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Date : 20001215

Dossier : T-366-98

ENTRE :

                           AB HASSLE, ASTRAZENECA AB

                       et AASTRAZENECA CANADA INC.,

                                                                             demanderesses,

                                                  - et -

                    LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

          ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, RHOXALPHARMA INC.

                  et TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

                                                                                     défendeurs.

                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :


[1]    La Cour est saisie d'une demande présentée par AB Hassle, Astra AB et Astra Pharma Inc. ( « Astra » ) sur le fondement du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le « Règlement » )[1] afin d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (le « ministre » ) de délivrer à RhoxalPharma Inc. ( « RhoxalPharma » ) un avis de conformité ( « AC » ) relativement aux comprimés d'oméprazole avant l'expiration des brevets canadiens nos 1 234 118 ( « ‘118 » ), 1 264 751 ( « ‘751 » ), 1 292 693 ( « ‘693 » ), 1 302 891 ( « ‘891 » ), 1 338 377 ( « ‘377 » ), 2 166 483 ( « ‘483 » ) et 2 166 794 ( « ‘794 » ) (collectivement, les « brevets » ).

[2]    Seulement deux brevets portant sur les compositions sont visés par la présente instance, soit les brevets ‘693 et ‘891, tous deux détenus par AB Hassle. Les demanderesses ont renoncé à leurs prétentions quant aux autres brevets.

[3]    Le 19 février 1998, la défenderesse RhoxalPharma a transmis à Astra un avis d'allégation concernant les comprimés d'oméprazole. Dans sa lettre, RhoxalPharma énonce ce qui suit :

[TRADUCTION] La présente est un avis d'allégation signifié conformément à l'alinéa 5(3)b) du Règlement sur les médicaments (avis de conformité).

En ce qui a trait aux brevets 1 234 118, 1 264 751, 1 292 693, 1 302 891, 1 338 377, 2 166 483 et 2 166 794, nous alléguons qu'aucune revendication pour le médicament en soi ou revendication pour l'utilisation du médicament ne serait contrefaite si nous fabriquions, construisions, utilisions ou vendions des comprimés renfermant de l'oméprazole.

Le fondement juridique et factuel de cette allégation est le suivant.

Brevets 1 292 693 et 1 302 891 :

Ce brevet vise et revendique des préparations pharmaceutiques renfermant de l'oméprazole et se caractérisant par un noyau contenant le principe actif, un sous-enrobage inerte appliqué au noyau et un enrobage externe gastrorésistant. Nous disposons de comprimés d'oméprazole ne renfermant ni noyau ni sous-enrobage inerte. Par conséquent, comme au moins une caractéristique essentielle de chacune des revendications ne se retrouve pas dans notre produit, il n'y a pas de contrefaçon du brevet.


LES BREVETS

[4]                Voici le texte de la première revendication du brevet ‘693 :

[TRADUCTION] 1.Préparation pharmaceutique pour la voie orale comprenant : a) un noyau renfermant une quantité efficace d'une substance choisie dans le groupe constitué par l'oméprazole et un réactif alcalin, un sel alcalin de l'oméprazole seul, b) un sous-enrobage inerte qui se dissout ou se désintègre rapidement dans l'eau, qui recouvre le noyau et qui renferme une ou plusieurs couches de substances sélectionnées parmi les excipients des comprimés et les polymères feuillogènes et c) une couche externe recouvrant le sous-enrobage et constituant un enrobage gastrorésistant.

[5]                Le libellé de la première revendication du brevet ‘891 est le suivant :

[TRADUCTION] 1. Préparation pharmaceutique comprenant :

a) un noyau réactif alcalin renfermant une substance acidolabile pharmacologiquement active et un réactif alcalin différent de la substance active, un sel alcalin d'une substance acidolabile pharmacologiquement active ou un sel alcalin d'une substance acidolabile pharmacologiquement active et un réactif alcalin différent de la substance active;

b) un sous-enrobage inerte qui se dissout ou se désintègre rapidement dans l'eau, qui recouvre le noyau et qui est constitué d'une ou plusieurs couches de substances choisies dans le groupe des excipients des comprimés, des composés feuillogènes et des composés alcalins;

c) un enrobage gastrorésistant recouvrant le sous-enrobage, lequel isole le noyau alcalin réactif de l'enrobage gastrorésistant de manière à accroître la stabilité de la préparation..

