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Date : 19991022


Dossier : T-439-98

Ottawa (Ontario), le 22 octobre 1999

EN PRÉSENCE DU JUGE DENAULT


ENTRE :

     PROGRESSIVE GAMES, INC.,

     appelante,


     et


     LE COMMISSAIRE AUX BREVETS,

     intimé.


     JUGEMENT


     L'appel est rejeté.



                                 PIERRE DENAULT                                          Juge


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.




Date : 19991022


Dossier : T-439-98



ENTRE :

     PROGRESSIVE GAMES, INC.,

     appelante,


     et


     LE COMMISSAIRE AUX BREVETS,

     intimé.


     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE DENAULT

[1]      Il s'agit d'un appel fondé sur l'article 41 de la Loi sur les brevets1 (la Loi) à l'égard d'une décision par laquelle le commissaire aux brevets a rejeté la demande de brevet de l'appelante.

[2]      L'appelante Progressive Games, Inc. est la cessionnaire de l'invention des inventeurs James P. Suttle et Daniel A. Jones appelée " POKER GAME ". Il s'agit d'une version modifiée d'un jeu de " stud poker " à cinq cartes qui peut se jouer dans les casinos ou les salles de jeu de cartes.

[3]      L'appelante propose par sa méthode un jeu de hasard dans le cadre duquel chaque joueur joue sa main de poker contre une autre main détenue par la maison et touche un boni calculé en fonction du type de main qu'il détient. La méthode est résumée comme suit dans la demande de brevet :

[TRADUCTION] Une fois que tous les joueurs ont déposé une première mise à un endroit désigné, le donneur distribue cinq cartes à chacun d'eux ainsi qu'à lui-même; toutes les cartes sont placées à l'envers, sauf une des cartes du donneur. Chaque joueur examine sa main et décide ensuite de continuer à jouer en faisant une mise supplémentaire ou de fermer son jeu et de se retirer, auquel cas il perd sa première mise. Le donneur ouvre ensuite son jeu au complet; lorsqu'il n'a pas dans les mains une valeur de poker correspondant, à tout le moins, à une combinaison as-roi, il ne peut continuer à jouer. En pareil cas, il verse aux joueurs qui restent un montant correspondant à leurs mises initiales et leur retourne leurs mises. Lorsque le donneur a un jeu d'une valeur égale ou supérieure à la combinaison as-roi, il compare sa main à celle de chaque joueur et paie ou retire les mises, selon le cas. Le donneur paie également des gains supérieurs à la cote 1 à 1 à chaque joueur gagnant ayant une combinaison égale ou supérieure à une double paire selon un barème de paiements bonis2.

[4]      Déposée le 17 avril 1989, la demande de brevet comporte 35 revendications; les revendications 1, 14, 34 et 35 sont des revendications indépendantes, tandis que les autres sont des revendications dépendantes. La revendication 1 représente les revendications indépendantes de la demande :

[TRADUCTION]
1. Méthode de jeu de poker comportant les étapes suivantes :
a) un joueur dépose une première mise;
b) un donneur distribue un nombre prédéterminé de cartes à chacun des joueurs et à lui-même;
c) le joueur décide soit de se replier, auquel cas il perd sa mise aux mains du donneur, soit de déposer une deuxième mise;
d) le joueur compare sa main à celle du donneur à l'aide de la classification du poker;
e) lorsque la main du donneur n'est pas au moins égale à une combinaison prédéterminée, le joueur remporte un montant fixé à l'avance en fonction de sa première mise et conserve sa deuxième mise;
f) lorsque le donneur a en main une combinaison au moins égale à une combinaison prédéterminée et que cette combinaison est supérieure à celle du joueur, celui-ci perd sa première et sa deuxième mises;
g) lorsque la main du donneur est au moins égale à une combinaison prédéterminée, mais inférieure à celle du joueur, celui-ci remporte un premier montant fixé à l'avance à l'égard de sa première mise ainsi qu'un deuxième montant aussi déterminé à l'avance relativement à sa deuxième mise en fonction du type de combinaison qu'il possède, ledit deuxième montant déterminé à l'avance pouvant représenter au moins vingt fois le montant de la deuxième mise3.
[5]      Le deuxième montant prédéterminé qu'un joueur remporte sur sa deuxième mise selon la méthode de la revendication 1 est fondé sur le barème suivant :
Main de poker                  Rapport de paiement
Quinte royale                  250 à 1
Quinte                  50 à 1
Carré                      20 à 1
Main pleine                  7 à 1
Séquence                  5 à 1
Brelan                  3 à 1
Double paire                  2 à 1
Toute autre main              1 à 1

[6]      L'examinateur a rendu sa décision finale le 18 janvier 1994. Les 35 revendications ont toutes été rejetées, parce qu'elles n'étaient pas visées par la définition du mot invention énoncée à l'article 2 de la Loi, étant donné qu'elles concernaient une façon de jouer un jeu. De l'avis de l'examinateur, les méthodes de jeu ne donnent pas de résultats liés de quelque façon que ce soit au commerce ou à l'industrie et ne peuvent non plus être exploitées à l'échelle commerciale. Par conséquent, l'examinateur a jugé qu'il ne convenait pas, dans l'intérêt public, d'accorder un brevet à l'égard d'une méthode de jeu.

