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Date : 19991117

Dossier : T-648-98

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 1999

EN PRÉSENCE DE Madame le juge Sharlow

ENTRE :

     3430901 CANADA INC. ET TELEZONE INC.

     demanderesses

     et

     LE MINISTRE D'INDUSTRIE CANADA

     défendeur

     ORDONNANCE


1.      La demande est rejetée.
2.      Les demanderesses ont conjointement droit à un mémoire de dépens entre parties, qui seront taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B, sauf entente à l'effet contraire.

                                 Karen R. Sharlow

                            

                                     Juge

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier




Date : 19991117

Dossier : T-650-98

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 1999

EN PRÉSENCE DE Madame le juge Sharlow

ENTRE :

     LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA

     demandeur

     et

     LE MINISTRE D'INDUSTRIE CANADA

     défendeur

     ORDONNANCE

1.      La demande est rejetée.
2.      Le demandeur a droit, sur demande, à un mémoire de dépens entre parties, qui seront taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B, sauf entente à l'effet contraire.

                                 Karen R. Sharlow

                            

                                     Juge

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier




Date : 19991117

Dossier : T-648-98

ENTRE :

     3430901 CANADA INC. ET TELEZONE INC.

     demanderesses

     et

     LE MINISTRE D'INDUSTRIE CANADA

     défendeur

     ET

     Dossier : T-650-98

ENTRE :

     LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA

     demandeur

     et

     LE MINISTRE D'INDUSTRIE CANADA

     défendeur


     MOTIFS DE JUGEMENT




LE JUGE SHARLOW

[1]      3430901 Canada Inc., et son prédécesseur Telezone Inc. (ci-après Telezone), ont présenté une demande en vertu de l'article 41 de la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir le contrôle judiciaire du refus d'un délégué du ministre d'Industrie Canada de leur communiquer les documents demandés le 16 janvier 1996. Le commissaire à l'information a demandé le contrôle judiciaire du même refus en vertu de l'article 42.

[2]      Ces motifs ont été mis en circulation sous forme de projet pour obtenir le point de vue des parties quant à 1) l'exactitude et le caractère complet des références documentaires, 2) la question de savoir si les motifs contenaient des renvois à une documentation qui doit demeurer confidentielle, et 3) les dépens. Le premier point n'a soulevé aucun commentaire. L'avocat du ministre a présenté certaines suggestions au sujet du second point, suggestions que j'ai acceptées nonobstant les objections de l'avocat du commissaire à l'information. Ces changements ne portent pas sur le fond de la décision ou des motifs. Toutes les parties ont présenté leurs commentaires sur les dépens.

Contexte

[3]      Le 15 juin 1995, le ministre a invité les parties intéressées à fournir des services de communications personnelles sur une gamme de fréquences de 2 GHz à présenter des demandes de licence. Il indiquait que six licences étaient disponibles, trois blocs de 30 MHz et trois blocs de 10 MHz. Le ministre se réservait le droit de ne pas délivrer toutes les licences annoncées.

[4]      Un communiqué de presse en date du 15 juin 1995 contient ceci au sujet de l'évaluation des demandes1 :

     Les demandes de licence des requérants seront évaluées en fonction de la mesure dans laquelle elles permettront de fournir des services novateurs, de stimuler la concurrence sur le marché et d'accroître les choix offerts aux entreprises et aux consommateurs canadiens. Le gouvernement s'assurera, au moyen de cette procédure d'octroi des licences, de mettre le plus possible le potentiel énorme de R-D et de création d'emploi au service des Canadiens.

[5]      On trouve plus de détails au sujet des exigences pour l'obtention d'une licence dans un document intitulé " Politique et déposition de demandes -- Les services de communications personnelles sans fil dans la gamme 2 GHz -- Mise en oeuvre des SCP au Canada " daté du 15 juin 1995.2

[6]      Le délai pour présenter les demandes était fixé au 15 septembre 1995. Dix-sept demandes ont été présentées, dont une par Telezone.

[7]      Un comité de 18 personnes, intitulé " groupe de travail ", a analysé les demandes en détail au vu d'un certain nombre de critères d'évaluation et il a présenté ses conclusions à un autre comité, intitulé " comité de sélection ". Ce comité de sélection regroupait 12 personnes, y compris des gestionnaires supérieurs du programme du spectre et des télécommunications d'Industrie Canada. Son rôle était de classer les demandes au vu des critères de sélection et de présenter des recommandations au ministre quant à celles qui devraient faire l'objet de l'octroi d'une licence.

[8]      Le groupe de travail a été saisi du dossier le 18 septembre 1995, ou vers cette date. En novembre 1995, il a tenu une réunion de trois jours à Merrickville (Ontario). À la fin novembre, le groupe de travail a fait des présentations pendant plusieurs jours au comité de sélection. Parmi ces présentations, il y a eu un rapport présenté de vive voix.

[9]      Le comité de sélection s'est réuni pendant deux jours à peu près, fin novembre et début décembre 1995. De plus, il y a eu des échanges et des rencontres du comité de sélection avec le ministre entre les 1er ou 2 décembre et les 15 ou 18 décembre.

[10]      Le 18 décembre 1995, le ministre a annoncé qu'il accordait quatre licences, deux dans chaque bloc. Telezone n'a pas obtenu de licence.

[11]      Le 16 janvier 1996, Telezone a demandé la communication en vertu de la Loi des documents reliés à la décision du ministre. Comme la réponse reçue ne la satisfaisait pas, elle a déposé une plainte auprès du commissaire à l'information. Cette plainte a donné lieu à une enquête du commissaire à l'information. Au cours de cette enquête, d'autres documents ont été communiqués. Telezone considérait toujours ne pas avoir obtenu satisfaction. Il en allait de même du commissaire à l'information et ce dernier a présenté un rapport recommandant une communication plus poussée le 27 février 1998.

[12]      Le délégué du ministre n'a pas accepté la recommandation du commissaire à l'information et a refusé de communiquer des parties de 47 documents. C'est ce refus qui est à l'origine des deux demandes en l'instance.

Les demandes

[13]      Les deux demandes ne sont pas absolument semblables. Il y a 47 documents qui contiennent de l'information que le délégué du ministre refuse de communiquer, et je renvoie ci-après à cette information sous l'appellation " documentation en litige ". La demande du commissaire à l'information ne vise qu'une partie de la documentation en litige. La plus grande partie de la documentation en litige qui est exclue de la demande du commissaire à l'information contient des renseignements de tiers.

[14]      La demande de Telezone ne vise que 30 des 47 documents. Une partie de l'information contenue dans ces 30 documents, dont Telezone demande la communication, n'est pas comprise dans la demande du commissaire à l'information. De plus, une partie de la documentation en litige contenue dans ces 30 documents ne fait plus l'objet d'une demande de communication de Telezone. Telezone s'est donc désistée de la partie de sa demande qui portait sur ces parties des 30 documents.

Les questions préliminaires

[15]      Une question préliminaire se pose quant à l'effet, s'il en est, du désistement de Telezone quant à la partie de la documentation en litige dont le commissaire à l'information continue à demander la communication. Le mandat du commissaire à l'information est de protéger l'intérêt public en s'assurant que les organismes gouvernementaux respectent leurs obligations en vertu de la Loi. Rien n'indique que cette demande aurait été faite à d'autres fins. En conséquence, la demande du commissaire à l'information doit être envisagée indépendamment de celle de Telezone.

[16]      La deuxième question préliminaire porte sur les tiers. Il est clair au vu du dossier de demande qu'on trouve mention dans la documentation en litige de tiers dont les intérêts seraient visés par une communication. La Loi contient des dispositions adéquates quant aux avis à donner aux tiers et il appert que tous les demandeurs de licence ont reçu l'avis requis. Certains d'entre eux se sont présentés à l'audition des matières interlocutoires, mais aucun ne s'est présenté à l'audience de cette demande. Par conséquent, les intérêts des tiers ne seront pas pris en compte dans ces demandes.

