Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20060330

Dossier : T‑545‑05

Référence : 2006 CF 400

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

DONALD G. WANNAMAKER

demandeur

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée aux termes du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, qui vise la décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) datée du 27 mai 2004, dans laquelle celui‑ci a statué que Donald G. Wannamaker (le demandeur) n’avait pas droit à une pension d’invalidité en raison de sa maladie discale lombaire, aux termes du paragraphe 21(1) ou 21(2) de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P‑6; P‑7 (la Loi).

 

 

LES FAITS PERTINENTS

[2]               Le demandeur soutient que sa maladie discale lombaire est attribuable aux accidents qu’il a subis alors qu’il était à l’emploi de l’Aviation royale canadienne (ARC). Le demandeur est un ancien combattant de 73 ans, qui a servi dans la Marine royale du Canada, en qualité de technicien d’entretien d’aéronef, du 27 septembre 1952 au 28 juin 1970.

 

[3]               En mars 1959, le demandeur a glissé et est tombé sur la glace à son arrivée au travail à la base de l’ARC de Downsview; il se serait blessé au dos et à la cheville. En 1961, alors qu’il était affecté dans une zone de service spéciale (le Congo), le demandeur se serait fait mal au dos en essayant de déplacer une caisse de 400 livres, un lot de bord. Le demandeur a commencé à se faire soigner par un chiropraticien civil en 1966. Au moment de l’examen médical qu’il a subi à sa libération en 1970, il affirme ne pas avoir fait l’objet d’un examen physique et qu’on l’a simplement interrogé pour savoir comment il se sentait. Soucieux de terminer ces formalités, il n’a pas mentionné ses douleurs dorsales.

 

[4]               En juillet 1989, le demandeur a déposé une demande de pension d’invalidité aux termes de l’article 21 de la Loi pour une maladie discale lombaire et cervicale découlant des deux accidents mentionnés ci‑dessus. La demande a été rejetée et la décision a été portée en appel devant le comité d’examen. Le demandeur a alors retiré sa demande concernant sa maladie discale cervicale mais a poursuivi la demande concernant sa maladie discale lombaire. L’appel porté devant le comité d’examen a été rejeté. Le 3 octobre 1991, le Tribunal des anciens combattants a confirmé la décision du comité d’examen. Trois demandes de réexamen de cette décision ont également été rejetées. À la suite d’une ordonnance sur consentement prononcée dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, une audience de réexamen a été convoquée. En février 2005, le demandeur a reçu la décision du Tribunal qui confirmait une fois de plus le refus d’accorder une pension d’invalidité. La présente demande sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

 

LA DÉCISION DU TRIBUNAL

[5]               Le Tribunal a confirmé le fait que le demandeur avait fait une chute en 1959. Le Tribunal a toutefois également conclu que la preuve révélait qu’au moment de l’accident, le demandeur s’était uniquement plaint d’une douleur à la cheville et qu’il n’avait pas mentionné de douleur dorsale. Le demandeur a affirmé que son dos n’avait pas été examiné par un médecin à l’époque mais que son dossier contenait des éléments indiquant que son dos et son cou avaient été examinés en mars 1959 et que les résultats de cet examen avaient été négatifs. Quant aux déclarations des témoins à l’époque, le Tribunal a jugé qu’elles étaient compatibles avec une blessure à la cheville mais n’indiquaient pas que le demandeur avait été gravement blessé au dos. Le Tribunal a également constaté qu’à certains moments, le demandeur s’était plaint, pendant son service militaire, de douleurs lombaires et qu’il avait parlé d’autres fois [traduction] « de s’être blessé dans le bas du dos » mais que [traduction] « ce seul fait n’établissait pas l’existence d’un lien de causalité entre l’invalidité actuelle et le service militaire ».

 

[6]               Le Tribunal a écarté les avis médicaux récents selon lesquels le demandeur souffrait probablement d’une lombalgie. Les avis en question étaient fondés sur les souvenirs qu’avait le demandeur des événements et pouvaient donc être écartés pour le motif qu’il existait des éléments de preuve médicaux contradictoires.

 

[7]               Le Tribunal a également rejeté l’explication fournie par le demandeur au sujet du fait que sa lombalgie n’avait pas été mentionnée au cours de l’examen médical effectué au moment de sa libération en 1970. Le Dr Benoit a confirmé l’affirmation du demandeur selon laquelle il n’avait fait l’objet que d’un examen physique rapide avant sa libération de l’armée, étant donné que ce type d’examen était « chose habituelle au cours des années 1950 et 1960 ». Le Tribunal a néanmoins conclu que cette déclaration ne suffisait pas à réfuter les rapports de libération concernant l’état de santé du demandeur, tel qu’il l’avait rapporté lui‑même et tel que précisé par l’examen médical qui a eu lieu au moment de la libération en 1970.

