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Date : 20040405

Dossier : IMM-886-04

Référence : 2004 CF 524

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE           

ENTRE :

                                                   FRANCIS ASUEKOMHE MARK

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                          LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Le demandeur est un citoyen du Nigeria. Il est arrivé au Canada et il a présenté une demande du statut de réfugié au sens de la Convention en septembre 2000. La demande du statut de réfugié a été rejetée le 20 décembre 2001 et aucune demande de contrôle judiciaire n'a été présentée.


[2]                Le 29 décembre 2001, le demandeur a présenté une demande à titre de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada (DNRSRC), qui a été traitée comme une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) lorsque la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, est entrée en vigueur le 28 juin 2002.

[3]                Le 10 avril 2002, le demandeur a demandé que le statut de résident permanent lui soit accordé pour des considérations d'ordre humanitaire (demande CH). Cette demande n'a pas encore été traitée.

[4]                Le 18 janvier 2003, le demandeur a reçu une réponse négative quant à l'ERAR.

[5]                Le renvoi du demandeur vers le Nigeria était prévu pour avril 2003, mais il ne s'est pas présenté, contrairement aux instructions qu'il avait reçues. Un mandat d'arrestation a été délivré.

[6]                Le 25 juin 2003, la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire que le demandeur avait présentée à la Cour fédérale pour contester le résultat de l'ERAR a été rejetée.

[7]                Par suite d'une vérification de routine par un agent de la circulation, le demandeur a été arrêté et détenu en attendant son renvoi. Il a été libéré le 24 décembre 2003, après avoir versé un cautionnement.

[8]                Le demandeur ne s'est pas présenté aux autorités de l'immigration le 23 janvier 2004 pour être informé des arrangements relatifs à son renvoi. Il s'est présenté le 24 janvier 2004; il a été arrêté et informé que son renvoi aurait lieu le 28 janvier 2004.

[9]                Le 27 janvier 2004, le demandeur a demandé que son renvoi soit reporté au motif qu'il est le principal soutien de son enfant né au Canada et qu'il est marié à une réfugiée au sens de la Convention qui souffre de troubles psychologiques qui l'empêchent de prendre soin de l'enfant adéquatement.

[10]            Le 27 janvier 2004, un agent d'exécution de l'immigration a rejeté la demande que le demandeur avait présentée pour faire reporter son renvoi.

[11]            Le 27 janvier 2004 aussi, le juge O'Reilly a accordé au demandeur un sursis de sept jours pour lui permettre de présenter une requête en sursis de son renvoi en bonne et due forme.

[12]            Le 2 février 2004, le demandeur a déposé une demande d'autorisation de demander le contrôle judiciaire du refus de l'agent d'exécution de reporter son renvoi.


[13]            Le 3 février 2004, le demandeur a déposé la présente requête en sursis à l'exécution de son renvoi, en attendant que la Cour ait statué sur sa demande de contrôle judiciaire. Le défendeur s'est engagé à ne pas expulser le demandeur avant que la Cour ait rendu une décision sur la requête en sursis.

La question en litige

[14]            La Cour devrait-elle surseoir au renvoi du demandeur?

Analyse et décision

[15]            Il est maintenant accepté que l'agent chargé du renvoi a un certain pouvoir discrétionnaire et qu'il peut, dans certaines circonstances, surseoir au renvoi d'un demandeur (voir Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 295 (QL), 2001 CFPI 148).

[16]            Pour obtenir un sursis, le demandeur doit satisfaire aux exigences énoncées dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), à la page 305 :

Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 [note 3 jointe au jugement]. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black précitée :


Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.

Le demandeur doit satisfaire aux trois volets du critère.

[17]            La question sérieuse

Je suis convaincu que le demandeur soulève une question sérieuse, savoir si l'agent chargé du renvoi a pris en considération le rapport psychologique soumis par le demandeur au soutien de sa demande de report.

[18]            Le préjudice irréparable

Je conclus que l'enfant du demandeur né au Canada pourrait subir un préjudice irréparable si un report n'est pas accordé et que le demandeur est renvoyé du Canada, vu que la mère de l'enfant ne pourrait pas, en raison de son état de santé, qui, selon le rapport médical, irait en se détériorant si le demandeur était renvoyé, s'occuper adéquatement de l'enfant. Cela équivaudrait à un préjudice irréparable pour le demandeur et sa famille.

[19]            La prépondérance des inconvénients


Je suis d'avis que la prépondérance des inconvénients penche en faveur du demandeur. Bien que le demandeur ne se soit pas présenté pour son renvoi par le passé, la dernière fois le 23 janvier 2004, il s'est bel et bien présenté le 24 janvier 2004 et il a alors été placé en détention. Il ne constitue pas une menace pour le public et le défendeur pourra renvoyer le demandeur s'il n'obtient pas gain de cause relativement à sa demande CH.

[20]            La requête du demandeur sollicitant qu'un sursis lui soit accordé relativement à son renvoi jusqu'à ce que la Cour ait statué sur sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire est accueillie.

[21]            Je n'ai pas l'intention de trancher sur l'admissibilité de l'affidavit du demandeur en date du 10 février 2004, vu que je ne l'ai pas pris en considération pour rendre une décision en l'espèce.

ORDONNANCE

[22]            LA COUR ORDONNE :

La mesure de renvoi prise contre le demandeur est suspendue jusqu'à ce que sa demande d'autorisation de demander le contrôle judiciaire soit rejetée ou, si cette autorisation lui est accordée, jusqu'à ce que la Cour ait statué sur la demande de contrôle judiciaire.

                                                    « John A. O'Keefe »              

                                                                             Juge                            

Ottawa (Ontario)

Le 5 avril 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                         COUR FÉDÉRALE

          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :    IMM-886-04

INTITULÉ : FRANCIS ASUEKOMHE MARK

c.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TÉLÉCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA ET TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 11 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                       LE 5 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Kingsley Jesuorobo

POUR LE DEMANDEUR

Sally Thomas

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kingsley I. Jesuorobo

North York (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


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