[6]                Les revendications des brevets relatifs à l'oméprazole visent les compositions sous forme de comprimés kératinisés constitués d'un noyau d'oméprazole recouvert d'un sous-enrobage puis d'un enrobage gastrorésistant. Le sous-enrobage a pour fonction d'isoler le noyau et d'empêcher sa détérioration au contact direct de l'enrobage gastrorésistant.


[7]                Essentiellement, RhoxalPharma nie toute contrefaçon des brevets ‘693 et ‘891, notamment parce que ses comprimés d'oméprazole n'ont pas de sous-enrobage.

[8]                Par avis de requête introductif d'instance daté du 5 mars 1998, Astra a engagé la présente instance afin qu'il soit interdit au ministre de délivrer un AC à RhoxalPharma pour ses comprimés d'oméprazole avant l'expiration des brevets relatifs à cette substance.

RÉCAPITULATIF

[9]                Au moment où l'instance a été engagée, les demanderesses ont déposé l'affidavit du Dr James W. McGinity daté du 3 mars 1998 et celui de Phillippa Murphy daté du 4 mars 1998.

[10]            Après le prononcé d'une ordonnance de non-divulgation, RhoxalPharma a produit un affidavit du Dr Louis Cartilier daté du 4 juin 1998 et un affidavit de David Gardner daté du 2 juin 1998. Les demanderesses ont répliqué en déposant un autre affidavit du Dr James McGinity daté du 31 août 1998.


[11]            Subséquemment, RhoxalPharma a produit un nouvel affidavit du Dr Louis Cartilier daté du 27 octobre 1998 et un affidavit d'Alain Leclerc daté du 17 décembre 1998.

[12]            Enfin, les demanderesses ont déposé d'autres éléments de preuve : un affidavit du Dr Jörgen Lindquist daté du 24 juin 1999 et un troisième affidavit du Dr James McGinity daté du 29 juin 1999.

[13]            La preuve par affidavits peut être résumée comme suit. Dans son premier affidavit, le Dr McGinity affirme que les renseignements donnés dans l'avis d'allégation sont insuffisants et ne permettent pas d'évaluer et de vérifier les allégations de RhoxalPharma voulant qu'elle ne contrefera pas les brevets. Le Dr McGinity indique néanmoins que même si le procédé qu'utilise RhoxalPharma pour fabriquer ses comprimés ne comporte pas l'application d'un sous-enrobage, il est possible qu'une couche intermédiaire se forme en cours de fabrication. Il ajoute que la présence d'une couche intermédiaire s'étant formée in situ pendant la transformation peut être détectée par l'analyse physique et chimique d'échantillons de comprimés de RhoxalPharma et de leurs composants et grâce à la communication de la formulation et des étapes du procédé de fabrication.


[14]          En réponse à cet élément de preuve, l'affidavit de M. Gardner et le premier affidavit du Dr R. Cartilier révèlent la composition pharmaceutique des comprimés d'oméprazole de RhoxalPharma, ce qui comprend l'énumération de tous leurs ingrédients, leurs proportions relatives et les étapes du procédé (pièce B - Composition). Les déposants concluent que les comprimés de RhoxalPharma n'ont pas de sous-enrobage et qu'ils ne contrefont donc pas les brevets relatifs à l'oméprazole.

[15]            Dans son deuxième affidavit, comme il estime que l'énumération des ingrédients ne renferme pas suffisamment de renseignements pour permettre à une personne moyennement versée dans l'art faisant l'objet des brevets de conclure que ceux-ci ne seront pas contrefaits, le Dr McGinity affirme que des échantillons physiques ou des renseignements plus détaillés sur le procédé, ou les deux, l'aideraient à déterminer si les comprimés de RhoxalPharma contrefont les brevets. Des échantillons ont donc été transmis aux avocats d'Astra.

[16]          Dans son deuxième affidavit, le Dr Cartilier conclut à l'inexistence d'un sous-enrobage à l'issue des expériences auxquelles il a soumis les échantillons de comprimés de RhoxalPharma.


[17]            En réponse à cet élément de preuve, le Dr Lindquist fait état, dans son affidavit, des expériences auxquelles il a soumis les échantillons de comprimés de RhoxalPharma. Il a eu recours à deux méthodes : la spectrométrie et la microscopie par fluorescence. Il conclut à la présence d'un sous-enrobage résultant spontanément de la réaction entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant. Il est donc d'avis que les comprimés de RhoxalPharma sont visés par la première revendication de chacun des brevets ‘693 et ‘891.

