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Date : 20191016


Dossier : T‑2136‑18

Référence : 2019 CF 1301

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 octobre 2019

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

FRIEDRICH GELDBACH GMBH

demanderesse

et

M. GELDBACH (SHANXI) FLANGE & FITTINGS CO., LTD.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Survol

[1]  La demanderesse, Friedrich Geldbach GmbH, sollicite un jugement déclarant que l’enregistrement d’une marque de commerce de la défenderesse, M. Geldbach (Shanxi) Flange & Fittings Co, Ltd, est invalide, de même qu’une ordonnance portant que le Registraire des marques de commerce radie du registre des marques de commerce l’enregistrement de la défenderesse, conformément au paragraphe 57(1) de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T‑13 [la Loi]. La présente demande a été plaidée à Toronto le 24 septembre 2019, en l’absence de la défenderesse, qui n’a pas déposé d’avis de comparution.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie et mon jugement accordera la réparation que sollicite la demanderesse.

II.  Le contexte

[3]  La demanderesse est une société constituée sous le régime des lois de l’Allemagne. Elle fabrique des brides, des raccords et des produits connexes et elle vend ses produits en Allemagne et à l’étranger, y compris au Canada. Elle dit employer de façon continue et importante le dessin‑marque illustré ci‑dessous [la marque de la demanderesse] depuis plus de 30 ans en liaison avec des brides, des raccords et des produits connexes :

Friedrich Geldbach FG (DESIGN)

[4]  Le 6 février  2017, la demanderesse a déposé la demande de marque de commerce canadienne portant le numéro 1,821,580 en vue de faire enregistrer sa marque. Elle affirme avoir pris connaissance par la suite de l’enregistrement de la marque de commerce de la défenderesse portant le numéro LMC993,412 [l’enregistrement de la défenderesse], lequel fait l’objet de la présente demande.

[5]  L’enregistrement de la défenderesse découle d’une demande déposée le 18 novembre 2015. Il a été délivré le 28 mars 2018, en faveur de la défenderesse, une société dont l’adresse commerciale est la suivante : secteur industriel de Lijiazhuang, comté de Dingxiang, province de Shanxi, 035404 (Chine). Cet enregistrement est lié à la marque nominale « geldbach » [la marque de la défenderesse] et il fait état d’une allégation d’emploi au Canada depuis au moins le 17 juin 2015, et ce, en liaison avec les produits suivants :

(1) Brides en métal [colliers]; raccords pour tuyaux en métal; coudes en métal pour tuyaux; tuyauterie en métal; feuilles et plaques en métal; manchons d’accouplement en métal pour câbles; tubages en métal pour puits de pétrole; manchons de tuyau en métal; raccords en métal pour conduits d’air comprimé.

[6]  La demanderesse affirme que l’enregistrement de la défenderesse est invalide pour les trois motifs suivants :

  1. Faisant référence à l’alinéa 18(1)b) de la Loi, la marque de la défenderesse n’était pas distinctive à la date où la présente demande a été introduite, soit le 17 décembre 2018. À cette date, cette marque n’établissait aucune distinction entre les produits en liaison avec lesquels elle était enregistrée et les produits de la demanderesse;

  2. En faisant référence à l’alinéa 18(1)d) de la Loi, l’alinéa 16(1)a) privait la défenderesse du droit d’enregistrer sa marque, parce que celle‑ci créait de la confusion avec la marque de la demanderesse le 17 juin 2015, soit la date qui, selon la défenderesse, était celle de son premier emploi. La demanderesse dit qu’elle employait sa marque au Canada avant le 17 juin 2015;

  3. En faisant référence à l’alinéa 18(1)c) de la Loi, la défenderesse n’a jamais employé sa marque au Canada avec l’un quelconque des produits énumérés dans son enregistrement et elle l’a, de ce fait, abandonnée.

