Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

 

Date : 20060425

Dossier : T‑3‑06

Référence : 2006 CF 509

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

 

ENTRE :

OMAR AHMED KHADR

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA JUSTICE ET PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA, LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,

LE DIRECTEUR DU SERVICE CANADIEN DU

RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ et LE COMMISSAIRE DE

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur est un citoyen canadien qui est actuellement incarcéré dans un camp de détention militaire américain situé à Guantanamo Bay, à Cuba. Il est l’objet d’accusations de complot, de meurtre commis par un combattant non privilégié, de tentative de meurtre commise par un combattant non privilégié, et d’assistance à l’ennemi. Ces accusations comportent une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité. Il sera poursuivi devant une commission militaire établie par décret du secrétaire à la Défense des États‑Unis d’Amérique.

 

[2]               Le demandeur a été appréhendé en Afghanistan en juillet 2002 par l’armée américaine. Quelques mois plus tard, il était envoyé à Guantanamo Bay. Les accusations ont été déposées contre lui en novembre 2005. Aucune date n’a été fixée pour son procès.

 

[3]               Le 21 novembre 2005, l’avocat du demandeur a envoyé une lettre aux défendeurs. Une copie de la lettre est jointe au présent jugement comme annexe A. Le paragraphe principal de cette lettre renfermait ce qui suit :

[TRADUCTION] Eu égard à ce qui précède, nous vous prions de nous transmettre copie de tous les documents en la possession de tous les ministères de la Couronne du chef du Canada qui pourraient intéresser les accusations portées contre M. Khadr, conformément aux règles exposées dans l’arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, telles qu’elles ont été appliquées aux poursuites extraterritoriales dans des précédents tels que Purdy c. Canada (Attorney General) (2003), 230 D.L.R. (4th) 361 (C.A.C.‑B.). Les pièces en question comprennent notamment l’intégralité des passages qui ont été éliminés des documents susmentionnés. Leur pertinence devrait être établie par référence aux points soulevés dans l’acte d’accusation ci‑joint.

 

[4]               Le même jour, le demandeur déposait auprès de chacun des défendeurs une demande selon la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1, les priant de lui transmettre les mêmes renseignements que ceux demandés dans la lettre.

 

[5]               Le demandeur n’a pas reçu de réponse, et il sollicite maintenant le contrôle judiciaire de :

[TRADUCTION] La décision des défendeurs de ne pas répondre à la demande qui leur a été adressée par lettre datée du 21 novembre 2005, demande portant sur la communication complète et intégrale de toutes les pièces en la possession de la Couronne du chef du Canada qui pourraient intéresser les accusations portées récemment aux États‑Unis contre le demandeur par le gouvernement des États‑Unis d’Amérique (les accusations) […]

 

[6]               Le demandeur sollicite la réparation suivante :

[TRADUCTION] Une ordonnance de la nature d’un mandamus enjoignant aux défendeurs de communiquer intégralement à l’avocat du demandeur tous les documents, dossiers et autres pièces en la possession de tous les ministères de la Couronne du chef du Canada, qui pourraient intéresser les accusations et qui sont par conséquent nécessaires pour permettre au demandeur d’opposer une défense pleine et entière aux accusations […]

 

La position du demandeur est tout à fait simple. Il fait valoir que, selon l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 11 (la Charte), il a le droit constitutionnel d’obtenir communication de toutes les pièces qui intéressent les accusations et qui sont en la possession des défendeurs.

 

[7]               L’article 7 de la Charte prévoit :

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

 

[8]               Le demandeur invoque l’arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, 68 C.C.C. (3d) 1. Il fait aussi valoir que, par l’effet de l’arrêt Purdy c. Canada (Attorney General) (2003), 226 D.L.R. (4th) 761 (C.S.C.‑B.), confirmé : (2003), 230 D.L.R. (4th) 361 (C.A.C.‑B.), l’article 7 s’applique maintenant aux poursuites engagées à l’étranger lorsque les autorités canadiennes ont en leur possession des pièces que pourrait utiliser le demandeur pour opposer une défense contre les accusations portées contre lui à l’étranger.

