Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190731


Dossier : T-1963-18

Référence : 2019 CF 987

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2019

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

ROBERT FORGET

demandeur

et

CHARM JEWELRY LIMITED

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Robert Forget [le demandeur], conformément à l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 [la Loi], a interjeté appel de la décision de la Commission des oppositions des marques de commerce [ci-après la « Commission » ou le « registraire »] datée du 24 mai 2018. La Commission a radié l’enregistrement de la marque de commerce ROMANCE.

[2]  Le défendeur ne conteste pas l’appel.

II.  Faits

[3]  Le demandeur a enregistré le nom ROMANCE [la Marque] en son nom le 10 mai 2012 sous le numéro d’enregistrement TMA823,809, dossier 1483298. La Marque est enregistrée en liaison avec les produits suivants : « bijoux en or, en argent, en metal (sic), cristal ou toutes autres matières, en Collier, bracelet, bague, boucle d’oreille, cheviliére (sic), broche ».

[4]  Le 5 janvier 2016, à la demande de Charm Jewelry Limited [le défendeur], le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi au demandeur pour la Marque. Cet avis enjoignait à le demandeur de fournir un affidavit ou une déclaration solennelle démontrant que la Marque a été employée, conformément à l’article 4(1) de la Loi au Canada à un moment quelconque entre le 5 janvier 2013 et le 5 janvier 2016 en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, et dans la négative, en indiquant la date à laquelle celle-ci a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

[5]  En réponse à l’avis du registraire, le demandeur a produit son propre affidavit, souscrit le 4 avril 2016 à Québec.

[6]  Aucune des parties n’a produit de représentations écrites ni demandé d’audience.

[7]  En réponse à l’avis du registraire, le demandeur a d’abord produit une lettre datée du 9 janvier 2016 (reçue le 19 janvier 2016), à laquelle étaient joints une carte professionnelle, deux petites cartes arborant la Marque, et trois dessins représentant la Marque (Onglet C du dossier du demandeur).

[8]  Par décision rendue le 24 février 2016, le registraire a informé le Requérant que sa lettre et les pièces jointes ne pouvaient pas être acceptées comme preuve en réponse à l’avis du registraire, car en vertu des dispositions de l’article 45 de la Loi, la preuve doit être produite sous forme d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle.

[9]  En conséquence, le 5 avril 2016, le demandeur a déposé auprès du registraire un document intitulé « AFFIDAVIT CIRCONSTANCIÉ », qui reproduit essentiellement le contenu de la lettre datée du 9 janvier 2016, et auquel étaient rattachés les trois dessins qui étaient joints à la lettre du 9 janvier 2016.

III.  Décision contestée

[10]  Le registraire a admis les trois dessins joints à l’affidavit du demandeur en tant que preuve au dossier. Cependant, le registraire a noté que les trois cartes qui avaient été jointes à la lettre du 9 janvier 2016 n’étaient pas jointes à l’affidavit du demandeur. En conséquence, elles n’ont pas été acceptées comme preuve, puisqu’elles n’ont pas été produites sous forme d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle. Le registraire a donc uniquement pris en compte l’affidavit du 4 avril 2016 et les dessins joints.

[11]  Le registraire a noté que le demandeur n’a pas précisé si « l’utilisation » de la Marque depuis le 1er juin 2010 était de manière continue, ou au moins de manière à inclure des emplois de la Marque entre le 5 janvier 2013 et le 5 janvier 2016. De plus, bien que le demandeur ait indiqué que les bijoux sont vendus « principalement » au Québec et en Ontario, il n’a pas confirmé si c’est en fait dans ces provinces qu’ont été vendus les produits, en liaison avec la Marque et lors de la période pertinente. Le registraire a également noté qu’il n’est pas indiqué si les produits ont été vendus en liaison avec la Marque ailleurs au Canada lors de la période pertinente.

