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Date : 20000628


Dossier : T-2204-98

OTTAWA (ONTARIO), le 28 juin 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU


ENTRE :

     GILLIAN SALLS

     demanderesse

ET :

     LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES

     défendeur



ORDONNANCE


[1]      La demande est accueillie. L'affaire est renvoyée pour réexamen par un membre différent de la Commission.


« P.Rouleau »

                                         Juge

Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.



Date : 20000628


Dossier : T-2204-98



ENTRE :

     GILLIAN SALLS

     demanderesse

ET :

     LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Commission d'appel des pensions a rejeté, en date du 29 octobre 1998, la demande d'autorisation d'appel de la demanderesse à l'encontre de la décision du tribunal de révision portant qu'elle n'était pas invalide au sens du paragraphe 42(2) de la Loi sur le régime de pensions du Canada.

[2]          La demanderesse, Gillian Salls, a présenté une demande de prestations d'invalidité le 25 avril 1996. À l'appui de sa demande, elle a produit un rapport de son médecin, le Dr Faulder, selon lequel Mme Salls souffre d'une cyphose grave, qui peut être décrite comme une accentuation importante de sa courbure dorsale. Dans le cas de la demanderesse, cette courbure l'empêche de marcher normalement. Selon le rapport de son médecin, cette affection lui cause des douleurs à la poitrine et au haut du dos au moindre effort. Il s'agit d'une affection permanente, qui deviendra de plus en plus incommodante avec l'âge. La demanderesse en subit les effets indésirables dans les mains, les pieds et les coudes, ce qui l'oblige à prendre des médicaments quotidiennement.

[3]          La demande de prestations de Mme Salls a été rejetée et, après le rejet de sa demande de réexamen par le bureau de Développement des ressources humaines Canada, elle a interjeté appel devant le Tribunal de révision. Le Tribunal a tenu une audience le 13 mai 1997. La demanderesse y a assisté, mais n'y était pas représentée par un avocat.

[4]          Le Tribunal de révision a rejeté l'appel dans une décision en date du 4 août 1997. Les faits sur lesquels le Tribunal a fondé sa conclusion sont énoncés dans ses motifs dans les termes suivants :

         [Traduction] Elle souffre de spondylarthrite ankylosante, une maladie inflammatoire chronique qui lui cause des douleurs insupportables au dos, au cou et à la tête. Cette affection a entraîné une déformation de sa colonne vertébrale. Son médecin de famille, le Dr Faulder, a précisé qu'elle souffre de fatigue généralisée, d'hypertension, de reflux gastro-oesophagien et de douleurs spécifiques au dos et au cou. Il dit : « Cette déformation est permanente et peut s'aggraver. Avec l'âge, ce problème deviendra de plus en plus incommodant. » Il a ajouté : « ... [elle était] incapable de travailler... » et il ne pouvait « imaginer qu'elle sera apte un jour à occuper quelque emploi que ce soit... »



[5]          À partir de ces faits, la Commission a tiré la conclusion suivante :

         [Traduction] Il est certain qu'il s'agit d'une maladie prolongée - elle en souffre depuis l'âge de 23 ans. Son état est-il grave au point de la rendre invalide et donc régulièrement incapable de détenir toute occupation rémunératrice? Le Dr Faulder est d'avis qu'elle ne peut occuper un emploi. Le Tribunal de révision doit tenir compte de la combinaison de la douleur et de ses ramifications physiques ainsi que de sa détermination à ne pas se laisser handicaper par la maladie. Mme Salls est active et fonctionnelle sur le plan intellectuel. Il semble y avoir une amélioration de l'arthrite dans ses mains, car elle a commencé à fabriquer des meubles de maisons de poupée. Elle a pris des arrangements pour la vente et l'étalage de ses objets d'artisanat. Elle a conclu qu'elle ne pouvait poursuivre cette activité commerciale à long terme, car elle n'obtiendra pas une rétribution convenable pour ses efforts. Le temps qu'elle peut consacrer à un travail, quel qu'il soit, est limité, car elle a choisi de demeurer avec sa fille et de s'occuper d'elle. Nous ne pouvons affirmer que son état actuel est grave au point de l'empêcher de détenir toute occupation rémunératrice.


