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Date : 20060601

Dossier : IMM‑2669‑06

Référence : 2006 CF 672

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

LAI CHEONG SING

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]      Une ordonnance judiciaire sursoyant à l’exécution d’une mesure de renvoi exécutoire est une mesure interlocutoire. Le renvoi étant la règle générale, une telle ordonnance n’est pas accordée aisément. Pour obtenir un sursis, le demandeur doit satisfaire aux conditions qui sont bien établies dans la jurisprudence. Même s’il a gain de cause, le sursis est temporaire : il reste en vigueur jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande d’autorisation relative à un contrôle judiciaire et (si cette autorisation est accordée) jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire.

 

[2]      M. Lai demande un sursis à l’exécution de son renvoi, fixé au 2 juin 2006. Sa demande principale a trait à la décision défavorable rendue à la suite d’un examen des risques avant renvoi (l’ERAR) effectué en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Conformément au critère à trois volets établi dans Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.) (Toth), M. Lai doit démontrer :

(i)            qu’il y a une question sérieuse à juger;

(ii)          qu’il subirait un préjudice irréparable si un sursis n’était pas accordé;

(iii)         que la prépondérance des inconvénients est favorable au sursis.

Le critère étant conjonctif, ses trois volets doivent être démontrés.

 

Le contexte

[3]      M. Lai est un citoyen chinois. En 1999, les autorités chinoises ont reçu des renseignements d’une source gardée secrète concernant une opération de contrebande se déroulant à Xiamen, dans le Sud de la Chine. Elles ont formé une équipe pour enquêter sur cette allégation et elles auraient découvert une opération de contrebande d’envergure dirigée par M. Lai et par son épouse (Mme Tsang) par l’entremise de leur groupe de sociétés, Yuan Hua. Une grande partie de l’enquête a consisté à détenir et à interroger des employés des sociétés Yuan Hua et différents fonctionnaires. Des accusations ont été portées contre de nombreuses personnes; plusieurs d’entre elles ont été reconnues coupables et certaines ont été exécutées à cause de leur implication dans l’opération.

 

[4]      M. Lai, Mme Tsang et leurs enfants ont quitté la Chine et sont entrés au Canada en août 1999, avant que l’enquête ne soit terminée. La famille a revendiqué le statut de réfugié en juin 2000. M. Lai et Mme Tsang sont recherchés en Chine en vertu de documents équivalant à des mandats d’arrêt.

 

[5]      La revendication d’asile a été entendue sous le régime de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑22 (l’ancienne loi), par la Section du statut de réfugié (la SSR); l’audition s’est étendue sur 45 jours. Le ministre, qui est intervenu et a produit une preuve à l’audience, prétendait qu’il y avait des raisons sérieuses de penser que M. Lai et Mme Tsang avaient commis des crimes graves de droit commun avant d’entrer au Canada (notamment la corruption, la contrebande, la fraude et l’évasion fiscale), de sorte que l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention) s’appliquait. Le ministre demandait en outre à la SSR de conclure que le couple et ses enfants n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention parce qu’il n’y avait aucun lien entre la persécution qu’ils disaient craindre et les motifs sur lesquels leur crainte était fondée.

 

[6]        Une preuve abondante a été présentée et entendue au cours de l’audience. Le ministre a notamment produit une note diplomatique émanant de la République populaire de Chine, dans laquelle le gouvernement chinois donne l’assurance que M. Lai et Mme Tsang ne seront pas condamnés à la peine de mort par un tribunal pénal chinois et ne seront pas soumis à la torture ou à d’autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants s’ils retournent en Chine.

 

[7]        La SSR a considéré que M. Lai et Mme Tsang étaient exclus de la définition de « réfugié au sens de la Convention » parce qu’il y avait des raisons sérieuses de penser qu’ils avaient commis des crimes graves de droit commun en dehors du Canada avant leur admission dans ce pays (alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention). Elle a conclu qu’aucun des membres de la famille Lai n’était inclus dans la définition de « réfugié au sens de la Convention » parce que ce qu’ils craignaient s’ils retournaient en Chine n’était pas de la persécution pour un motif prévu dans la définition.

 

[8]        Une demande de contrôle judiciaire visant la décision de la SSR a été rejetée : Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 179. La Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel concernant cette décision : Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration) (2005), 332 N.R. 344 (C.A.F.). L’autorisation de pourvoi à la Cour suprême a ensuite été refusée : [2005] S.C.C.A. No 298.

