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Date : 20050531

Dossier : T-816-04

Référence : 2005 CF 771

ENTRE :

                                      PIÈCES D'AUTOS USAGÉES RTA (1986) INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                      défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE de MONTIGNY

[1]                Il s'agit d'un appel en application des articles 81.24 et 81.28 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C., 1985, ch. E-15 (la Loi), d'une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) du 21 avril 2004 (la décision), dans laquelle le Tribunal a rejeté la demande de remboursement du paiement en trop de taxe d'accise présentée par la demanderesse.

Le contexte


[2]                La demanderesse, Pièces d'autos usagées RTA (1986) Inc. (Pièces d'auto), importe des véhicules endommagés sans espoir de réparation. Les véhicules ne sont pas importés pour être utilisés tels quels ou revendus comme véhicules pouvant être utilisés sur les routes. La demanderesse extrait des véhicules les pièces récupérables puis vend la carcasse, de même que les pièces irrécupérables, à des ferrailleurs qui les déchiquettent.

[3]                Les articles en litige comprennent un compresseur, un condenseur, un évaporateur et des tuyaux qui, ensemble, sont qualifiés de climatiseur.

[4]                La demanderesse a payé une taxe d'accise de 100 $ pour chaque climatiseur se trouvant dans les véhicules, conformément à l'article 7 de l'annexe I de la Loi.

[5]                La demanderesse prétend que les composantes des climatiseurs sont tellement endommagées que ceux-ci ne peuvent plus fonctionner comme systèmes de conditionnement d'air ou bien qu'il n'est pas rentable de les récupérer et de les vendre.

[6]                Le 10 juin 1997, la demanderesse a déposé une demande de remboursement de taxe d'accise de 129 042 $ pour le paiement en trop de la taxe d'accise de 100 $ visant chacun des véhicules importés par la demanderesse.

[7]                Le 18 janvier 1999, la défenderesse a émis un avis de détermination rejetant la demande de remboursement de la demanderesse. L'explication de la détermination, plutôt laconique, se lit comme suit :

[TRADUCTION] Les véhicules que vous importez sont considérés comme étant potentiellement utilisables sur la route ou leurs pièces peuvent être vendues selon plusieurs postes tarifaires du chapitre 87 du Tarif des douanes, incluant le climatiseur; la taxe d'accise doit donc être payée.

[8]                Le 16 février 1999, la demanderesse a déposé un avis d'opposition. Encore une fois, elle a souligné que les véhicules importés sont clairement décrits sur les documents de douane comme [traduction] « véhicules endommagés utilisables pour les pièces seulement » . De plus, le « Salvage Certificate » ([traduction] « certificat de récupération » ) de l'État d'où les véhicules sont importés porte l'estampille « for parts only. Vehicle cannot be re-titled » ([traduction] « pour les pièces seulement. Le véhicule ne peut être immatriculé de nouveau » ). La demanderesse ajoute que les climatiseurs ne peuvent être récupérés parce que le démantèlement complet de la totalité ou de la majorité des composantes est [traduction] « complexe et non économique » . Pour cette raison, elle soutient que ces climatiseurs sont tout simplement connexes aux véhicules achetés pour être envoyés à la ferraille et qu'ils ne sont pas destinés à la vente ou à un usage commercial en tant que tels.

[9]                Le 22 août 2002, un avis de décision a été émis; il confirmait la détermination du 18 janvier 1999. Voici un extrait pertinent dudit avis :

Les paragraphes 23(1) et (2) de la Partie III de la Loi sur la taxe d'accise imposent une taxe d'accise sur les climatiseurs, des marchandises énumérées à l'Annexe I. Il s'agit d'une taxe spécifique de $100 payable au moment de l'importation, par l'importateur, conformément aux susdits paragraphes et à l'article 7 de l'Annexe I.

La Loi sur la taxe ne contient aucune exemption de la taxe d'accise à l'égard des climatiseurs des véhicules usagés ou endommagés, acquis pour la revente en pièces détachées.


