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                                                                                                                                 Date : 20040426

                                                                                                                           Dossier : T-2286-03

                                                                                                                  Référence : 2004 CF 602

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

                                                      HUGO HECTOR ROUSSEAU

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande présentée en vue d'obtenir un bref de mandamus et un jugement déclaratoire enjoignant au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) d'achever dans un délai de 30 jours le traitement de la demande de citoyenneté canadienne présentée par le demandeur.


LES FAITS

[2]                Le demandeur, citoyen d'Argentine, a obtenu le statut de résident permanent du Canada le 14 décembre 1977. Il a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 26 janvier 1999 conformément à la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29. Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a reçu sa demande le 10 février 1999, il y a plus de cinq ans. Les faits pertinents au retard dans le traitement par CIC de la demande de citoyenneté canadienne présentée par le demandeur se résument de la façon suivante :

-           le 4 mars 1994, une inscription mentionnant qu'il y avait des accusations de fraude en instance contre le demandeur en Alberta et aux États-Unis a été faite au Système de soutien des opérations des bureaux locaux (SSOBL) de CIC;

-           le 3 septembre 1998, une inscription mentionnant qu'il était possible que le demandeur n'ait pas vécu au Canada au cours des quatre années ayant précédé sa demande de citoyenneté a été faite au SSOBL;

-           le 14 juin 2000, le demandeur a informé CIC que les accusations de fraude en Alberta avaient été suspendues et que les accusations aux États-Unis avaient été abandonnées. Il a fourni à CIC les documents suivants pour corroborer ces renseignements :


1) une lettre de l'avocat qui le représentait dans les instances criminelles, Ian Donaldson, lettre datée du 16 février 1987, qui mentionnait que les mesures d'extradition prises contre le demandeur aux États-Unis avaient été abandonnées; et

2) une lettre du ministère de la Justice de l'Alberta, datée du 20 avril 1995, qui mentionnait que les accusations portées contre le demandeur suivant l'alinéa 380(1)a) du Code criminel avaient été suspendues;

-           le 13 juillet 2000, le demandeur a présenté un rapport de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui mentionnait qu'il avait été déclaré coupable le 4 décembre 1986, à Vancouver, en Colombie-Britannique, d'avoir fait une fausse déclaration en contravention de l'alinéa 320(1)c) du Code criminel, que deux accusations d'avoir proféré des menaces avaient été retirées dans la région de York, en Ontario, en avril 1997, et qu'une accusation de méfaits avait été rejetée à Vancouver, en août 1998;

-           le 21 juillet 2000, Lynn Mansfield, superviseure intérimaire, Exécution de la loi, au Centre de l'exécution de la loi de la région du grand Toronto (CELRGT), a informé l'agent de citoyenneté qui traitait la demande présentée par le demandeur que le dossier criminel du demandeur et les accusations en matière criminelle portées contre lui aux États-Unis faisaient encore l'objet d'enquêtes;

-           le 19 septembre 2000, une inscription mentionnant que le Federal Bureau of Investigation (FBI) avait confirmé que le demandeur était recherché en tant que fugitif et qu'il y avait un mandat d'arrestation en instance a été faite au SSOBL;


-           le 21 mars 2002, le demandeur a fait l'objet d'un rapport préparé suivant le sous-alinéa 27(1)a.1)(ii) de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2;

-           le 13 mars 2003, CIC a autorisé la demande d'immigration du demandeur, mais le demandeur demeurait dans la catégorie des demandeurs pour lesquels [TRADUCTION] « la GRC exige des empreintes digitales » en raison de la possibilité de préoccupations en matière criminelle;

-           le 18 mars 2003, le demandeur a envoyé ses empreintes digitales à CIC;

-           le 21 mars 2003, CIC a envoyé à la GRC les empreintes digitales du demandeur à des fins de contrôle;

-           le 12 août 2003, CIC a confirmé que l'enquête d'immigration à l'endroit du demandeur avait été ouverte à nouveau;

