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Date : 20001013


Dossier : IMM-1352-00


OTTAWA (ONTARIO), LE 13 OCTOBRE 2000


EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON


ENTRE :


     ABDUL MOHSEN MOHAMED

     requérant

     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


     intimé



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]          Dans leur argumentation concise, les avocats ont convenu que la question soulevée dans la présente requête en mandamus consiste à déterminer si le délai de traitement de la demande de droit d'établissement de M. Mohamed est déraisonnable au point de justifier la réparation demandée.

[2]          Les faits pertinents sont exposés ci-dessous.

[3]          M. Mohamed, citoyen de l'Iraq, est arrivé au Canada le 27 février 1996. Il a été reconnu comme un réfugié au sens de la Convention le 11 juin 1996 et, le 1er août 1996, il a demandé le droit d'établissement au Canada en vertu du paragraphe 46.04(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée (la Loi).

[4]          Le 21 août 1996, la demande de M. Mohamed a été transmise au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) qui a jugé nécessaire de mener sa propre enquête de sécurité. Le SCRS a transmis les résultats de son enquête sous forme de rapport à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) le 11 juin 1998. Ces résultats ont alors été étudiés et analysés par les fonctionnaires de CIC.

[5]          Dans une lettre en date du 2 septembre 1998, le solliciteur général du Canada a informé M. Mohamed de l'état de son dossier.

[6]          Le 11 juin 1999, un représentant de CIC a écrit à la personne qui représentait alors M. Mohamed pour l'informer que CIC n'était pas en mesure d'évaluer le temps qu'il faudrait pour terminer l'examen du dossier de M. Mohamed, en raison de la très grande charge de travail de la direction. Dans une lettre en date du 6 juillet 1999, le représentant de M. Mohamed a été informé que la demande de M. Mohamed était évaluée par la direction générale du règlement des cas à l'administration centrale et qu'on s'attendait que l'examen de la sécurité demande une période additionnelle de six mois à un an.

[7]          Le 23 septembre 1999, à la suite de l'examen interne du dossier de M. Mohamed, une entrevue de M. Mohamed avec un agent d'immigration a été recommandée. Cette entrevue a eu lieu le 10 novembre 1999 et, le 15 novembre, un rapport de cette entrevue a été transmis à la direction générale d'examen de la sécurité de CIC.

[8]          À la suite de ce rapport de plus amples renseignements ont été demandés au SCRS le 7 décembre 1999.

[9]          Le 16 mars 2000, la présente demande d'autorisation et de contrôle judiciaire a été introduite. Le ministre a consenti à ce que l'autorisation soit accordée.

[10]          N'ayant pas reçu de réponse du SCRS à la demande qu'il lui avait faite le 7 décembre 1999, CIC a envoyé une lettre de suivi au SCRS le 16 juin 2000. Selon les renseignements les plus récents fournis à la Cour, CIC attend toujours une réponse du SCRS relativement aux renseignements demandés.

[11]          Comme nous l'avons déjà mentionné, la demande du droit d'établissement de M. Mohamed s'appuie sur le paragraphe 46.04(1) de la Loi. Or, voici ce que prévoit le paragraphe 46.04(6) :

46.04(6) L'agent d'immigration rend sa décision le plus tôt possible et en avise par écrit l'intéressé.

46.04(6) An immigration officer to whom an application is made under subsection (1) shall render the decision on the application as soon as possible and shall send a written notice of the decision to the applicant.

[12]          Les avocats s'entendent pour dire que les conditions préalables au prononcé d'une ordonnance de mandamus sont remplies en l'espèce et que la Cour a statué qu'un délai dans l'exécution d'une obligation légale ne peut être considéré déraisonnable que si toutes les conditions suivantes sont réunies :

     [TRADUCTION]

     (1)      le délai en question a été plus long que ce que la nature du processus exige prima facie;
     (2)      le demandeur et son conseiller juridique n'en sont pas responsables;
     (3)      l'autorité responsable du délai ne l'a pas justifié de façon satisfaisante.

Voir notamment la décision Conille c. Canada, [1999] 2 C.F. 33 (1re inst.).

[13]          En ce qui concerne les trois conditions susmentionnées, une analyste de la direction générale de l'examen de sécurité de CIC a affirmé, dans un affidavit à l'encontre de la requête : [Traduction] « si je me fie à mon expérience, les délais survenus dans ce dossier ne sortent pas de l'ordinaire » . Il n'a pas été allégué que le demandeur ou son conseiller juridique seraient responsables de quelque délai que ce soit. L'analyste de la sécurité a aussi affirmé sous serment, après avoir examiné le dossier de M. Mohamed, que [Traduction] « la plupart des délais associés au traitement de sa demande du droit d'établissement semblent être reliés aux préoccupations concernant la sécurité suscitées par sa demande. »

[14]          Le ministre s'est appuyé sur cette preuve pour soutenir que le délai en cause ne dépasse pas l'échéancier normal auquel on peut s'attendre pour le traitement d'une telle demande, qu'il n'est donc pas déraisonnable et que le ministre l'a justifié de façon satisfaisante. Il a aussi fait valoir que la Cour a déjà examiné des requêtes en mandamus dans des situations semblables et qu'elle a statué par le passé que des délais de cinq ans à dix-huit mois étaient raisonnables et ne dépassaient pas le délai prévu au paragraphe 46.04(6) de la Loi.