[18]            Dans son troisième affidavit, le Dr McGinity se dit d'accord avec les conclusions du Dr Lindquist.

Les théories des parties

[19]            Astra soutient que le prétendu sous-enrobage du produit de RhoxalPharma résulte spontanément de la réaction chimique entre l'un des six ingrédients du noyau (la « substance X » , non identifiée à cause de l'ordonnance de non-divulgation rendue en l'espèce) et l'un des cinq ingrédients de l'enrobage gastrorésistant (phtalate d'hydroxypropylméthylcellulose, également appelé HPMCP ou HP-55).

[20]          Suivant la thèse d'Astra, cette réaction chimique se produit lorsque le noyau du comprimé est recouvert de l'enrobage gastrorésistant. Un sous-enrobage se forme alors spontanément. Astra soutient que le sous-enrobage est un sel hydrosoluble inerte, conformément aux exigences essentielles des revendications des brevets.


[21]            RhoxalPharma fait valoir que les brevets ne peuvent protéger ce qui a été cité comme une antériorité -- et qui est expressément reconnu comme telle dans l'énoncé introductif des brevets --, c'est-à-dire un noyau contenant l'oméprazole auquel est appliqué un enrobage gastrorésistant. Le produit de l'application de l'enrobage gastrorésistant sur le noyau résulte d'un vieux procédé et ne saurait être visé par les brevets en cause. RhoxalPharma soutient en outre que si son produit renferme un sous-enrobage formé spontanément, il n'est pas visé par les brevets, car le libellé des revendications indique clairement que le sous-enrobage « recouvre » le noyau. Dans le contexte considéré en l'espèce, « recouvre » suppose une action, et non une formation spontanée.

[22]            Les demanderesses répliquent que ni la question de la validité du brevet ni celle de son interprétation ne sont soulevées par RhoxalPharma dans son énoncé détaillé, de sorte que l'analyse à laquelle elle se livre n'est pas pertinente. En outre, RhoxalPharma a initialement prétendu que ses comprimés étaient nouveaux et inventifs et elle ne peut maintenant affirmer le contraire.

QUESTION EN LITIGE

     L'allégation de RhoxalPharma concernant l'absence de contrefaçon des brevets ‘693 et ‘891 est-elle fondée?


L'analyse

[23]            L'avocat des demanderesses soutient que la Cour, aux fins de déterminer si l'allégation de RhoxalPharma est fondée, ne doit tenir compte que des éléments factuels et juridiques très limités qu'invoque RhoxalPharma dans sa lettre. Pour ce qui est des brevets ‘693 et ‘891, les faits et le droit sur lesquels RhoxalPharma se fonde sont les suivants :

[traduction] Nous disposons de comprimés d'oméprazole ne renfermant ni noyau ni sous-enrobage inerte.

[24]            Les demanderesses estiment donc que la seule question de fond à trancher en l'espèce est de savoir si les comprimés proposés par RhoxalPharma renfermeront un sous-enrobage inerte. À cet égard, compte tenu des éléments de preuve présentés par les Drs Lindquist et McGinity, l'avocat soutient que l'existence d'un tel sous-enrobage est manifeste, de sorte que l'allégation de non-contrefaçon de la défenderesse ne peut être fondée sur les faits invoqués.


[25]            Comme le Dr Cartilier reconnaît dans son deuxième affidavit que les comprimés renferment un « noyau » , je conviens avec les demanderesses que la seule question de fond à trancher en l'espèce est de savoir si les comprimés proposés par RhoxalPharma renfermeront un sous-enrobage inerte. À mon avis, il s'agit d'une question de portée restreinte qui ne soulève pas celle de la validité du brevet ou de la présence éventuelle d'un sous-enrobage qui échapperait à la portée des brevets.

[26]            Il ressort de la décision récente de la Cour d'appel fédérale dans Ab Hassle c. Canada[2] que la Cour doit s'en tenir aux faits et au droit invoqués dans l'énoncé détaillé.

[27]            Dans cette affaire, l'intimée avait signifié à l'appelante un AC et fourni un énoncé détaillé conformément à l'alinéa 5(3)a) du Règlement dans lequel elle niait la contrefaçon du brevet et alléguait l'invalidité des revendications pour cause d'antériorité ou d'évidence, au vu des antériorités citées.

[28]            L‘appelante a engagé une instance en application de l'article 6 du Règlement afin d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un AC à l'intimée.

