, a présenté une demande d'asile en raison de son sexe. Comme l'indique son [traduction] « Récit des faits » (dossier du tribunal, à la page 25), la demanderesse a fourni des éléments de preuve indiquant qu'elle avait subi d'horribles sévices de la part de son conjoint de fait. On a fini par prononcer le désistement de la demande d'asile de la demanderesse en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. La présente demande vise la décision ultérieure d'un agent d'examen des risques avant renvoi (ERAR) qui a, pour la première fois, évalué la preuve fournie par la demanderesse en ce qui concerne les risques qu'elle courrait si elle était obligée de retourner au Nigeria.

[2]         Le récit des faits soumis par la demanderesse à l'agent d'ERAR portait sur la brutalité et la cruauté dont faisait preuve son conjoint de fait en faisant d'elle son souffre-douleur, en la battant et en ltranglant alors même qu'elle était enceinte, ce qui avait provoqué une fausse couche, et en la battant une fois si violemment qu'il lui avait brisé la clavicule mais avait refusé de la laisser aller à l'hôpital. En outre, la demanderesse a déclaré qu'en raison des violences qu'elle avait subies, elle avait fui son conjoint de fait en novembre 2002 en déménageant à Lagos, mais que celui-ci l'avait rapidement retrouvée, avait menacé de la tuer et l'avait battue. La demanderesse a déclaré que, pour se protéger, elle stait donc cachée complètement et stait par la suite enfuie au Canada où elle avait présenté sa demande d'asile.

[3]         Avant de rendre sa décision, dans une lettre datée du 6 avril 2004, l'agent d'ERAR a demandé à la demanderesse des détails sur sa relation avec son conjoint de fait et, en particulier, il lui a demandé pourquoi ce dernier voudrait encore lui faire du mal (dossier du tribunal, à la page 257). La demanderesse a fait les déclarations suivantes dans sa réponse :

[traduction]

6. Il vit actuellement encore à l'adresse indiquée ci-dessus, et ma cousine m'a informée qu'il était venu lui demander de mes nouvelles le 20 février 2004, en prétendant que mon départ lui avait causé de la honte et des souffrances.


7. Il n'est pas marié actuellement et après la fuite de mon domicile à Benin City, mon conjoint de fait, qui était à ma recherche, s'est rendu au domicile de ma mère en décembre 2002 avec des hommes de main. Ma mère a été alors battue.

8. J'ai peur pour ma vie au Nigeria, parce que mon conjoint de fait Vincent Aiwekhoe veut me faire du mal et me tuer parce qu'il prétend que je lui appartiens et que je lui ai fait du mal en le quittant.

Vincent continuerait ses brutalités envers moi si je retournais au Nigeria. Je sais qu'il est très possessif et qu'il éprouve habituellement un sentiment d'insécurité avec moi. Vous trouverez ci-joint des photographies des brutalités qu'il a commises dans le passé contre moi : ces photos me montrent en train de recevoir à domicile des soins par des guérisseurs après qu'il m'a violemment battue en juillet 2000. À cette époque, il a même refusé que j'aille à l'hôpital.

Vous trouverez également ci-joint des photographies des blessures que j'ai subies au Nigeria en conséquence des coups répétés que j'ai reçus de cet homme violent. J'ai peur dtre tuée par celui-ci.

(Dossier du tribunal, à la page 257.)

[4]         Sans demander davantage de détails en ce qui concerne la crainte de la demanderesse à l'endroit de son conjoint de fait et sans même parler à celle-ci, l'agent d'ERAR a tiré les conclusions suivantes :

[traduction] La preuve dont je suis saisi indique que la demanderesse n'est pas mariée à son conjoint. Je ne dispose pas de suffisamment dléments de preuve convaincants indiquant que celui-ci est encore aujourd'hui intéressé à lui faire du mal. Elle a déclaré que sa cousine l'avait informée que son conjoint de fait était venu le 20 février 2004 pour demander de ses nouvelles, mais elle n'a fourni aucun détail précis sur ce sujet. Par exemple, on ne sait pas quand et comment sa cousine l'avait informée de cette visite, où était allé son conjoint de fait et ce qu'il avait dit exactement.

Je ne suis pas convaincu que, si elle retournait au Nigeria, elle devrait vivre avec son conjoint de fait. Selon son formulaire de demande, son père et sa soeur vivent au Nigeria. Il n'y a pas suffisamment dléments de preuve objectifs indiquant qu'elle serait incapable de vivre avec eux et que son conjoint de fait stait informé de l'endroit oùelle se trouvait afin de lui faire du mal.


Elle a déclaré que son conjoint de fait était responsable de la mort de sa mère à elle, mais elle n'a fourni aucun élément de preuve convaincant de sa responsabilité, ni aucun élément de preuve objectif des causes et du moment du décès de sa mère.

La demanderesse a fourni trois photographies d'elle-même portant des pansements au cou. Elle déclare que ces photographies montrent les blessures que lui causait son conjoint de fait. J'ai accordé peu de valeur probante à ces photographies, étant donné qu'elles ntablissent pas le bien-fondé de sa prétention selon laquelle son conjoint de fait était responsable des blessures y apparaissant. La demanderesse n'a fourni aucun rapport médical provenant du Nigeria en ce qui concerne les blessures qu'elle aurait subies de la part de son conjoint de fait.

(Dossier du tribunal, à la page 16.)

[5]         Je conclus que la déclaration de l'agent d'ERAR que je viens de citer équivaut à une conclusion défavorable en matière de crédibilité. Sur le vu du dossier, il n'y a aucun motif apparent permettant de mettre en doute le récit fait par la demanderesse des violences qu'elle a subies de la part de son conjoint de fait, ou ses déclarations en ce qui concerne sa crainte dtre persécutée. Il est tout à fait clair que l'agent d'ERAR a mis en doute les déclarations faites par la demanderesse en reprochant en fait à celle-ci de ne pas avoir fourni dléments de preuve corroborants. À mon avis, l'omission de l'agent d'ERAR de fournir quelque motif tangible que ce soit pour rejeter les déclarations de la demanderesse est extrêmement injuste. En conséquence, je conclus que la décision de l'agent d'ERAR est manifestement déraisonnable.

[6]         Si je comprends bien, la décision prononçant le désistement de la demande de la demanderesse a été corrigée et la Section de la protection des réfugiés est donc maintenant saisie de la demande d'asile de la demanderesse pour audition. En conséquence, même si je conclus que l'agent d'ERAR a commis une erreur susceptible de contrôle et que sa décision doit être annulée, je ne vois aucune raison de renvoyer l'affaire pour nouvelle décision.


ORDONNANCE

Par conséquent, j'annule la décision de l'agent d'ERAR qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                   IMM-6537-04

INTITULÉ:                                                    BLESSING OSAGIE

c.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 21 JUIN 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                                  LE 23 JUIN 2005

COMPARUTIONS:

Kingsley Jesuorobo                                       POUR LA DEMANDERESSE

Marcel Larouche                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kingsley Jesuorobo                                       POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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