[15]          Je suis d'accord avec mon collègue le juge MacKay qui a dit, dans Platonov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1438, IMM-4446-99 (12 septembre 2000) (1re inst.) que chaque demande de mandamus doit être tranchée comme un cas d'espèce. Par conséquent, la jurisprudence antérieure n'est pas particulièrement utile sauf pour ce qui est de fixer les paramètres dans lesquels la Cour a accepté de prononcer une ordonnance de mandamus parce qu'elle estimait qu'aucune explication raisonnable n'avait été fournie relativement à un délai inhabituel.

[16]          En l'espèce, malgré l'argumentation très habile de l'avocate du ministre, je ne puis conclure que le délai n'a pas été plus long que la nature du processus l'exige prima facie. Ma conclusion s'appuie sur le fait qu'en juillet 1999, on a dit à M. Mohamed que l'examen de la sécurité dans son dossier « demande[rait] une période additionnelle de six mois à un an » . Il s'agissait d'une estimation, mais ce délai a été dépassé sans explication quant à la raison pour laquelle cette estimation s'est révélée insuffisante.

[17]          Je ne conclus pas non plu que l'affirmation portant que « la plupart des délais associés au traitement de sa demande du droit d'établissement semblent être reliés aux préoccupations concernant la sécurité » [non souligné dans l'original] justifie de façon satisfaisante le fait qu'après plus de quatre ans la demande du droit d'établissement de M. Mohamed n'est toujours pas tranchée.

[18]          À la fin de la plaidoirie orale des parties, j'ai demandé aux avocats d'essayer de s'entendre sur ce qui constituerait un échéancier raisonnable pour le prononcé d'une décision, si je jugeais opportun de rendre une ordonnance exigeant qu'une décision soit prise. Après avoir discuté, les avocats ont dit qu'il serait raisonnable d'ordonner le prononcé d'une décision au plus tard le 23 décembre 2000.

[19]          Dans les circonstances, je conclus qu'il convient de prononcer une ordonnance enjoignant au ministre de traiter la demande de résidence permanente au Canada de M. Mohamed en conformité avec les règles de droit et la Loi au plus tard le 23 décembre 2000. Ma décision s'appuie sur ma conclusion que le délai a été plus long qu'exigé prima facie et qu'il n'a pas été justifié de façon satisfaisante.

[20]          L'avocat de M. Mohamed a demandé la certification de la question suivante :

     [Traduction] Le ministre a-t-il agi en conformité avec le paragraphe 46.04(6) si une décision est rendue avec un retard, systémique ou non, qui peut être attribué à des arriérés du bureau de l'intimé?

[21]          L'avocate du ministre s'est opposée à la certification de cette question.

[22]          Pour qu'une question soit certifiée, la question soulevée doit régler l'appel. À mon avis, la question énoncée ne règle pas la requête; aucune question ne sera donc certifiée.


ORDONNANCE

[23]          LA COUR STATUE QUE :

1.      Une ordonnance de la nature d'un mandamus est prononcée et enjoint à l'intimé de traiter la demande de résidence permanente au Canada du requérant en conformité avec les règles de droit et la Loi sur l'immigration, ainsi qu'en conformité avec les conditions suivantes :

i.          L'intimé traitera la demande de résidence permanente au Canada du requérant et lui communiquera une décision quant à savoir si le statut de résident permanent lui est accordé au plus tard le 23 décembre 2000.


ii.          Le délai dans lequel sera prononcée cette décision pourra être prorogé par la Cour si l'intimé le demande avant le 23 décembre 2000 et prouve que cette prorogation est nécessaire pour des raisons indépendantes de sa volonté.



                                 « Eleanor R. Dawson »

     Juge

Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-1352-00
INTITULÉ DE LA CAUSE :      ABDUL MOHSEN MOHAMED c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          11 OCTOBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DAWSON

EN DATE DU :              13 OCTOBRE 2000


ONT COMPARU :

Me SHELDON P. MASSIE              POUR LE REQUÉRANT
Me ELIZABETH RICHARDS          POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me SHELDON P. MASSIE              POUR LA DEMANDERESSE


Me Morris Rosenberg              POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada


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