[10]            Le 8 octobre 2002, la demanderesse a interjeté appel de la décision devant le Tribunal. L'avocat de la demanderesse a soutenu que les conditions d'imposition de la taxe prévues à l'article 7 de l'annexe I ne s'appliquaient pas aux opérations en cause parce que : 1) les biens en cause n'étaient pas des climatiseurs tels que décrit à l'article 7, 2) les biens visés n'étaient pas de l'équipement installé en permanence comme l'exige l'alinéa 7b) de l'annexe I de la Loi et 3) les biens dans lesquels se trouvaient les « climatiseurs » au moment de l'importation n'étaient pas des « automobiles » au sens où l'on entend habituellement ce terme.

[11]            Dans sa décision du 21 avril 2004, le Tribunal a rejeté la plainte de la demanderesse. C'est la décision qui fait l'objet du présent appel.

La décision du Tribunal


[12]            Dans sa décision, le Tribunal a admis avec la demanderesse que l'article 7 de l'annexe I de la Loi définit un critère en trois parties qu'il faut respecter afin que la taxe soit applicable; cependant, il a rejeté les arguments de Pièces d'auto à l'égard de chacun de ces trois points. En ce qui concerne la première partie du critère, à savoir que les pièces doivent être « conçu[e]s pour être installé[e]s dans les automobiles, les familiales, les fourgonnettes ou les camions » , le Tribunal a conclu que ce critère ne porte pas sur la question de savoir si les climatiseurs étaient fonctionnels ou effectivement utilisés dans les automobiles, les familiales, les fourgonnettes ou les camions au moment de l'importation, mais plutôt s'ils avaient été conçus pour cette utilisation. Selon le Tribunal, le fait que les climatiseurs en cause avaient été conçus spécifiquement pour être installés dans les véhicules et qu'ils ne conviennent à aucune autre utilisation constituait le point essentiel.

[13]            Le Tribunal était également convaincu, en se fondant sur la preuve, que les climatiseurs en cause étaient « installés en permanence » dans les véhicules, ce qui satisfait la deuxième partie du critère. Le simple fait que les climatiseurs puissent être retirés ne les distinguait pas, de l'avis du Tribunal, d'autres marchandises « installées en permanence » . Évoquant de nouveau la preuve, le Tribunal a jugé particulièrement convaincant le fait que les marchandises avaient été conçues et installées pour la durée de vie des véhicules, ce qui, à son avis, était une indication claire de la permanence de leur installation.

[14]            Enfin, le Tribunal jugeait que les articles hôtes dans lesquels les climatiseurs étaient importés sont des véhicules, même si ces derniers avaient été mis hors d'état de marche et ne pouvaient plus fonctionner comme moyens de transport. Selon le Tribunal, le langage courant et le langage utilisé dans l'industrie, associent tous les deux les automobiles endommagées au terme « véhicule » et un véhicule ne cesse pas d'être un véhicule dans le sens simple et ordinaire du terme quand il n'est plus en état de marche.

Les questions en litige

[15]            La demanderesse soulève deux questions dans le présent appel :

1.          Est-ce que les climatiseurs ont été importés comme des pièces installées en permanence dans les véhicules?


2.          Est-ce que les véhicules importés par la défenderesse sont des « véhicules » au sens de l'article 7 de l'annexe I de la Loi?

Les dispositions législatives pertinentes

[16]            Voici le libellé de l'article 81.24 de la Loi sur la taxe d'accise :

81.24 Toute partie à un appel entendu par le Tribunal en vertu de l'article 81.19, 81.21, 81.22 ou 81.23 peut, dans un délai de cent vingt jours suivant la date d'envoi de la décision du Tribunal, en appeler de cette décision à la Cour fédérale.

81.24 Any party to an appeal to the Tribunal under section 81.19, 81.21, 81.22 or 81.23 may, within one hundred and twenty days after the day on which the decision of the Tribunal is sent to that party, appeal the decision to the Federal Court.