La Loi sur l'accès à l'information

[17]      Les demandes sont fondées sur les paragraphes 2(1) et 4(1) de la Loi, dont les parties pertinentes sont rédigées comme suit :

     2(1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.
     4(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale [...] ont droit à l'accès aux documents relevant d'une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande ...

[18]      La Loi prévoit plusieurs exceptions au droit d'accès aux documents de l'administration. Toutes ces exceptions sont soumises à la règle des prélèvements prévue à l'article 25 de la Loi, qui est rédigé comme suit :

     25. Le responsable d'une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s'autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d'en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux3.

[19]      Certaines des exceptions prévues dans la loi à l'obligation de communication sont impératives, en ce sens qu'elles interdisent la communication à moins qu'on satisfasse à certaines conditions4. D'autres sont discrétionnaires, en ce sens qu'elles accordent au responsable de l'institution fédérale le pouvoir discrétionnaire de refuser la communication des documents demandés5.

[20]      Il y deux sortes d'exceptions discrétionnaires. Certaines sont conditionnelles et ne peuvent être invoquées que si la divulgation risque de causer une perte ou un préjudice6. D'autres ne comportent aucune restriction.

[21]      En l'instance, les exceptions invoquées par le délégué du ministre se trouvent aux alinéas 21(1)a) et b) et elles tombent dans la catégorie des exceptions qui accordent au ministre le pouvoir discrétionnaire entier de refuser la communication. Elles sont rédigées comme suit :

     21(1) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents datés de moins de vingt ans lors de la demande et contenant :
     a)      des avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre;
     b)      des comptes rendus de consultations ou délibérations où sont concernés des cadres ou employés d'une institution fédérale, un ministre ou son personnel; ...

[22]      En l'instance, la question consiste à déterminer si le délégué du ministre a commis une erreur en plaçant les documents en cause sous les définitions prévues aux alinéas 21(1)a) ou b). Cette question doit être évaluée selon la norme de la décision correcte7. Bien que l'avis du commissaire à l'information ne soit pas déterminant, il faut lui donner le poids approprié au vu de son expertise quant aux questions visées par la Loi, de l'indépendance de sa fonction, et des pouvoirs d'enquête que lui accorde la loi.

[23]      S'il fallait conclure qu'une partie de la documentation en litige se situe à l'extérieur des exceptions demandées, il faudrait envisager la réparation prévue à l'article 49. L'article 49 est rédigé comme suit :

     49. La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de la personne qui a exercé un recours en révision d'une décision de refus de communication totale ou partielle d'un document fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles mentionnées à l'article 508, ordonne, aux conditions qu'elle juge indiquées, au responsable de l'institution fédérale dont relève le document en litige d'en donner à cette personne communication totale ou partielle; la Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime indiqué.

[24]      En l'instance, les parties s'entendent sur le fait que la seule réparation appropriée par rapport à toute partie de la documentation en litige qui ne serait pas couverte par les alinéas 21(1)a) ou b) est une ordonnance de communication.

[25]      S'agissant de toute partie de la documentation en litige qui est à bon droit placée sous ces exceptions, il faut examiner la décision du délégué du ministre d'en refuser la communication. S'il ressort qu'une erreur a été commise dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre, la seule réparation possible est de renvoyer l'affaire au ministre avec une directive de réexaminer l'exercice de son pouvoir discrétionnaire9. La Cour peut se réserver le droit de s'assurer que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire en temps utile10.

Les plaintes au sujet de la réponse du ministre à la demande de divulgation

[26]      Les demanderesses soutiennent qu'il y a plusieurs lacunes dans la réponse du ministre à la demande d'accès à l'information, en sus des questions soulevées quant à la nature de l'information et quant à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre de refuser la communication. On ne demande aucune réparation précise à ce sujet et il n'est pas clair quel serait leur impact sur le fond des demandes en l'instance. Toutefois, comme le ministre a jugé bon de réagir à certaines de ces allégations, il est approprié de les commenter.

Les procès-verbaux et la documentation des réunions

[27]      Le commissaire à l'information déclare que le ministre n'a produit aucune documentation au sujet des réunions avec les membres du comité de sélection et d'autres personnes au tout début de décembre 1995. Le ministre répond que ces réunions n'ont pas fait l'objet de procès-verbaux, et qu'il a communiqué les notes de service et les cahiers de breffage traitant de ces réunions. À moins que la législation ou un principe de droit n'exige que l'on consigne le contenu des réunions dans un procès-verbal (on ne m'en a pas cité), on ne peut considérer que le ministre et ses fonctionnaires sont en faute pour ne pas l'avoir fait.

Le caractère exhaustif de la réponse du ministre

[28]      Le commissaire à l'information déclare qu'après la prise de décision sur l'octroi des licences, un fonctionnaire du Ministère a cherché à regrouper toute la documentation pertinente, anticipant semble-t-il une demande en vertu de la Loi. Ce processus de regroupement s'est continué après que Telezone eut présenté sa demande. Au cours de ce processus, certains documents ont été détruits et aucune note n'a été prise quant à leur contenu.

[29]      De plus, Telezone soutient que la personne à qui on avait au départ confié la tâche de regrouper ces documents n'avait pas l'expérience requise pour ce faire et que c'est possiblement la cause de la destruction intempestive de certains documents.

[30]      Telezone se plaint aussi du fait que ces carences sont aggravées par le refus du ministre de questionner une personne au courant de l'affaire, mais qui n'est plus à l'emploi du Ministère. Le refus du ministre d'entrer en rapport avec cette personne a été versé au dossier lors du contre-interrogatoire d'un fonctionnaire du Ministère par Telezone. Toutefois, Telezone n'a pas demandé qu'on statue au fond sur l'objection du ministre. Dans ces circonstances, je donne peu de poids à cette plainte11.

[31]      Au sujet de l'allégation que certains documents auraient été illégalement détruits, le ministre répond par une preuve à l'effet que les seuls documents détruits étaient des doubles et qu'il ne manque aucun document suite à ce processus. Il s'appuie aussi sur la partie du rapport final du commissaire à l'information, daté du 27 février 1998, qui porte que le commissaire à l'information a conclu que tous les documents pertinents visés par la demande de Telezone ont été identifiés et traités, soit par leur communication ou par le recours à une exception. Dans ce rapport, le commissaire à l'information fait le commentaire suivant au sujet des plaintes de Telezone portant sur l'aspect complet de la réponse du ministre, en déclarant :

     [traduction]

     ... Je conclus que la partie de votre (Telezone) plainte portant que la réponse d'IC (Industrie Canada) est incomplète est maintenant réglée.

[32]      Il semble qu'en février 1998, le commissaire à l'information avait conclu que la réponse du ministre était complète. J'accepte sa conclusion à ce sujet.

L'à-propos de la réponse du ministre

[33]      Telezone se plaint du fait que la réponse par étapes du ministre à sa demande d'accès aux documents a mis plus de trois ans, ce qui dépasse de loin le délai autorisé par la Loi pour répondre à une demande d'accès à l'information.

[34]      La demande d'accès de Telezone a été présentée en janvier 1996. En mars 1996, seuls deux documents ont été communiqués. Telezone a continué à demander une plus grande communication et, peu de temps après s'être plainte en juin 1996 de la lenteur des procédures, le ministre lui a fourni d'autres documents où il a opéré un bon nombre de prélèvements. Quelques jours plus tard, Telezone a présenté sa plainte au commissaire à l'information.

[35]      L'enquête du commissaire à l'information a débuté en juillet 1996 et a eu d'abord comme résultat une recherche plus approfondie. Finalement, 108 autres pages ont été communiquées en mai 1997. Les échanges de correspondance entre le ministre et le commissaire à l'information se sont soldés par d'autres communications. Ce n'est qu'en février 1998 que le commissaire à l'information a présenté son rapport final. À ce moment-là, le ministre refusait toujours la communication d'une certaine documentation, ce qui a donné lieu aux demandes en l'instance.