[12]  De plus, le registraire a noté que le demandeur n’a pas précisé lesquels de ces bijoux ont été vendus en liaison avec la Marque lors de la période pertinente. Son affidavit ne s’est aucunement référé aux autres produits qui figurent dans l’enregistrement, soit les « chevillières » et les broches ainsi que les bijoux en métal, en cristal et en « autres matières ». Le demandeur n’a pas non plus décrit ou démontré la manière dont la Marque était présentée sur, ou en liaison avec, chacun des produits lors de leur vente ou transfert durant la période pertinente.

[13]  En ce qui concerne la carte de boucle d’oreille jointe à la lettre du demandeur, mais non pas son affidavit, le registraire a conclu ce qui suit :

[30] J’ajouterai en passant que, si la carte de boucle d’oreille susmentionnée avait été jointe à l’affidavit et désignée comme représentative des cartes attachées aux boucles d’oreilles vendues au Canada lors de la période pertinente, cette carte aurait pu indiquer 1a manière dont 1a Marque était liée à l’un des Produits lots de son transfert. Toutefois, comme je l’ai mentionné ci-haut, je ne peux considérer à titre de preuve que l’affidavit, auquel la carte n’est pas annexée. Dans tous les cas, aucun élément de preuve ne démontre un transfert de boucles d’oreilles dans la pratique normale du commerce.

[14]  Le registraire a enfin noté que de toute façon, le demandeur n’a fourni aucune preuve de ventes ou de transferts de produits au Canada dans la pratique normale du commerce, lors de la période pertinente.

[15]  Le registraire a conclu qu’en l’absence de détails supplémentaires et de pièces à l’appui, il n’était pas possible de conclure que la Marque telle qu’elle est enregistrée fut apposée sur les produits ou sur leurs emballages ou fut autrement liée aux produits, de telle sorte qu’un avis de cette liaison aurait été donné aux acheteurs au moment du transfert de la propreté ou de la possession des produits. Il était donc impossible de déterminer dans quelle mesure la Marque avait été employée au sens de l’article 4 de la Loi avec chacun des produits spécifiés à l’enregistrement.

IV.  Questions en litige

[16]  L’appel soulève les questions suivantes :

  • a) Quelle est la norme de contrôle appropriée compte tenu de la production de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de l’appel?

  • b) La décision du registraire est-elle correcte ou raisonnable (suivant l’issue de l’analyse de la question soulevée au point a) ci-dessus)?

V.  Législation

Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13

Quand une marque de commerce est réputée employée

When deemed to be used

4 (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4 (1) A trade-mark is deemed to be used in association with goods if, at the time of the transfer of the property in or possession of the goods, in the normal course of trade, it is marked on the goods themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the goods that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

[…]

Le registraire peut exiger une preuve d’emploi

Registrar may request evidence of user

45 (1) Le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l’enregistrement d’une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu’il ne voie une raison valable à l’effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l’égard de chacun des produits ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

45 (1) The Registrar may at any time and, at the written request made after three years from the date of the registration of a trade-mark by any person who pays the prescribed fee shall, unless the Registrar sees good reason to the contrary, give notice to the registered owner of the trade-mark requiring the registered owner to furnish within three months an affidavit or a statutory declaration showing, with respect to each of the goods or services specified in the registration, whether the trade-mark was in use in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and, if not, the date when it was last so in use and the reason for the absence of such use since that date.

[…]

Appel

Appeal

56 (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

56 (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

Procédure

Procedure

(2) L’appel est interjeté au moyen d’un avis d’appel produit au bureau du registraire et à la Cour fédérale.

(2) An appeal under subsection (1) shall be made by way of notice of appeal filed with the Registrar and in the Federal Court.

Avis au propriétaire

Notice to owner

(3) L’appelant envoie, dans le délai établi ou accordé par le paragraphe (1), par courrier recommandé, une copie de l’avis au propriétaire inscrit de toute marque de commerce que le registraire a mentionnée dans la décision sur laquelle porte la plainte et à toute autre personne qui avait droit à un avis de cette décision.

(3) The appellant shall, within the time limited or allowed by subsection (1), send a copy of the notice by registered mail to the registered owner of any trade-mark that has been referred to by the Registrar in the decision complained of and to every other person who was entitled to notice of the decision.