[17]            L'alinéa 81.28(1)b) de la Loi indique comment un appel d'une personne autre que le ministre, en application de l'article 81.24, peut être interjeté devant la Cour fédérale :

81.28 (1) Un appel à la Cour fédérale en vertu des articles 81.2, 81.22 ou 81.24 doit être interjeté :

a) dans le cas d'un appel interjeté par une personne, autre que le ministre, de la manière énoncée à l'article 48 de la Loi sur les Cours fédérales;

b) dans le cas d'un appel interjeté par le ministre, de la manière prévue par les règles établies conformément à cette loi pour l'introduction d'une action.

81.28(1) An appeal to the Federal Court under section 81.2, 81.22 or 81.24 shall be instituted

a) in the case of an appeal by a person, other than the Minister, in the manner set out in section 48 of the Federal Courts Act.

(b) in the case of an appeal by the Minister, in the manner provided by the rules made under the Federal Courts Act for the commencement of an action.

[18]            Le paragraphe 81.28(3) de la Loi énonce la procédure à suivre dans le cas d'un appel :

81.28 (3) Un appel à la Cour fédérale en vertu de la présente partie est réputé être une action devant celle-ci à laquelle la Loi sur les Cours fédérales et les règles établies conformément à cette loi s'appliquent comme pour une action ordinaire... [sous réserve d'exceptions qui ne s'appliquent pas en l'espèce].

81.28 (3)An appeal to the Federal Court under this Part is deemed to be an action in the Federal Court to which the Federal Courts Act and the rules made under that Act applicable to an ordinary action apply¼[subject to exceptions which are not relevant here].

[19]            Le paragraphe 23(1) de la Loi frappe d'une taxe d'accise les marchandises mentionnées aux annexes I et II de la Loi :

23. (1) Sous réserve des paragraphes (6) à (8), lorsque les marchandises énumérées à l'annexe I sont importées au Canada, ou y sont fabriquées ou produites, puis livrées à leur acheteur, il est imposé, prélevé et perçu, outre les autres droits et taxes exigibles en vertu de la présente loi ou de toute autre loi, une taxe d'accise sur ces marchandises, calculée selon le taux applicable figurant à l'article concerné de cette annexe. Lorsqu'il est précisé que ce taux est un pourcentage, il est appliqué à la valeur à l'acquitté ou au prix de vente, selon le cas.

23. (1) Subject to subsections (6) to (8), whenever goods mentioned in Schedule I are imported or are manufactured or produced in Canada and delivered to a purchaser of those goods, there shall be imposed, levied and collected, in addition to any other duty or tax that may be payable under this or any other law, an excise tax in respect of the goods at the applicable rate set out in the applicable section of that Schedule, computed, if that rate is specified as a percentage, on the duty paid value or the sale price, as the case may be.

[20]            Voici le libellé de l'article 7 de l'annexe I :

7. Les climatiseurs conçus pour être installés dans les automobiles, les familiales, les fourgonnettes ou les camions, qu'ils soient :

a) ou bien distincts;

b) ou bien inclus à titre d'équipement installé en permanence dans ces véhicules au moment de la vente ou de l'importation par le fabricant ou l'importateur, selon le cas, cent dollars.

Pour l'application du présent article et de l'article 8, une unité d'évaporation destinée à entrer dans la fabrication de climatiseurs conçus pour être installés dans les automobiles est réputée être un climatiseur décrit dans le présent article sauf lorsqu'elle est utilisée pour fins de réparations ou de remplacement.

7. Air conditioners designed for use in automobiles, station wagons, vans or trucks whether

(a) separate, or

(b) included as permanently installed equipment in an automobile, station wagon, van or truck at the time of sale or importation of the vehicle by the manufacturer or importer thereof, as the case may be, one hundred dollars

and, for purposes of this section and section 8, an evaporator unit designed for use with or as part of an automotive type air conditioning system shall be deemed to be an air conditioner described in this section except where the evaporator unit is used for repair or replacement purposes.

Analyse

[21]            Les parties ont convenu que les éléments de preuve et les pièces qui ont été soumis au Tribunal, y compris le témoignage de M. Raymond Burke, directeur général de Pièces d'auto, constituent la preuve dont je suis saisi.