 

[8]               Quant à l’affirmation du Dr Benoit selon laquelle le demandeur souffrait de dégénérescence « précoce » de la colonne lombaire, le Tribunal a jugé qu’elle était incompatible avec la partie des Directives médicales et du tableau des invalidités des Affaires des Anciens combattants du Canada (les Directives) traitant des « affections discales ». Selon ces Directives, la maladie discale lombaire est « une affection dégénérative normale avant tout, s’associant au processus de sénescence, lequel débute tôt et progresse toute la vie durant ». Le rapport du Dr Benoit ne mentionne pas l’effet qu’a pu avoir la spina bifida et la scoliose dont le demandeur souffrait sur son état général, ni si ce médecin pensait que la dégénérescence affectant la colonne lombaire pouvait être qualifiée de précoce pour un sujet âgé de 57 ans ou que le dos du demandeur semblait plus gravement touché par la dégénérescence que celle des autres personnes de son âge.

 

[9]               L’accident survenu en 1961 au Congo n’a jamais été consigné par écrit ou documenté. Le Tribunal admet qu’il n’y avait pas de personnel médical sur les lieux au moment de l’accident, mais il a estimé que, si la blessure avait été suffisamment grave pour avoir contribué au prétendu état de santé actuel, le demandeur se serait certainement plaint de sa blessure et aurait demandé des soins médicaux à son retour du Congo. Le Tribunal a noté que le dossier médical du demandeur est vide jusqu’en 1966, année au cours de laquelle le demandeur s’est plaint de douleurs dorsales à la suite d’une intervention chirurgicale sur la vessie.

 

[10]           Enfin, le Tribunal a jugé que l’accident de 1959 n’était pas survenu au moment où le demandeur était de service et n’était pas attribuable à son service régulier dans les Forces armées. Cette conclusion s’appuyait sur le fait que la chute s’était produite alors que le demandeur se trouvait encore dans le terrain de stationnement et qu’il n’avait pas encore pris son service ce jour‑là.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[11]           1. La conclusion du Tribunal selon laquelle les éléments de preuve médicaux qui lui ont été présentés ne démontraient pas que l’accident en question était à l’origine de l’affection pour laquelle le demandeur sollicitait une pension était‑elle manifestement déraisonnable?

 

            2. Le Tribunal a‑t‑il limité son pouvoir discrétionnaire en tirant sa propre conclusion médicale?

 

3. La conclusion du Tribunal selon laquelle l’accident du demandeur n’est pas survenu par suite de son service militaire était‑elle déraisonnable?

 

 

ANALYSE

 

[12]           Comme le défendeur l’a mentionné, le dossier du demandeur contient des documents qui n’ont pas été présentés au Tribunal. Ces documents comprennent la pièce M.1 de l’affidavit de Mme Angela Habraken qui contient des extraits d’un dictionnaire médical (voir le dossier du demandeur à la page 177).

 

[13]           Dans Wood c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. no 52, le juge W. Andrew MacKay a réaffirmé, au paragraphe 34, qu’il n’est pas possible de soumettre à la Cour des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés auparavant au décideur administratif :

Dans le cas d’un contrôle judicaire, une cour peut uniquement tenir compte de la preuve mise à la disposition du décideur administratif dont la décision est examinée; elle ne peut pas tenir compte d’autres éléments de preuve (voir Brychka c. Canada (Procureur général), supra; Franz c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 80 F.T.R. 79; Via Rail Canada Inc. c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne (re Mills) (19 août 1997), dossier du greffe T‑1399‑96, [1997] A.C.F. no 1089; Lemiecha c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 72 F.T.R. 49, 24 Imm. L.R. (2d) 95; Ismaili c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1995) 100 F.T.R. 139, 29 Imm. L.R. (2d) 1).

 

 

[14]           Compte tenu de ce qui précède, la Cour n’examinera pas la pièce M.1 qui accompagne l’affidavit de Mme Angela Habraken.

 

1. La conclusion du Tribunal selon laquelle les éléments de preuve médicaux présentés ne démontraient pas que l’accident en question était à l’origine de l’affection pour laquelle le demandeur sollicitait une pension était‑elle manifestement déraisonnable?