[36]      L'historique de l'affaire donne à penser que ce n'est que lorsque le commissaire à l'information a été saisi du dossier que les fonctionnaires du Ministère ont rempli leurs obligations, en vertu de la loi, de trouver les renseignements demandés. Je ne sais si cette carence est due à un manque de compréhension de leurs obligations, ou à quelque chose d'autre. Toutefois, l'intervention du commissaire à l'information est venue régler cette question. C'est justement là une partie du rôle du commissaire à l'information. Il est malheureux que le processus ait pris aussi longtemps, mais la Loi ne prévoit aucune réparation en cas de retard.

[37]      Dès que le commissaire à l'information a initié son enquête, des progrès ont été accomplis dans le processus de communication. Il y a eu d'autres délais par suite du débat continu entre les fonctionnaires du ministre et le commissaire à l'information quant à l'interprétation et à l'application de la Loi, ainsi qu'au fondement de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre. Rien dans la preuve n'indique que ce débat était fondé sur des considérations non pertinentes. Je suis d'avis que personne n'est responsable de tout le temps qu'il a fallu pour que ce débat arrive à l'étape actuelle.

Le ministre allant à l'encontre des avis juridiques

[38]      Telezone soutient que le ministre a maintenu son refus de communiquer certains documents malgré un avis juridique portant que les renseignements en cause devaient être divulgués. Cet argument se fonde sur une note de service préparée par un avocat du ministère de la Justice le 11 décembre 199512. Il semble que cette note de service avait pour objet de donner un avis préliminaire aux fonctionnaires du Ministère au cas où une demande serait présentée en vertu de la Loi. Telezone a présenté sa demande le mois suivant.

[39]      Le ministre conteste la tentative faite par Telezone de s'appuyer sur un document qui est protégé par le secret professionnel des avocats. Telezone ne conteste pas la validité du privilège, mais indique qu'il semble que ce document aurait été produit par suite d'une ordonnance antérieure de la Cour en l'instance. Je ne suis pas convaincue que les demanderesses ne peuvent s'appuyer sur ce document dans le cadre de leur demande13. Pour ces motifs, j'ai examiné la note de service.

[40]      Je ne trouve rien dans cette note de service qui pourrait venir appuyer la demande de Telezone. Elle ne constitue pas, non plus qu'elle ne prétend constituer, un avis portant que la documentation en litige devrait être communiquée. L'auteur décrit ses commentaires comme tirés dans l'abstrait, sans accès direct aux documents en cause. Elle déclare que sa note de service a pour objet simplement de [traduction] " donner une vue d'ensemble sommaire des exceptions possibles qui pourraient viser les diverses catégories de documents ".

[41]      La note de service du 11 décembre 1995 ne fait ressortir aucune erreur de droit, non plus qu'elle ne démontre que le ministre aurait fait preuve de mauvaise foi.

La documentation en litige

[42]      Cette affaire repose sur l'interprétation correcte des exceptions prévues par la loi sur lesquelles le ministre s'appuie. Pour faciliter la discussion, je reprends ici les parties pertinentes du paragraphe 21(1) :

     a)      des avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre;
     b)      des comptes rendus de consultations ou délibérations où sont concernés des cadres ou employés d'une institution fédérale, un ministre ou son personnel ...

[43]      Il n'y a pas de jurisprudence portant sur l'interprétation de ces dispositions, bien qu'on en trouve qui porte sur des dispositions analogues dans d'autres lois.

[44]      L'interprétation de l'exception prévue par la Loi doit respecter l'objet de la Loi tel qu'énoncé au paragraphe 2(1), tout en assurant que l'objectif de l'exception est atteint. Le droit du public d'être informé du fonctionnement de l'administration n'est pas un droit absolu. Il doit céder devant les valeurs que les exceptions prévues par la loi veulent protéger14.

[45]      Les exceptions prévues aux alinéas 21(1)a) et b) ont pour objet d'assurer l'intégrité du processus décisionnel de l'administration15. L'aspect de politique générale qui les sous-tend est qu'une communication trop complète pourrait avoir comme résultat de restreindre la communication ouverte et franche qui doit exister entre les conseillers du gouvernement et les décideurs.

[46]      À l'audience, il y a eu un débat sur la question de savoir si je devais tenir compte du préjudice qui pourrait être causé par la communication. On a avancé que je devrais préconiser la communication, sauf si je suis convaincue qu'il en résulterait un préjudice. Je ne suis pas de cet avis. Certaines des exceptions prévues dans la Loi exigent qu'on prouve le préjudice, mais ce n'est pas le cas des alinéas 21(1)a) et b). J'aurais tort d'imposer au ministre le fardeau de prouver le préjudice qui pourrait être causé par la communication, alors que ce dernier s'appuie sur une exception prévue par la loi qui ne prévoit pas ce fardeau.

[47]      Je crois que la meilleure approche à adopter est tout simplement d'examiner la documentation en litige au vu de la preuve portant sur sa création et son objectif. Il devrait alors être possible de déterminer si l'exception réclamée pour chacun des extraits en cause doit être maintenue, en se fondant sur le sens courant des termes utilisés dans la disposition prévoyant l'exception.

Les renseignements généraux au sujet du poids en pourcentage accordé aux critères utilisés ou à utiliser en évaluant les demandes de permis, ainsi que les considérations de politique générale relatives à ces critères

[48]      Cette information se trouve dans divers documents au volume 21 du dossier de demande16 : pages 1 à 12 (onglet 1), pages 38 à 46 (onglet 3), pages 103 et 104 (onglet 10), pages 281 à 284 (onglet 14), pages 286 à 297 (onglet 15), pages 298 à 302 (onglet 16), pages 303 à 305 (onglet 17), page 307 (onglet 18), pages 562 à 573a (onglet 28), pages 574 à 577 (onglet 29), et pages 578 à 593 (onglet 30). Ces documents se trouvent aussi au volume 19 du dossier de demande17, pages 16 à 27, pages 30 à 38, pages 28 et 29, pages 533 à 558, pages 537 à 550, pages 551 à 555, pages 556 à 558, pages 827 à 839, et pages 840 à 843. Le ministre réclame le droit de refuser la communication en se fondant sur l'alinéa 21(1)a).

[49]      Les demandeurs de licence ont reçu des renseignements généraux au sujet des objectifs du programme de licence, ainsi que des considérations dont il serait tenu compte. Toutefois, on n'a jamais communiqué aux demandeurs le poids relatif qu'on devait donner, ou qu'on a finalement donné, aux divers facteurs. On ne les a pas non plus informés complètement des objectifs de politique générale qui sous-tendaient les divers critères, ou de la façon par laquelle on a déterminé le pointage accordé à chaque demande.

[50]      Il semble qu'un des membres du groupe de travail a créé, avec son personnel, un système de pondération des pourcentages des divers facteurs fondé sur les objectifs de politique générale identifiés. Ces pourcentages et la discussion des considérations de politique générale apparaissent dans divers documents qui ont été communiqués aux membres du groupe de travail et du comité de sélection, ainsi qu'au ministre. Une évaluation initiale des demandes a été préparée par le groupe de travail, fondée sur la pondération originale des pourcentages.

[51]      Suite aux discussions avec le ministre, la pondération des pourcentages a été changée à la demande du ministre afin de refléter d'autres priorités. Les demandes ont été réévaluées sur la base de la pondération révisée et l'évaluation finale a été transmise au ministre. C'est la pondération en pourcentage définitive des divers critères qui est à la base des distinctions faites entre les demandes, ce qui a eu un impact sur la décision du ministre quant à l'octroi des licences.

[52]      On trouve des discussions quant aux considérations de politique générale, au poids à accorder en pourcentage ainsi qu'à la méthode de notation dans divers documents. Une partie de ces documents a été communiquée, mais dans chaque cas on a prélevé les pourcentages et la documentation s'y rapportant.

