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Date: 20000111


Dossier : T-1392-99

ENTRE :

                 SALTON APPLIANCES (1985) CORP.

                 et-

                 JASCOR HOME PRODUCTS INC.,

     demanderesses,

                 et

                 SALTON INC.,

     défenderesse.



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX



[1]          La question à trancher dans la présente requête fondée sur le paragraphe 84(2) des Règles de la Cour fédérale (1998) est celle de savoir si la Cour devrait autoriser les demanderesses à déposer l"affidavit supplémentaire de Jerry Solomon après que le représentant de la défenderesse, Joe Cruz, a été interrogé au sujet de l"affidavit qu"il a déposé afin de contester la demande d"injonction provisoire et d"injonction interlocutoire des demanderesses.



[2]          L"instance principale qui oppose les parties est une action en contrefaçon de marques de commerce; les demanderesses font valoir des droits sur les marques de commerce déposées " SALTON " et " MAXIM " au Canada en liaison avec de petits électroménagers pour la cuisine. La défenderesse s"oppose à l"action des demanderesses, soutenant que celles-ci n"ont pas employé les marques de commerce en question et qu"elle les a utilisées avant elles, puisqu"elle les a fait enregistrer aux États-Unis.



[3]          La requête des demanderesses dont la Cour est saisie concerne la marque de commerce MAXIM, qui se rapporte aux marchandises décrites comme de petits électroménagers portatifs.



[4]          Dans leurs observations écrites, les demanderesses font valoir que l"affidavit supplémentaire de Jerry Solomon est nécessaire parce que, au cours de son contre-interrogatoire, M. Cruz a mentionné, au sujet des chauffe-plats vendus au Canada, que le logo MAXIM figurait sur la vitre des produits vendus aux demanderesses. Les demanderesses ne sont pas d"accord avec M. Cruz et veulent présenter des éléments de preuve supplémentaires afin de réfuter cette dernière affirmation de celui-ci. De l"avis des demanderesses, la Règle 84(2) permet à une partie qui a contre-interrogé l"auteur d"un affidavit de produire subséquemment un affidavit avec l"autorisation de la Cour. Dans leurs observations écrites, les demanderesses ne citent aucune décision que la Cour fédérale ou d"autres tribunaux auraient rendue à ce sujet.



[5]          Tel qu"il est mentionné, la requête des demanderesses en vue d"obtenir l"autorisation de produire un affidavit supplémentaire concerne leur demande d"injonction provisoire et interlocutoire qui sera entendue sous peu. Au soutien de cette requête, les demanderesses ont déposé l"affidavit de Hugh A. Johnstone, président de Salton Appliances (1985) Corporation (" Salton Canada ") depuis 1985 et vice-président de Jascor Home Products INC. (" Jascor i") depuis 1987. Dans cet affidavit daté du 23 septembre 1999, M. Johnstone a déclaré que la marque de commerce MAXIM a été enregistrée au Canada sur la foi d"une demande d"emploi proposé qui a été déposée le 23 septembre 1988; depuis le 26 juin 1996, Salton Canada utilise continuellement la marque de commerce MAXIM conformément à une licence obtenue de Jascor en liaison avec des appareils électriques portatifs, en l"occurrence, des hachoirs.



[6]          La défenderesse a produit en réponse plusieurs affidavits, notamment celui de Joe Cruz en date du 29 octobre 1999. Depuis 1976, M. Cruz est le directeur de la production de la défenderesse et des prédécesseurs de celle-ci relativement à tous les produits fabriqués et vendus sous la marque de commerce MAXIM. Dans son affidavit, il allègue principalement que la défenderesse ou ses prédécesseurs ont vendu au Canada, pendant plusieurs années avant 1990, une gamme de petits électroménagers sous la marque de commerce MAXIM, y compris des chauffe-plats. Il ajoute dans son affidavit qu"il apportera en vue de tout contre-interrogatoire ainsi que de l"audience un échantillon du chauffe-plats électrique MAXIM sur lequel figure la marque de commerce MAXIM de la même façon qu"elle apparaissait sur tous les chauffe-plats électriques MAXIM qui ont été vendus à Weil. Selon M. Cruz, la marque de commerce MAXIM a été reproduite par sérigraphie sur les marchandises à l"usine et figurait sur lesdits appareils de la même façon qu"aujourd"hui. En ce qui a trait à Salton Canada, M. Cruz souligne qu"il savait que [TRADUCTION]" vers 1989, mon entreprise a fabriqué et vendu à Salton Canada environ 1 000 à 2 000 chauffe-plats, crêpières et poêlons et que la marque de commerce MAXIM était affichée bien en vue sur les chauffe-plats eux-mêmes ". Toutefois, il ajoute que [TRADUCTION] " par suite de certains changements survenus au sein de l"entreprise et de la destruction des documents décrits ci-dessus, je n"ai pu retracer les factures ou d"autres documents concernant ces ventes d"appareils électriques MAXIM à Salton Canada ".