 

[15]           Pour avoir droit à une pension d’invalidité pour sa maladie discale lombaire, le demandeur doit répondre aux conditions exposées au paragraphe 21(1) ou 21(2) de la Loi. Les paragraphes 21(1) et 21(2) se lisent ainsi :

21 (1) Pour le service accompli pendant la Première Guerre mondiale ou la Seconde Guerre mondiale, sauf dans la milice active non permanente ou dans l’armée de réserve, le service accompli pendant la guerre de Corée, le service accompli à titre de membre du contingent spécial et le service spécial :

21 (1) In respect of service rendered during World War I, service rendered during World War II other than in the non-permanent active militia or the reserve army, service in the Korean War, service as a member of the special force, and special duty service,

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l’annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d’invalidité causée par une blessure ou maladie -- ou son aggravation -- survenue au cours du service militaire ou attribuable à celui‑ci;

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that was attributable to or was incurred during such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;

21 (2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l’armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :

21 (2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l’annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d’invalidité causée par une blessure ou maladie -- ou son aggravation -- consécutive ou rattachée directement au service militaire;

 

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;

 

 

[16]           Le demandeur affirme qu’il répond aux conditions de l’alinéa 21(2)a) de la Loi. Il estime avoir démontré que sa maladie discale lombaire était consécutive ou directement rattachée au service militaire qu’il a accompli en temps de paix, compte tenu de la blessure au dos qu’il a subie lorsqu’il a fait une chute à l’extérieur du hangar au moment où il arrivait au travail. Il soutient en outre qu’il répond aux conditions de l’alinéa 21(1)a) de la Loi, étant donné que sa maladie discale lombaire était soit attribuable – dans la mesure où elle était aggravée par la blessure qu’il avait subie au dos au cours du déplacement de ce lot de bord extrêmement lourd pendant le service militaire accompli dans la zone de service spéciale au Congo en 1961 – à son deuxième accident, soit qu’elle en découlait.

 

[17]           Pour décider si les conditions exposées aux alinéas 21(2)a) et 21(1)a) sont remplies, le Tribunal doit tenir compte des dispositions d’interprétation de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). La preuve et les circonstances de l’affaire doivent être examinées à la lumière des articles 3 et 39 de la Loi mentionnée ci‑dessus qui énoncent ce qui suit :

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

 

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

 

 

39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui‑ci;

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui‑ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien‑fondé de la demande.

 

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

 

 

[18]           Dans Martel c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1287, [2004] A.C.F. no 1559, le juge James Russell adopte le raisonnement qu’a tenu le juge John Evans dans Metcalfe c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 22, lorsque celui‑ci conclut que l’article 39 a pour effet d’accorder aux demandeurs le bénéfice de tout doute raisonnable :

Bien que les alinéas a), b) et c) de cette disposition ne puissent avoir pour effet d’inverser le fardeau de la preuve en exigeant que le défendeur établisse que la blessure ou l’état pathologique de l’ancien combattant n’est pas attribuable au service militaire, ils vont largement en ce sens; ils prévoient, en effet, qu’il convient de trancher toute incertitude raisonnable en faveur des demandeurs.

 

[19]           Dans Wood, précité, le juge MacKay, au paragraphe 24, traite de la nécessité d’établir un lien de causalité entre l’invalidité et le service militaire :

Toutefois, les articles 3 et 39 de la Loi ne libèrent pas le demandeur de l’obligation d’établir que la douleur qu’il éprouve au bas du dos est consécutive ou se rattache au service militaire (Cundell c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 38 (C.F. 1re inst.). Le demandeur doit néanmoins établir selon la prépondérance des probabilités, la preuve étant examinée sous l’angle le plus favorable possible, que son invalidité se rattache au service. Cette norme civile doit être interprétée avec la disposition habilitante figurant à l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P‑7. […]

 

[20]           Dans John Doe c. Canada (Procureur général), 2004 CF 451, [2004] A.C.F. no 555, au paragraphe 36, j’ai noté que la norme de preuve applicable au droit à recevoir une pension est beaucoup moins exigeante que la prépondérance des probabilités :

La norme de preuve pour établir le droit à une pension est beaucoup moins exigeante que la prépondérance des probabilités, suivant les termes de la Loi.

 

 

[21]           Dans Fournier c. Canada (Procureur général), 2005 CF 453, [2005] A.C.F. no 573, le juge Richard Mosley examine la norme de contrôle applicable aux décisions du Tribunal quand il s’agit d’attribuer ou de refuser une pension pour cause d’invalidité prétendument rattachée au service militaire :

Dans une décision récente, Matusiak c. Canada (Procureur général), 2005 CF 198, au paragraphe 35, le juge Teitelbaum a conclu que, après examen des décisions précédentes, la norme de contrôle est la décision raisonnable simpliciter pour la question de savoir si le Tribunal a omis d’interpréter la preuve dans son ensemble selon la règle générale prévue par la loi. Il a ajouté que la norme de la décision manifestement déraisonnable s’applique seulement à l’appréciation par le Tribunal de la preuve médicale contradictoire afin de déterminer si l’invalidité en question a été causée ou aggravée par le service militaire.