[53]      Le commissaire à l'information soutient que les critères d'évaluation et la documentation s'y rapportant constituent, à moins qu'on ne les communique, un régime de " droit pratique " ou de " droit secret " qui est justement le genre de renseignements dont a voulu assurer la communication en adoptant la Loi. Il soutient que la qualité de la prise de décision publique serait améliorée si l'on communiquait ces renseignements aux demandeurs. L'argument à l'effet contraire porte que la qualité du processus décisionnel public serait mise en cause par les restrictions imposées à une discussion libre et franche par suite d'une communication publique prématurée.

[54]      Je n'ai aucun fondement me permettant de déterminer comment on peut obtenir la meilleure qualité possible du processus de décision public, mais je ne suis pas convaincue que je doive chercher à le faire. Le Parlement l'a déjà fait. L'équilibre approprié entre la divulgation et le secret se trouve dans la Loi.

[55]      Les demandeurs soutiennent tous que la pondération des pourcentages et les documents s'y rapportant sont essentiellement de nature factuelle, et qu'on ne peut donc les décrire comme des " avis ou recommandations ". Les demandeurs soutiennent que ces renseignements sont simplement une partie de l'ensemble de faits qui est à la base des avis ou recommandations au ministre, et non des recommandations particulières quant aux décisions à prendre. Par conséquent, ces renseignements ne constitueraient pas par eux-mêmes des avis ou recommandations. Les demandeurs soutiennent aussi qu'une discussion de politique générale ne cadre pas dans cette catégorie, à moins qu'on y présente des options de politique et qu'on y recommande une façon d'agir.

[56]      Je traiterai d'abord du dernier point. Il me semble qu'une discussion des options de politique qui se solde par une recommandation est une " recommandation " au sens de l'alinéa 21(1)a ), mais que le terme " avis " recouvre un concept beaucoup plus large. Dans son sens ordinaire, le terme " avis " peut comprendre la discussion de questions de politique générale ou d'options de politique, même si on n'y trouve pas de conclusion ou de résolution au débat.

[57]      Le ministre soutient que l'information en cause sous ce chef est la pierre angulaire de l'avis donné au ministre et qu'elle représente le point de vue du ministre et de ses conseillers quant à l'importance relative des divers facteurs, ainsi que les motifs de politique générale qui sous-tendent leur avis. Dire que ces renseignements ne sont pas couverts par l'article simplement parce qu'on ne leur a pas accolé l'étiquette " avis " ou " recommandations ", ou parce qu'on ne les trouve pas toujours dans un document qui recommande expressément une façon d'agir au ministre, consiste à privilégier la forme par rapport à la substance. Chacun des documents qui contient ces renseignements est fondamentalement un avis.

[58]      Il n'est pas toujours possible de placer les " faits ", les " avis " et les " recommandations " dans des compartiments étanches. Plusieurs documents comportent plus d'un élément. Par exemple, un fonctionnaire peut aviser le ministre qu'un critère donné devrait recevoir une pondération spéciale par suite d'un motif de politique générale particulier, ou recommander qu'on donne un nombre de points donnés à une demande qui comporte une caractéristique précise. Le document consignant un tel avis ou une telle recommandation est correctement décrit comme un " avis ou recommandation " au ministre, même si on y trouve aussi mention du fait que le fonctionnaire a examiné une pondération ou un octroi de points spécifiques. Dans un tel cas, l'exception prévue à l'alinéa 21(1) a ) s'applique nonobstant l'aspect factuel du document.

[59]      En me fondant sur la source et l'objectif des documents qui portent sur la pondération des pourcentages et les discussions de politique générale y afférentes, je conclus que ces renseignements sont une composante essentielle et importante des avis ou recommandations présentés au ministre dans le cadre de sa décision d'octroyer des licences. Il s'ensuit que cette documentation recouvre une information que le ministre peut refuser de communiquer.

L'évaluation des plans financiers

[60]      Cette information se trouve dans le document aux pages 33 à 37 (onglet 2) du volume 21 du dossier de la demande18. On en trouve une deuxième copie aux pages 87 à 91 (onglet 8) du volume 21. Le même document est reproduit aux pages 11 à 15 du volume 19 du dossier de la demande19. On trouve aussi au volume 19 des documents sur le même sujet à la page 75, aux pages 94 à 100, et aux pages 160 à 166. Le ministre soutient avoir le droit de refuser leur communication en se fondant sur les alinéas 21(1)a) et b).

[61]      Le document principal dans cette catégorie est une note de service interne du Ministère datée du 17 novembre 1995. On y décrit le processus qui a servi à l'évaluation initiale des plans financiers des demandeurs de licence, conduite par un fonctionnaire ou un groupe de fonctionnaires consultés par le groupe de travail. Cette note de service fait un résumé d'une classification des demandes sous trois aspects : données à l'appui, aspect plausible, évaluation des plans financiers.

[62]      Les demandeurs soutiennent que la note de service du 17 novembre 1995 est essentiellement un résumé factuel de certains événements qui ont eu lieu lors de l'évaluation des demandes de licence. Dans sa plaidoirie, Telezone a admis que certaines des phrases de la note de service constituent un compte rendu de délibérations des fonctionnaires du Ministère au sens de l'alinéa 21(1)b).

[63]      Cette note de service décrit des faits, en ce sens que le rédacteur y décrit des événements qui se sont produits. Toutefois, parmi ces événements on trouve l'analyse que le rédacteur et ses collègues et consultants ont menée pour arriver à leurs conclusions. Toute la note de service est un compte rendu de délibérations de fonctionnaires de l'administration. Dans la mesure où elle contient des avis au groupe de travail quant aux mérites des aspects financiers des diverses demandes de licence, elle tombe aussi dans la catégorie des avis ou recommandations.

[64]      Ce raisonnement s'applique aux autres documents dans cette catégorie.

[65]      Une partie de cette information a été communiquée par l'application de la règle des prélèvements (article 25, précité). Le reste contient des renseignements que le ministre peut refuser de communiquer.

Les renseignements sur la détermination du nombre de permis à accorder

[66]      Ces renseignements se trouvent dans divers documents regroupés au volume 21 du dossier de la demande20 : pages 47 à 65 (onglet 4) (reproduit au volume 19 du dossier de la demande21 aux pages 203 à 221), pages 106 et 107 (onglet 11) (reproduit au volume 19, aux pages 286 et 287), et aux pages 509 et 510 (onglet 21). On les trouve aussi à la page 285 du volume 19. Le ministre soutient qu'il a le droit d'en refuser la communication en vertu des alinéas 21(1)a) et b).

[67]      Le document principal sur cette question est une note de service du 8 décembre 1995 que le sous-ministre adresse au ministre et à d'autres, avec trois pièces jointes. L'objet de cette note de service est la décision que le ministre doit prendre quant au nombre de licences à accorder dans le bloc de 30 MHz.

[68]      Telezone a fait savoir qu'elle ne demande plus la communication des pièces jointes, ainsi que de parties importantes de la note de service. Toutefois, le commissaire à l'information cherche à obtenir la communication de tout le document, sauf les parties qui contiennent des renseignements de tiers. Telezone continue à chercher à obtenir la communication d'une partie des renseignements de tiers.

[69]      Compte tenu de la façon dont cette note de service a été créée et de sa date, je conclus qu'elle est complètement constituée d'une combinaison d'avis et de recommandations et de comptes rendus de délibérations, la plaçant ainsi à première vue dans le cadre des alinéas 21(1)a) et b). Toutefois, les divers arguments avancés par les parties exigent un examen plus détaillé.

[70]      Le paragraphe d'introduction informe le ministre qu'il doit prendre une décision de politique quant au nombre de licences à accorder. Comme ce texte est lié de façon fondamentale à l'avis qui suit, il se situe dans le cadre de l'alinéa 21(1)a). Par conséquent, les renseignements contenus dans les deux premières phrases sont de ceux dont le ministre peut refuser la communication.