Avis public

Public notice

(4) Le tribunal peut ordonner qu’un avis public de l’audition de l’appel et des matières en litige dans cet appel soit donné de la manière qu’il juge opportune.

(4) The Federal Court may direct that public notice of the hearing of an appeal under subsection (1) and of the matters at issue therein be given in such manner as it deems proper.

Preuve additionnelle

Additional evidence

(5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

VI.  Analyse

A.  Quelle est la norme de contrôle appropriée compte tenu de la production de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de l’appel?

[17]  La norme de contrôle applicable à un appel interjeté aux termes de l’article 56 de la Loi reflète la nature quelque peu inusitée de cette disposition d’appel. À la différence de beaucoup d’autres dispositions de ce type, le paragraphe 56(5) autorise expressément la production de nouveaux éléments de preuve (Hilton Worldwide Holding LLP c Miller Thomson, 2018 CF 895 au para 9 [Hilton]).

[18]  La Cour d’appel fédérale a statué sur la norme de contrôle applicable aux appels dans lesquels de nouveaux éléments de preuve sont fournis relativement à un avis signifié en application de l’article 45 dans son arrêt Spirits International BV c BCF SENCRL, 2012 CAF 131:

[10] Dans le cadre de l’appel d’une décision rendue aux termes du paragraphe 45(1) de la Loi, c’est la norme de contrôle de la décision raisonnable que la Cour fédérale doit appliquer aux conclusions de fait tirées par le registraire et aux décisions qu’il rend en vertu de son pouvoir discrétionnaire. Toutefois, si le juge conclut que les éléments de preuve supplémentaires qui lui ont été soumis en appel auraient influé substantiellement sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit tirer ses propres conclusions au sujet de la question à laquelle se rapportent les éléments de preuve supplémentaires en question (Brasseries Molson c John Labatt Ltée (C.A.F.), [2000] 3 C.F. 145, au paragraphe 51).

[19]  Il incombe donc à cette Cour de déterminer si les nouveaux éléments de preuve qui sont déposés en appel :

  • a) sont nouveaux en ce sens qu’ils apportent des renseignements supplémentaires autres que ceux dont le registraire a été saisi;

  • b) sont probants et fiables, dans la mesure où ils sont d’intérêt pour les questions juridiques en litige, et autrement fiables au regard des critères juridiques habituels;

  • c) auraient influé substantiellement sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir, c’est-à-dire que, au vu de cette nouvelle preuve, la décision raisonnable aurait été de ne pas ordonner la radiation de la Marque en cause (Hilton au para 11).

[20]  Pour déterminer si les nouveaux éléments de preuve auraient influé substantiellement sur la décision du registraire, la Cour doit fonder son appréciation non pas sur leur quantité, mais sur leur qualité, c’est-à-dire la nature, la pertinence, la valeur probante et la fiabilité pour déterminer s’ils ajoutent des éléments importants (Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 37).

[21]  Pour entreprendre cette analyse, il faut également prendre en compte le principe directeur de l’article 45, soit que cette disposition vise à éliminer du registre les marques de commerce qui ne sont plus employées, communément qualifiées de « bois mort ». Cette disposition ne vise pas la tenue d’une instruction qui porterait sur une question de faits contestés ni un moyen supplémentaire de contester une marque de commerce autre que la procédure courante prévue à l’article 57 (Berg Equipment Co (Canada) Ltd c Meredith & Finlayson, [1991] ACF no 1318 (QL) (CAF)).

[22]  Le demandeur a présenté quatre nouveaux éléments à la Cour fédérale qu’il n’avait pas soumis au registraire, soit :

  • Un nouvel affidavit du demandeur, daté du 14 février 2019 attestant entre autres que ce dernier utilise le nom Romance pour son travail au quotidien depuis plus de 10 ans ;

  • Vingt-trois factures pour divers bijoux ayant l’abréviation « Rom », dont quinze ayant été émises dans la période du 5 janvier 2013 au 5 janvier 2016. L’Appelant maintient que « Rom » est une abréviation de « Romance ».(Annexe E à l’affidavit du demandeur) ;

  • Deux factures de la bijouterie Le Sablier (Annexe G à l’affidavit du demandeur) ; et

  • Un affidavit d’Alain Descôteaux daté du 15 janvier 2019 attestant que ce dernier est le propriétaire de la bijouterie Le Sablier, 863 rue Jacques Bédard, Québec, G2N 1B8 et que cette bijouterie produit des bijoux de la collection Romance à la demande de commande de M Forget depuis le 17 juin 2012 (Annexe G à l’affidavit du demandeur) .