[22]            La première question en litige est la norme de contrôle judiciaire en fonction de laquelle la décision du Tribunal sera évaluée. Il s'agit essentiellement de retrouver l'intention du législateur dans la loi créant le Tribunal dont la décision est contrôlée. En d'autres termes, je dois me demander si, et dans quelle mesure, le Parlement a voulu protéger la décision contestée du contrôle judiciaire des tribunaux.

[23]            De façon répétée, la Cour d'appel fédérale a soutenu que la norme de la décision raisonnable simpliciter est la norme pertinente de contrôle de décisions du Tribunal dans les appels de classifications tarifaires du Tarif des douanes : Canada (P.G.) c. Suzuki Canada Inc., [2004] CAF 131, Ministre du Revenu national c. Yves Ponroy Canada (2000), 259 N.R. 238; Flora Manufacturing & Distributing Ltd c. Canada (Sous-ministre du Revenu national) (2000), 258 N.R. 134; Ministre du Revenu national (Douanes et Accise) c. Schrader Automotive Inc. (1999), 240 N.R. 381. La même norme a été appliquée à des appels de décisions du TCCE concernant la loi antidumping : 2703319 Canada Inc. (opérant sous la raison sociale VWV Enterprises) c. Canada (Sous-ministre du Revenu national) (1999), 250 N.R. 381, Specialized Bicycle Components Canada Inc. c. Canada (Sous-ministre du Revenu national), [2000] A.C.F. no 77.


[24]            Je ne vois pas pourquoi la même norme ne pourrait être appliquée aux décisions du Tribunal dans des appels concernant des classifications de la taxe d'accise. En fait, les motifs détaillés fournis par la juge Sharlow qui lui permettaient de conclure, en s'appuyant sur les quatre facteurs énoncés dans Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, que la norme de la décision raisonnable devait être appliquée dans le contexte du Tarif des douanes peuvent être transposés en conservant toute leur pertinence lorsque la Loi sur la taxe d'accise est en litige.

[25]            Sont particulièrement pertinents en l'espèce l'expertise du Tribunal et la complexité de la Loi sur la taxe d'accise, qui comprend bon nombre d'annexes classifiant un grand nombre de marchandises et de services à des fins de taxation. Il est tout aussi important de souligner que la classification des marchandises en vertu de la Loi vise des questions mixtes de fait et de droit. Le Tribunal doit d'abord déterminer les exigences qui doivent être satisfaites afin que la taxe prescrite par l'article 7 de l'annexe I s'applique; il doit ensuite examiner les marchandises importées afin de déterminer leur nature véritable, avant de statuer si elles satisfont les critères énoncés par la Loi. Bien sûr, il est vrai qu'en appel, la Cour est autorisée à substituer son jugement à la décision du décideur attaqué. Mais cela ne peut être fait à la légère et, pour ce motif, c'est la norme de la décision raisonnable qui est la plus appropriée dans les circonstances.

[26]            Cette norme a été décrite dans les termes suivants par le juge Iacobucci dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 56 :

Est déraisonnable la décision qui, dans l'ensemble, n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s'il existe quelque motif étayant cette conclusion. Le défaut, s'il en est, pourrait découler de la preuve elle-même ou du raisonnement qui a été appliqué pour tirer les conclusions de cette preuve.

[27]            Le terme « véhicule » n'est pas défini dans la Loi sur la taxe d'accise. Je dois donc appliquer les principes d'interprétation législative reconnus afin de donner un sens à ce terme. Ces principes ont été énoncés par le juge Iacobucci dans l'affaire Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, aux paragraphes 21 et 22 :

Bien que l'interprétation legislative ait fait couler beaucoup d'encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci-après « Construction of Statutes » ); Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit :

[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

Parmi les arrêts récents qui ont cité le passage ci-dessus en l'approuvant, mentionnons : R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213; Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411; Verdun c. Banque Toronto-Dominion, [1996] 3 R.C.S. 550; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103.

Je m'appuie également sur l'art. 10 de la Loi d'interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois « sont réputées apporter une solution de droit » et doivent « s'interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables » .

[28]            Comme point de départ, il est utile d'examiner les diverses définitions fournies par le dictionnaire au terme _ véhicule _. Dans Seaspan International Ltd. c. Sa Majesté la Reine (1998), 229 N.R. 132, le juge Joyal a énuméré quelques-unes de ces définitions. Elles ont toutes pour dénominateur commun, la notion selon laquelle un véhicule est un moyen de transporter des personnes ou des marchandises. La définition qu'en donne le Petit Robert donne une idée de ce que l'on trouve dans les autres dictionnaires :


Véhicule : Engin à roue(s) ou à moyen de propulsion, servant à transporter des personnes ou des marchandises.

[29]            La même idée ressort des divers jugements dans lesquels a été abordée l'interprétation pertinente à accorder à ce terme. Le juge Joyal effectue une analyse utile de la jurisprudence dans l'arrêt Seaspan, précité. Plus récemment, le juge Lemieux a procédé à une analyse similaire afin de déterminer si les Tro-porters, utilisés pour le soulèvement et la manutention de conteneurs dans des terminaux, sont des « véhicules » au sens attribué à ce terme à l'alinéa 23(8)c) de la Loi sur la taxe d'accise. Après avoir passé en revue la preuve et la jurisprudence pertinentes, le juge Lemieux a conclu ce qui suit :

[TRADUCTION] Je conclus sans hésiter que les Tro-porters de Cast et Racine sont des véhicules au sens de l'alinéa 23(8)c) de la Loi. L'examen des caractéristiques techniques de cette machine, de même que l'examen de l'usage auquel elle est destinée et de l'usage qui en est réellement fait l'associe clairement au sens habituel du mot véhicule compris en contexte.

Essentiellement, le Tro-porter transporte ou déplace des conteneurs d'un endroit à l'autre, du plateau droit d'une remorque à un empilement et de l'empilement au plateau droit de la remorque et, dans d'autres terminaux, d'un empilement à l'autre.

[30]            Enfin, je note que la propre politique administrative de la défenderesse, exprimée dans le communiqué de l'Accise 191/T1, daté de décembre 1989, énonce sous la rubrique portant sur l'interprétation (dans la mesure où l'interprétation de l'alinéa 23(8)c) la Loi est visée) que le terme « véhicule » :

¼a un sens large et s'entend des voitures et moyens de transport de tout genre servant à transporter ou déplacer des personnes ou des marchandises, par exemple navires, camions, locomotives et matériel roulant ferroviaire.


[31]            Bien sûr, la jurisprudence précise clairement qu'en l'absence de l'expression d'une intention contraire, un terme doit avoir le même sens partout dans une même loi. Ainsi, dans S.T.B. Holdings Ltd. c. Canada, 2002 CAF 386, la Cour d'appel fédérale s'est prononcée comme suit :

[22] ¼C'est un principe d'interprétation bien connu que « à moins que le contexte ne s'y oppose clairement, un mot doit recevoir la même interprétation et avoir le même sens tout au long d'un texte législatif » : voir P.A. Côté, Interprétation des lois, (3e éd.), Éditions Thémis, 1999, page 420 ; R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, (3e éd.), Toronto Butterworths Canada Ltd., 1994, page 163. Cette règle est encore plus vraie lorsque les mots se retrouvent dans la même disposition. Le professeur Côté écrit, à la page 421, citant R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378 :

Autre élément qui pourrait jouer : la plus ou moins grande proximité, dans le texte, entre les deux expressions qu'on présume avoir le même sens.

[32]            À la lumière de ce qui précède et compte tenu de la conclusion de fait du Tribunal selon laquelle les véhicules visés par le présent appel ne peuvent plus être utilisés comme moyens de transport, il me semble que les « véhicules » importés ne sont pas des véhicules au sens habituel de ce terme. Au moment de l'importation, soit l'époque pertinente à laquelle il faut établir le statut des marchandises visées à des fins d'imposition de la taxe d'accise, les « véhicules » dans lesquels se trouvent lesdits climatiseurs ne sont pas en mesure de transporter des personnes ou des marchandises d'un endroit à un autre et ne le seront jamais.


