Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20010427

Dossier : IMM-536-00

Référence neutre : 2001 CFPI 404

Ottawa (Ontario), le vendredi 27 avril 2001

EN PRÉSENCE DE Madame le juge Dawson

ENTRE :

                                           AWTAR SINGH

                                                                                                  demandeur

                                                         et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]    M. Awtar Singh a obtenu un baccalauréat en droit (avec distinction, deuxième classe) de l'université de Londres en 1987. Depuis 1989, il pratique le droit en Malaisie. M. Singh a demandé à résider en permanence au Canada à titre de membre de la catégorie des immigrants indépendants; il envisage d'exercer la profession d'assistant ou de technicien juridique. Il demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente des visas a refusé sa demande le 31 janvier 2000.

[2]    L'agente des visas n'a pas attribué de points d'appréciation à M. Singh pour l'expérience; elle lui a attribué trois points pour la personnalité. M. Singh a obtenu 61 points d'appréciation en tout, de sorte qu'il lui manque neuf points sur le nombre nécessaire en vue d'obtenir un visa.

[3]                 L'agente des visas a consigné les notes suivantes dans le CAIPS afin d'expliquer pourquoi elle n'attribuait pas de points d'appréciation pour l'expérience :

[TRADUCTION]

IL EST CLAIR QUE L'INTÉRESSÉ TRAVAILLAIT COMME AVOCAT (IL PRÉSENTAIT DES CAUSES DEVANT LES TRIBUNAUX, IL REPRÉSENTAIT SON CABINET, ETC.), MAIS EN S'ACQUITTANT DE SES FONCTIONS QUOTIDIENNES À TITRE D'AVOCAT, IL REMPLISSAIT ÉGALEMENT CERTAINES FONCTIONS D'ASSISTANT JURIDIQUE, C'EST-À-DIRE QU'IL RENCONTRAIT PARFOIS UN CLIENT ET QU'IL EFFECTUAIT PARFOIS DE LA RECHERCHE; CEPENDANT, L'INTÉRESSÉ NE PEUT PAS ÉTABLIR OU AFFIRMER QU'IL A REMPLI À PLEIN TEMPS LES FONCTIONS D'ASSISTANT JURIDIQUE PENDANT UNE ANNÉE COMPLÈTE.

[4]                 Dans son affidavit, l'agente des visas a donné des précisions à ce sujet :

[TRADUCTION]


9.      J'ai apprécié l'expérience professionnelle du demandeur en examinant sa demande et les références qui ont été versées au dossier et en interrogeant le demandeur, lors de l'entrevue, au sujet de ses fonctions et responsabilités à titre d'assistant juridique. En réponse, le demandeur a indiqué qu'il remplissait les fonctions d'assistant juridique tout en travaillant comme avocat. Il n'a pas pu préciser comment il pouvait accomplir les deux tâches en même temps; il s'est contenté d'affirmer qu'il remplissait les fonctions d'assistant juridique.

10.    Le demandeur n'a pas soumis de références d'un employeur indiquant qu'il avait été embauché comme assistant juridique ou qu'il avait exclusivement rempli les fonctions d'assistant juridique pendant une année complète. [Non souligné dans l'original.]

[...]

14.    Enfin, le demandeur a confirmé à l'entrevue qu'il n'avait pas une année complète d'expérience professionnelle à plein temps à titre d'assistant juridique.

Conclusion

15.    À la fin de l'entrevue, j'ai informé le demandeur qu'il n'avait pas l'année d'expérience professionnelle minimale nécessaire dans la profession envisagée désignée et qu'il essayait de formuler son expérience professionnelle de façon qu'elle corresponde à l'expérience dans la profession accessoire pour laquelle il cherchait à se faire apprécier.


[5]                 En tirant cette conclusion, l'agente des visas a commis une erreur. Le Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, (le Règlement) n'exige pas que le demandeur ait travaillé pendant une année complète exclusivement à titre d'assistant juridique. Selon le facteur 3a) énoncé à l'annexe I du Règlement, aucun point d'appréciation ne peut être attribué pour moins d'une année d'expérience, mais lorsque le demandeur affirme avoir de l'expérience dans une profession connexe, l'agente des visas doit déterminer s'il a les compétences voulues pour exercer un emploi dans la profession connexe et si son expérience correspond à l'expérience exigée pour la profession dans laquelle il cherche à se faire apprécier. L'expérience acquise par le demandeur doit correspondre à une année d'expérience dans la profession envisagée, mais il n'est pas nécessaire que le demandeur ait exclusivement travaillé pendant un an dans cette profession. Lorsque la transférabilité de l'expérience est invoquée, l'appréciation de l'expérience peut bien exiger que l'on établisse l'équivalence. Ainsi, dans la décision Hajariwala c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 79 (1re inst.), Monsieur le juge en chef adjoint Jerome a fait remarquer (à la page 86) qu' « [i]l n'y a aucune raison pour laquelle l'expérience effectivement acquise à l'égard des diverses responsabilités d'une profession et le temps effectivement passé à s'acquitter de telles responsabilités ne pourraient être divisés de façon à accorder des points d'appréciation au titre de l'expérience dans les professions projetées » .