[23]  Au paragraphe 27 de la décision contestée, le registraire a noté ce qui suit :

[…] en  l’espèce, l’affidavit de M. Forget ne contient aucun élément de preuve démontrant que les Produits ont été transférés dans la pratique normale du commerce. M. Forget ne fournit aucun chiffre de vente ni aucun document faisant état de quelque transaction que ce soit.

[24]  Les nouveaux éléments de preuve soumis par le demandeur ont comme but précis de répondre à cette lacune dans le dossier. Les factures sont manifestement d’intérêt pour les questions juridiques en litige, et, compte tenu du commentaire du registraire, celles-ci auraient influé substantiellement sur les conclusions du registraire.

[25]  En conséquence, il incombe à la Cour d’appliquer la norme de la décision correcte, et de tirer ses propres conclusions au sujet de la question à laquelle se rapportent les éléments de preuve supplémentaires en question.

B.  La décision du registraire est-elle correcte ou raisonnable (suivant l’issue de l’analyse de la question soulevée au point a) ci-dessus)?

[26]  Le fardeau de preuve dont doivent s’acquitter les appelants pour démontrer l’emploi est peu exigeant. La procédure devant le registraire ne constitue pas un procès civil où chacune des parties présente une preuve et où l’affaire est tranchée selon la prépondérance des probabilités. Le juge Hugessen a formulé à cet égard, dans Berg Equipment Co (Canada) Ltd c Meredith & Finlayson, [1991] ACF no 1318 (QL) (CAF), les commentaires suivants au paragraphe 4 :

[4] Le paragraphe 45(2) est clair : le registraire peut seulement recevoir une preuve présentée par le propriétaire inscrit ou pour celui‑ci. Cette disposition ne vise manifestement pas la tenue d’une instruction qui porterait sur une question de faits (sic) contestée mais, plus simplement, à donner au propriétaire inscrit l’occasion d’établir, s’il le peut, que sa marque est employée, ou bien d’établir les raisons pour lesquelles elle ne l’est pas, le cas échéant.

[27]  Une seule opération commerciale effectuée dans le cours normal des affaires pourra suffire comme preuve de l’emploi (Sols R Isabelle Inc c Stikeman Elliott LLP, 2011 CF 59).

[28]  Il ne suffit pas de dire qu’une marque de commerce a été employée. La preuve de l’emploi doit être faite (Curb c Smart & Biggar, 2009 CF 47 et la jurisprudence qui y est citée).

[29]  Le niveau de preuve requis est peu élevé et il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve. Néanmoins, i1 faut présenter des faits suffisants pour conclure que la Marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés à l’enregistrement pendant la période pertinente.

[30]  En l’espèce les factures figurant à l’annexe E de l’affidavit du demandeur sont ce qui se rapproche le plus d’une éventuelle preuve d’emploi. Elles indiquent que divers produits, dont des boucles d’oreille, des chaînes, des colliers, et des bagues ont été vendus par Robert Forget à plusieurs reprises entre 2013 et 2016. Il convient toutefois de noter que le mot « Romance » n’y figure à aucun endroit. Les factures contiennent une liste d’articles associés de descriptions, dont une partie inclut l’abréviation « ROM ».