 

[9]               Le demandeur dit que le point qu’il me revient de décider est le suivant :

[TRADUCTION] Les fonctionnaires du gouvernement canadien, agissant en vertu des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi, peuvent‑ils agir au Canada d’une manière qui fait obstacle à l’équité de poursuites engagées à l’étranger contre un citoyen canadien?

 

[10]           Il m’apparaît que le point à décider est beaucoup plus simple : les droits garantis au demandeur par l’article 7 de la Charte (expliqués par l’arrêt Stinchcombe, précité, et précisés par l’arrêt Purdy, précité) s’appliquent‑ils aux circonstances dans lesquelles se trouve le demandeur?

[10]

[11]           Pour répondre à cette question, il faut d’abord examiner ce que signifie l’arrêt Purdy, précité, et ensuite se demander si les circonstances de cette affaire sont assimilables à celles du demandeur.

 

[12]           Il est bien établi que les droits de Canadiens qui sont interrogés à l’étranger par des agents canadiens d’application de la loi sont protégés dans certaines circonstances. Ainsi que l’écrivait le juge Iacobucci dans l’arrêt R. c. Cook, [1998] 2 R.C.S. 597, 164 D.L.R. (4th) 1, au paragraphe 25 :

À notre avis, la Charte s’applique aux actes des détectives de Vancouver qui ont interrogé l’appelant à La Nouvelle‑Orléans. Deux facteurs décisifs autorisent cette conclusion et fournissent des indications utiles pour reconnaître les rares circonstances où la Charte peut s’appliquer à l’étranger: premièrement, l’acte reproché tombe sous le coup du par. 32(1) de la Charte; deuxièmement, l’application de la Charte aux actes des détectives canadiens aux États‑Unis ne constitue pas, dans ce cas particulier, une atteinte à l’autorité souveraine de l’État étranger et ne produit donc pas d’effet extraterritorial inacceptable.

 

[13]           Il doit aussi exister un lien prévisible et raisonnable entre les agissements du Canada et la violation de la Charte. Ce point a été établi dans l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, 2002 CSC 1, au paragraphe 54 :

Bien que, en l’espèce, il soit question d’expulsion et non d’extradition, nous ne voyons aucune raison pour laquelle le principe énoncé dans Burns ne s’appliquerait pas avec le même effet. Dans l’arrêt Burns, aucun aspect de notre analyse fondée sur l’art. 7 ne dépendait du fait qu’il s’agissait d’une affaire d’extradition plutôt que de refoulement. Au contraire, le principe pertinent était un principe de portée générale, savoir que la garantie relative à la justice fondamentale s’applique même aux atteintes au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne qui sont le fait d’acteurs autres que le gouvernement canadien, à condition qu’il existe un lien causal suffisant entre la participation de notre gouvernement et l’atteinte qui survient en bout de ligne. Nous réaffirmons ce principe en l’espèce. À tout le moins, dans les cas où la participation du Canada est un préalable nécessaire à l’atteinte et où cette atteinte est une conséquence parfaitement prévisible de la participation canadienne, le gouvernement ne saurait être libéré de son obligation de respecter les principes de justice fondamentale uniquement parce que l’atteinte en cause serait le fait d’autrui.

 

[14]           Les circonstances de l’affaire Purdy étaient les suivantes. M. Purdy était un citoyen canadien qui avait été arrêté et accusé aux États‑Unis. L’enquête avait été menée principalement au Canada et avait résulté des efforts conjoints d’instances canadiennes et américaines d’application de la loi. M. Purdy fut arrêté aux États‑Unis à la faveur d’un stratagème qui permit d’éviter une procédure d’extradition.

 

[15]           Saisi de l’affaire, le juge de première instance, le juge Satanove, avait conclu ainsi, aux paragraphes 19 à 25 :

[TRADUCTION] En l’espèce, le procureur général du Canada dit qu’il n’y a pas de point à décider au regard de la Charte parce que, en l’absence d’accusations criminelles au Canada, M. Purdy n’a pas droit à la communication de documents, et la Couronne n’a aucune obligation de communication.

