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Date : 20050105

Dossier : IMM-9728-03

Référence : 2005 CF 2

Ottawa (Ontario), le 5 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                                                 SANKAR SEN

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Sankar Sen est venu pour la première fois au Canada en 1997, en provenance du Bangladesh. Il a prétendu avoir été victime, en tant qu'Hindou, d'une persécution politique et religieuse de la part d'intégristes musulmans. Sa demande d'asile a été rejetée en 1999 par un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, ce qui a occasionné son retour au Bangladesh en 2002. Il affirme que durant l'intervalle, la situation des Hindous s'était détériorée, ce qui l'a décidé à revenir au Canada. Il a présenté sa deuxième demande d'asile en 2003.

[2]                Aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, une personne dont la première demande d'asile a été rejetée ne peut pas en présenter une deuxième à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (al. 101(1)b); les dispositions pertinentes sont énoncées en annexe). Toutefois, la personne a le droit de bénéficier d'un examen des risques associés à son renvoi du Canada (art. 112). Un agent d'immigration a effectué un examen des risques avant renvoi (ERAR) pour M. Sen et a ajouté foi à la description faite par celui-ci des violentes agressions dont il avait été victime dans la ville de Chittagong, malgré les préoccupations qu'avait l'agent à l'égard de l'authenticité de certains des éléments de preuve documentaire que M. Sen avait fournis. L'agent a cependant conclu que M. Sen aurait pu trouver un refuge sécuritaire ailleurs au Bangladesh.

[3]                M. Sen fait valoir que l'agent d'ERAR a commis une erreur dans son appréciation de la valeur des documents corroborant son récit et en ne tenant pas compte des éléments de preuve démontrant qu'il n'était en sécurité nulle part au Bangladesh.

[4]                Je suis d'accord avec le fait que l'agent a commis une erreur et j'ordonnerai qu'un autre agent procède à un nouvel examen de la demande d'ERAR de M. Sen.

I. Les questions en litige

1.          L'agent d'ERAR a-t-il eu tort d'écarter la valeur de la preuve documentaire de M. Sen?


2.          L'agent d'ERAR a-t-il omis de tenir compte des éléments de preuve démontrant que M. Sen avait tenté en vain de trouver un refuge sécuritaire au Bangladesh (c.-à-d. une possibilité de refuge intérieur)?

[5]                Vu ma conclusion selon laquelle l'agent a commis une erreur relativement à la deuxième question, il est inutile que j'examine la première. Un autre agent d'ERAR devra apprécier la valeur de la preuve documentaire de M. Sen.

II. Analyse

L'agent d'ERAR a-t-il omis de tenir compte des éléments de preuve démontrant que M. Sen avait tenté en vain de trouver un refuge sécuritaire au Bangladesh (c.-à-d. une possibilité de refuge intérieur)?

[6]                L'agent a accepté le fait que M. Sen ait été agressé et qu'il ait fait l'objet de menaces à Chittagong ainsi que le fait que les représentants de l'État au Bangladesh ne pouvaient pas le protéger. Toutefois, l'agent a ajouté que les auteurs de la violence perpétrée contre M. Sen n'étaient que des membres d'un gang local. Par conséquent, il pouvait tout simplement déménager à un endroit plus sécuritaire au Bangladesh.

[7]                Selon le témoignage de M. Sen, contenu dans son exposé écrit, les intégristes musulmans étaient allés le chercher chez lui à Chittagong. Afin de les éviter, il avait décidé d'aller vivre chez son frère dans un autre quartier. Après avoir été agressé en décembre 2002, il avait décidé de déménager dans un village appelé Uttar Vurshi pour vivre chez un autre parent. Il avait appris de son frère qu'il était toujours recherché et que ses agresseurs étaient allés le chercher à sa maison de campagne à Chandanaish. Il avait encore une fois déménagé, mais à Sylhet cette fois-ci. Il avait toutefois été agressé de nouveau et avait décidé de quitter le pays.