[71]      Le premier paragraphe de la deuxième page ne contient qu'une phrase qui n'a pas été communiquée. Je considère que cette phrase est un compte rendu de délibérations que le ministre peut refuser de communiquer.

[72]      Le reste de la deuxième page est aussi un compte rendu de délibérations. Le ministre peut refuser de le communiquer. Au haut de la troisième page, on trouve un paragraphe qui relie la partie compte rendu de délibérations aux avis ou recommandations présentés au ministre par la suite. Compte tenu du contexte, ce paragraphe contient aussi des renseignements que le ministre peut refuser de communiquer.

[73]      Il est clair que les troisième et quatrième pages constituent des avis et recommandations au ministre. On l'informe qu'il doit prendre une décision de politique, on lui explique les options avec discussion à l'appui, et on lui recommande une façon d'agir. Le ministre peut refuser de communiquer ces renseignements.

[74]      Les parties non communiquées des trois pièces jointes sont aussi des comptes rendus de délibérations. Ce sont des renseignements que le ministre peut refuser de communiquer.

[75]      On trouve aussi dans cette catégorie un document qui reproduit la projection de transparents résumant les arguments de politique relatifs à la décision que le ministre doit prendre quant au nombre de licences à octroyer. Cette documentation a été préparée pour le comité de sélection et le ministre, et elle tombe clairement dans la catégorie des avis ou recommandations. Le ministre peut en refuser la communication.

[76]      Il y a aussi un courrier électronique adressé par un des membres du groupe de travail à d'autres membres. La partie dont Telezone requiert la communication porte sur une analyse préliminaire de certaines questions de politique générale qui devront être discutées afin de préparer les recommandations au comité de sélection et, par la suite, au ministre. C'est à la fois un compte rendu de délibérations préparé par l'auteur ainsi qu'un résumé d'avis et de recommandations. Le ministre peut en refuser la communication.

Les renseignements sur les points accordés à la demande de Telezone et à celle des autres demandeurs, et questions connexes

[77]      Ces renseignements se trouvent aux pages 66 à 72 (onglet 5) du volume 21 du dossier de la demande22 (reproduit aux pages 96 à 102 (onglet 9) du volume 21). On les trouve aussi aux pages 41 et 42, aux pages 52 à 55, à la page 58, aux pages 222 à 228, et aux pages 674 et 675 du volume 19 du dossier de la demande23. Le ministre réclame le droit d'en refuser la communication en vertu des alinéas 21(1)a) et b).

[78]      Le document principal en cause est une note de service en date du 15 décembre 1995, adressée au ministre et à d'autres par le sous-ministre adjoint. Telezone admet que des parties importantes de cette note de service tombent sous le coup de l'alinéa 21(1)b), alors que d'autres parties contiennent des renseignements qu'elle ne réclame plus. Le commissaire à l'information soutient que les parties prélevées devraient être communiquées, sauf en ce qui concerne les autres demandeurs.

[79]      Toute la note de service a pour objet de présenter des avis et recommandations au ministre. De plus, les pages 2, 3 et 4 de la note de service sont un compte rendu fort détaillé des délibérations qui ont précédé la formulation des recommandations.

[80]      La partie sur la page 5 et au haut de la page 6 intitulée [traduction] " autres facteurs à considérer ", est un sommaire des facteurs additionnels liés aux demandes qui, de l'avis du rédacteur, étaient pertinents dans la prise de décision du ministre par rapport aux demandes. Je considère ces sommaires comme des comptes rendus d'une partie spécifique des délibérations.

[81]      Le reste de la page 6 et de la page 7, sauf le dernier paragraphe, contient une discussion des implications de la décision du ministre portant sur le nombre de licences à accorder pour chaque bloc. Je considère que cette partie de la note de service contient des avis ou recommandations au ministre, et qu'il s'agit donc de renseignements que le ministre peut refuser de communiquer.

[82]      Les renseignements contenus dans les autres documents de cette catégorie ont un contenu semblable et constituent donc des renseignements que le ministre peut refuser de communiquer.

Le document manuscrit du 23 novembre 1995 - discussion des critères d'évaluation : présentation du groupe de travail au comité de sélection

[83]      Ce document se trouve aux pages 80 et 85 (onglet 6) du volume 21 du dossier de la demande24. Ce document est mentionné dans la demande de Telezone, mais non dans celle du commissaire à l'information. Le ministre réclame le droit d'en refuser la communication en vertu de l'alinéa 21(1)b).

[84]      Ce document est une note de service manuscrite préparée par un membre du groupe de travail, qui devait servir de notes pour une présentation au comité de sélection. La plus grande partie de ce document a été communiquée, sauf pour un commentaire assez obscur que je considère être un compte rendu de délibérations. Le ministre peut donc refuser de le communiquer.

La note de note de service du 5 janvier 1996 - déclarations de nature générale au sujet des demandeurs, faites après qu'on eut annoncé les décisions

[85]      Ces renseignements se trouvent aux pages 229 à 231 du volume 19 du dossier de la demande25. Ils sont mentionnés dans la demande du commissaire à l'information, mais non dans celle de Telezone. Le ministre déclare avoir le droit d'en refuser la communication en vertu de l'alinéa 21(1)b).

[86]      Cette note de service semble être une note de breffage adressée au ministre et à d'autres, fournissant des renseignements de base au sujet de la décision d'accorder des licences. Seules deux phrases de cette note de service sont en cause. Les deux indiquent brièvement les motifs qui justifient certaines conclusions portant sur des aspects spécifiques de deux des demandes de licence. Je considère ces deux phrases comme un compte rendu de délibérations. Elles ne sont pas exclues de cette catégorie du simple fait qu'elles ont été rédigées après la fin des délibérations. Le ministre peut en refuser la communication.

Les documents contenant les notes de certains des membres du groupe de travail ou du comité de sélection, au sujet des notes accordées et autres évaluations faites des divers aspects des demandes de licence

[87]      Cette information se trouve dans divers documents au volume 21 du dossier de demande26 : page 86 (onglet 7), pages 127 à 139 (onglet 12), page 276 (onglet 13), pages 422 à 436 (onglet 19), pages 505 à 508 (onglet 20), pages 536 à 539 (onglet 21), page 540 (onglet 24), pages 541 et 542 (onglet 25), pages 543 à 552 (onglet 26), pages 562 à 573a (onglet 28). Certains de ces documents, ainsi que d'autres, se trouvent au volume 19 du dossier de demande27, page 417, page 60, page 65, page 67, page 73, page 527, pages 674 à 676, page 692, pages 721 à 725, pages 751 à 758, page 774, pages 798 à 801, page 802, pages 804 et 805, pages 810 et 811, pages 816 à 821, et pages 827 à 839. Le ministre réclame le droit de refuser la communication en se fondant sur l'alinéa 21(1)a).

[88]      Toute cette documentation constitue une transcription des conclusions des membres du groupe de travail et du comité de sélection à diverses étapes du processus d'évaluation. Certains documents ont aussi une partie analyse. Cette documentation est un compte rendu de délibérations, créée dans le cadre du processus menant aux avis présentés au comité de sélection ou au ministre, selon le cas, ce qui la place aussi dans la catégorie des avis ou recommandations. Le fait que les avis ou recommandations définitifs de chacun ne sont pas consignés dans les documents est sans importance ici. Le ministre peut refuser de communiquer ces renseignements.

La correspondance interne du Ministère au sujet des arrangements quant à la sécurité, au choix du personnel et aux questions de procédure, y compris la distribution interne des critères d'évaluation

[89]      Les renseignements à ce sujet se trouvent aux pages 532 à 535 (onglet 22) et aux pages 560 et 561 (onglet 27) du volume 21 du dossier de la demande28. Le ministre réclame le droit d'en refuser la communication en vertu des alinéas 21(1)a) et b).