 

 

[22]           La question en litige devant le Tribunal amène celui‑ci à apprécier des éléments de preuve médicaux contradictoires en vue de décider si l’invalidité en question a été causée ou aggravée par le service militaire. Sur ce point, la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

[23]           Comme le défendeur l’a noté, le demandeur a présenté des éléments de preuve sous la forme de déclarations émanant de lui et d’anciens collègues concernant le fait qu’il avait fait une chute sur la glace en 1959 et était tenu de soulever de l’équipement lourd pendant qu’il se trouvait au Congo en 1961. En plus des diverses déclarations présentées par le demandeur, le Tribunal disposait d’un résumé des dossiers médicaux militaires concernant la période au cours de laquelle le demandeur aurait subi les blessures en question. En se fondant sur l’ensemble de cette preuve, le Tribunal a noté ce qui suit :

 

[traduction]

Il semble à peu près certain que le demandeur soit tombé pendant qu’il était de service et qu’il se soit plaint à quelques reprises de lombalgie, et que d’autres fois, il ait souffert de névralgie lombaire, mais ces faits ne suffisent pas à établir un lien de causalité entre l’invalidité actuelle et le service militaire. La principale question en litige ici n’est pas simplement de savoir si le demandeur a fait une chute en 1959 ou souffert de lombalgie en 1961. Il s’agit de savoir si l’invalidité permanente actuelle pour laquelle le demandeur sollicite une pension – la maladie discale lombaire – a été directement causée par ces blessures ou ces accidents. Une invalidité donne droit à une pension aux termes du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions lorsque le demandeur a présenté suffisamment de faits et d’éléments de preuve pour étayer la déduction selon laquelle l’invalidité invoquée est consécutive ou rattachée directement au service militaire.

 

[…]

 

Le Tribunal a examiné quatre autres avis médicaux au cours de la nouvelle audience, qui appuyaient tous la demande du demandeur. Après avoir examiné tous ces avis, le Tribunal doit faire remarquer que ces avis sont fondés sur la croyance que le demandeur a fait une chute grave, et qu’il a subi une blessure traumatique ou importante au dos à cette époque. Néanmoins, la preuve au dossier n’étaye pas l’hypothèse selon laquelle le demandeur s’est gravement blessé au dos ou a subi un traumatisme dans cette région lorsqu’il est tombé sur la glace en 1959.

 

[…]

 

L’examen médical de mars 1959 a débouché sur un rapport négatif pour ce qui est du cou et du dos. Celui‑ci fait état d’une période de trois semaines au cours de laquelle le demandeur s’est plaint de lombalgie et un diagnostic de névralgie lombaire a été posé. Les documents médicaux ne contiennent aucun élément qui conforte l’affirmation du demandeur selon laquelle il se souvient aujourd’hui d’avoir subi une blessure grave dans la région lombaire lorsqu’il a fait une chute sur la glace en 1959. Les documents ne contiennent aucun élément indiquant que le demandeur ait subi une blessure lombaire grave et traumatique entraînant des complications à long terme en 1959. De la même façon, il n’existe pas de rapports médicaux de 1961 indiquant que le demandeur ait subi une blessure importante ou traumatique pendant qu’il se trouvait au Congo.

 

[…]

 

En outre, lorsque le demandeur a été libéré en 1970, il ne s’est pas plaint de lombalgie à l’époque. Les éléments de preuve présentés au Tribunal n’expliquent pas le fait que ces plaintes n’aient pas été rapportées à l’époque, mais il convient de noter que la situation en l’espèce semble être semblable à celle qu’examinait madame la juge Reed dans l’affaire Hall c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 890 (confirmée par la Cour d’appel dans [1999] A.C.F. no 1800), dans laquelle le demandeur avait omis de mentionner à sa libération qu’il avait subi une blessure attribuable au service. La juge Reed a noté dans cette affaire que la déclaration antérieure du demandeur constituait une preuve qui contredisait sa déclaration postérieure selon laquelle son invalidité était rattachée à un accident survenu pendant son service. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[24]           Le Tribunal disposait d’éléments de preuve contradictoires au sujet des prétendues blessures subies par le demandeur. Même si les déclarations fournies par le demandeur étaient susceptibles d’appuyer l’affirmation selon laquelle celui‑ci avait fait une chute et s’était plaint périodiquement de douleurs dorsales, le Tribunal a conclu qu’elles n’établissaient pas que le demandeur avait subi une blessure ou un traumatisme au dos en 1959 ou en 1961. En outre, le Tribunal a statué que les dossiers médicaux n’étayaient pas l’affirmation du demandeur selon laquelle il avait subi une blessure au dos pendant son service. En fait, les inscriptions découlant des examens médicaux effectués en 1959, 1960 et 1970 n’indiquent aucunement que le demandeur ait subi une blessure ou un traumatisme au dos.