[33]            Selon le Tribunal, les automobiles, les familiales, les fourgonnettes ou les camions demeurent identifiables par ces termes, même s'ils ne sont plus en état de marche et ne peuvent plus fonctionner comme véhicules. Ils ne répondraient plus à cette définition uniquement lorsqu'ils ne pourraient plus être reconnus comme des véhicules, par exemple, lorsqu'ils sont comprimés en cubes avant d'être déchiquetés.

[34]            Respectueusement, je ne suis pas d'accord avec cette conclusion. Lorsqu'un objet est endommagé sans espoir de réparation rentable, il perd sa nature même, définie par sa finalité principale. Ce n'est plus qu'un ensemble de morceaux que nous pouvons désigner par son ancien nom dans le langage courant et sur les factures, mais simplement parce qu'il est plus facile d'y faire référence de cette façon. En fait, les « véhicules » importés par la demanderesse pourraient d'abord être démontés aux États-Unis et personne ne considérerait les pièces récupérables comme des véhicules. Le fait que l'opération se déroule de ce côté-ci de la frontière, pour des raisons pratiques et économiques, ne devrait pas être pertinent sur le plan fiscal.

[35]            Pour tirer cette conclusion, je m'appuie notamment sur le fait que les climatiseurs à l'égard desquels la demanderesse cherche à obtenir un remboursement d'impôt faisaient tous partie de véhicules importés au Canada sous un poste tarifaire de l'annexe I du Tarif des douanes rattaché aux pièces (no 8708.99.99) plutôt que sous un poste tarifaire rattaché aux véhicules (no 8703.21.90). C'est une autre confirmation du fait qu'il faut établir une distinction entre un véhicule (même gravement endommagé) et un objet qui a déjà été un véhicule mais qui n'en remplira plus jamais la fonction.

[36]            La situation serait bien sûr très différente si les automobiles endommagées étaient importées dans le but d'être remises sur la route après avoir été réparées. Dans son témoignage devant le Tribunal, M. Burke a reconnu qu'il fallait payer la taxe de 100 $ sur les climatiseurs à l'égard de ces automobiles-là.

[37]            La Loi elle-même établit cette distinction. Il convient de noter qu'à la toute fin de l'article 7 de l'annexe I de la Loi, on peut lire qu'une unité d'évaporation est réputée être un climatiseur « sauf lorsqu'elle est utilisée pour fins de réparations ou de remplacement » . Je dois avouer que je ne comprends pas pourquoi la qualification qui est faite d'une unité d'évaporation ne s'étendrait pas aux autres pièces d'un climatiseur.

[38]            Un autre argument vient s'opposer à l'imposition d'une taxe sur les climatiseurs visés par le présent appel. Pour tomber sous le coup de l'article 7 de l'annexe 1, les climatiseurs doivent non seulement être conçus pour être utilisés dans des automobiles, des familiales, des fourgonnettes ou des camions, mais ils doivent aussi être, soit distincts (et dans ce cas il est évident qu'une taxe devrait être perçue s'ils étaient vendus séparément), soit inclus « à titre d'équipement installé en permanence » dans une automobile, une familiale, une fourgonnette ou un camion « au moment de [...] l'importation par [...] l'importateur » .


[39]            La demanderesse a soutenu, à bon droit à mon avis, que les climatiseurs en question n'étaient pas installés en permanence dans les véhicules au moment de leur importation parce qu'il avait toujours été prévu qu'ils ne seraient pas vendus comme un tout, mais que ce qui pourrait en être récupéré serait vendu en pièces détachées. Par conséquent, on ne peut dire qu'ils étaient inclus dans les automobiles comme « équipement installé en permanence » . Puisqu'ils ne fonctionneront plus jamais comme climatiseurs dans les véhicules importés par la défenderesse, on ne peut considérer qu'ils constituent de « l'équipement » de ces véhicules. De plus, il est possible qu'ils aient été conçus par le fabricant pour être installés en permanence pendant la vie du véhicule ; mais une fois que le véhicule a terminé sa vie utile, l'intention de l'importateur ne peut être que de les démonter afin d'en vendre les composantes en pièces détachées. Par conséquent, à ce stade-ci, on ne peut plus considérer que le climatiseur demeure une pièce d'équipement installée en permanence, compte tenu, tant du changement de nature de l'objet dans lequel il se trouve, que de l'intention de l'importateur.