[6]                 En l'espèce, l'agente des visas a cherché à obtenir des évaluations du rendement, des talons de chèque de paye et ainsi de suite, en vue d'établir l'emploi d'assistant juridique. Elle ne s'est pas arrêtée à la question qu'il convenait d'examiner, à savoir si M. Singh avait rempli un grand nombre des fonctions principales d'assistant juridique, et à l'effet cumulatif de l'expérience qu'il avait acquise.

[7]                 Il est soutenu que pareille erreur n'était pas importante parce que, même si l'agente des visas a commis une erreur en appréciant l'expérience, M. Singh n'aurait pas obtenu le nombre nécessaire de points d'appréciation, et ce, indépendamment de cette erreur.


[8]                 En l'espèce, c'est l'appréciation de la personnalité que l'agente des visas a effectuée qui est pertinente. Les notes consignées dans le CAIPS n'indiquent pas l'analyse qui a amené l'agente des visas à conclure qu'il fallait accorder trois points d'appréciation.

[9]                 Dans son affidavit, l'agente des visas a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

20.    En réponse au paragraphe 7 de l'affidavit du demandeur, j'ai tenu compte, en appréciant la personnalité, de plusieurs facteurs tels que la faculté d'adaptation, l'esprit d'initiative, l'ingéniosité et la capacité de réussir son installation au Canada. J'estime que trois points d'appréciation correspondent au nombre moyen de points attribués pour la personnalité.

[10]            M. Singh a eu son entrevue au consulat général du Canada, à New York. Une publication préparée par le Centre régional des programmes d'immigration pour les États-Unis informe les demandeurs qu'en moyenne, de cinq à sept points sont attribués pour la personnalité. La prétention de l'agente des visas selon laquelle la moyenne est de trois points pour la personnalité n'est conforme ni à la jurisprudence de la présente cour ni aux renseignements fournis par le Centre régional des programmes. En attribuant trois points, probablement dans l'intention d'accorder la moyenne, l'agente des visas a commis une erreur.

[11]            La présente demande de contrôle judiciaire doit donc être accueillie, aux conditions ci-dessous énoncées.


[12]            M. Awtar Singh a déclaré sous serment, et cet élément de preuve n'a pas été contesté, que l'entrevue avait duré de dix à quinze minutes et qu'au cours de l'entrevue, l'agente des visas avait signalé qu'il était surqualifié pour occuper le poste d'assistant juridique. Cette remarque semble également erronée puisque, selon les conditions énoncées dans la Classification nationale des professions (la CNP) à l'égard du poste de technicien juridique, les assistants et techniciens juridiques travaillant dans des cabinets d'avocats doivent avoir un baccalauréat en droit ou un diplôme d'études collégiales en techniques juridiques ou de commis juridique.

[13]            L'erreur que l'agente des visas a commise en appréciant l'expérience était fondamentale; le droit est bien établi sur ce point. Après l'entrevue, mais avant que la décision de refuser la demande de M. Singh eût été prise, l'avocat de M. Singh a envoyé des observations écrites à l'agente des visas en affirmant que son client remplissait les conditions d'accès à la profession énoncées dans la CNP. Selon l'auteur de la lettre, aucune disposition du Règlement ne prévoit que le demandeur doit occuper le poste d'assistant ou de technicien juridique en remplissant les fonctions énoncées dans la CNP. Dans ces observations, il a été fait mention du Guide de la politique de l'Immigration, selon lequel le demandeur doit être apprécié à l'égard de toutes les professions désignées pour lesquelles il possède les compétences voulues et qu'il est prêt à exercer au Canada, y compris les professions de rechange inhérentes à son expérience professionnelle.


[14]            Dans ces conditions, je crois qu'il convient d'attribuer les dépens au demandeur, ces dépens étant fixés au montant de 1 000 $, y compris les débours. Les avocats n'ont pas soulevé de question grave aux fins de la certification.

ORDONNANCE

[15]            LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision que l'agente des visas a prise le 31 janvier 2000 est annulée et l'affaire est renvoyée pour réexamen par un agent des visas différent.

2.          La nouvelle appréciation doit être effectuée dans les 180 jours qui suivent la date de la présente ordonnance, à condition que le demandeur réponde en temps opportun à toute demande de documents et de renseignements ou à la convocation à une entrevue et à condition que les vérifications prévues par la loi soient effectuées.


3.          Le défendeur doit verser au demandeur un montant de 1 000 $ au titre des dépens de la présente demande, débours inclus.

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.