[7]  La demanderesse a donc introduit la présente demande par la voie d’un avis de demande daté du 17 septembre 2018 et elle a envoyé cet avis à Jesse Belot, qui, dans l’enregistrement de la défenderesse, est désigné comme sa représentante aux fins de signification. Comme il a été mentionné plus tôt, la défenderesse n’a pas déposé d’avis de comparution en l’espèce.

III.  Les questions en litige

[8]  La présente demande soumet les questions suivantes à la Cour pour qu’elle les tranche :

  1. La défenderesse a‑t‑elle dûment reçu signification de la présente demande?

  2. La défenderesse a‑t‑elle qualité pour déposer la présente demande?

  3. Convient‑il de radier l’enregistrement de la défenderesse du registre des marques de commerce?

IV.  Analyse

A.  La défenderesse a‑t‑elle dûment reçu signification de la présente demande?

[9]  La demanderesse se fonde sur un affidavit de signification de Jacinta M. de Abreu à l’appui de la position selon laquelle elle a signifié l’avis de demande à la défenderesse conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles]. Mme de Abreu est une auxiliaire juridique au service de l’avocat de la demanderesse. Elle a déclaré avoir signifié l’avis à la défenderesse et à sa représentante, Jessie Belot, le 17 décembre 2018, en l’envoyant par [traduction] « courrier recommandé, via Postes Canada, à Jessie Belot, au numéro 520, rue De Gaspé, bureau 303, Montréal (Québec) H3E 1G1 ». À l’affidavit de signification de Mme de Abreu étaient jointes des copies de sa lettre d’accompagnement, de même qu’un courriel de la Société canadienne des postes indiquant que cette dernière avait livré l’envoi le 19 décembre 2018 et obtenu une signature de Jessie Belot.

[10]  L’enregistrement de la défenderesse désigne Jessie Belot, à l’adresse de Montréal susmentionnée, en tant que représentante aux fins de signification. La demanderesse fait donc valoir qu’elle a bel et bien signifié l’avis à la défenderesse par l’effet combiné de l’ancien alinéa 30g) de la Loi (qui était en vigueur à la date de signification) et de l’alinéa 128(1)e) des Règles.

[11]  L’alinéa 30g), à l’époque où il était en vigueur, prévoyait ce qui suit :

30 Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

30 An applicant for the registration of a trade‑mark shall file with the Registrar an application containing

g) l’adresse du principal bureau ou siège d’affaires du requérant, au Canada, le cas échéant, et si le requérant n’a ni bureau ni siège d’affaires au Canada, l’adresse de son principal bureau ou siège d’affaires à l’étranger et les nom et adresse, au Canada, d’une personne ou firme à qui tout avis concernant la demande ou l’enregistrement peut être envoyé et à qui toute procédure à l’égard de la demande ou de l’enregistrement peut être signifiée avec le même effet que si elle avait été signifiée au requérant ou à l’inscrivant lui‑même [je souligne.]

(g) the address of the applicant’s principal office or place of business in Canada, if any, and if the applicant has no office or place of business in Canada, the address of his principal office or place of business abroad and the name and address in Canada of a person or firm to whom any notice in respect of the application or registration may be sent, and on whom service of any proceedings in respect of the application or registration may be given or served with the same effect as if they had been given to or served on the applicant or registrant himself [emphasis added.]

[12]  Je reconnais que la présente demande, qui tombe sous le coup de l’article 57 de la Loi, est une instance visant l’enregistrement de la défenderesse; par conséquent, l’alinéa 30g) a pour effet que la signification de l’avis à Jessie Belot a le même effet que si cet avis avait été signifié à la défenderesse. L’alinéa 128(1)e) des Règles prévoit que la signification à personne d’un document à une personne physique s’effectue notamment par envoi par la poste du document à la dernière adresse connue de la personne, si cette dernière signe la carte d’accusé de réception. Le fait que la demanderesse a signifié l’avis à Jessie Belot répond à ces exigences, et je conclus donc que la défenderesse a bel et bien reçu signification de l’avis de demande de la demanderesse.