 

[25]           Je souscris à la décision du Tribunal selon laquelle il existe des éléments de preuve contradictoires au sujet de l’origine de la blessure du demandeur. Je ne souscris toutefois pas aux conclusions de fait du Tribunal au sujet de la capacité de la preuve d’établir l’existence d’un lien de causalité entre la chute du demandeur sur la glace et la blessure au dos qu’aurait causée cette chute. J’estime qu’il existe des éléments de preuve suffisants pour établir que le demandeur éprouvait effectivement un problème de dos pendant qu’il effectuait son service militaire et que ce problème était suffisamment documenté pour montrer, en se fondant sur la prépondérance des probabilités, qu’il découlait de la chute qu’avait faite le demandeur en 1959. Comme cela était noté dans le résumé médical du demandeur, celui‑ci avait déclaré à plusieurs reprises souffrir du dos avant sa libération en 1970. Le résumé médical mentionné ci‑dessus fait état des faits suivants :

du 18 au 23 septembre 1959

 

 

 

29 septembre 1959

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

29 avril 1960

M. Wannamaker a demandé d’être soigné pour une lombalgie.

 

Un rapport de radiographie indiquait que M. Wannamaker souffrait de névralgie lombaire depuis trois semaines et éprouvait une légère douleur autour des vertèbres L4 et L5. Le précis médical indiquait qu’il n’y avait pas eu traumatisme, mais la chute subie quelques mois auparavant constituait certainement un événement susceptible d’entraîner un traumatisme […]

 

Le rapport médical indiquait que M. Wannamaker éprouvait une douleur dans la région lombaire près du coccyx […]

 

            (Voir dossier de demande du défendeur, pages 112 et 113.)

 

 

[26]           J’estime que le demandeur a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que sa blessure au dos était consécutive ou rattachée à son service militaire. Compte tenu des articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le Tribunal aurait dû accorder le bénéfice du doute au demandeur. De plus, le Tribunal aurait dû interpréter de la façon la plus favorable possible au demandeur les documents médicaux militaires qui montraient que celui‑ci souffrait de lombalgie. Ce n’est pas ce qu’a fait le Tribunal; il a préféré se fonder sur des éléments de preuve contradictoires peu probants qui indiquaient, d’après lui, que le demandeur n’avait pas subi un traumatisme lorsqu’il avait fait une chute sur la glace. Étant donné que le Tribunal a conclu qu’il n’existait pas de preuve d’un traumatisme, il a également conclu qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre la chute sur la glace et la blessure subie. D’après les présomptions exposées aux articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), j’estime que le demandeur n’était pas tenu d’établir que sa chute avait causé une lésion dorsale. Il existe des éléments de preuve médicaux bien documentés qui montrent que le demandeur souffrait de douleurs dorsales quand il était membre des Forces canadiennes. En conséquence, le demandeur n’était pas tenu de montrer que les éléments de preuve médicaux documentés correspondant à la fin des années 1950 et au début des années 1960 indiquaient qu’il avait subi une lésion. J’estime que le Tribunal a commis une erreur manifestement déraisonnable dans la façon dont il a interprété les éléments de preuve médicaux documentés, c’est‑à‑dire qu’il était manifestement déraisonnable de conclure, d’après la preuve, à l’absence d’un lien de causalité entre la lésion dorsale du demandeur et son service militaire.

 

[27]           Outre la preuve médicale documentée de la fin des années 1950 et 1960, le demandeur a également invoqué des avis médicaux récents pour montrer qu’il avait subi une lésion dorsale, comme il l’alléguait. Le Tribunal note cependant que les avis médicaux présentés sont fondés sur les déclarations qu’avait faites le demandeur au sujet d’une blessure au dos en 1959 et 1961 et que ces avis ne confirmaient pas de façon indépendante que le demandeur avait subi une lésion de ce genre :

[traduction]

Cependant, le Dr Finestone n’a pas été en mesure d’évaluer de façon indépendante la gravité et la nature des accidents auxquels le demandeur attribue aujourd’hui sa lombalgie, et le Dr Finestone n’a pas été en mesure d’effectuer un examen objectif ou clinique du demandeur après ces accidents.