[7]      En réponse à l"affidavit de M. Cruz, les demanderesses ont produit l"affidavit de Hugh Johnstone en date du 10 novembre 1999. M. Johnstone a nié que la défenderesse ou son prédécesseur ait vendu des appareils électriques portatifs sous la marque de commerce MAXIM au Canada, affirmant plutôt que les marchandises vendues au Canada étaient vendues sous la marque de commerce MULTICHEF, par l"entremise de Weil Company Ltd., qui était le dépositaire de cette marque de commerce au Canada. Toujours selon M. Johnstone, la marque de commerce MAXIM ne figure sur aucun des bons de commande, documents de douane et factures joints à l"affidavit de M. Cruz. Il précise à cet égard que l"affirmation de M. Cruz selon laquelle les chauffe-plats portaient la marque de commerce MAXIM est fausse et est contredite par une note qu"un dénommé Jack Hira (employé de la défenderesse) a fait parvenir à Jerry Solomon le 25 février 1991 ainsi que par des feuilles de catalogue et une reproduction de la façade de l"emballage du chauffe-plats produit par la défenderesse pour Salton Canada. M. Johnstone soutient que la défenderesse a enlevé le logo MAXIM du panneau de vitre des chauffe-plats vendus à Salton Canada. L"emballage qui a été préparé par Salton Canada et imprimé par la défenderesse portait la marque de commerce " SALTON " de Salton Canada et ne comportait pas la moindre allusion à la marque de commerce MAXIM. Les feuilles de catalogue de la défenderesse qui se rapportaient à ce produit portaient le logo MAXIM en vue d"un emploi sur le marché américain. Les feuilles de catalogue que Salton Canada utilisait pour ce produit portaient le logo SALTON et étaient destinées au marché canadien.

[8]      M. Cruz a été contre-interrogé au sujet de son affidavit le 30 novembre 1999.

[9]      Comme il l"avait mentionné dans son affidavit, M. Cruz a produit un chauffe-plats comportant le logo MAXIM ainsi que la boîte ayant servi à emballer l"appareil. Au cours de son contre-interrogatoire, M. Cruz a affirmé que M. Hira avait eu tort de dire que le logo MAXIM pouvait être enlevé du plat, parce que le logo était cuit sur la vitre. L"avocat des demanderesses a fait remarquer à M. Cruz que M. Hira n"a pas dit que le logo MAXIM pouvait être enlevé de la vitre, mais que la vitre du chauffe-plats pouvait être remplacée par une autre qui ne comportait aucun logo :

     [TRADUCTION]
     R. Je n"ai jamais eu de vitres sans logo. Tous les produits comportaient le logo Maxim ou Multichef; il n"y avait aucun logo Salton.
     Q. Nous ne disons pas qu"il a été remplacé par un logo de Salton, il appert clairement de la note que le logo n"a pas été remplacé par quoi que ce soit. Il a simplement été enlevé.
     R. Le produit que je vous présente comporte le logo Maxim.

[10]      Jerry Solomon est président de Jascor depuis 1987 et était présent lorsque M. Cruz a été contre-interrogé le 30 novembre 1999. Dans son affidavit, il affirmerait que M. Cruz a eu tort de dire que la marque de commerce MAXIM figurait sur la vitre des chauffe-plats vendus à Salton Canada et que, après une recherche, lui-même et M. Johnstone ont trouvé deux exemples de chauffe-plats qui ont été achetés à la défenderesse. M. Solomon dirait également dans son affidavit qu"en 1991, Salton Canada a acheté à la défenderesse environ 1 000 chauffe-plats qui ont été vendus à différents clients du Canada en 1991 et 1992, notamment à Embros Sales Limited et à M & M Meat Shop Const. Co. Ltd. M. Solomon joindrait des copies des factures faisant état de ces ventes. Il ajouterait que la marque de commerce ou le nom commercial MAXIM ne figurait sur aucun des chauffe-plats vendus à Embros, M & M Meat Shops ou un autre client, que ce soit sur les produits eux-mêmes, sur l"emballage ou dans les livrets d"instructions. Il produirait en preuve un chauffe-plats obtenu d"un employé d"Embros, [TRADUCTION] " qui, selon moi, aurait acheté ce chauffe-plats vers le 10 décembre 1991 "; afin de confirmer cette affirmation, il joindrait à son affidavit une communication par télécopie en date du 6 décembre 1999 de l"employé Gierti Hermanns :