[13]  Comme la défenderesse n’a pas déposé d’avis de comparution à la suite de cette signification, il n’était pas nécessaire de lui signifier d’autres documents dans le cadre de la présente instance avant le jugement final (voir l’article 145 des Règles).

B.  La défenderesse a‑t‑elle qualité pour déposer la présente demande?

[14]  Le paragraphe 57(1) de la Loi confère à la Cour une compétence initiale exclusive, sur demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu’une inscription dans le registre des marques de commerce soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l’inscription figurant au registre n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque de commerce. L’article 2 de la Loi définit ainsi le terme « personne intéressée » : « […] quiconque est atteint ou a des motifs valables d’appréhender qu’il sera atteint par une inscription dans le registre, ou par tout acte ou omission, ou tout acte ou omission projetés, sous le régime ou à l’encontre de la présente loi ».

[15]  La demanderesse soutient qu’elle est une personne intéressée pour les besoins du dépôt de la présente demande sous le régime de l’article 57 de la Loi, car la défenderesse a obtenu un enregistrement pour ce que la demanderesse allègue être une marque similaire au point de créer de la confusion qu’il n’aurait pas fallu enregistrer et qui fait maintenant obstacle à l’enregistrement de sa propre marque. Je souscris à cet argument et je conclus que la demanderesse a qualité pour déposer la présente demande.

C.  Convient‑il de radier l’enregistrement de la défenderesse du registre des marques de commerce?

[16]  Les arguments qu’invoque la demanderesse en vertu des alinéas 18(1)b) et d) reposent sur la position selon laquelle la marque de la défenderesse crée de la confusion avec la sienne.

[17]  Sous le régime de l’alinéa 18(1)d), en combinaison avec l’alinéa 16(1)a) – sur lequel la demanderesse se fonde également pour ce motif – on évalue la probabilité de confusion à compter de la première des deux dates suivantes : A) la date à laquelle la défenderesse a déposé une demande d’enregistrement de sa marque, ou B) la date de premier emploi de la marque au Canada. Dans la présente affaire, la date la plus rapprochée est la date alléguée de premier emploi, soit le 17 juin 2015. Sous le régime de l’alinéa 18(1)b), on évalue la probabilité de confusion à compter du moment où la demanderesse a déposé son avis de demande, soit le 17 décembre 2018. Dans la présente affaire, la preuve ne donne lieu à aucune différence marquée dans l’analyse relative à la confusion à compter de ces deux dates différentes.

[18]  Il est bien établi en droit que le critère qui permet de déterminer la probabilité de confusion est celui de la première impression laissée dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé qui voit la marque de la partie défenderesse à un moment où il n’a qu’un vague souvenir de la marque de la demanderesse et qui ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les deux (voir Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27 [Masterpiece], au par. 40).

[19]  Le paragraphe 6(5) de la Loi prévoit en outre que, pour évaluer la probabilité de confusion, la Cour tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, dont une liste de facteurs prescrits, qui sont chacun examinés ci‑après.

(1)  Le degré de ressemblance

[20]  Le degré de ressemblance entre les marques, et cela inclut la présentation ou le son ou les idées qu’ils suggèrent, est le facteur qui est souvent susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion (voir l’arrêt Masterpiece, au par. 49).

[21]  La demanderesse soutient qu’il y a un fort degré de ressemblance entre les marques des parties. La caractéristique dominante de sa propre marque, ajoute‑t‑elle, est le nom de famille « Geldbach ». C’est donc dire que la marque « geldbach » de la défenderesse évoque une association immédiate avec la marque de la demanderesse en adoptant cette caractéristique dominante.

