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Date : 20050217

Dossier : IMM-10366-03

Référence : 2005 CF 261

Ottawa (Ontario), le 17 février 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

IDRIZ BAJRAKTARAJ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Bajraktaraj est un Kosovar de vingt-huit ans (né dans l'ancienne Yougoslavie) d'origine ethnique albanaise. Il prétend avoir raison de craindre d'être persécuté du fait de ses opinions politiques en tant qu'adhérent de la Ligue démocratique du Kosovo (la LDK) qui a refusé de joindre l'Armée de libération du Kosovo (l'UCK). Il s'agit de sa demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés qui a conclu qu'il n'y avait pas de fondement subjectif ou objectif à la demande. Je ne puis trouver aucun motif me permettant de modifier cette décision et je rejetterai la demande pour les motifs énoncés ci-dessous.


[2]                M. Bajraktaraj est né et a grandi à Istog. En mai 1995, il s'est caché afin d'éviter d'être enrôlé par l'armée yougoslave, mais en août de la même année, il a commencé à fréquenter l'université à Prishtina. Il a également joint la LDK vers cette époque et il a assisté à leurs réunions en soirée. Lors de son témoignage, il a prétendu qu'il avait été nommé vice-président de la LDK à Istog après sa première année d'université. La LDK partageait sans doute les objectifs politiques de l'UCK, mais elle préférait suivre une approche modérée et non violente pour atteindre ces objectifs.

[3]                Lorsque la guerre a à nouveau éclaté en 1998, M. Bajraktaraj a interrompu ses études et est retourné à Istog. Il allègue qu'on lui a demandé de joindre l'UCK au cours de cette période mais qu'il a refusé. En juillet 2000, il a déménagé à Peje pour être près de son père malade. Sa soeur l'a informé que l'UCK était venue le chercher à quatre ou cinq reprises, désirant qu'il se joigne au combat en Serbie et en Macédoine.

[4]                M. Bajraktaraj a décidé de quitter le Kosovo. Il a été sorti clandestinement vers l'Albanie en septembre 2000 et il est ensuite passé par l'Italie, la France et l'Angleterre. Il est arrivé au Canada le 14 juin 2001 et il a demandé l'asile cinq jours plus tard.


[5]                La Commission a conclu, premièrement, qu'il n'y avait pas de raison objective pour M. Bajraktaraj de craindre d'être persécuté au Kosovo du fait que la situation du pays avait changé depuis son départ. Deuxièmement, la Commission a conclu qu'il y avait des problèmes de crédibilité en rapport avec l'élément subjectif de la demande. Elle cite des omissions importantes dans son formulaire de renseignements personnels (le FRP), notamment la prétention selon laquelle M. Bajraktaraj était le vice-président de la LDK à Istog. La Commission a également conclu qu'il était invraisemblable que l'UCK ait tenté de recruter quelqu'un qui était en aussi bonne position dans la LDK que le demandeur prétendait être, en particulier du fait que la LDK appuyait l'UCK et que, si de telles tentatives avaient eu lieu, il était invraisemblable que le demandeur ne les ait pas signalées à la direction de la LDK.

[6]                La Commission a conclu que le demandeur avait fait la quête du meilleur pays d'asile parce qu'il n'avait pas fait de demande pendant un séjour de neuf mois en Italie. Il s'agissait d'une erreur factuelle puisque M. Bajraktaraj avait en réalité passé ce temps en Albanie et seulement une journée en Italie.


[7]                Le demandeur fait valoir que la question fondamentale à résoudre dans la présente instance est celle de savoir si la Commission a mal interprété les éléments de preuve objectifs relativement à la situation du pays au Kosovo. Il invoque plusieurs publications dans le dossier certifié du tribunal qui réfèrent à la violence continue au Kosovo, suivant l'intervention des forces de rétablissement de la paix, dont notamment le meurtre du maire d'Istog, lequel était également le président de la LDK dans cette ville. M. Bajraktaraj soutient également que la Commission n'a pas correctement apprécié la demande d'asile au regard des motifs d'ensemble et qu'elle n'a pas tranché de manière adéquate la question de savoir s'il y aurait des risques pour lui personnellement, et non en général, s'il retournait au Kosovo.

