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Date : 20010713

Dossier : T-1294-99

Référence neutre : 2001 CFPI 794

ENTRE :

                             ROBERT MONDAVI WINERY

                                                                                                  demandeur

                                                         et

SPAGNOL'S WINE & BEER MAKING SUPPLIES LTD.

défenderesse

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

[1]    Par requête, la demanderesse sollicite une ordonnance l'autorisant conformément à la règle 84 des Règles de la Cour fédérale (1998) à signifier et déposer les affidavits supplémentaires de Michael Beyer et d'Ellice Sanguinetti et fixant un échéancier pour mener à terme les questions encore en suspens.


[2]    La demanderesse sollicite l'autorisation de déposer les deux affidavits après la fin du contre-interrogatoire sur affidavits et après avoir tenté, sans succès, d'introduire une preuve similaire dans le cadre du nouvel interrogatoire. Les affidavits en question sont à l'annexe A et à l'annexe B du dossier de requête de la demanderesse.

[3]    M. Beyer est le seul déposant qui a abordé la question de l'emploi antérieur à 1991 de la marque Woodbridge dans un des affidavits déposés à l'appui de la demande formulée par la demanderesse qui remonte à décembre 1999. La défenderesse a déposé deux affidavits de réponse pour contester le témoignage de certes peu de poids de M. Beyer selon lequel la demanderesse aurait vendu du vin portant le nom de Woodbridge avant 1992.       

[4]    Peu après la réception des affidavits de la défenderesse, l'avocat de la demanderesse a demandé qu'une recherche plus approfondie soit menée par la demanderesse afin de trouver des éléments pour étayer sa preuve. En l'espace de quelques jours, M. Beyer a signalé à son avocat la découverte de copies d'étiquettes utilisées sur les bouteilles vendues au Canada par les demanderesses avant 1991.


[5]                 Plutôt que de demander, à ce moment-là, l'autorisation de produire cette preuve nouvellement découverte, la demanderesse a choisi de ne pas la communiquer avant le contre-interrogatoire sur affidavits. Le raisonnement suivi par l'avocat de la demanderesse était que, si la preuve de M. Beyer était contestée au cours du contre-interrogatoire, il serait possible de la corroborer en produisant les nouveaux documents. En revanche, si la preuve de M. Beyer n'était pas contestée, l'affidavit serait suffisant à première vue pour établir l'emploi antérieur. L'avocat de la demanderesse reconnaît maintenant que cette stratégie était malavisée.

[6]                 La défenderesse s'oppose à la présente requête au motif qu'elle constitue un emploi abusif des procédures de la Cour ou, à titre subsidiaire, que la demanderesse ne satisfait pas au critère établi pour pouvoir déposer une preuve après avoir mené les contre-interrogatoires comme le prévoit la règle 84(2) des Règles de la Cour fédérale (1998).


[7]                 D'abord, en ce qui concerne l'argument sur l'emploi abusif des procédures de la Cour, il y a lieu de remarquer que la défenderesse n'a pas réussi à établir que la demanderesse essaie de soumettre de nouveau une question déjà tranchée ou à démontrer que la présente instance est devenue « inutilement encombré[e] par des procès à répétition » . Certes, la preuve contenue dans les deux affidavits en question est essentiellement la même que celle qui a été supprimée du nouvel interrogatoire de M. Beyer. Il reste, cependant, que la Cour a supprimé cette preuve parce qu'elle ne pouvait valablement faire l'objet d'un nouvel interrogatoire. Elle ne s'est pas prononcée quant à savoir si cette preuve pouvait être admise par d'autres moyens. La demanderesse a agi promptement après que la Cour a autorisé la suppression de cette preuve.

[8]                 Si l'on passe ensuite à la règle 84(2), il faut préciser que les parties conviennent que, pour décider s'il y a lieu d'accorder l'autorisation à une partie de déposer une preuve additionnelle après avoir mené un contre-interrogatoire, la Cour doit tenir compte de trois facteurs :

(1)        Les faits établis par l'affidavit supplémentaire sont-ils pertinents au litige et utiles à la Cour?