[29]            L'intimée a produit, relativement à la question de l'évidence, le témoignage d'un expert se fondant sur les antériorités citées, dont la majorité ne figuraient pas dans l'énoncé détaillé.


[30]            La Cour d'appel fédérale a conclu que l'énoncé détaillé devait être suffisamment complet pour permettre au breveté de déterminer quelle mesure il convient de prendre en réponse à l'allégation. Comme l'a signalé le juge Stone au nom de la Cour, le législateur paraît avoir voulu que tous les faits figurent dans l'énoncé, et non qu'ils soient communiqués par bribes, lorsque le besoin s'en fait sentir pendant le déroulement de l'instance engagée en application de l'article 6 du Règlement.

[31]            Tel est précisément le cas en l'espèce. RhoxalPharma tente de mettre en preuve de nouveaux éléments en s'appuyant sur une interprétation détaillée des brevets et sur une antériorité qui n'était pas mentionnée dans l'énoncé détaillé. En outre, je conviens avec les demanderesses que RhoxalPharma a initialement prétendu que la composition de ses comprimés était nouvelle et inventive et qu'elle a obtenu une ordonnance de non-divulgation en conséquence. Partant, RhoxalPharma ne peut maintenant invoquer l'antériorité.

[32]            Pour ces motifs, je ne suis pas disposée à examiner ces nouveaux éléments. Il n'est impossible d'interpréter la décision de la Cour d'appel dans Ab Hassle[3] comme autorisant quelque exception.


[33]            Avant d'entreprendre l'analyse de la preuve, je tiens à préciser que je ne vois aucun fondement à la prétention des demanderesses selon laquelle RhoxalPharma a omis d'établir qu'elle dispose de comprimés d'oméprazole ayant les caractéristiques décrites dans son avis d'allégation.

[34]            Je suis d'accord avec RhoxalPharma. Le produit décrit dans l'avis d'allégation doit être considéré comme étant celui pour lequel l'approbation est demandée.

[35]          Prétendre que RhoxalPharma cherche à faire approuver et à mettre en marché un autre produit que celui correspondant aux échantillons équivaut à alléguer la fraude. Comme l'a fait remarquer l'avocat de RhoxalPharma, à partir du moment où le produit de la seconde personne se retrouve sur le marché, la première personne peut vérifier l'exactitude de l'énoncé détaillé, et la seconde personne s'expose à de très graves conséquences en cas d'inexactitude[4].

     La preuve


[36]            Astra a-t-elle établi que l'avis d'allégation de RhoxalPharma n'est pas fondé? En d'autres termes, selon la probabilité la plus forte, ressort-il de la preuve que les comprimés ne renfermeront pas un sous-enrobage inerte hydrosoluble?

[37]            La preuve de RhoxalPharma a été présentée par le Dr Cartilier, pharmacien et scientifique, à qui on a demandé d'analyser un nouveau comprimé d'oméprazole mis au point par le fournisseur de RhoxalPharma, Andrx.

[38]            Le Dr Cartilier a eu recours à la microscopie électronique à balayage. Après l'examen visuel de noyaux enrobés, puis de noyaux non enrobés, il a conclu qu'il n'y avait pas de sous-enrobage. Il n'a employé aucune autre technique qui aurait pu lui permettre de déceler l'existence d'un sous-enrobage inerte.

[39]            Il ressort de la preuve d'Astra présentée par le Dr McGinity et, plus particulièrement, par le Dr Lindquist, qu'un sous-enrobage existe.

[40]            Chimiste analyste, le Dr Lindquist a eu recours au spectromètre FT-IR et à la microscopie par fluorescence pour analyser les échantillons.


[41]            L'analyse microscopique par fluorescence comporte l'utilisation de certaines longueurs d'onde de la lumière pour rendre une substance chimique fluorescente. La fluorescence varie d'une substance à l'autre, ce qui permet à un analyste chevronné de différencier une substance d'une autre.

[42]            La photomicrographie de la coupe transversale du comprimé enrobé a révélé l'existence de trois couches distinctes : la partie centrale ou noyau, une ligne brillante (un sous-enrobage) séparant le noyau de l'enrobage gastrorésistant d'une épaisseur d'environ 3 à 4 microns et l'enrobage gastrorésistant.