 

C’est là un argument d’une portée extrême, qui mérite examen, mais, à mon avis, les circonstances particulières de la présente affaire m’autorisent à appliquer le principe général de l’arrêt Stinchcombe, selon lequel l’information demandée ne doit pas être refusée s’il y a des raisons de croire que sa non‑communication portera atteinte au droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière.

 

Le droit de présenter une défense pleine et entière est un droit de common law qui a été incorporé dans l’article 7 de la Charte comme l’un des principes de justice fondamentale :

 

Le droit de présenter une défense pleine et entière constitue un des piliers de la justice criminelle, sur lequel nous comptons grandement pour assurer que les innocents ne soient pas déclarés coupables. Or, certains événements récents démontrent que l’affaiblissement de ce droit résultant de la non‑communication de la preuve a été pour beaucoup dans la condamnation et l’incarcération d’un innocent. [Stinchcombe, précité, à la page 336.]

 

Le requérant est un ressortissant canadien dont la vie et la liberté ont été mises en péril à la suite d’une enquête qui s’est déroulée au Canada et dans laquelle les autorités canadiennes ont joué un rôle important. Dans une enquête conjointe comme celle dont il s’agit ici, l’instance ultime où l’accusé est jugé ne doit pas priver l’accusé de l’observation, par les autorités canadiennes, des droits garantis par la Charte dont l’accusé aurait par ailleurs pu se prévaloir. De plus, si la procédure ordinaire d’extradition n’avait pas été évitée grâce à l’incitation de M. Purdy à se rendre aux États‑Unis sous le prétexte d’y conclure une « opération propre », je crois qu’il aurait eu droit, du moins de la part des autorités canadiennes, à la communication des renseignements qu’elles avaient en leur possession et qui se rapportaient à leur volet de l’enquête.

 

Le procureur général du Canada a consacré une bonne partie de ses arguments à tenter de me convaincre que la Charte n’est pas un texte qui permet généralement aux tribunaux d’ordonner la communication de renseignements détenus par le gouvernement, parce que, selon lui, ce serait aller à l’encontre des autres textes législatifs en vigueur, par exemple la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et l’article 46 de la Loi sur la preuve au Canada.

 

Je partage cet avis, mais je n’attribue ici à la Charte aucune habilitation générale à ordonner la communication de documents. J’ordonne la communication de documents en tant que réparation contre l’atteinte aux droits constitutionnels de M. Purdy. Selon moi, M. Purdy est fondé à la protection de son droit de présenter une défense pleine et entière, parce qu’il est un Canadien dont la liberté a été mise en péril par les agissements d’instances canadiennes d’application de la loi qui ont mené au Canada une enquête conjointe avec des instances américaines. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[16]           En appel, le juge Donald, confirmant la décision de première instance, a exposé la proposition d’une manière encore plus succincte, au paragraphe 20 :

[TRADUCTION] En l’espèce, la privation du droit de présenter une défense pleine et entière est ici au Canada le résultat du refus de la GRC de communiquer les renseignements, mais l’effet de la privation sera ressenti en Floride. L’intimé est l’objet d’accusations aux États‑Unis par suite d’une enquête menée au Canada et par suite du stratagème employé par la police pour se dispenser d’une procédure d’extradition. Le lien de causalité est à mon avis direct et évident. Et, comme on peut le lire dans l’arrêt Cook, précité, le fait que l’intimé soit de nationalité canadienne est un facteur capital [Non souligné dans l’original.]

 

[17]           Au vu de ce qui précède, il est tout à fait clair que les circonstances de l’affaire Purdy étaient très particulières. L’enquête avait été menée surtout au Canada, elle avait été menée à la fois par le Canada et par les États‑Unis, et un stratagème avait été employé pour inciter M. Purdy à se rendre aux États‑Unis, et cela afin de contourner la nécessité d’une procédure d’extradition. Dans ces conditions, le tribunal a estimé qu’il y avait un lien de causalité suffisant pour que soit respecté le droit à la communication de documents en vertu de l’article 7 de la Charte et pour que s’appliquent les principes exposés dans l’arrêt Stinchcombe, précité.