(2)        L'information comprise dans l'affidavit projeté était-elle disponible avant le contre-interrogatoire?

(3)        Le dépôt de l'affidavit causera-t-il un préjudice grave à l'autre partie?

[9]                 En ce qui concerne le premier facteur, la défenderesse ne conteste pas que la preuve projetée est pertinente à la question centrale de la demande et qu'elle aiderait le juge de première instance à trancher la présente demande.    


[10]            Quant au deuxième facteur, l'équité procédurale est la principale préoccupation comme l'explique le juge Lemieux dans l'affaire Salton Appliances (1985) Corp. c. Salton Inc. :

Si j'ai bien compris la règle de droit applicable à cet égard devant la Cour, il est également nécessaire de prouver que les renseignements mentionnés dans l'affidavit proposé n'étaient pas disponibles avant le contre-interrogatoire; l'affidavit supplémentaire ne saurait remplacer les renseignements qui étaient disponibles avant le contre-interrogatoire. L'affidavit supplémentaire ne vise pas à corriger les réponses que l'avocat ayant dirigé le contre-interrogatoire ne souhaitait pas obtenir. De plus, les parties sont habituellement tenues de divulguer tous les renseignements dont elles disposent avant le contre-interrogatoire afin d'éviter le fractionnement de la preuve.

[11]            La demanderesse reconnaît que les affidavits supplémentaires contiennent des éléments de preuve qui étaient disponibles avant le contre-interrogatoire. Manifestement, l'avocat a commis une erreur en décidant de s'abstenir de divulguer ce renseignement, s'attendant à ce qu'il soit communiqué au cours du contre-interrogatoire. Il s'agit d'un facteur important qui milite contre l'octroi de la réparation sollicitée par la demanderesse.

[12]            En ce qui concerne le troisième facteur, mentionnons que les parties n'ont pas encore déposé leur dossier respectif dans la présente instance. Tout manque d'équité procédurale dont la défenderesse peut avoir été victime peut être corrigé en lui permettant de mener d'autres contre-interrogatoires et de présenter d'autres preuves, le tout combiné à une adjudication appropriée pour les frais inutiles.


[13]            Pour commencer, la demanderesse n'a pas tenté de cacher l'information dès le départ pour des fins de stratégie. Elle a trouvé des étiquettes pertinentes seulement après le dépôt de l'affidavit soumis à l'appui de sa demande et après avoir reçu les affidavits de la défenderesse qui ébranlaient sa preuve. Bien que l'on puisse se poser des questions sur la mesure dans laquelle la première recherche a été faite avec diligence, rien ne laisse croire que la demanderesse a agi avec insouciance ou mauvaise foi.

[14]            En outre, la défenderesse a choisi de déposer, dans le cadre de la demande principale, un affidavit contestant la revendication de M. Beyer à un emploi de la marque de commerce antérieur à 1992. La demanderesse avait donc, de plein droit, le droit de contre-interroger. L'un des déposants de la défenderesse a été contre-interrogé en renvoyant aux étiquettes qui ont été depuis retirées du dossier. La preuve contenue dans l'affidavit supplémentaire de M. Beyer, qui se limite à des questions déjà en litige entre les parties, éliminera une certaine confusion du dossier de la Cour et aidera le juge du procès à tirer des conclusions de fait fondamentales dans la présente demande.

[15]            Après avoir apprécié les trois facteurs dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que me confère la règle 84(2), je conclus qu'il serait dans l'intérêt de la justice de permettre à la demanderesse de déposer l'affidavit supplémentaire de Michael Beyer, sous réserve des garanties appropriées mises en place pour s'assurer que la défenderesse est en mesure d'opposer une réponse complète à la demande.