[8]                Comme le défendeur le souligne, les éléments de preuve documentaire n'ont pas démontré que l'ancienne UCK, maintenant convertie en une forme d'organisation de protection civile, était responsable des incidents de violence décrits dans les publications mises en évidence par le demandeur. Les sources objectives faisant le plus autorité qui ont été invoquées, dont notamment le rapport du Département d'État, appuyaient la conclusion de la Commission selon laquelle le niveau de violence avait diminué et que ce qui continuait n'avait aucun lien avec les divergences sur le plan politique. En fait, le rapport du Département d'État mentionne, à la page 25, que bien que le niveau de violence, en général, ait été réduit, les meurtres de Kosovars albanais qui s'étaient produits étaient principalement liés aux rivalités familiales et économiques ainsi qu'aux activités criminelles.

[9]                En effet, le demandeur souhaite que la Cour apprécie à nouveau les éléments de preuve documentaires en sa faveur. Ce n'est pas le rôle de la Cour en l'espèce. De toute façon, la qualité des sources invoquées par le demandeur, dont notamment un article écrit par un prêtre serbe, qui n'est guère un observateur objectif, et un extrait téléchargé d'une encyclopédie en ligne, Wikipedia, laquelle ne donnait aucune référence relativement à son contenu, n'a pas impressionné.

[10]            L'appréciation de la part de la Commission de la situation actuelle au Kosovo était, à mon avis, très fouillée et n'a pas faussé, comme le prétend le demandeur, l'appréciation qu'elle a faite de sa crédibilité. Les omissions du FRP étaient particulièrement troublantes pour la Commission. La clé était le fait que le demandeur n'ait pas mentionné dans son FRP qu'il avait occupé un quelconque poste officiel dans la LDK. Cette contradiction lui a été signalée lors de l'audience mais la Commission a conclu, et la transcription le confirme (aux p. 349 à 351, 364 et 365), qu'il n'avait pas fourni une explication raisonnable. D'autres contradictions lui ont également été signalées, auxquelles il n'a pas été en mesure de répondre de manière satisfaisante (aux p. 352 et 359 à 362).

[11]            M. Bajraktaraj fait valoir que, même si on a conclu qu'il n'était pas entièrement crédible, la Commission devait néanmoins examiner la question de savoir si les autres éléments de preuve établissaient tout de même le risque de persécution : Sinko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1181, et Kwiatkowsky c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1982] 2 R.C.S. 856.


[12]            La crainte alléguée par M. Bajraktaraj était entièrement liée à sa prétention selon laquelle l'UCK, dans sa forme actuelle, le persécuterait pour ne pas l'avoir appuyée dans le passé. La Commission a conclu, et je ne vois aucune raison de modifier cette conclusion, qu'il n'y avait aucun fondement raisonnable à cette prétention. Le demandeur n'attirerait pas particulièrement l'attention, du fait de son implication politique en tant qu'étudiant, s'il retournait dans son pays d'origine. Les exemples fournis dans la preuve documentaire, relativement aux cibles d'actes de violence qui peuvent être liés à la politique, concernaient des personnes qui sont beaucoup plus en vue.

[13]            À mon avis, l'erreur que la Commission a commise en référant au « séjour » de neuf mois du demandeur en Italie, pour illustrer sa conclusion selon laquelle il avait fait la quête du meilleur pays d'asile, n'était pas pertinente relativement à l'issue de sa demande. L'avocat a fait valoir, et je l'accepte, qu'on ne séjourne pas facilement en Albanie. Pourtant, il est clairement ressorti de la preuve que le demandeur est passé par l'Italie, la France et l'Angleterre lorsqu'il est venu au Canada et que les raisons pour lesquelles il n'a pas demandé l'asile dans ces pays étaient principalement économiques. Il pensait pouvoir trouver un meilleur emploi ici.

[14]            Aucune question n'a été proposée et aucune ne sera certifiée.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

« Richard G. Mosley »

    Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                    IMM-10366-03

INTITULÉ :                                                                   IDRIZ BAJRAKTARAJ

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 16 FÉVRIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                  LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                                                 LE 17 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

Allan S. Blott, c.r.                                                            POUR LE DEMANDEUR

Ann Margaret Oberst                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Allan S. Blott, c.r.                                                            POUR LE DEMANDEUR

& Associates

Toronto, Ontario

John H. Sims, c.r.                                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


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