[22]  Comme la marque de la défenderesse est un mot servant de marque et que celle de la demanderesse inclut ce mot et d’autres, en combinaison avec des éléments graphiques, j’ai soumis à l’examen des avocats l’application possible de l’analyse relative au degré de ressemblance que notre Cour a effectuée dans une décision récente, soit Loblaws Inc. c Columbia Insurance Company, 2019 CF 961 [Loblaws]. Aux paragraphes 51 à 60 de cette décision, j’ai conclu, en me fondant en partie sur la présence et la mise en évidence de l’élément « dessin » de la marque de la défenderesse, que celle‑ci avait une certaine ressemblance avec le mot servant de marque de la demanderesse, mais que le degré de ressemblance n’était pas particulièrement élevé.

[23]  La demanderesse est d’avis qu’il est possible d’effectuer une distinction entre l’affaire Loblaws et celle qui nous préoccupe, car les éléments de dessin de sa marque sont secondaires au nom propre « Friedrich Geldbach » et que « Geldbach » est la caractéristique dominante de la marque de la demanderesse, puisqu’il s’agit d’un nom de famille. C’est là un argument que je trouve convaincant. Toutefois, je ne souscrirais pas forcément à la position de la demanderesse selon laquelle le degré de ressemblance entre les marques est élevé à cause des différences qui existent bel et bien entre elles, dont la présence des éléments de dessin dans la marque de la demanderesse. Je conviens néanmoins qu’il y a une ressemblance élevée et que le degré de ressemblance est suffisant pour favoriser la demanderesse dans l’analyse relative à la confusion.

(2)  Le caractère distinctif

[24]  Le facteur du caractère distinctif oblige à prendre en compte le caractère distinctif à la fois inhérent ou acquis des marques en litige (voir Pink Panther Beauty Corp. c United Artists Corp., [1998] 3 CF 534 (CAF), au par. 23).

[25]  La demanderesse reconnaît que les marques comportant un nom de famille ne sont pas particulièrement distinctives, mais elle se fonde sur les éléments de dessin de sa marque pour faire valoir que cela rehausse son caractère distinctif inhérent. Je conviens que la marque de la demanderesse comporte un caractère distinctif inhérent, supérieur à celui de la marque de la défenderesse.

[26]  À l’appui de ses arguments sur le caractère distinctif acquis, la demanderesse invoque l’affidavit de son directeur général, Carlo Farina, à propos de l’emploi de sa propre marque et de la vente de ses produits au Canada. M. Farina déclare que la demanderesse a été fondée en 1894 et qu’elle jouit depuis ce temps de [traduction] « ventes spectaculaires » de ses brides et de ses raccords sur tout le territoire de l’Allemagne et à l’étranger, y compris au Canada. Il indique que la demanderesse, depuis plus de 30 ans, emploie et annonce sa propre marque au Canada de façon continue et importante. Il ajoute que la demanderesse emploie sa marque sur ses produits ou ses emballages au Canada depuis au moins décembre 1980 et c’est ce qu’elle a allégué dans sa demande de marque de commerce portant le numéro 1,821,580 en liaison avec les produits suivants : [traduction] « brides métalliques [collets]; brides pour emboîtement à souder; brides à enfiler; brides à collerette à souder; brides aveugles; brides filetées; brides à recouvrement; brides à collerette longue à souder; réducteurs de bride; brides d’entrée; disques de métal; obturateurs réversibles; obturateurs à ailettes; anneaux de métal, rondelles d’espacement » [les produits de la demanderesse].

[27]  M. Farina a également déclaré dans son affidavit que la demanderesse emploie sa propre marque de façon continue et importante en liaison avec ses produits depuis une date antérieure au 18 novembre 2015. Il a produit des chiffres relatifs aux ventes de produits de la demanderesse entre 2012 et 2014, lesquels totalisent plus de 1,2 million de dollars canadiens, et il joint des factures représentatives liées à des ventes canadiennes de produits de la demanderesse et datées de 2014 et de 2015.

[28]  La preuve de M. Farina étaye la conclusion que la marque de la demanderesse jouit d’un certain caractère distinctif acquis. Aucune preuve n’étaye le caractère distinctif acquis que présenterait la marque de la défenderesse.