[7]      Le 18 mai 1994, l'appelante a demandé au commissaire aux brevets de réviser le refus de l'examinateur.

[8]      Le 25 septembre 1997, le commissaire aux brevets a rendu sa décision; se fondant sur des extraits de certains ouvrages concernant le droit des brevets, il a jugé que l'exploitation de la méthode de l'appelante ne donnait lieu à aucune modification touchant la nature ou l'état d'objets concrets. Le commissaire a également souligné que deux éléments sont absents dans la méthode proposée, soit la procédure et le matériel auxquels elle s'applique. Le commissaire a décrit la méthode de l'appelante comme [TRADUCTION] " une idée abstraite qui concerne la façon de jouer un jeu et qui pourrait être comparée aux règles du golf, par exemple ".

[9]      Par conséquent, le commissaire a conclu que la demande concerne un objet qui n'est pas brevetable selon l'article 2 de la Loi, parce que les méthodes décrites dans les revendications ne visent pas une " réalisation " ou un " procédé " au sens de l'article 2.

[10]      En dernier lieu, le commissaire a formulé les observations suivantes à la page 6 de la décision :

[TRADUCTION] Un examen des méthodes décrites dans la demande, indique nettement qu'elles sont conçues de façon à favoriser la maison ou la banque lorsqu'elles sont utilisées. En d'autres termes, la maison ou la banque aura toujours un avantage par rapport aux joueurs et sera donc certaine d'être du côté gagnant.
     Ainsi, lorsque la maison/banque a entre les mains une combinaison inférieure à la combinaison as-roi, elle paie à chaque joueur qui reste uniquement des gains correspondant à la mise initiale à chaque joueur qui reste, et celui-ci conserve sa mise subséquente. Dans un jeu normal, la maison/banque sera tenue, dans une situation identique, de payer à la fois la mise initiale du joueur et sa mise subséquente, si la main de celui-ci est supérieure à la combinaison de la maison/banque. En d'autres termes, cette méthode de jeu fait pencher la balance en faveur de la maison/banque.
     De l'avis de la Commission, l'utilisation d'une combinaison comme la combinaison as-roi comme critère de paiement découle d'un calcul mathématique des chances que certaines combinaisons de cartes sortent ainsi que des avantages que la requérante souhaite accorder à la maison/banque. En d'autres termes, la méthode de la requérante est le fruit d'un simple calcul mathématique plutôt que l'exercice de la faculté inventive permettant de faire progresser les connaissances humaines et d'y apporter un élément nouveau par l'utilisation de l'intelligence.

[11]      Le 17 mars 1998, l'appelante a interjeté appel de la décision du commissaire devant la Cour.

[12]      La seule question à trancher dans le présent appel est celle de savoir si les modifications que l'appelante a apportées à la façon de jouer au poker sont visées par la définition des mots " réalisation " ou " procédé " utilisés dans la définition du mot " invention " à l'article 2 de la Loi :

2. In this Act, except as otherwise provided,


[...]

"invention" means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter;

2. Sauf disposition contraire, les définitions qui suivent s"appliquent à la présente loi.

[...]

"invention" Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l"un d"eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l"utilité.

[13]      Au Canada, il est bien reconnu que le mot " réalisation " a un sens large qui englobe le mot " procédé ". Dans l'affaire Refrigerating Equipment Limited v. W.A. Drummond and Waltham System Incorporated, [1930] R.C.É. 154, p. 166, le juge Maclean s'est exprimé comme suit :

[TRADUCTION] La Loi sur les brevets reconnaît qu'une méthode ou un procédé peut être protégé au même titre qu'une machine ou un article de fabrication; à mon avis, une méthode et un procédé désignent la même chose. En tout état de cause, il est bien reconnu que le mot " réalisation " peut comprendre une méthode ou un procédé.

[14]      En ce qui a trait à la définition du mot " réalisation ", l'arrêt clé au Canada est le jugement que la Cour suprême du Canada a rendu dans l'affaire Shell Oil Company c. Commissaire des brevets, [1982] 2 R.C.S. 536. Dans cette affaire, l'appelante, qui désirait obtenir un brevet à l'égard de certains composés chimiques mélangés avec des adjuvants, a reconnu que le fait de mélanger les composés avec des adjuvants ne comportait aucun élément inventif. L'invention était plutôt la découverte d'une nouvelle utilisation de ces composés connus, soit leur usage à titre de régulateurs de la croissance des plantes. La Cour devait décider si cette " découverte " pouvait faire l'objet d'un brevet. Après avoir conclu que la découverte d'un nouvel usage à l'égard d'un ancien composé était brevetable, Madame le juge Wilson s'est exprimée comme suit au nom de la Cour, à la page 554 :

Une idée désincarnée n'est pas brevetable en soi. Mais elle le sera s'il existe une méthode pratique de l'appliquer. L'appelante a montré en l'espèce une méthode pratique d'application.