[40]            Je me rends bien compte que toute cette discussion au sujet de la nature véritable d'un véhicule peut sembler théorique et éloignée des aspects concrets qu'aborde la Loi sur la taxe d'accise. Cependant, j'estime que cette interprétation de l'article 7 de l'annexe 1 est la seule qui soit conforme à l'intention et à l'objet véritables de la taxe sur les climatiseurs adoptée dans le cadre du projet de loi C-21 en 1977. Une lecture attentive des débats parlementaires révèle clairement que cette nouvelle taxe d'accise avait été imposée pour encourager la conservation de l'énergie. Elle était conçue comme un élément de dissuasion important à l'égard de l'achat et, partant, de la production d'automobiles énergivores (Débats de la Chambre des communes, 27 janvier 1977, p. 2477 et s.)

[41]            Si tels étaient effectivement l'intention du Parlement et l'objet de cette disposition, nous devons trouver une interprétation des concepts essentiels de l'article 7 de l'annexe 1 qui est conforme à cette intention et à cet objet. Il ne faut pas oublier que ceux qui achètent les pièces d'un climatiseur pour en réparer un autre ont déjà payé la taxe d'accise sur le climatiseur incorporé à leur voiture. Si la taxe d'accise était perçue sur les climatiseurs dont il est question en l'instance, le consommateur aurait à payer deux fois la taxe d'accise : premièrement, à l'achat d'une voiture dans laquelle se trouve un climatiseur, puis chaque fois qu'il aurait à se procurer une pièce pour réparer le climatiseur (car on peut déduire sans crainte de se tromper que l'importateur transmettrait au consommateur le montant de la taxe payée à l'importation des voitures). Ce n'était sûrement pas l'intention du Parlement, comme l'indique clairement le traitement de l'unité d'évaporation.

[42]            Enfin, l'avocat de la défenderesse a soutenu que la demanderesse ne peut demander un remboursement de la taxe payée puisqu'il incombe à la demanderesse de prouver que chacun des climatiseurs importés ne pouvait plus fonctionner comme climatiseur. Puisqu'il n'est probablement pas possible de retrouver tous les climatiseurs, la demanderesse ne peut prouver que ces climatiseurs n'ont pas été vendus comme appareils distincts au lieu d'être démontés et vendus en pièces détachées.


[43]            À mon avis, cet argument ne peut faire obstacle à la demande. En effet, nous ne pouvons élargir la portée de la Loi et de son annexe dans le seul but d'éviter la fraude. Soit les climatiseurs en litige tombent sous le coup de l'article 7 de l'annexe I, soit ils en sont exemptés. Comme c'est le cas pour tout système d'imposition fondé sur l'autocotisation, on présume que les contribuables seront de bonne foi et déclareront honnêtement les marchandises manufacturées ou importées. Si le ministre croit qu'une fraude est commise, il peut se prévaloir des mécanismes d'inspection et d'exécution prévus par la Loi.

[44]            Pour tous ces motifs, je suis d'avis que le présent appel doit être accueilli et que la décision du Tribunal dans l'appel AP-2002-097, du 21 avril 2004, doit être annulée.

                                                                          _ Yves de Montigny _                     

                                                                                                     Juge                                  

Traduction certifiée conforme

Julie Poirier, traductrice


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               T-816-04

INTITULÉ :                                              PIÈCES D'AUTOS USAGÉES RTA (1986) INC.

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                        OTTAWA (ONTARIO)

DATE :                                                      LE 16 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :        LE JUGE de MONTIGNY

DATE :                                                      LE 31 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Michael Kaylor                                                              POUR LA DEMANDERESSE

Jean-Robert Noiseux                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

Yannick Landry

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lapointe Rosenstein                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

M. John H. Sims, c.r.                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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