[6]          Mme Salls a déposé une demande d'autorisation d'appel devant la Commission d'appel des pensions le 6 septembre 1997. Dans une décision en date du 29 octobre 1998, le président de la Commission d'appel des pensions a rejeté sa demande, pour les motifs suivants :

         [Traduction] L'autorisation d'appel devant la Commission d'appel des pensions doit être refusée. Le Tribunal de révision a pour fonction d'évaluer la preuve, y compris celle offerte par la demanderesse relativement à son invalidité. C'est ce qu'il a fait et il a décidé que son état n'était pas grave au point de l'empêcher actuellement de détenir une occupation rémunératrice. En rendant cette décision, il a exercé ses fonctions convenablement et n'a commis aucune erreur. Un appel devant la Commission d'appel des pensions ne serait donc pas fondé.


[7]          Lorsqu'elle tranche une demande d'autorisation d'appel, la Commission d'appel des pensions n'a pas pour mission de se prononcer sur le bien-fondé de l'appel. La demanderesse n'a donc pas le fardeau de démontrer que son appel, s'il est autorisé, sera accueilli. La question qu'aurait plutôt dû se poser le président de la Commission d'appel des pensions est celle de savoir s'il existe des moyens défendables pour lesquels l'appel projeté pourrait être accueilli. Dans la décision Kerth c. Canada, [1999] A.C.F. no 1252, madame le juge Reed a formulé les remarques suivantes au sujet de ces principes juridiques :

     La demande d'autorisation d'interjeter appel est une étape préliminaire à une audition du fond de l'affaire. C'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l'audition de l'appel sur le fond. À l'étape de la demande d'autorisation, le demandeur n'a pas à prouver sa thèse. Par exemple, dans les décisions de la Cour d'appel fédérale que l'avocat du défendeur m'a citées, ayant trait à l'ancienne Règle 1107(1) de la Cour fédérale, on retrouve les commentaire suivants : Kurniewicz v. Canada (Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration) (1974), 6 N.R. 225, page 230:
         Pour que cette demande soit recevable, la requérante doit convaincre la Cour qu'il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l'appel. [Non souligné dans l'original.]
     Association des consommateurs du Canada c. La Commission d'énergie hydro-électrique de l'Ontario (cas no 2) (1974), 2 N.R. 479, page 482:
         . . .[. . .] avant que la présente demande puisse être accueillie, la Cour doit être en mesure de déterminer s'il existe une question de droit ou de compétence particulière dont la réponse pourrait mener à l'annulation de la décision ou ordonnance attaquée. [Non souligné dans l'original.]


[8]          En l'espèce, les motifs fournis par la Commission d'appel des pensions pour refuser l'autorisation d'appeler vont au-delà de la question fondamentale qu'elle devait trancher et qui consiste à savoir si la demande d'autorisation d'appeler soulevait une thèse ou une question de droit ou de compétence défendable. La décision du président indique plutôt que la question qu'il a examinée est celle de savoir si la décision du Tribunal de révision était correcte et si l'appel serait accueilli s'il était autorisé. Il a ainsi commis une erreur de droit donnant ouverture au contrôle judiciaire qui justifie l'intervention de la Cour.

[9]          Selon moi, il existe au moins une thèse défendable en l'espèce en ce qui concerne la façon dont le Tribunal de révision a traité l'unique élément de preuve médicale dont il disposait, soit la preuve non controversée offerte par le médecin de la demanderesse. Le Tribunal semble avoir retenu cette preuve, mais avoir tiré du même souffle une conclusion non étayée par cette preuve. On pourrait aussi déduire que le Tribunal n'a tout simplement pas tenu compte de la preuve dont il disposait.

[10]          Par ailleurs, je crains que le fait que la demanderesse n'ait pas été représentée par un avocat tout au long du processus ait eu une incidence sur le caractère équitable de la procédure. Certes, Mme Salls aurait pu produire une preuve médicale plus étoffée à l'appui de sa demande d'autorisation d'appel, mais elle ne le savait pas parce qu'elle n'était ni représentée ni conseillée par un avocat.

[11]          Pour ces motifs, j'annule la décision de la Commission d'appel des pensions et j'ordonne que la demande d'autorisation d'appel soit renvoyée pour réexamen par un membre différent de la Commission.


             « P. Rouleau »

                                         JUGE

OTTAWA, Ontario

28 juin 2000

Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NUMÉRO DU GREFFE :          T-2204-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Gillian Salls c. Le ministre des ressources humaines
LIEU DE L'AUDIENCE :          Edmonton (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 24 mai 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              28 juin 2000


ONT COMPARU :

Me Thomas E. Plupek              POUR LE DEMANDEUR
Me John Vaissi Nagy              POUR LA DÉFENDERESSE

Me Thomas Dastous



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thomas E. Plupek                  POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Edmonton (Alberta)

Me Morris Rosenberg              POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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