 

(Voir la décision du Tribunal datée du 27 mai 2004, dossier du défendeur, pages 14 et 15.)

 

 

[28]           Le Tribunal s’est fondé sur les conclusions de la juge Barbara Reed dans Hall c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 890, selon lesquelles le souvenir qu’avait le demandeur était la seule preuve permettant de déterminer la cause exacte de la lésion en cause. Dans un cas de ce genre, les médecins doivent se fonder sur le témoignage du demandeur au sujet de l’origine de l’invalidité. La juge Reed a déclaré ce qui suit au paragraphe 24 :

Je ne puis conclure qu’en appréciant la preuve, le Tribunal a fait fi des directives énoncées à l’article 39 et dans la jurisprudence. Pour reprendre les propos des médecins, l’affirmation suivant laquelle la blessure était « vraisemblablement » liée aux événements de 1983‑1984 ou suivant laquelle le médecin « estime » qu’il découle « probablement » de la blessure subie en 1984 n’est que pure hypothèse. Ni l’un ni l’autre de ces médecins n’a eu directement connaissance des événements; ils ne soignaient pas le demandeur en 1983‑1984 et n’avaient même pas commencé à le faire lorsqu’il a commencé à se plaindre de douleurs en 1987‑1988. Ni l’un ni l’autre ne disposait en 1996 d’autre élément que le récit des événements du demandeur pour en venir à une conclusion au sujet de l’événement qui avait causé la blessure. Et, comme je l’ai déjà fait remarquer, l’affirmation du demandeur suivant laquelle les événements survenus en 1983‑1984 sont la cause de sa blessure est contredite par la preuve documentaire qu’il a lui‑même signée en 1984. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

 

[29]           Le Tribunal a jugé qu’il existait des ressemblances entre l’affaire Hall, précitée, et la présente espèce. Dans les deux situations, les médecins avaient dû se fonder sur la relation des faits du demandeur pour fonder leurs conclusions et, dans les deux affaires, les causes prétendument à l’origine des blessures étaient contredites par des éléments de preuve documentaires. J’estime toutefois qu’il existe entre les deux situations des différences qui l’emportent de loin sur les ressemblances.

 

[30]           En l’espèce, il existe une preuve médicale documentée qui montre que le demandeur souffrait de lombalgie pendant qu’il effectuait son service militaire. Les avis d’expert n’étaient donc pas fondés sur les seules déclarations du demandeur au sujet de ses blessures. Ce n’était pas le cas dans l’affaire Hall, dans laquelle le demandeur prétendait s’être fait mal au dos en tombant dans une crevasse dissimulée par une épaisse couche de neige. Dans Hall, le demandeur n’avait pas rapporté l’accident, ni demandé des soins médicaux à l’époque. La seule preuve médicale documentée relative à sa lombalgie avait été établie plusieurs années après l’accident allégué, à un moment où le demandeur n’effectuait plus son service militaire.

 

[31]           Les demandeurs dans Hall et en l’espèce n’ont pas mentionné leur lésion dorsale au moment de leur examen médical de libération. Toutefois, comme je l’ai mentionné ci‑dessus, le demandeur dans l’affaire Hall n’avait présenté aucune preuve médicale documentée indiquant qu’il avait souffert d’une lombalgie pendant son service militaire. Étant donné que ce n’est pas le cas en l’espèce, il convient d’attribuer une force probante moindre à l’omission du demandeur de mentionner ses douleurs dorsales au moment de sa libération. Compte tenu de l’abondance des éléments de preuve médicaux documentés, l’omission de la part du demandeur de mentionner ses douleurs dorsales au moment de l’examen médical effectué lors de sa libération ne constitue pas une preuve contradictoire suffisante pour nier l’existence d’un lien de causalité entre son service militaire et la blessure subie.

 

[32]           Dans MacDonald c. Canada (Procureur général), 2003 CF 1263, [2003] A.C.F. no 1645, le juge François Lemieux adopte les conclusions du juge Marc Nadon au sujet des cas qui permettent au Tribunal de rejeter une preuve :

En application de l’article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le tribunal doit accepter toute preuve non contredite que lui présente le demandeur et qu’il juge vraisemblable en l’occurrence, et il doit aussi tirer les conclusions les plus favorables possible au demandeur [voir le paragraphe 22 de ses motifs], sous la réserve qu’un tribunal peut rejeter une preuve médicale s’il avait devant lui des témoignages contradictoires, ou s’il expose des motifs qui intéressent leur crédibilité et leur plausibilité. [Non souligné dans l’original.]