[16]            Enfin, la demanderesse n'a pas réussi à établir que la preuve d'Ellice Sanguinetti devrait être admise à une étape aussi tardive. Bien que cette preuve soit pertinente, elle se limite surtout à corroborer la preuve de M. Beyer. La règle 84(2) ne doit pas être considérée comme un outil destiné à étayer la preuve d'une partie.

ORDONNANCE

[17]            La demanderesse obtient l'autorisation de signifier et de déposer l'affidavit supplémentaire de M. Michael Beyer, joint à l'avis de requête comme Annexe A.

[18]            La défenderesse obtient l'autorisation :

a)         de déposer une preuve par affidavit supplémentaire pour répondre à l'affidavit supplémentaire de M. Michael Beyer mentionné au paragraphe 1 ci-dessus; et

b)         de contre-interroger M. Beyer relativement à cet affidavit.

[19]            Les dépens engagés relativement à :

a)         la préparation et la conduite du contre-interrogatoire de M. Beyer, les frais de déplacement et les autres frais et débours afférents raisonnables qui sont engagés relativement à ce contre-interrogatoire;


b)         la préparation et le dépôt d'une preuve par affidavit supplémentaire, y compris, si la défenderesse l'estime appropriée, la preuve d'expert additionnelle ainsi que tous les autres frais et débours afférents raisonnables qui sont engagés, de même que les frais et débours liés à cette procédure;

c)         la préparation et la présence des déposants de la défenderesse au contre-interrogatoire, le cas échéant, et tous les autres frais et débours raisonnables liés à cette procédure;

sont exigibles par la défenderesse sur une base avocat-client peu importe l'issue de la cause.

[20]            Les dépens de la présente requêtes sont fixés à 3 000,00 $, débours inclus, et sont exigibles par la défenderesse peu importe l'issue de la cause.

[21]            La présente ordonnance entre en vigueur à la date de sa signature.


[22]            Les parties sont tenues de déposer au greffe de la Cour, soit conjointement soit séparément, au plus tard le 30 juillet 2001, un projet d'ordonnance indiquant les étapes qui restent à franchir dans l'instance ainsi qu'un échéancier pour l'accomplissement des étapes nécessaires jusqu'au dépôt, inclusivement, d'une demande d'audience prévue à la règle 314.

                                                                                                       « Roger R. Lafrenière »

                                                                                                Protonotaire                     

Toronto (Ontario)

Le 13 juillet 2001                             

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                  Avocats inscrits au dossier

N º DE DOSSIER :                                              T-1294-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 ROBERT MONDAVI WINERY

                                                                                              demanderesse

et

SPAGNOL'S WINE & BEER MAKING SUPPLIES LTD.

intimée

DATE DE L'AUDIENCE :                                LE JEUDI 26 AVRIL 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE LA TÉLÉCONFÉRENCE :             LE MARDI 10 JUILLET 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PRONONCÉS par le protonotaire Lafrenière le vendredi 13 juillet 2001.

ONT COMPARU :                                          

Audience du 26 avril 2001 :                                 Robert MacFarlane

Pour la demanderesse

Andrew Brodkin, et Julie Rosenthal

Pour la défenderesse

Téléconférence du 10 juillet 2001 :                      Robert MacFarlane

Pour la demanderesse

Andrew Brodkin

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       Bereskin & Parr, avocats

Scotia Plaza, 40e étage

40, rue King Ouest

Toronto (Ontario)

M5H 3Y2

Pour la demanderesse

Goodmans s.r.l., avocats

250, rue Yonge, Pièce 2400

Toronto (Ontario)

M5B 2M6

Pour la défenderesse


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20010713

Dossier : T-1294-99

ENTRE :

ROBERT MONDAVI WINERY

                                                                                              demanderesse


et

SPAGNOL'S WINE & BEER MAKING SUPPLIES LTD.

défenderesse

                                                                           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                          

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