[8]                L'agent avait l'obligation de d'examiner la question de savoir s'il était raisonnable de la part de M. Sen de s'enfuir vers un endroit sécuritaire au Bangladesh plutôt que de chercher asile au Canada : Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.), [1993] A.C.F. no 1172 (QL). Dans le but de répondre correctement à cette question, l'agent était tenu d'examiner et de soupeser les éléments de preuve pertinents. En l'espèce, l'agent a analysé la preuve documentaire liée à la situation globale des Hindous au Bangladesh. Toutefois, l'agent n'a pas pris en compte la description faite par M. Sen de ses tentatives infructueuses de trouver un refuge sécuritaire à divers endroits au Bangladesh. La décision de l'agent doit donc être annulée en raison du fait qu'elle a été rendue sans tenir compte des éléments de preuve pertinents. (Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, al. 18.1(4)d)).

[9]                Aucune des parties ne m'a soumis de question de portée générale en vue de sa certification et aucune n'est certifiée.


                                                                   JUGEMENT

LE JUGEMENT DE LA COUR EST le suivant :

1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2. L'affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen;

3. Aucune question de portée générale n'est certifiée.

                                                                                                                          _ James W. O'Reilly _                

                                                                                                                                                     Juge                              

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                                        Annexe


Loi sur l'Immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

Irrecevabilité

101. (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants :

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

Ineligibility

101. (1) A claim is ineligible to be referred to the Refugee Protection Division if

                                             [...]

                                               ...

b) rejet antérieur de la demande d'asile par la Commission;

(b) a claim for refugee protection by the claimant has been rejected by the Board;

Demande de protection

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n'est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

Application for protection

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

(2) Elle n'est pas admise à demander la protection dans les cas suivants :

a) elle est visée par un arrêté introductif d'instance pris au titre de l'article 15 de la Loi sur l'extradition;

b) sa demande d'asile a été jugée irrecevable au titre de l'alinéa 101(1)e);

c) si elle n'a pas quitté le Canada après le rejet de sa demande de protection, le délai prévu par règlement n'a pas expiré;

d) dans le cas contraire, six mois ne se sont pas écoulés depuis son départ consécutif soit au rejet de sa demande d'asile ou de protection, soit à un prononcé d'irrecevabilité, de désistement ou de retrait de sa demande d'asile.

(2) Despite subsection (1), a person may not apply for protection if

(a) they are the subject of an authority to proceed issued under section 15 of the Extradition Act;

(b) they have made a claim to refugee protection that has been determined under paragraph 101(1)(e) to be ineligible;

(c) in the case of a person who has not left Canada since the application for protection was rejected, the prescribed period has not expired; or

(d) in the case of a person who has left Canada since the removal order came into force, less than six months have passed since they left Canada after their claim to refugee protection was determined to be ineligible, abandoned, withdrawn or rejected, or their application for protection was rejected.


Restriction

(3) L'asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants :

a) il est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée;                 b) il est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada punie par un emprisonnement d'au moins deux ans ou pour toute déclaration de culpabilité à l'extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans;

c) il a été débouté de sa demande d'asile au titre de la section F de l'article premier de la Convention sur les réfugiés;

d) il est nommé au certificat visé au paragraphe 77(1).

Restriction

(3) Refugee protection may not result from an application for protection if the person

(a) is determined to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality;

(b) is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punished by a term of imprisonment of at least two years or with respect to a conviction outside Canada for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years;

(c) made a claim to refugee protection that was rejected on the basis of section F of Article 1 of the Refugee Convention; or

(d) is named in a certificate referred to in subsection 77(1).

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7

Motifs

18.1(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

Federal Courts Act, R.S.C. 1985, c. F-7

Grounds of review

18.1(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

                                             [...]

                                               ...

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;



                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                    IMM-9728-03

INTITULÉ :                                                                   SANKAR SEN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 3 NOVEMBRE 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                         LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                                 LE 5 JANVIER 2005

COMPARUTION :

Douglas Lehrer                                                        POUR LE DEMANDEUR

Jamie Todd                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

VANDERVENNEN LEHRER                                        POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

MORRIS ROSENBERG                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


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