 

(Voir aussi la décision Wood c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. n° 52 (1re inst.), rendue par le juge MacKay.)

 

 

 

[33]           Le Tribunal ne nie pas que les avis d’expert démontrent que le demandeur souffre d’une invalidité. Le Tribunal met toutefois en doute la base factuelle sur laquelle reposent ces avis d’expert. Le Tribunal note qu’il existait des dossiers médicaux contradictoires au sujet de l’existence d’un lien factuel entre l’invalidité et le service militaire du demandeur. Cependant, comme je l’ai mentionné précédemment, j’estime que le Tribunal a commis une erreur en accordant une force probante trop grande à ces éléments de preuve contradictoires, compte tenu de la preuve abondante qui montrait que le demandeur avait souffert de lombalgie pendant son service militaire. C’est pourquoi je ne pense pas que le Tribunal pouvait écarter les avis d’expert présentés par le demandeur pour le motif qu’ils pouvaient être contredits.

 

 

2. Le Tribunal a‑t‑il limité son pouvoir discrétionnaire en tirant ses propres conclusions médicales?

 

[34]           Le demandeur soutient que le Tribunal a écarté les conclusions de ses experts parce qu’elles contredisaient les Directives d’Anciens combattants Canada. Le demandeur prétend que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il s’est fondé sur les Directives, étant donné qu’il a outrepassé ses pouvoirs en tirant ses propres conclusions médicales sur le fondement de sa propre recherche ou de son examen, au lieu d’accepter les avis de spécialistes médicaux crédibles. Pour appuyer sa position, le demandeur fait référence aux conclusions du juge Lemieux dans MacDonald, précité, au paragraphe 24 :

En bref, le tribunal a fait une incursion en territoire interdit en tirant des conclusions médicales qui ignoraient des preuves crédibles et non contredites, alors qu’il n’avait aucune compétence médicale propre et qu’il avait la possibilité d’obtenir et de partager des avis médicaux indépendants sur les aspects qui l’embarrassaient.

 

[35]           Je ne peux souscrire à l’argument avancé par le demandeur. En l’espèce, le Tribunal n’a pas prétendu posséder une expertise médicale particulière; il s’est simplement fondé sur les Directives comme il pouvait le faire. Le Tribunal note que la Cour fédérale a confirmé dans de nombreuses décisions qu’il est légitime que le Tribunal se fonde sur les Directives médicales en raison du paragraphe 35(2) de la Loi, qui donne à ces Directives un effet législatif.

 

[36]           Le Tribunal n’a pas limité son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur les Directives plutôt que sur un avis médical. (Voir Kripps c. Canada (Procureur général), [2002] A.C.F. no 742; King c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 196.)

 

[37]           Le demandeur soutient que le Tribunal ne lui a jamais fourni les renseignements contenus dans les Directives et qu’il n’a donc pas été en mesure d’examiner cette information avec ses experts. Le demandeur soutient que cela constitue une violation de la justice naturelle. Je ne peux souscrire à l’argument du demandeur. Les Directives sont publiques et peuvent être consultées n’importe quand. En outre, le paragraphe 35(2) de la Loi mentionne expressément l’utilisation des Directives.

35 (2) Les estimations du degré d’invalidité sont basées sur les instructions du ministre et sur une table des invalidités qu’il établit pour aider quiconque les effectue.

35 (2) The assessment of the extent of a disability shall be based on the instructions and a table of disabilities to be made by the Minister for the guidance of persons making those assessments.

 

 

[38]           L’ignorance de la loi n’est pas une excuse et il n’y a pas eu violation de la justice naturelle. (Voir Corp. de l’École Polytechnique c. Canada, [2004] A.C.F. no 563, au paragraphe 32.)

 

3. La conclusion du Tribunal selon laquelle l’accident du demandeur n’est pas consécutif à son service militaire était‑elle déraisonnable?