-           le 1er octobre 2003, le demandeur a transmis à CIC le dossier que la GRC avait préparé à l'égard de la vérification de ses antécédents;

-           le 10 octobre 2003, l'agent de citoyenneté a été informé qu'il y avait en voie de préparation un rapport suivant l'article 44 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR);

-           le 13 novembre 2003, l'agent de citoyenneté a informé le demandeur que la vérification de ses antécédents par la GRC était achevée, mais que son autorisation d'immigration ne l'était pas;


-           le 3 décembre 2003, le demandeur a présenté la présente demande de contrôle judiciaire;

-           le 10 décembre 2003, le demandeur a fait l'objet d'un rapport suivant l'article 44 de la LIPR (rapport suivant l'article 44) qui mentionnait qu'il était interdit de territoire pour raison de grande criminalité suivant les alinéas 36(1)b) et 36(1)c) de la LIPR;

-           le 20 janvier 2004, CIC a informé le demandeur du rapport préparé suivant l'article 44 et l'a invité à présenter des observations à l'égard des raisons pour lesquelles le rapport ne devrait pas être déféré aux fins d'une enquête. La lettre envoyée au demandeur énonce en partie ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] aux États-Unis d'Amérique, vous avez été déclaré coupable dans l'État de Californie d'infractions qui, si elles avaient été commises au Canada, auraient constitué des infractions prévues par le Code criminel du Canada pour lesquelles une peine d'emprisonnement maximal d'au moins 10 ans peut être infligée.

De plus, vous êtes recherché aux États-Unis d'Amérique pour une infraction qui, si elle avait été commise au Canada, aurait constitué une infraction prévue par le Code criminel du Canada pour laquelle une peine d'emprisonnement maximal d'au moins 10 ans peut être infligée. [...]

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[3]                Les dispositions pertinentes de la Loi sur la citoyenneté sont les paragraphes 5(1), 14(1) et 14(1.1) qui prévoient en partie ce qui suit :



Attribution de la citoyenneté

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

Grant of citizenship

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

a) en fait la demande;

(a) makes application for citizenship;

b) est âgée d'au moins dix-huit ans;

(b) is eighteen years of age or over;

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés...

[...]

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act,

...

f) n'est pas sous le coup d'une mesure de renvoi et n'est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l'article 20.

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

Examen par un juge de la citoyenneté

14. (1) Dans les soixante jours de sa saisine, le juge de la citoyenneté statue sur la conformité -- avec les dispositions applicables en l'espèce de la présente loi et de ses règlements -- des demandes déposées en vue de :

a) l'attribution de la citoyenneté, au titre du paragraphe 5(1);

[...]

Consideration by citizenship judge

14. (1) An application for

(a) a grant of citizenship under subsection 5(1),

...

shall be considered by a citizenship judge who shall, within sixty days of the day the application was referred to the judge, determine whether or not the person who made the application meets the requirements of this Act and the regulations with respect to the application.

Interruption de la procédure

(1.1) Le juge de la citoyenneté ne peut toutefois statuer sur la demande émanant d'un résident permanent qui fait l'objet d'une enquête dans le cadre de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés tant qu'il n'a pas été décidé en dernier ressort si une mesure de renvoi devrait être prise contre lui.

Interruption of proceedings

(1.1) Where an applicant is a permanent resident who is the subject of an admissibility hearing under the Immigration and Refugee Protection Act, the citizenship judge may not make a determination under subsection (1) until there has been a final determination whether, for the purposes of that Act, a removal order shall be made against that applicant.


[4]                Les paragraphes 44(1) et 44(2) et l'article 45 de la LIPR, qui prévoient en partie ce qui suit, sont également pertinents :



Constat de l'interdiction de territoire

Rapport d'interdiction de territoire

44. (1) S'il estime que le résident permanent ou l'étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l'agent peut établir un rapport circonstancié, qu'il transmet au ministre.

Report on Inadmissibility

Preparation of report

44. (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

Suivi

(2) S'il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l'affaire à la Section de l'immigration pour enquête,...