 

[9]        Le 12 octobre 2005, un employé de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a donné à M. Lai et Mme Tsang la possibilité de demander un ERAR. Ils ont accepté tout en faisant valoir que leurs demandes ne devaient être pas examinées par le ministre (par l’un de ses représentants en pratique). Ils ont présenté une demande de contrôle judiciaire, alléguant que, compte tenu des circonstances uniques de leur cas, laisser le ministre statuer sur les demandes d’ERAR créait une crainte raisonnable de partialité. La crainte raisonnable de partialité en question résultait apparemment de la [traduction] « décision effective » du ministre, fondée sur les assurances diplomatiques de la Chine qu’il avait invoquées en défense à l’audience concernant le statut de réfugié. Cette demande a été rejetée au motif qu’elle était prématurée : Lai c. Canada, 2006 CF 473.

 

[10]      Le 10 novembre 2005, M. Lai a présenté sa demande d’ERAR afin d’obtenir la protection prévue au paragraphe 97(1) de la LIPR. Il prétendait qu’il était une personne à protéger. De nombreux éléments de preuve documentaire, de longues observations et des observations additionnelles ont été produits. Le paragraphe 97(1) de la LIPR prévoit :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

Immigration Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

[11]      La demande d’ERAR constitue la première occasion de déterminer si M. Lai est une personne à protéger comme il le prétend. La SSR n’avait pas la compétence nécessaire pour examiner le risque de torture ou de traitements cruels ou inhumains, sauf dans la mesure où il s’agissait de persécution visée par la définition de « réfugié au sens de la Convention ». Grâce aux « motifs regroupés » contenus dans la LIPR – qui est entrée en vigueur le 28 juin 2002 – la Section de la protection des réfugiés (la SPR) peut maintenant examiner ce type de risque à l’extérieur des paramètres de la définition de « réfugié au sens de la Convention ».

 

La décision

[12]      Dans une décision de plus de 40 pages, l’agente d’ERAR a analysé en profondeur la preuve dont elle disposait. Elle a conclu que M. Lai n’était pas une personne à protéger et qu’il n’était pas probable qu’il soit exposé à une menace à sa vie, au risque d’être soumis à la torture ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il retournait en Chine. M. Lai soutient cependant que cette décision contient plusieurs erreurs importantes qui doivent être examinées par la Cour.

 

La question sérieuse

[13]      Le sens de l’expression « question sérieuse » est tiré des arrêts rendus par la Cour suprême du Canada dans Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 (Metropolitan), et RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 (RJR‑MacDonald). Sous réserve de deux exceptions qui ne s’appliquent pas en l’espèce, l’expression « question sérieuse » signifie que la demande n’est ni futile ni vexatoire. Les exigences minimales ne sont pas élevées et appellent un examen préliminaire du fond de l’affaire. Une fois convaincu que la demande n’est ni futile ni vexatoire, le juge des requêtes doit examiner les deuxième et troisième volets du critère. Il n’est généralement ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l’affaire : RJR‑MacDonald, aux pages 335, 337 et 338.

 

[14]      Quoique M. Lai soutienne qu’il y a plusieurs erreurs dans les motifs de l’agente d’ERAR, une seule suffit pour les besoins de la présente requête. À mon avis, M. Lai a démontré l’existence d’une question sérieuse.

 

[15]      Les assurances données par le gouvernement chinois font l’objet d’un important débats. Le ministre fait valoir que la conclusion expresse de l’agente d’ERAR selon laquelle [traduction] « le gouvernement [chinois] est en mesure de veiller à ce que la note diplomatique soit pleinement respectée, en d’autres termes, qu’aucun des demandeurs (M. Lai ou Mme Tsang) ne soit condamné à la peine de mort ou à la peine de mort avec sursis », est bien fondée et inattaquable. Selon le ministre, l’agente d’ERAR a tenu compte de tous les facteurs pertinents pour arriver à sa conclusion et M. Lai conteste essentiellement le poids accordé à la preuve.

 

[16]      M. Lai est d’un autre avis. Il prétend que l’analyse était déficiente pour diverses raisons. L’une de ces raisons découle des commentaires formulés par la Cour suprême du Canada dans Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3 (Suresh), relativement à la certification d’une question par la Cour fédérale dans cette affaire.