 

[39]           Le demandeur soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en interprétant mal l’alinéa 21(3)d) de la Loi et en ne tenant pas compte de la déclaration du commandant L’heureux, lorsqu’il a conclu que le demandeur n’était pas de service au moment de l’accident survenu en 1959. L’alinéa 21(3)d) énonce ce qui suit :

21(3) Pour l’application du paragraphe (2), une blessure ou maladie — ou son aggravation — est réputée, sauf preuve contraire, être consécutive ou rattachée directement au service militaire visé par ce paragraphe si elle est survenue au cours :

 

21(3) For the purposes of subsection (2), an injury or disease, or the aggravation of an injury or disease, shall be presumed, in the absence of evidence to the contrary, to have arisen out of or to have been directly connected with military service of the kind described in that subsection if the injury or disease or the aggravation thereof was incurred in the course of

 

d) du transport du membre des forces au cours d’une permission par quelque moyen autorisé par une autorité militaire, autre qu’un moyen de transport public, entre le lieu où il exerçait normalement ses fonctions et soit le lieu où il devait passer son congé, soit un lieu où un moyen de transport public était disponible;

(d) the transportation of the member while on authorized leave by any means authorized by a military authority, other than public transportation, between the place the member normally performed duties and the place at which the member was to take leave or a place at which public transportation was available;

 

[40]           Étant donné que le demandeur n’était pas en permission, j’estime que l’alinéa 21(3)d) n’est pas applicable en l’espèce. Cela dit, je pense néanmoins que le Tribunal a commis une erreur lorsqu’il a conclu que l’accident du demandeur n’était pas lié à son service militaire parce qu’il n’était pas de service au moment de l’accident. Le Tribunal a déclaré ce qui suit au sujet de l’activité exercée par le demandeur :

[traduction]

Enfin, pour ce qui est de l’activité qu’exerçait le demandeur au moment de l’accident de mars 1959, le Tribunal conclut que le demandeur n’avait pas pris son service ce jour‑là, puisqu’il se trouvait encore dans le stationnement en train d’y stationner sa voiture. L’accident ne s’est pas produit pendant que le demandeur était de service. L’accident n’est pas attribuable ni consécutif au service du demandeur dans la Force régulière. La déclaration du commandant L’heureux n’a pas pour effet de résoudre de façon déterminante la question juridique du lien de causalité entre l’invalidité alléguée et le service. Le commandant L’heureux a fait une déclaration au sujet de l’activité qu’exerçait le demandeur, mais cette déclaration ne peut faire en sorte que les dispositions du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions (qui exigent un lien de causalité) énoncent un principe de couverture par une assurance, qui est uniquement reconnu par le paragraphe 21(1) de la Loi sur les pensions.

 

(Voir la décision du Tribunal, datée du 27 mai 2004, dossier du défendeur à la page 16.)

 

[41]           La norme de contrôle applicable à une décision du Tribunal qui porte sur la question de savoir s’il existe un lien de causalité entre l’invalidité alléguée et le service militaire est celle de la décision raisonnable (voir McTague c. Canada (Procureur général), [2000] 1 C.F. 647).

 

[42]           Pour décider s’il était raisonnable pour le Tribunal de juger que l’accident du demandeur s’était produit avant que celui‑ci n’ait pris son service pour la journée, « il ne faut pas considérer une activité isolément, mais évaluer si cette activité a été exercée dans le contexte du service militaire » (Schut c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 424).

 

[43]           En l’espèce, le Tribunal a conclu que le fait de faire une chute sur la glace dans un terrain de stationnement en se rendant au travail n’est pas un accident qui s’est produit au cours du service militaire. Je ne souscris pas à la conclusion du Tribunal. La décision qu’a prise le Tribunal d’isoler l’activité qu’exerçait le demandeur au moment de l’accident de l’accomplissement de son service militaire n’était pas raisonnable. Il peut arriver de glisser et de faire une chute sur la glace n’importe où; cependant, en l’espèce, le demandeur se rendait à son travail et se trouvait sur les lieux de son travail. Le fait de se rendre au travail est une activité qui est directement liée au service militaire.

 

[44]           En conclusion, étant donné que la décision du Tribunal au sujet de l’appréciation des éléments de preuve contradictoires était manifestement déraisonnable et que sa décision au sujet de l’activité exercée par le demandeur était déraisonnable, il est fait droit à la présente demande de contrôle judiciaire. La décision du Tribunal doit être annulée et l’affaire renvoyée pour nouvel examen à une autre formation du Tribunal, en conformité avec les présents motifs.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

·         la demande de contrôle judiciaire est accordée;

·         la décision du Tribunal est annulée et l’affaire renvoyée pour nouvel examen à une autre formation du Tribunal, en conformité avec les présents motifs.

 

 

 

 

 

« Pierre Blais »

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑545‑05

 

 

INTITULÉ :                                       DONALD G. WANNAMAKER

                                                            c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 7 FÉVRIER 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 30 MARS 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Craig Morrison                         POUR LE DEMANDEUR

Angela Habraken

 

Elizabeth Richards                                POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jewitt Morrison & Associates               POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.