[43]            Le Dr Lindquist a également examiné la coupe transversale d'un comprimé enrobé qui avait été lessivé à l'acétone [pour faire disparaître l'enrobage gastrorésistant]. Il a constaté l'existence de deux parties distinctes, soit le noyau et un sous-enrobage. L'enrobage gastrorésistant (soluble dans l'acétone) avait disparu.

[44]            Se fondant sur son analyse, le Dr Lindquist a exprimé l'avis qu'un sous-enrobage d'environ 3 à 4 microns d'épaisseur séparait l'enrobage gastrorésistant et le noyau.

[45]            L'analyse à l'aide du spectromètre FT-IR lui a permis de conclure que le sous-enrobage est un sel de substance X - HPMCP HP-55 qui est inerte.


[46]            Grâce au FT-IR, on peut obtenir le spectre infrarouge de la surface d'un objet solide, comme un comprimé. En comparant le spectre aux spectres déjà enregistrés de composés connus, un analyste chevronné peut identifier les composés présents à la surface de l'échantillon ou en apprendre davantage à leur sujet.

[47]            Dans l'exercice de ses fonctions, le Dr Lindquist a obtenu à l'aide du FT-IR les spectres d'une variété d'ingrédients pharmaceutiques qu'il peut comparer au spectre d'une substance inconnue en vue d'identifier la substance ou d'obtenir des renseignements utiles.

[48]            À l'aide du FT-IR, il a obtenu le spectre des échantillons suivants : (i) un comprimé enrobé, (ii) un comprimé non enrobé et (iii) un comprimé enrobé ayant été lessivé à l'acétone pour faire disparaître l'enrobage gastrorésistant.

[49]            À partir des spectres de la surface du comprimé non enrobé, le Dr Lindquist a conclu à la présence de la substance X.

[50]            S'appuyant sur le spectre de la surface du comprimé enrobé, il a conclu à la présence d'une substance d'enrobage gastrorésistant constituée de phtalate d'hydroxypropylméthylcellulose 55 (également appelé HPMCP 55) et, peut-être, de talc.


[51]            Le Dr Lindquist a lessivé un comprimé enrobé avec de l'acétone afin de faire disparaître l'enrobage gastrorésistant et de révéler l'existence d'un sous-enrobage. À l'aide du spectromètre FT-IR, il a ensuite balayé la surface du comprimé lessivé. Les résultats diffèrent de ceux obtenus pour le comprimé enrobé [dont le balayage a révélé la présence de HPMCP 55] et de ceux obtenus pour le comprimé non enrobé [dont le balayage a révélé la présence de la substance X], la substance présente à la surface du comprimé lessivé (et se trouvant donc entre l'enrobage gastrorésistant et le noyau du comprimé enrobé) n'étant ni la substance X ni le HPMCP HP-55.

[52]            À son avis, les balayages indiquaient, vu l'emplacement des pics, la présence probable d'un sel de substance X - HPMCP HP-55 à la surface du comprimé lessivé. De plus, le sel était probablement soluble dans l'eau étant donné la nature conique des sels. Enfin, compte tenu de son épaisseur, le sous-enrobage devrait se désintégrer rapidement.

[53]            Quant à l'analyse effectuée par le Dr Cartilier, le Dr Lindquist se dit d'avis que la microscopie électronique à balayage ne permet pas de conclure à la présence ou à l'absence d'un sous-enrobage, car elle ne différencie pas nécessairement les substances ayant la même texture visuelle.


[54]            Dans son troisième affidavit, le Dr McGinity confirme, à partir des renseignements dont il dispose, qu'il partage l'avis du Dr Lindquist selon lequel le sous-enrobage est vraisemblablement constitué d'un sel de substance X - HPMCP HP-55. Il ajoute que la couche de sel est inerte et qu'il est vraisemblable qu'elle se dissolve et se désintègre rapidement dans l'eau.

[55]            Le Dr McGinity ajoute que les résultats obtenus par le Dr Lindquist et les conclusions tirées à partir de ses analyses sont compatibles avec l'avis qu'il exprime dans son deuxième affidavit, c'est-à-dire que la substance X pourrait réagir au contact du HPMCP 55 contenu dans l'enrobage inerte et former un sous-enrobage.

[56]            Selon lui, les comprimés de RhoxalPharma sont visés par la première revendication de chacun des brevets ‘693 et ‘891. Le témoignage du Dr Linquist confirme la présence d'un sous-enrobage.

[57]            J'accorde une grande importance à l'avis du Dr Lindquist. Ses compétences sont impressionnantes en tant que chimiste analyste.