 

[18]           L’arrêt Purdy, précité, vaut pour le cas exceptionnel où la communication de documents peut se justifier en raison du caractère particulier des circonstances. Il ne permet pas d’affirmer que, dès lors qu’un citoyen canadien est l’objet de poursuites à l’étranger et que le gouvernement canadien détient des documents, l’accusé aura d’emblée droit à la communication de ces documents. Un tel résultat ne serait pas souhaitable ou utile car il pourrait conduire à une ingérence dans des procédures judiciaires engagées à l’étranger, ingérence contre laquelle le juge Iacobucci avait fait une mise en garde dans l’arrêt Cook, précité. Un tel résultat risquerait aussi d’empêcher le Canada de fournir des services consulaires, ce qui ironiquement est précisément ce que le demandeur cherche à obtenir des défendeurs.

 

[19]           Les circonstances de la présente affaire sont en revanche très différentes :

i)         le demandeur n’est au Canada l’objet d’aucune accusation ni d’aucune enquête;

ii)       le demandeur a été arrêté par les autorités américaines en Afghanistan, puis transporté à Guantanamo Bay, à Cuba, où il est détenu;

iii)      il n’y a eu aucune enquête au Canada; et

iv)     des fonctionnaires canadiens du SCRS et du MAECI, avec le consentement des autorités américaines, l’ont interrogé au camp de détention de Guantanamo Bay. Les conditions dans lesquelles s’est déroulée leur visite ont été examinées dans une procédure connexe, Khadr c. Canada (2005), 257 D.L.R. (4th) 577, 2005 CF 1076, dans laquelle le demandeur sollicitait une autre injonction pour qu’il soit mis fin aux interrogatoires du SCRS et du MAECI. Cette procédure a été évoquée dans l’argumentation orale des deux parties. Dans ladite procédure, la Cour, et le juge soussigné (qui agit aussi en tant que juge responsable des diverses instances introduites par le demandeur contre le gouvernement canadien), ont conclu ce qui suit, sur la foi de la preuve par affidavit, au paragraphe 23 :

[…]

c) Les visites du MAECI et du SCRS n’étaient pas des visites des services sociaux ou des visites consulaires déguisées; elles visaient exclusivement à recueillir des renseignements et étaient axées sur les renseignements de sécurité et sur l’application de la loi (Note du 1er novembre 2002 du MAECI, Dossier du demandeur, affidavit d’Ahmad, onglet 2Q, à la page 148, paragraphe 7 et contre‑interrogatoire de M. Serge Paquette, Dossier de la défenderesse, onglet 4, aux pages 35 et 70);

 

d) Des résumés des renseignements recueillis lors des entrevues ont été transmis à la GRC (contre‑interrogatoire de M. William Hooper, Dossier de la défenderesse, onglet 5, à la page 7);

 

e) Les agents canadiens ont joué un rôle de premier plan lors des entrevues. Ils agissaient de leur propre chef et n’avaient pas reçu d’instructions des autorités américaines (Contre‑interrogatoire de M. William Hooper, Dossier de la défenderesse, onglet 5, à la page 22);

 

f) Des résumés des renseignements ont été transmis aux fonctionnaires des États‑Unis (Contre‑interrogatoire de M. William Hooper, Dossier de la défenderesse, onglet 5, aux pages 14 et 15);

 

 

 

[20]           On peut donc se convaincre que le lien de causalité dont il est question dans les arrêts Suresh et Purdy, précités, n’existe pas ici. Nous ne sommes pas non plus en présence des circonstances particulières de l’arrêt Purdy. Il n’y a donc aucune analogie avec l’arrêt Purdy, et aucune raison d’appliquer l’article 7 de la Charte.