Enquête par la Section de l'immigration

[...]

Referral or removal order

(2) If the Minister is of the opinion that the report is well-founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing.

...

Décision

45. Après avoir procédé à une enquête, la Section de l'immigration rend telle des décisions suivantes :

[...]

Decision

45. The Immigration Division, at the conclusion of an admissibility hearing, shall make one of the following decisions:

...

d) prendre la mesure de renvoi applicable contre l'étranger non autorisé à entrer au Canada et dont il n'est pas prouvé qu'il n'est pas interdit de territoire,... ou le résident permanent sur preuve qu'il est interdit de territoire.

(d) make the applicable removal order against a foreign national who has not been authorized to enter Canada, ... or a permanent resident, if it is satisfied that the foreign national or the permanent resident is inadmissible.


ANALYSE

[5]                La question en litige est celle de savoir si le défendeur a retardé déraisonnablement le traitement de la demande de citoyenneté présentée par le demandeur au point de justifier la délivrance d'un bref de mandamus pour enjoindre au défendeur d'achever le traitement de cette demande.

[6]                J'ai conclu que le délai de cinq ans pour achever les enquêtes à l'égard des antécédents devant être effectuées afin de déterminer si le demandeur respectait les exigences de la Loi sur la citoyenneté est déraisonnable. Cependant, le défendeur a maintenant, le 10 décembre 2003, probablement en raison de la menace de la présente action devant la Cour fédérale, délivré un rapport suivant le paragraphe 44(1) de la LIPR constatant que le demandeur est interdit de territoire et, le 20 janvier 2004, il a invité le demandeur à présenter des observations à l'égard de la question de savoir si le ministre devrait déférer le rapport aux fins d'une « enquête » . Lors de l'audience, l'avocat du demandeur a informé la Cour que le demandeur avait présenté ses observations le mois précédent, c'est-à-dire en mars 2004. Par conséquent, il semble que la présente affaire est maintenant traitée de façon expéditive et que la présente action devant la Cour a déjà entraîné le résultat recherché.

[7]                Cependant, compte tenu du fait qu'il y avait eu un rapport précédent en 2002, rapport pour lequel il n'y a pas eu de suites, il apparaît raisonnable de s'attendre à ce que le défendeur défère le rapport à la Section de l'immigration afin que, d'ici deux mois, elle procède à une enquête suivant le paragraphe 44(2) de la LIPR ou qu'il défère, d'ici deux mois, la demande de citoyenneté à un juge de la citoyenneté suivant l'alinéa 14(1)a) de la Loi sur la citoyenneté. Il est nécessaire que l'une ou l'autre de ces actions auxquelles on peut s'attendre soit prise afin d'éviter la répétition des retards déraisonnables qui se sont déjà produits dans le présent dossier.

[8]                Étant donné que le défendeur a récemment pris dans le présent dossier des mesures qui ont fait que le but du mandamus a été atteint, aucun bref de mandamus n'est approprié pour le moment. Cependant, la Cour demeurera saisie du dossier et invite les parties à présenter d'autres observations dans deux mois si le ministre n'a pas agi au cours de cette période. Dans deux mois, la Cour rendra son ordonnance qui accordera le bref de mandamus ou qui rejettera l'action.

                                                                                                                           _ Michael A. Kelen _              

                                                                                                                                                     Juge                          

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-2286-03

INTITULÉ :                                                    HUGO HECTOR ROUSSEAU

                                                                                                                                           demandeur

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE MARDI 20 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                                   LE LUNDI 26 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Stephen W. Green                                             POUR LE DEMANDEUR

Kareena Wilding                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stephen W. Green                                             POUR LE DEMANDEUR

Green and Spiegel

390 Bay Street, bureau 2800

Toronto (Ontario)    M5H 2Y2

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                         COUR FÉDÉRALE

                                                         Date : 20040426

                                                   Dossier : T-2286-03

ENTRE :

HUGO HECTOR ROUSSEAU

                                                                  demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

              MOTIFS DE L'ORDONNANCE


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