[29]  Le caractère distinctif tant inhérent qu’acquis favorise la demanderesse dans l’analyse relative à la confusion.

(3)  La période d’emploi

[30]  Faisant là encore référence à l’affidavit de M. Farina, la demanderesse signale qu’elle emploie sa marque sur ses produits ou ses emballages au Canada depuis au moins décembre 1980. Il n’existe aucune preuve d’emploi de la marque de la défenderesse au Canada. De ce fait, le facteur de la période d’emploi favorise la demanderesse.

(4)  Le genre de produits et la nature du commerce

[31]  Pour ce qui est du genre de produits des parties, la demanderesse soutient que les produits indiqués dans l’enregistrement de la défenderesse recoupent directement ceux qu’elle‑même vend en liaison avec sa propre marque, comme il est indiqué dans l’affidavit de M. Farina. Les deux listes de produits ne sont pas identiques. Je conviens toutefois qu’il y a un recoupement suffisant pour favoriser la demanderesse dans l’analyse relative à la confusion.

[32]  En ce qui concerne la nature des activités commerciales des parties, il n’existe aucune preuve au sujet des voies commerciales par l’entremise desquelles la défenderesse offre ses produits en vente. La demanderesse invoque la décision Opus Building Corp c Opus Corp (1995), 60 CPR (3d) [Opus], à la page 104, dans laquelle le juge Pinard, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a analysé une preuve selon laquelle la demanderesse fournissait des services essentiellement semblables à ceux pour lesquels la marque de la défenderesse avait été enregistrée. Bien que la Cour ait conclu au vu de la preuve que la nature du commerce et le marché que les parties tentaient de joindre étaient les mêmes, elle s’est également fondée sur l’inférence logique selon laquelle, si les services offerts étaient quasi identiques, la nature du commerce avait elle aussi de grandes chances d’être sensiblement la même. Comme il a été mentionné plus tôt, je ne conclus pas que les produits des parties sont identiques, mais ils semblent être suffisamment semblables pour que la logique indiquée dans la décision Opus s’applique.

[33]  Dans l’ensemble, il est clair que ce facteur favorise la demanderesse dans l’analyse relative à la confusion.

(5)  La conclusion relative à la confusion

[34]  Après avoir déterminé que tous les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi favorisent la demanderesse, et sans preuve aucune d’autres circonstances pertinentes, je conclus à l’existence d’une probabilité de confusion entre les marques des parties à compter de la date pertinente du 17 décembre 2018. Je suis donc d’avis que l’enregistrement de la défenderesse est invalide en application de l’alinéa 18(1)b).

[35]  Quant à l’alinéa 18(1)d), l’analyse relative à la confusion est presque la même pour la date pertinente du premier emploi allégué par la défenderesse, soit le 17 juin 2015. La preuve qui fait pencher la balance en faveur de la demanderesse est légèrement moins convaincante, car elle porte sur une période plus courte. Malgré cet effet, la preuve appuie là encore une conclusion de probabilité de confusion entre les marques des parties.

[36]  Pour arriver à cette conclusion, je suis conscient du point qu’a soulevé l’avocat de la demanderesse à l’audience, à savoir que l’alinéa 18(1)d) est assujetti à l’article 17, lequel impose à la demanderesse le fardeau d’établir qu’elle n’avait pas abandonné sa propre marque à la date de l’annonce de la demande présentée par la défenderesse en vue d’enregistrer sa propre marque. L’enregistrement de la défenderesse indique comme date d’annonce le 1er novembre 2017. La preuve figurant dans l’affidavit de M. Farina me convainc que la demanderesse n’avait pas abandonné sa marque à cette date.

[37]  Je conclus donc que l’enregistrement de la défenderesse est invalide en application de l’alinéa 18(1)d).