[TRADUCTION]
À qui de droit :
Mon nom est Gierti Hermanns. J"ai acheté le présent chauffe-plats Salton (modèle ET-48) à Embros Sales Ltd., 1170 Yonge Street, Toronto (Ontario) M4W 2L9 vers le 10 décembre 1991.

M. Solomon avait également l"intention de joindre à l"affidavit qu"il comptait produire une copie de facture d"un chauffe-plats vendu à M & M Meat Shops, laquelle facture indiquerait que le chauffe-plats en question a été obtenu directement du siège social de M & M Meat Shops à Kitchener (Ontario). Selon Jerry Solomon, ces produits sont identiques à tous les chauffe-plats que Salton Canada a achetés à la défenderesse.

COMMENTAIRES

[11]      En premier lieu, j"aimerais citer le texte actuel de la Règle 84 :

84. (1) A party seeking to cross-examine the deponent of an affidavit filed in a motion or application shall not do so until the party has served on all other parties every affidavit on which the party intends to rely in the motion or application, except with the consent of all other parties or with leave of the Court.

    

(2) A party who has cross-examined the deponent of an affidavit filed in a motion or application may not subsequently file an affidavit in that motion or application, except with the consent of all other parties or with leave of the Court.

84. (1) Une partie ne peut contre-interroger l'auteur d'un affidavit déposé dans le cadre d'une requête ou d'une demande à moins d'avoir signifié aux autres parties chaque affidavit qu'elle entend invoquer dans le cadre de celle-ci, sauf avec le consentement des autres parties ou l'autorisation de la Cour.

(2) La partie qui a contre-interrogé l'auteur d'un affidavit déposé dans le cadre d'une requête ou d'une demande ne peut par la suite déposer un affidavit dans le cadre de celle-ci, sauf avec le consentement des autres parties ou l'autorisation de la Cour.

[12]      La Règle 84(2) correspond à l"ancienne Règle 332.1(6). Les anciennes Règles contenaient également la Règle 332.1(7) (qui n"est pas reproduite dans les Règles actuelles), dont le libellé était le suivant : " Si elle est convaincue qu"elle doit permettre à la partie de répondre à quelque question soulevée au cours du contre-interrogatoire, la Cour peut autoriser une partie à déposer un affidavit dans le cadre d"une requête après que cette partie a contre-interrogé l"auteur de l"affidavit ". La Règle 39.09(2) des Règles de procédure civile de l"Ontario actuellement en vigueur est semblable à l"ancienne Règle 332.1(7).

[13]      Je souligne également que, depuis l"entrée en vigueur des nouvelles Règles, la Règle 312 permet, dans le contexte de la demande, le dépôt d"affidavits supplémentaires suivant l"autorisation de la Cour. Les deux nouvelles Règles 84 et 312 devraient, à mon sens, donner lieu à des interprétations similaires.

[14]      Compte tenu de tous les facteurs mentionnés ci-après, j"estime que les demanderesses devraient être autorisées à produire l"affidavit supplémentaire de Jerry Solomon, pourvu que celui-ci soit disponible sans délai en vue d"un contre-interrogatoire.

[15]      J"estime que la question de savoir si la défenderesse a vendu à Salton Canada des chauffe-plats dont la vitre ne comportait aucun logo est très pertinente et qu"une réponse à cette question favorise une bonne administration de la justice et facilitera la tâche de la Cour lors de l"examen de la demande d"injonction interlocutoire.

[16]      À mon avis, compte tenu de son contexte ainsi que de l"évolution des Règles antérieures, la Règle 84(2) vise à permettre de répondre aux questions qui sont soulevées au cours du contre-interrogatoire et qu"il est nécessaire d"examiner au moyen d"un affidavit supplémentaire avec l"autorisation de la Cour.