 

[17]      On fait référence au passage suivant figurant au paragraphe 124 de Suresh :

Il est peut‑être utile d’ajouter quelques remarques sur les assurances obtenues. Il faut établir une distinction entre les assurances selon qu’elles sont fournies par un État qui promet de ne pas appliquer la peine de mort (conformément à un processus légal) ou par un État qui promet de ne pas avoir recours à la torture (un processus illégal). Nous tenons à souligner le problème que crée le fait d’accorder trop de poids à l’assurance donnée par un État qu’il n’aura pas recours à la torture à l’avenir, alors que par le passé il s’y est livré illégalement ou a permis que d’autres s’y livrent sur son territoire. Ce problème est exacerbé dans les cas où la torture n’est pas infligée seulement avec l’accord tacite de l’État, mais aussi à cause de son incapacité à contrôler la conduite de ses représentants. D’où la nécessité de distinguer les assurances portant sur la peine de mort de celles portant sur la torture, les premières étant plus faciles à contrôler et généralement plus dignes de foi que les secondes.

 

 

[18]      Une foule de questions concernant les conclusions tirées par l’agente d’ERAR relativement à la surveillance, à la distinction entre les assurances relatives à la peine de mort et celles concernant la torture et à l’utilisation appropriée des documents portant sur les conditions dans le pays, entre autres, ont été débattues. M. Lai prétend que l’agente d’ERAR a analysé les documents concernant les conditions dans le pays – dans la mesure où elle l’a fait – uniquement en fonction de personnes se trouvant dans la même situation que lui (des individus impliqués dans l’opération de contrebande). Il soutient qu’elle aurait dû tenir compte des conditions générales existant dans le pays, en particulier en ce qui a trait à la torture. Le ministre prétend le contraire. C’est ici que se pose la question de la certification d’une question.

 

[19]      Il convient de faire quelques observations sur la certification d’une question. Sous le régime de la LIPR, une décision définitive de la Cour fédérale ne peut faire l’objet d’un appel que si le juge saisi de la demande certifie une question. Par contre, les décisions interlocutoires ne sont pas susceptibles d’appel. Le droit est bien établi en ce qui a trait à la certification d’une question. Pour être certifiée, une question doit être grave et de portée générale. Elle doit transcender les intérêts des parties en cause et être déterminante quant à l’issue de l’appel : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Liyanagamage (1994), 176 N.R. 4 (C.A.F.); Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 318 N.R. 365 (C.A.F.).

 

[20]      L’ordonnance par laquelle le juge MacKay a rejeté la demande de contrôle judiciaire de M. Lai concernant la décision de la SSR renfermait notamment la question certifiée suivante :

[traduction]

Est‑ce que larrêt de la Cour suprême Suresh c. M.C.I., [2002] 1 R.C.S. 3, exigeant une évaluation distincte des assurances fournies par un État étranger qui promet de ne pas torturer les ressortissants renvoyés, sapplique dans les situations où il y a certaines preuves dun recours général à la torture au sein de l’État étranger, ou seulement dans les situations où il y a des preuves raisonnables indiquant quon a recours à la torture dans des causes similaires?

 

 

[21]      En appel, la Cour d’appel fédérale a refusé de répondre à la question. Celle‑ci ne se posait pas à l’égard de l’exclusion ni à l’égard de l’inclusion parce que, dans ce dernier cas, aucun lien entre la crainte de persécution et un motif prévu par la Convention n’avait été établi. Aussi, toute réponse à la question serait théorique. La Cour d’appel a dit au paragraphe 94 de ses motifs :

Évidemment, la présente procédure ne constitue pas la fin du processus de contrôle pour les appelants. La prochaine procédure est l’« évaluation du risque avant le renvoi » aux termes de l’article 112 de la nouvelle Loi, où l’on pourra examiner de manière approfondie la question de la torture et des assurances diplomatiques, ainsi que toute nouvelle preuve pertinente que l’on pourrait produire. Il convient également de signaler que les appelants peuvent présenter au ministre une demande en vue de demeurer au Canada pour des raisons d’ordre humanitaire, en vertu des principes exposés au paragraphe 25(1) de la nouvelle Loi. La décision de la Commission visée dans le présent appel n’entrave aucunement le ministre lorsqu’il examine une demande visée à l’article 112 ou fondée sur des raisons d’ordre humanitaire.

 

 

[22]      M. Lai soutient que la question certifiée énoncée ci‑dessus se pose clairement en l’espèce et qu’elle exige une réponse. Le ministre ne laisse pas entendre sérieusement le contraire. Compte tenu de la nature d’une question certifiée et des exigences minimales relatives à l’existence d’une « question sérieuse », je conclus que M. Lai a démontré qu’une telle question existait.