[58]            Premièrement, je fais mienne sa conclusion selon laquelle, compte tenu de son expérience, la technique utilisée par le Dr Cartilier (microscopie électronique à balayage) n'est pas concluante et n'est pas de celles qu'utiliserait un chimiste analyste.

[59]            J'estime que, selon la probabilité la plus forte, la preuve appuie sa conclusion voulant que les comprimés en cause renferment un sous-enrobage inerte composé d'un sel de substance X - HPMCP HP-55. Il est arrivé à cette conclusion avant de prendre connaissance de la liste des ingrédients (pièce B), laquelle rend son témoignage plus convaincant. J'ai examiné attentivement son long contre-interrogatoire et je n'y vois aucune contradiction.

[60]            De plus, je ne suis pas d'accord avec l'affirmation de RhoxalPharma selon laquelle la couche intermédiaire, s'il en est, se compose d'oméprazole dégradé. J'adhère au point de vue du Dr Lindquist à cet égard, c'est-à-dire que l'absence de décoloration et l'observation de pics dans les spectres indiquant la présence d'un carboxylate confirment que le sous-enrobage n'est pas de l'oméprazole dégradé.

[61]            En ce qui concerne la prétention de RhoxalPharma selon laquelle rien ne prouve que la substance X - HPMCP HP-55 enrobe complètement le noyau, je la rejette. Le Dr Lindquist a clairement dit avoir observé un sous-enrobage continu. Aucun élément de preuve contraire n'a été présenté.


[62]            Enfin, RhoxalPharma invoque l'absence de preuve que le sel est inerte ou qu'il se dissout ou se désintègre rapidement dans l'eau. De nouveau, je suis en désaccord. Je suis convaincue que le Dr Lindquist connaît bien les sels de la substance X et je retiens sa conclusion que le sel est vraisemblablement hydrosoluble, étant donné la nature conique des sels.

[63]            En résumé, j'arrive à la conclusion que le témoignage du Dr Lindquist a établi, selon la probabilité la plus forte, que les comprimés de RhoxalPharma renfermeront un sous-enrobage inerte.

[64]            Par conséquent, les demanderesses ont établi que l'allégation de non-contrefaçon, compte tenu des faits et du droit invoqués dans l'énoncé détaillé, ne peut être fondée.


[65]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La Cour interdit au ministre de délivrer à RhoxalPharma un AC relativement aux comprimés d'oméprazole avant l'expiration des brevets canadiens ‘693 et ‘891. Le tout avec dépens.

                                                                    Danièle Tremblay-Lamer

JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

15 décembre 2000

Traduction certifiée conforme

_______________

Claire Vallée, LL.B.


Date : 20001215

Dossier : T-366-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 DÉCEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

                         AB HASSLE, ASTRAZENECA AB

                      et AASTRAZENECA CANADA INC.,

                                                                                 demanderesses,

                                                  - et -

               LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

      ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, RHOXALPHARMA INC.

              et TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

                                                                                         défendeurs.

                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Il est interdit au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer un avis de conformité à RhoxalPharma relativement aux comprimés d'oméprazole avant l'expiration des brevets canadiens ‘693 et ‘891. Le tout avec dépens.

                                                                    Danièle Tremblay-Lamer

JUGE

Traduction certifiée conforme

________________________

Claire Vallée, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-366-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Ab Hassle et autres c. Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            27 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER en date du 15 décembre 2000.

ONT COMPARU:

Me Gunars Gaikis                                              POUR LES DEMANDERESSES

Me Sheldon Hamilton

Me Yoon Kang

Me Jean-François Buffoni                          POUR LA DÉFENDERESSE

Me Marie Lafleur                                          Rhoxalpharma Inc.

Me Martin Sheehan

Me Alain Leclerc

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Smart & Biggar                                            POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

Martineau, Walker                                      POUR L'INTIMÉE

Montréal (Québec)                                               Rhoxalpharma Inc.

Gowling Strathy & Henderson                POUR L'INTIMÉE

Ottawa (Ontario)                                      Takeda Chemical Industries

Me Morris Rosenberg                                  POUR LE MINISTRE INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada   

Toronto (Ontario)



[1]                DORS/93-133.

[2]            (2000) 256 N.R. 172.

[3]            Ibid.

[4]            Hoffman-Laroche Ltd. c. Apotex Inc. (1996), 70 C.P.R. (3d) 206, à la p. 213 (C.A.F.).

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