[17]      Dans les affaires portées à leur attention à ce sujet, la Cour fédérale et les tribunaux de l"Ontario ont reconnu que la pertinence de l"affidavit proposé, l"absence de préjudice pouvant être causé à la partie adverse, l"utilité pour la Cour et l"intérêt général de la justice sont des facteurs pertinents à prendre en compte pour décider s"il y a lieu de permettre le dépôt d"un affidavit supplémentaire. (Voir Hiram Walker Consumers Home Ltd. c. Consumers Distributing Company et al. , dossier de la Cour T-4539-80; Gingras c. Service canadien du renseignement de sécurité et al (1987), 19 C.P.R. (3d) 283; Bayer AG et al. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) et al (1994), 83 F.T.R. 318, et Eli Lilly et al c. Apotex Inc. et al (1997), 144 F.T.R. 189.)

[18]      Si j"ai bien compris la règle de droit applicable à cet égard devant la Cour, il est également nécessaire de prouver que les renseignements mentionnés dans l"affidavit proposé n"étaient pas disponibles avant le contre-interrogatoire; l"affidavit supplémentaire ne saurait remplacer les renseignements qui étaient disponibles avant le contre-interrogatoire. L"affidavit supplémentaire ne vise pas à corriger les réponses que l"avocat ayant dirigé le contre-interrogatoire ne souhaitait pas obtenir. De plus, les parties sont habituellement tenues de divulguer tous les renseignements dont elles disposent avant le contre-interrogatoire afin d"éviter le fractionnement de la preuve.

[19]      À mon sens, la défenderesse ne sera pas lésée, parce que la demande d"injonction interlocutoire ne sera entendue qu"à la fin de mai 2000 et qu"elle aura toute la latitude voulue pour demander à la Cour d"agir, si l"intérêt de la justice l"exige.

[20]      Enfin, je suis convaincu que les demanderesses ont établi l"existence d"une question qui a été soulevée au cours d"un contre-interrogatoire et qui ne pouvait être prévue avec célérité raisonnable. C"est uniquement au cours du contre-interrogatoire que M. Cruz a indiqué que le chauffe-plats comportant le logo MAXIM qui a été vendu à Weil était identique aux chauffe-plats vendus à Salton Canada. Il convient également de souligner que M. Cruz avait déjà déclaré dans son affidavit qu"il n"avait pas de produit qu"il pouvait présenter au soutien de ses affirmations. Par ailleurs, c"est seulement au cours du contre-interrogatoire que les demanderesses ont appris que la défenderesse n"avait produit que des chauffe-plats comportant des logos. À mon sens, c"est là un renseignement nouveau et pertinent qui a été révélé au cours d"un contre-interrogatoire. (Voir Merck Frosst Canada Inc. et al c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et al (1998), 229 N.R. 33 (C.A.F.)

DÉCISION

[21]      La requête des demanderesses en vue d"obtenir l"autorisation de produire l"affidavit supplémentaire de Jerry Solomon (dossier de la requête, p. 1, onglet 1) est accordée avec dépens, la défenderesse étant autorisée à contre-interroger sans délai l"auteur de l"affidavit en question.     





     François Lemieux

                                 JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

LE 11 JANVIER 2000






Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.





Date: 20000111


Dossier : T-1392-99

OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 11 JANVIER 2000

EN PRÉSENCE DU JUGE LEMIEUX


ENTRE :

                 SALTON APPLIANCES (1985) CORP.

                 et

                 JASCOR HOME PRODUCTS INC.,

     demanderesses,

                 et

                 SALTON INC.,

     défenderesse.


     ORDONNANCE


     La requête des demanderesses en vue d"obtenir l"autorisation de produire l"affidavit supplémentaire de Jerry Solomon (dossier de la requête, p. 1, onglet 1) est accordée avec dépens, la défenderesse étant autorisée à contre-interroger sans délai l"auteur de l"affidavit en question.     

     François Lemieux

                                 JUGE



Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :                  T-1392-99


INTITULÉ DE LA CAUSE :          SALTON APPLIANCES (1985) CORP. ET AL c. SALTON INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :              MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :              20 DÉCEMBRE 1999

ORDONNANCE ET MOTIFS DU JUGE LEMIEUX

EN DATE DU :                  11 JANVIER 2000


ONT COMPARU :


Me HUGUES RICHARD              POUR LES DEMANDERESSES

Me LOUIS FLEURENT

Me MARK EVANS                  POUR LA DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


LÉGER ROBIC RICHARD

MONTRÉAL                      POUR LES DEMANDERESSES

SMART & BIGGAR

TORONTO                      POUR LA DÉFENDERESSE
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