(6)  L’abandon de la marque de la défenderesse

[38]  L’alinéa 18(1)c) de la Loi prévoit que l’enregistrement d’une marque de commerce est invalide si la marque de commerce a été abandonnée. La demanderesse se fonde une fois de plus sur l’affidavit de M. Farina, qui déclare que, en sa qualité de directeur général de la demanderesse, il est généralement au fait des activités des concurrents au Canada. Il indique qu’il n’est au courant d’aucun emploi ou d’aucune vente au Canada fait par la défenderesse en liaison avec sa propre marque depuis au moins le 17 juin 2015. La demanderesse fait également remarquer que la défenderesse n’a pas répondu à la présente demande et qu’elle n’a donc fourni aucune preuve quant à cet emploi ou à ces ventes.

[39]  Comme l’a signalé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Iwasaki Electric Co. Ltd. c Hortilux Schreder B.V., 2012 CAF 321 [Iwasaki], aux par. 18 et 21, la conclusion qu’une marque a été abandonnée dépend non seulement du non‑emploi de la marque, mais aussi d’une intention de l’abandonner. Cependant, pour établir si une personne a l’intention d’abandonner une marque de commerce, il est possible de se fonder sur le fait qu’elle ne l’a pas employée depuis longtemps en l’absence de toute autre preuve (au par. 21).

[40]  L’affidavit de M. Farina est la seule preuve qui a été soumise à la Cour au sujet de l’emploi (ou plutôt du non‑emploi) que la défenderesse a fait de sa propre marque entre le 17 juin 2015 et la date de cet affidavit, le 17 décembre 2018. Je souscris aux observations qu’a présentées la demanderesse à l’appui de sa position selon laquelle cette période de plus de trois ans est suffisamment longue pour qu’on invoque l’inférence tirée dans l’arrêt Iwasaki.

[41]  Je conclus donc que l’enregistrement de la défenderesse est invalide en application de l’alinéa 18(1)c), au motif que la marque de commerce a été abandonnée.

 

V.  Conclusion et dépens

[42]  Compte tenu des conclusions qui précèdent, la demanderesse a droit à la réparation qu’elle sollicite. Elle demande également qu’on lui accorde les dépens selon la base partie‑partie et elle a présenté après l’audience un mémoire à l’appui de la quantification des dépens. Elle demande la somme de 5 362,50 $, calculée en fonction du tarif B des Règles, en recourant à des unités comprises au milieu de la fourchette de la colonne III pour les services à taxer qui ont été fournis dans le cadre de la présente demande. La demanderesse sollicite également la somme de 567,95 $ à titre de débours, ce qui donne un montant total de dépens de 5 930,45 $.

[43]  Je souscris à la quantification des dépens de la demanderesse, sauf pour ce qui est de l’inclusion d’unités pour un deuxième avocat relativement à la préparation et le dépôt de documents ainsi qu’à la préparation de l’audience. Cela réduit le montant demandé de 2 175 $, ce qui donne en tout 3 755,45 $. Mon jugement accordera les dépens correspondant à ce montant global.

 


JUGEMENT dans le dossier T‑2136‑18

LA COUR ORDONNE :

  1. L’enregistrement de la marque de commerce canadienne de la défenderesse portant le numéro LMC993,412, relativement à la marque de commerce « geldbach », est par les présentes déclaré invalide.

  2. Le Registraire des marques de commerce radiera du registre des marques de commerce l’enregistrement de la marque de commerce canadienne portant le numéro LMC993,412.

  3. La défenderesse paiera à la demanderesse les dépens liés à la présente demande, soit un montant global de 3 755,45 $.

 « Richard F. Southcott »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 6e jour de novembre 2019

 

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

t‑2136‑18

INTITULÉ :

FRIEDRICH GELDBACH GMBH c M. GELDBACH (SHANXI) FLANGE & FITTINGS CO., LTD.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 Septembre 2019

juGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 16 OCTOBRE 2019

COMPARUTIONS :

Graham A. Hood

POUR LA DEMANDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Graham Hood

Smart & Biggar

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Jessie Belot

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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