[90]      Ces documents font ressortir qu'on a examiné de façon attentive les questions de la sécurité et de l'équité dans le processus de délibération. Ces questions sont accessoires aux décisions portant sur l'octroi des licences, mais elles n'en sont pas moins importantes.

[91]      Comme ces documents contiennent les discussions des questions de procédure qui préoccupaient les fonctionnaires du Ministère, ce sont des comptes rendus de délibérations. De plus, ils ont apparemment constitué le fondement de l'avis donné au ministre sur les questions de procédure. Le ministre peut donc en refuser la communication pour l'un ou l'autre de ces motifs.

L'examen de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre

[92]      J'ai maintenant conclu que toute la documentation en litige tombe sous le coup des alinéas 21(1)a) ou b). Je dois donc maintenant me pencher sur la question de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre de refuser la communication.

[93]      L'étendue du contrôle judiciaire de l'exercice du pouvoir discrétionnaire de refuser de communiquer des renseignements a été décrite de la façon suivante :

     À mon sens, en révisant une telle décision la Cour ne devrait pas tenter elle-même d'exercer de nouveau le pouvoir discrétionnaire, mais plutôt examiner le document en question et les circonstances qui l'entourent et se demander simplement si le pouvoir discrétionnaire semble avoir été exercé de bonne foi et pour un motif qui se rapporte de façon logique à la raison pour laquelle il a été accordé29.

[94]      Le dossier de demande ne contient aucune preuve que le pouvoir discrétionnaire du ministre aurait été exercé de mauvaise foi ou pour un motif qui ne se rapporte pas de façon logique à l'objet des alinéas 21(1)a) ou b). Les demandeurs soutiennent toutefois que ceci ne vicie pas irrémédiablement leur demande. Ils soulignent l'absence de tout affidavit déposé par ou au nom du ministre, qui permettrait de démontrer sur quelle base le délégué du ministre s'appuie pour justifier l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de refuser la communication de la documentation en litige, ou même de prouver que le délégué du ministre s'est interrogé sur son pouvoir discrétionnaire. Ils soutiennent qu'en l'absence d'un tel affidavit, leurs demandes doivent être accueillies. Ils s'appuient sur l'article 48 de la Loi, qui est rédigé comme suit :

     48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux articles 41 ou 42, la charge d'établir le bien-fondé du refus de communication totale ou partielle d'un document incombe à l'institution fédérale concernée.

[95]      Si l'interprétation des demandeurs est correcte, il ne serait pas nécessaire d'examiner le sens des alinéas 21(1)a) ou b), ou même d'essayer de déterminer quels renseignements se situent dans ce cadre. Selon l'interprétation donnée par les demandeurs à l'article 48, ces demandes devraient être accueillies pour la seule raison qu'il n'y a pas d'affidavit d'un fonctionnaire du Ministère traitant spécifiquement de faits qui viendraient démontrer que l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre était approprié.

[96]      Normalement, le fardeau de prouver les faits allégués dans une demande de contrôle judiciaire incombe au demandeur. L'article 48 inverse ce fardeau dans le cas d'une demande pour obtenir la divulgation de renseignements présentée en vertu des articles 41 ou 42. L'article 48 s'appliquerait notamment à la preuve des faits portant sur l'application d'une exception prévue dans la loi à un document en particulier. Il s'appliquerait aussi, dans le cas d'une exception conditionnelle, à la preuve des faits démontrant que la condition a été satisfaite. Ceci parce que c'est seulement en vertu d'une exception prévue dans la loi qu'un responsable d'une institution fédérale " peut refuser la communication " d'un document.

[97]      Les demandeurs veulent étendre l'application de l'article 48. Ils demandent que l'article 48 s'applique à la preuve des faits qui sont pertinents lorsqu'il s'agit de déterminer si le pouvoir discrétionnaire de refuser la communication a été exercé de façon appropriée. Au fond, ce qu'ils allèguent c'est que même si le ministre peut prouver qu'un document donné tombe sous le coup des alinéas 21(1)a) ou b), ceci ne veut pas dire qu'il " peut refuser la communication " du document. En d'autres mots, les demandeurs soutiennent que le ministre n'est pas autorisé à refuser la communication d'un document à moins d'avoir pris une décision sans tache quant à savoir s'il devait oui ou non exercer son pouvoir discrétionnaire d'en refuser la communication. Il est clair qu'il s'agit d'un argument circulaire que je ne peux accepter.

[98]      Selon ma lecture de l'article 48, le droit du ministre de refuser la communication de renseignements donnés existe dès qu'on a démontré que les renseignements en question tombent sous le coup d'une des exceptions prévues dans la loi.

[99]      Même si les demandeurs avaient raison quant à l'application de l'article 48, ils exagèrent l'obligation imposée à la partie qui a le fardeau de la preuve.

[100]      Dans une demande de contrôle judiciaire d'une décision discrétionnaire, le demandeur a normalement le fardeau de prouver que la décision était d'une certaine façon incorrecte. Si le fardeau normal de la preuve s'appliquait à l'aspect discrétionnaire d'une décision de refuser la communication de renseignements, la demande ne serait accueillie que si la preuve relative à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre démontre que celui-ci a commis une erreur. Si les demandeurs ont raison en déclarant que la Loi transfère le fardeau de la preuve au ministre, la demande serait accueillie à moins que la preuve relative à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre prouve qu'il n'y a eu aucune erreur30.

[101]      Ce qui est important ici toutefois c'est que quelle que soit la partie qui a le fardeau de la preuve, il faut considérer toute la preuve. Donc, même si les demandeurs avaient raison et que le fardeau de la preuve incombait au ministre quant à l'aspect discrétionnaire de sa décision de refuser la communication, rien ne l'empêche de satisfaire à ce fardeau au moyen d'une preuve présentée par d'autres.

La preuve portant sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre

[102]      Certains documents dans le dossier de demande se rapportent à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre. Parmi ces documents, on trouve une lettre en date du 8 décembre 199731 d'un fonctionnaire du Ministère au commissaire à l'information. Si on accepte que ce texte reflète exactement les faits relatifs à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre, il indique que ce pouvoir en vertu de l'article 21 a été exercé de bonne foi et sur une base rationnelle. Cette lettre est notamment rédigée comme suit :

     [traduction]

     Le Ministère sait pertinemment que le pouvoir accordé par l'article 21 est de nature discrétionnaire. Par conséquent, bien des heures ont été consacrées à l'analyse des documents ligne par ligne avant de décider quels renseignements devaient être placés sous l'exception prévue.
     Suite à votre demande, nous avons examiné les documents en détail une nouvelle fois afin de déterminer si d'autres renseignements pouvaient être communiqués dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Le Ministère a décidé de communiquer d'autres renseignements. Dans certains cas, il le fait même si des questions se posent quant à savoir si ces renseignements peuvent être raisonnablement prélevés aux termes de l'article 25 de la Loi.
     Le Ministère continue à réclamer des exceptions légitimes en vertu de l'article 21 quant à certains renseignements. Ces renseignements satisfont non seulement aux exigences générales de l'article 21, mais leur divulgation aurait un effet négatif sur la spontanéité des avis que le Ministère fournit au ministre dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu de la Loi sur la radiocommunication.
     À notre avis, lorsque les avis sont donnés sur des questions délicates comme l'octroi de licences de SCP à des demandeurs, il est très important qu'on puisse les donner en pleine confiance. Il est clair que la divulgation de tels avis aurait un impact négatif sur le processus d'octroi des licences dans l'avenir.

[103]      De plus, il existe des documents du Ministère antérieurs à cette lettre qui font état du préjudice potentiel qui pourrait être causé à l'intégrité du processus décisionnel32 par la communication de renseignements. On trouve aussi une discussion approfondie des facteurs relatifs aux aspects discrétionnaires de l'article 21 dans une lettre datée du 4 juillet 1998, adressée au commissaire à l'information par un fonctionnaire du Ministère33.