[31]  Des éléments de preuve très similaires ont été présentés à cette Cour dans Corporation de Service Medos c Ridout and Maybee LLP, 2013 CF 1006 [Medos]. Dans cette affaire, la société Medos a interjeté appel d’une décision du registraire radiant la marque de commerce MEDOS. L’appelante a produit plusieurs nouveaux éléments de preuve à la Cour, dont des factures adressées à la Société de l’assurance automobile du Québec concernant certains patients. Les factures concernaient la réparation de lits d’hôpitaux, des tests hydrostatiques de sécurité, des recharges, des masques et des tubes ainsi que des inspections annuelles. Monsieur le juge Harrington a conclu que ces factures ne pouvaient démontrer l’emploi de la marque MEDOS, puisqu’elles ne contenaient aucune mention explicite de cette marque.

[32]  En revanche, en l’espèce le demandeur a déposé deux éléments de preuve liant l’abréviation « ROM » à la collection de bijoux « Romance », soit une déclaration écrite qui explique que « SUR LES FACTURES DANS LA COLONNE ARTICLE, ROM SIGNIFIE ABRÉVIATION DE ROMANCE », et un affidavit d’Alain Descôteaux confirmant qu’il est propriétaire joaillier de la bijouterie Le Sablier qui produit la collection de bijoux Romance sur demande du demandeur.

[33]  En conséquence, bien que l’on n’y trouve aucune mention explicite de « Romance », les factures en cause peuvent démontrer l’emploi (Medos au para 14).

[34]  Puisque le demandeur a soumis de nouveaux éléments de preuve incluant la Marque « ROMANCE », la Cour conclut que la Marque a été employée entre le 5 janvier 2013 et le 6 janvier 2018.

VII.  Conclusion

[35]  Par conséquent, la demande est accueillie, et la décision du registraire quant à la radiation est annulée et l’enregistrement no TMA823,809 de la Marque de commerce ROMANCE est maintenu dans le registre.

[36]  Le demandeur a demandé que des dépens lui soit octroyés, cependant, ceux-ci n’ont été définis ni dans le mémoire des faits et du droit du demandeur ni à l’audience devant la Cour.

[37]  Tel que reconnu dans Amos c Canada (Procureur général), 2018 CF 1242 au para 80:

[80] […] De nos jours, la Cour s’est montrée disposée à accorder un montant raisonnable pour le temps et les efforts déployés, dans la mesure où le plaideur en personne a supporté un coût de renonciation en cessant d’exercer certaines activités rémunératrices. […] D’un autre côté, je ne vois aucune raison pour laquelle le demandeur ne pourrait pas être indemnisé pour les dépenses qu’il a engagées afin de porter son affaire devant la Cour. […]

[38]  De plus, tel qu’établi par madame la juge Catherine Kane dans l’affaire Hi-Star Franchise Systems, Inc c Stemp & Company, 2019 CF 222, la Cour peut adjuger des dépens à un demandeur qui a eu gain de cause, malgré l’absence d’opposition de la part du défendeur.

[39]  Toutefois, le demandeur doit d’abord établir que les frais ont été engagés en raison de la conduite du défendeur (Iscada Inc c Aventum IP Law LLP, 2019 CF 406 au para 20 [Iscada]).

[40]  Cependant, il n’est pas contesté que la documentation insuffisante avait été déposée pour en établir l’utilisation de la Marque avant de fournir les documents supplémentaires dans le présent appel. En l’espèce, tout comme dans l’affaire Iscada, le demandeur n’avait d’autre choix que d’interjeter appel de la décision du registraire afin de conserver sa Marque, et le défendeur a retiré son opposition à l’appel immédiatement après s’être vu signifier la demande d’audience du demandeur.

[41]  Dans les circonstances, la Cour conclut qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés.


JUGEMENT au dossier T-1963-18

LA COUR STATUE que la demande est accueillie sans dépens. La décision du registraire est annulée et l’enregistrement no TMA823,809 de la Marque de commerce ROMANCE est maintenu dans le registre.

« Peter Annis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1963-18

INTITULÉ :

ROBERT FORGET c CHARM JEWELLERY LIMITED

LIEU DE L’AUDIENCE :

QUÉBEC (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JUIN 2019

JUGEMENT ET motifs :

LE JUGE ANNIS

DATE DES MOTIFS :

LE 31 juillet 2019

COMPARUTIONS :

Robert Forget

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.