 

Le préjudice irréparable

[23]      M. Lai soutient que, si sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision relative à l’ERAR soulève une question sérieuse, il risque de subir un préjudice irréparable s’il est renvoyé en Chine avant que cette demande ne soit tranchée. Il affirme en outre que les tribunaux ont déjà statué qu’une fois qu’une personne est renvoyée, la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision rendue relativement à l’ERAR devient théorique. On dit que la perte du recours juridique que la personne aurait eu si elle n’avait pas été renvoyée crée un préjudice irréparable.

 

[24]      Les ministres soutiennent pour leur part que la possibilité que la procédure d’autorisation et de contrôle judiciaire devienne théorique ne crée pas un préjudice irréparable. Quoi qu’il en soit, on ne peut que supposer que la procédure d’autorisation et de contrôle judiciaire de M. Lai deviendra théorique puisque la Cour conserve son pouvoir discrétionnaire d’entendre des questions qui sont techniquement théoriques et qu’elle peut décider d’instruire une demande de contrôle judiciaire visant la décision relative à un ERAR même si un sursis a été refusé.

 

[25]      Je conviens avec les défendeurs que la simple existence d’une question sérieuse découlant d’un ERAR n’est pas systématiquement déterminante quant à la question du préjudice irréparable. En outre, une demande devenue théorique n’équivaut pas toujours à un préjudice irréparable : El Ouardi c. Canada (Solliciteur général) (2005), 332 N.R. 76 (C.A.F.). Il y aura cependant des cas où la question sérieuse créera une présomption de préjudice irréparable : Onojaefe c. Minister of Citizenship and Immigration, IMM‑2294‑06. Les allégations de préjudice irréparable ne doivent pas reposer sur des suppositions et doivent être crédibles : Xu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 1634; Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 325; Atakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 68 F.T.R. 122 (C.F. 1re inst.).

 

[26]      En l’espèce, il n’est pas contesté que le gouvernement chinois veut que M. Lai soit renvoyé en Chine. On ne laisse pas entendre qu’il sera renvoyé au Canada si sa demande principale est accueillie.

 

[27]      La question des assurances est au cœur du débat. Outre les assurances, le dossier renferme des éléments de preuve crédibles démontrant qu’il existe une menace sérieuse à la vie ou à la sécurité. S’il était renvoyé maintenant, M. Lai serait exposé au risque qu’il allègue et qui, selon lui, n’a pas été correctement évalué par l’agente d’ERAR. J’estime que la preuve d’un préjudice irréparable a été faite.

 

La prépondérance des inconvénients

[28]      M. Lai soutient que, comme il a fait la preuve d’une question sérieuse et d’un préjudice irréparable, la prépondérance des inconvénients lui est favorable. Il n’a pas été reconnu coupable d’une infraction criminelle, il ne reçoit pas de prestations d’aide sociale et il ne constitue pas un danger pour le public ou la sécurité.

 

[29]      Les ministres soutiennent de leur côté que la Cour doit tenir compte de l’intérêt que porte le public à l’application des lois qui ont été adoptées pour le bien public par des assemblées législatives démocratiquement élues. La LIPR exige que le ministre de la Sécurité publique applique les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que les intérêts d’une personne l’emporteront sur l’intérêt public.

 

[30]      Je sais que le ministre est tenu par la loi d’appliquer les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent. M. Lai a été frappé par une mesure de renvoi seulement lorsque la décision défavorable concernant l’ERAR a été rendue. L’ERAR a été la première occasion d’évaluer les risques auxquels M. Lai serait exposé et n’avait jamais fait l’objet d’un contrôle jusqu’à la présente requête. Compte tenu des circonstances et, en particulier, de l’existence d’une question sérieuse et du préjudice irréparable allégué, les intérêts de M. Lai et l’équité l’emportent sur la directive prévue à l’article 48 de la LIPR. Par conséquent, la prépondérance des inconvénients est favorable à M. Lai.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête soit accueillie. Il est sursis à l’exécution du renvoi de M. Lai jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa demande d’autorisation relative au contrôle judiciaire et, si l’autorisation est accordée, jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

« Carolyn Layden‑Stevenson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM‑2669‑06

 

 

INTITULÉ :                                                               LAI CHEONG SING

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION et

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 31 MAI 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 1ER JUIN 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas                                                                 POUR LE DEMANDEUR

 

Esta Resnick                                                                 POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Matas                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LES DÉFENDEURS

Sous‑procureur général du Canada

 

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