 

[21]           Dans l’arrêt Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742, au paragraphe 45, la Cour d’appel fédérale énumérait les conditions qui doivent être remplies pour que soit rendue une ordonnance de mandamus :

1.  Il doit exister une obligation légale d’agir à caractère public […]

 

2.  L’obligation doit exister envers le requérant […]

 

3.  Il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation, notamment :

 

a)  le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation; […]

 

b)  il y a eu (i) une demande d’exécution de l’obligation, (ii) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle‑ci n’ait été rejetée sur‑le‑champ, et (iii) il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable […]

 

4.  Lorsque l’obligation dont on demande l’exécution forcée est discrétionnaire, les règles suivantes s’appliquent :

a) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire ne doit pas agir d’une manière qui puisse être qualifiée d’« injuste », d’« oppressive » ou qui dénote une « irrégularité flagrante » ou la « mauvaise foi »;

b) un mandamus ne peut être accordé si le pouvoir discrétionnaire du décideur est « illimité », « absolu » ou « facultatif »;

c) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire « limité » doit agir en se fondant sur des considérations « pertinentes » par opposition à des considérations « non pertinentes »;

d) un mandamus ne peut être accordé pour orienter l’exercice d’un « pouvoir discrétionnaire limité » dans un sens donné;

e) un mandamus ne peut être accordé que lorsque le pouvoir discrétionnaire du décideur est « épuisé », c’est‑à‑dire que le requérant a un droit acquis à l’exécution de l’obligation.

 

5.  Le requérant n’a aucun autre recours […]

 

6.  L’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique […]

 

7.  Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, en vertu de l’équité, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé […]

 

8.  Compte tenu de la « balance des inconvénients », une ordonnance de mandamus devrait (ou ne devrait pas) être rendue.

 

[22]           Compte tenu de ce qui précède, il est évident que le demandeur ne répond pas aux deux premières conditions du critère de l’octroi d’un mandamus. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner les autres conditions, et la requête du demandeur pour que soit rendue une ordonnance de mandamus est par conséquent rejetée.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE QUE : la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« Konrad W. von Finckenstein »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


ANNEXE A

 

[traduction]

 

RECOMMANDÉ                                                                     Le 21 novembre 2005

 

 

Monsieur Irwin Cotler                                                                Monsieur Pierre Pettigrew

Ministre de la Justice et Procureur général du Canada                 Ministre des Affaires étrangères

284, rue Wellington                                                                    Ministère des Affaires étrangères et

Ottawa (Ontario)  K1A 0H8                                                      du Commerce international

                                                                                                Édifice Lester B. Pearson, tour A

                                                                                                125, promenade Sussex

                                                                                                Ottawa (Ontario)  K1A 0G2

 

 

Monsieur Jim Judd                                                                     Monsieur Giuliano Zaccardelli

Directeur du Service canadien                                                    Commissaire de la Direction

du renseignement de sécurité                                                     générale de la GRC

C.P. 9732, succursale T                                                             1200, promenade Vanier

Ottawa (Ontario)  K1G 4G4                                                       Ottawa (Ontario)  K1A 0R2

 

 

Objet : Omar Ahmed Khadr – détenu, Guantanamo Bay, Cuba

 

 

Messieurs,

 

Le soussigné, M. Dennis Edney et les professeurs Muneer Ahmad et Richard Wilson, de l’American University, sommes les conseillers juridiques de M. Omar Ahmed Khadr. M. Khadr est actuellement détenu par les forces américaines à Guantanamo Bay, à Cuba. M. Khadr a été récemment accusé par les États‑Unis d’infractions de complot, de meurtre commis par un combattant non privilégié, de tentative de meurtre commise par un combattant non privilégié, et d’assistance à l’ennemi, infractions dont le détail est donné dans l’acte d’accusation ci‑joint. Nous vous prions de considérer la présente lettre comme notre demande conjointe formelle, conformément à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, pour que soient produits tous les documents pertinents, en la possession de la Couronne du chef du Canada, qui pourraient intéresser les accusations portées contre M. Khadr, et qui sont par conséquent nécessaires pour que M. Khadr puisse opposer une défense pleine et entière aux accusations.