[104]      Personne ne conteste l'authenticité de ces documents. La difficulté réside dans le fait qu'on les trouve dans le dossier de la demande seulement parce qu'ils sont en annexe à des affidavits présentés au nom du commissaire à l'information. Ces affidavits identifient simplement ces documents comme ayant été fournis au commissaire à l'information par des fonctionnaires du Ministère. Comme les documents contiennent des déclarations faites au commissaire à l'information, ou par un fonctionnaire du Ministère à un autre, ils peuvent servir à prouver l'existence de ces déclarations. Mais lorsqu'il s'agit de prouver la véracité des déclarations, on se trouve en face d'une preuve par ouï-dire. Par conséquent, la seule preuve au dossier de demande au sujet de l'exercice approprié du pouvoir discrétionnaire du ministre est une preuve par ouï-dire.

[105]      Les demandeurs soutiennent que ces documents ne peuvent servir à établir la véracité de leur contenu, parce qu'ils constituent du ouï-dire. Je ne suis pas de cet avis. La preuve par ouï-dire ne peut être rejetée sans examen. On ne doit toutefois l'admettre que si elle est nécessaire et fiable : Ethier c. Canada (Commissaire de la GRC), [1993] 2 C.F. 659 (C.A.). Si elle est admise, le fait qu'il s'agisse de ouï-dire aura un impact sur le poids à lui accorder.

[106]      Quant à la nécessité, il semble que deux personnes aient été au courant des faits reliés à l'exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire en l'instance. Au moment où les affidavits déposés dans cette demande faisaient l'objet d'un contre-interrogatoire, ces deux personnes étaient en congé de maladie. Une d'entre elles, la personne en autorité qui était la déléguée du ministre pour les questions relatives à l'accès à l'information, avait demandé sa retraite anticipée. Par conséquent, on ne pouvait obtenir une preuve directe des deux personnes qui avaient la meilleure connaissance des faits au moment où on en aurait eu besoin dans le cadre de cette demande. La déléguée actuelle du ministre a été contre-interrogée par les demandeurs, mais elle n'avait aucune connaissance directe des faits liés à l'exercice du pouvoir discrétionnaire en l'instance. À supposer que la " nécessité " soit une condition à l'admissibilité de ces documents comme preuve de leur contenu, cette condition est satisfaite.

[107]      Même si on pouvait remettre en question le fait que le critère de nécessité ait été satisfait, je ne considère pas qu'il s'agisse là d'une condition préalable à l'acceptation de la preuve par ouï-dire. Je crois simplement que la nécessité est un des facteurs que je dois évaluer dans le cadre des circonstances de toute l'affaire, y compris le facteur de fiabilité.

[108]      On peut mettre en question la fiabilité de ces documents comme preuve de la véracité de leur contenu pour divers motifs. Ils n'ont pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire. De plus, ils ont été rédigés au cours de l'enquête du commissaire à l'information, et on pourrait les considérer comme des plaidoyers pro domo plutôt que de simples énoncés de faits qu'on trouve normalement dans un affidavit. On peut se demander si les fonctionnaires du Ministère, dans leur préparation en réponse à la plainte présentée au commissaire à l'information, ont trouvé une preuve défavorable au sujet de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre, et donc aurait décidé d'éviter d'être contre-interrogés en ne présentant aucune preuve à ce sujet. Un affidavit d'un fonctionnaire du Ministère aurait permis d'écarter un tel doute.

[109]      Par contre, il importe de tenir compte des circonstances particulières de cette affaire. Avant que les demandes en l'instance soient présentées, le commissaire à l'information avait déjà exercé les pouvoirs étendus d'enquête qui lui sont conférés par la Loi. Le dossier démontre clairement que le commissaire à l'information avait été saisi des documents en cause avant de préparer sa recommandation et de présenter cette demande. Il ne peut en être autrement, puisque les questions relatives à l'exercice du pouvoir discrétionnaire de refuser la communication sont partie intégrante d'une enquête faite par le commissaire à l'information34.

[110]      On ne trouve pourtant aucune suggestion dans le dossier de demande que le commissaire à l'information croyait que ces documents contenaient des affirmations fausses (même si, bien sûr, il n'est pas en accord avec l'analyse juridique qu'on y trouve). Le commissaire à l'information n'a pas non plus allégué que l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre aurait été incorrect, non plus qu'il n'a fourni une preuve qui permettrait d'établir une telle chose. Comme Telezone, le commissaire à l'information s'appuie uniquement sur le fait qu'aucun affidavit n'a été présenté par le ministre ou en son nom.

[111]      J'en déduis que l'enquête du commissaire à l'information n'a trouvé aucune preuve que le pouvoir discrétionnaire du ministre aurait été exercé de façon incorrecte, et qu'il est probable que cette preuve n'existe pas. Dans ces circonstances, il serait indûment formaliste d'écarter les documents susmentionnés au seul motif qu'ils sont une preuve par ouï-dire.

[112]      J'en conclus que ces documents reflètent probablement les motifs qui sous-tendent la décision du ministre de refuser la communication de la documentation en litige. Ils viennent appuyer la déclaration du ministre qu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et pour un motif qui se rapporte de façon logique à l'objet des exceptions en vertu de la loi sur lesquelles il s'appuie. Il n'existe aucune preuve à l'effet contraire. C'est sur cette base que je conclus que le pouvoir discrétionnaire du ministre a été exercé de façon correcte.

Dispositif

[113]      Pour les présents motifs, la demande est rejetée.

[114]      Même si les demandeurs ont tous deux été déboutés, ils demandent les dépens en vertu du paragraphe 53(2) de la Loi, qui est rédigé comme suit :

     Dans les cas où elle estime que l'objet des recours visés aux articles 41 et 42 a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente loi, la Cour accorde les frais et dépens à la personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette personne a été déboutée de son recours.

[115]      Les deux demandeurs soutiennent que cette disposition doit s'appliquer en l'instance, étant donné que la Cour n'avait jamais été saisie jusqu'ici d'une demande d'interprétation des alinéas 21(1)a) et b).

[116]      L'avocat du commissaire à l'information souligne aussi que cette affaire soulève d'importantes questions de principe : le prélèvement des faits par rapport aux " avis ou recommandations ", et la question de savoir si des critères de pondération et questions analogues représentent un régime de droit pratique ou de droit secret qui devrait être exclu des termes " avis ou recommandations ". Il souligne aussi, à bon droit de mon point de vue, que le paragraphe 53(2) a pour objectif d'encourager le commissaire à l'information et les autres demandeurs à présenter de telles questions à la Cour.

[117]      L'avocat du ministre n'est pas d'accord qu'il est approprié en l'instance d'appliquer le paragraphe 53(2), sans dire pourquoi.

[118]      Cette affaire soulève des questions d'interprétation des alinéas 21(1)a) et b) qui n'avaient pas été examinées jusqu'ici. Ces questions ne sont pas particulièrement difficiles, puisqu'elles tiennent à une simple lecture de la Loi, mais elles sont importantes à mon avis dans le cadre général de la Loi. Il s'ensuit que les demandeurs ont droit aux dépens en vertu du paragraphe 53(2), même s'ils ont été déboutés de leurs recours.

[119]      L'avocat du ministre soutient que je peux, et que je devrais, utiliser mon pouvoir discrétionnaire en vertu de l'article 400(3) des Règles de n'accorder qu'un seul mémoire de dépens, puisque les deux demandes soulèvent essentiellement les mêmes questions. Il suggère aussi que le quantum des dépens devrait être ramené à une somme symbolique, pour tenir compte du résultat des demandes et du fait que plusieurs des matières interlocutoires ont été réglées sur consentement ou impliquaient des tiers qui étaient représentés par avocat.