 

En notre qualité de conseillers juridiques de M. Khadr, nous avons obtenu copie de volumineux documents du MAECI, du SCRS et de la GRC, à la fois en vertu de la Loi sur l'accès à l’information et en vertu des obligations de production imposées à la Couronne dans des instances introduites devant la Cour fédérale du Canada, numéros du greffe T‑536‑04 et T‑686‑04. Ces documents ont été largement expurgés, ou la communication d’une bonne partie de leur contenu nous a été refusée, sur la foi de revendications de privilèges, notamment le privilège établi par l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada. Pour de plus amples renseignements concernant ces documents, leur contenu et les revendications de privilèges s’y rapportant, nous vous prions de vous adresser à Mme Doreen Mueller, ministère de la Justice du Canada, procureure de Sa Majesté la Reine, dans les actions portant les numéros T‑536‑04 et T‑686‑04, numéro de téléphone 780‑495‑8352.

 

Nous avons examiné ces documents, et il est évident que le MAECI, le SCRS, la GRC et peut‑être aussi d’autres ministères de la Couronne du chef du Canada sont en possession de pièces qui intéressent les graves accusations portées contre notre client et qui lui sont par conséquent nécessaires pour opposer une défense pleine et entière auxdites accusations.

 

À l’époque où ont été revendiqués les privilèges susmentionnés, M. Khadr n’était pas encore accusé. Son droit constitutionnel d’opposer une défense pleine et entière aux accusations n’aurait donc pas été un facteur à prendre en considération. Vous conviendrez, nous en sommes certains, que le droit de M. Khadr d’opposer une défense pleine et entière aux accusations l’emporte aujourd’hui sur les intérêts qui constituent le fondement de ces revendications antérieures de privilèges.

 

Eu égard à ce qui précède, nous vous prions de nous transmettre une copie de tous les documents en la possession de tous les ministères de la Couronne du chef du Canada qui pourraient intéresser les accusations portées contre M. Khadr, conformément aux règles exposées dans l’arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, telles qu’elles ont été appliquées aux poursuites extraterritoriales dans des précédents tels que Purdy c. Canada (Attorney General) (2003), 230 D.L.R. (4th) 361 (C.A.C.‑B.). Les pièces en question comprennent notamment l’intégralité des passages qui ont été éliminés des documents susmentionnés. Leur pertinence devrait être établie par référence aux points soulevés dans l’acte d’accusation ci‑joint.

 

Nous confirmons que nous sommes disposés à recevoir les pièces demandées ci‑dessus moyennant la promesse formelle du soussigné, de M. Edney, du professeur Ahmad et du professeur Wilson que, sauf consentement de la Couronne ou directives de la Cour, lesdites pièces ne pourront être examinées que par nous‑mêmes et par l’avocat de la défense militaire qui sera prochainement nommé pour M. Khadr.

 

Nous vous prions de nous communiquer, dans un délai de 30 jours après réception de cette lettre, votre consentement à nous transmettre les pièces susmentionnées, dans un délai raisonnable, à défaut de quoi nous présumerons que vous avez rejeté notre demande, et nous introduirons alors immédiatement une procédure contre vous conformément à l’alinéa 18.1(3)a) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

Veuillez agréer, Messieurs, l’expression de nos sentiments les plus distingués.

 

 

 

PARLEE McLAWS LLP

 

NJW/ab                                                                                                NATHAN J. WHITLING

 

 

p.j. Acte d’accusation

 

c.c. :     Dennis Edney (par télécopieur – avec la pièce jointe)

            Muneer Ahmad et Richard Wilson (par télécopieur – avec la pièce jointe)

            Doreen Mueller (par télécopieur – avec la pièce jointe)

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑3‑06

 

 

INTITULÉ :                                                   Khadr

                                                                        c.

                                                                        Le Ministre de la Justice et aL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Winnipeg (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 10 AVRIL 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE VON FINCKENSTEIN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 25 AVRIL 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nathan Whitling

Dennis Edney

 

      POUR LE DEMANDEUR

Doreen Mueller

 

      POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Parlee McLaws LLP

Edmonton (Alberta)

      POUR LE DEMANDEUR

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

      POUR LES DÉFENDEURS

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.