[120]      L'avocat du commissaire à l'information soutient que je ne peux utiliser le pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré par l'article 400(3) des Règles, puisque les demandeurs ont droit à leur mémoire de dépens en vertu d'une loi, et non en vertu des Règles de la Cour fédérale. Je ne suis pas convaincue que l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par l'article 400(3) des Règles serait nécessairement en contradiction avec le paragraphe 53(2), en autant qu'il ne viendrait pas priver un demandeur de son mémoire de dépens simplement parce qu'il n'a pas obtenu gain de cause.

[121]      Toutefois, il n'est pas nécessaire que j'examine cette question puisque je suis du même avis que l'avocat de Telezone qu'il y a lieu d'accorder les dépens entre parties et de les taxer en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B, sauf entente à l'effet contraire.

[122]      Je partage aussi l'avis de l'avocat du commissaire à l'information que chaque demandeur a droit à son propre mémoire de dépens : Bland c. Commission de la capitale nationale, [1993] 1 C.F. 541 (C.A.) et qu'on ne devrait pas les obliger à partager. Ceci veut dire que le commissaire à l'information a droit à son mémoire de dépens du fait que sa demande n'est pas liée à celle de Telezone. 3430901 Canada Inc. et son prédécesseur Telezone Inc. ont droit conjointement à un mémoire de dépens.

[123]      Finalement, je retiens la suggestion de l'avocat du commissaire à l'information que l'octroi des dépens au commissaire à l'information devrait être fait sur demande, comme c'était le cas dans l'arrêt Bland.

                                 Karen R. Sharlow

                            

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 17 novembre 1999


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :              T-648-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      3430901 CANADA INC. ET TELEZONE INC. c. LE MINISTRE D'INDUSTRIE CANADA
No DU GREFFE :              T-650-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA c. LE MINISTRE D'INDUSTRIE CANADA


LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          LES 4, 5 ET 7 MAI 1999


MOTIFS DE JUGEMENT DE MADAME LE JUGE SHARLOW

EN DATE DU :              17 NOVEMBRE 1999



ONT COMPARU


DAVID W. SCOTT, GEORGE D. HUNTER          POUR LES DEMANDEURS

ET LARRY A. ELLIOTT

DANIEL BRUNET ET NATHALIE DAIGLE          POUR LES DEMANDEURS

CHRISTOPHER RUPAR                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


BORDEN ELLIOTT SCOTT & AYLEN              POUR LES DEMANDEURS

OTTAWA (ONTARIO)

LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA POUR LES DEMANDEURS

OTTAWA (ONTARIO)

MORRIS ROSENBERG, SOUS-                  POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

__________________

1 Pièce 20, affidavit de Ilona Anderson, 22 mai 1998.

2 Pièce 21, affidavit de Ilona Anderson, 22 mai 1998.

3 Il est bien établi que la règle des prélèvements prime toutes les exceptions prévues par la loi :Rubin c. Société canadienne d"hypothèques et de logement, [1989] 1 C.F. 265 (C.A.).

4 Article 13 (renseignements obtenus par l"administration à titre confidentiel), article 19 (renseignements personnels), article 20 (renseignements de tiers relatifs à des secrets industriels ou à d"autres questions commerciales), et article 24 (renseignements dont la communication est restreinte en vertu de toute loi figurant à l"Annexe II).

5 Article 14 (renseignements sur les affaires fédéro-provinciales), article 15 (renseignements sur les affaires internationales et la défense), article 16 (renseignements sur les activités policières et les enquêtes), article 17 (renseignements liés à la sécurité des individus), article 18 (renseignements relatifs aux intérêts économiques du Canada), article 21 (renseignements sur les activités du gouvernement), article 22 (renseignements sur les examens et les vérifications), et article 23 (renseignements protégés par le secret professionnel des avocats).

6 On trouve de telles conditions applicables aux exceptions discrétionnaires dans les articles : 14 et 15, les alinéas 16(1)c ) et d), le paragraphe 16(2), et les articles 17, 18 et 20.

7 Conseil canadien des oeuvres de charité chrétiennes (1999), 99 D.T.C. 5337 (C.F. 1re Inst.); Dagg c. Canada (Ministre des finances), [1997] 2 R.C.S. 403.

8 L"article 50 renvoie aux articles 14 ou 15, ainsi qu"aux alinéas 16(1)c ), 16(1)d) et 18d). Le ministre ne s"appuie sur aucune de ces dispositions en l"instance.

9 Conseil canadien des oeuvres de charité chrétiennes, précité; Kelly c. Canada (Solliciteur général) (1992), 53 F.T.R. 147 (1re Inst.), confirmé 154 N.R. 319 (C.A.), Dagg, précité; Congrès juif canadien c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1996] 1 C.F. 268 (1re Inst.).

10 Voir notamment Canada (Commissaire à l"information) c. Canada (Commission de l"immigration et du statut de réfugié) (1997), 140 F.T.R. 140.

11 Canada (Commissaire à l"information du Canada) c. Canada (Ministre de la Défense nationale) (1999), 240 N.R. 244 (C.A.), confirmant (1996), 120 F.T.R. 207 (1re Inst.).

12 Page 20, dossier confidentiel de demande de l"intimé (volume 24 du dossier de demande).

13 L"article 23 de la Loi ne s"applique pas, puisque ce document ne fait pas l"objet d"une demande de communication.

14 Conseil canadien des oeuvres de charité chrétiennes, précité.

15 Canada (Commissaire à l"information) c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1986] 3 C.F. 413 (C.F. 1re Inst.).

16 Volume I de II, dossier confidentiel de demande de Telezone.

17 Annexe confidentielle " C " modifiée du mémoire des faits et du droit du commissaire à l"information.

18 Volume I de II, dossier confidentiel de demande de Telezone.

19 Annexe confidentielle C modifiée au mémoire des faits et du droit du commissaire à l"information.

20 Volume I de II, dossier confidentiel de demande de Telezone.

21 Annexe confidentielle C modifiée au mémoire des faits et du droit du commissaire à l"information.

22 Volume I de II, dossier confidentiel de demande de Telezone.

23 Annexe confidentielle C modifiée au mémoire des faits et du droit du commissaire à l"information.

24 Volume I de II, dossier confidentiel de demande de Telezone.

25 Annexe confidentielle C modifiée au mémoire des faits et du droit du commissaire à l"information.

26 Volume I de II, dossier confidentiel de demande de Telezone.

27 Annexe confidentielle " C " modifiée du mémoire des faits et du droit du commissaire à l"information.

28 Volume I de II, dossier confidentiel de la demande de Telezone.

29 Le juge Strayer dans Kelly , précité, à la p. 149. Ces commentaires ont été repris et confirmés dans les motifs dissidents du juge La Forest dans Dagg, précité, aux pp. 457 et 458. La question de la norme de contrôle d"une décision discrétionnaire de refuser la communication n"a pas été examinée dans la décision de la majorité (le juge Cory) sauf pour indiquer l"approbation de la conclusion du juge La Forest qu"une telle décision ne devrait pas faire l"objet d"un norme de contrôle qui consisterait à exercer à nouveau le pouvoir discrétionnaire.

30 Toutefois, la réparation serait une ordonnance portant que le ministre doit examiner ou réexaminer l"exercice de son pouvoir discrétionnaire. L"article 48 ne change rien au principe général que c"est le ministre qui doit exercer le pouvoir discrétionnaire en question.

31 Affidavit de Ilona Anderson, déposé le 9 avril 1998, pièce 9, pp. 244 à 246 du volume 23 du dossier de demande.

32 Affidavit de Ilona Anderson, déposé le 22 mai 1998, pièce C-3 (pp. 15 à 17 du volume 24 du dossier de demande), pièce C-4 (pp. 18 à 21 du volume 24).

33 Affidavit delona Anderson, déposé le 22 mai 1998, pièce A-4 (p. 5 du volume 24 du dossier de demande).

34 Canada (commissaire à l"information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), précité; Davidson c. Canada (Procureur général), [1989] 2 C.F. 341 (C.A.).

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