[15]      Citant l'arrêt Tenessee Eastman Co. c. Commissaire des brevets, [1974] R.C.S. 111, Madame le juge Wilson a ajouté ce qui suit :

La Cour a cependant affirmé que " réalisation " est un mot très général et qu'il ne faut pas le restreindre aux nouveaux procédés, produits ou techniques de fabrication mais qu'il faut l'appliquer aussi aux méthodes nouvelles et innovatrices qui servent à appliquer des connaissances ou des compétences pourvu qu'elles produisent des effets ou des résultats utiles pour le public de façon commerciale.

[16]      En conséquence, la définition du mot " réalisation " que donne la Cour suprême comprend un procédé :

(i)      qui n'est pas une idée désincarnée, mais comporte une méthode d'application pratique;
(ii)      qui constitue une façon nouvelle et innovatrice d'appliquer des compétences ou des connaissances;
(iii)      qui produit des résultats ou des effets utiles de façon commerciale.

[17]      N'ayant pas tenu compte de cet arrêt clé concernant la définition du mot " réalisation ", le commissaire n'a pas appliqué le critère qui convenait. Par conséquent, la Cour peut à bon droit le faire dans un appel fondé sur l'article 41 de la Loi. Comme le juge Lamer (maintenant juge en chef) l'a écrit dans l'arrêt Pioneer Hi-Bred c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 R.C.S. 1623, à la page 1635 :

L'article 444 mentionne simplement que "Quiconque n'a pas réussi à obtenir un brevet en raison du refus ou de l'opposition du commissaire peut [...] interjeter appel de la décision du commissaire à la Cour fédérale". ... Ainsi, l'art. 44 de la Loi sur les brevets attribue à la Cour fédérale une juridiction exclusive pour entendre et décider un appel dès que le commissaire indique une objection ou un refus au sujet de la demande de brevet. La Cour d'appel fédérale5 peut même discuter des aspects de la demande au sujet desquels le commissaire n'a émis aucun commentaire (le juge Thurlow dans Sarco Co. v. Sarco Canada Ltd., [1969] 2 R.C. de l'É. 190). Le pouvoir envisagé par cet article habilite la Cour fédérale à en arriver à ses propres conclusions à l'égard de la preuve soumise et non pas simplement à évaluer si les conclusions du commissaire sont fondées en droit (à la p. 193).

[18]      En premier lieu, je suis d'avis que les modifications que l'appelante a proposées à la façon de jouer au jeu de poker respectent deux des critères que la Cour suprême a établis dans l'arrêt Shell Oil :

a) il ne s'agit pas simplement d'une idée désincarnée; il existe bel et bien une méthode pratique d'appliquer cette idée, car ces changements concernent la manipulation physique des cartes;
b) je crois également que la méthode de l'appelante permet d'atteindre un résultat pouvant être utile sur le plan commercial. À cet égard, l'appelante a déposé auprès du commissaire un affidavit de l'un de ses employés, John Mercy. Dans cet affidavit en date du 18 mai 1994, M. Mercy a déclaré que l'appelante accordait une licence à l'égard de jeux qui sont joués conformément aux méthodes décrites et revendiquées dans la demande de brevet sous étude dans des casinos de la Colombie-Britannique. Il a ajouté que les droits de licence que l'appelante touchait pour ces jeux atteignaient 43 200 $ par mois. Compte tenu de ces droits, je n'ai aucun doute sur le fait que la méthode de l'appelante puisse être exploitée à l'échelle commerciale.

[19]      Toutefois, j'estime que la méthode de l'appelante ne respecte pas le critère de l'application des aptitudes ou des connaissances que la Cour suprême a décrit dans l'arrêt Shell Oil. Dans cette affaire, la Cour suprême a conclu que la découverte d'un nouvel usage à l'égard d'anciens composés avait augmenté le bagage de connaissances au sujet de ces composés, parce que l'appelante avait découvert certaines propriétés qui n'avaient pas été reconnues auparavant. Voici comment elle s'est exprimée à la page 549 :

En quoi consiste l'" invention " selon l'art. 2? Je crois que c'est l'application de cette nouvelle connaissance afin d'obtenir un résultat, qui a une valeur commerciale indéniable et qui répond à la définition de l'expression " toute réalisation ... présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité ". Je crois qu'il faut donner au mot " réalisation " de la définition son sens général de " science " ou " connaissance ". Dans ce cas, la découverte de l'appelante a augmenté le bagage de connaissances au sujet de ces composés en leur trouvant des propriétés jusqu'alors inconnues et elle a établi la méthode par laquelle on peut leur donner une application pratique. À mon sens, cela constitue une " réalisation ... présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité " et les compositions sont la réalisation pratique de la nouvelle connaissance.

[20]      Je ne crois pas que les modifications que l'appelante a apportées à la façon de jouer au poker augmentent le bagage de connaissances au sujet des jeux. À mon avis, elles ne renvoient pas à un " apprentissage " ou à une " connaissance " selon le sens habituel de ces mots lorsqu'ils sont utilisés dans des expressions ou en liaison avec des expressions comme " l'état des connaissances " et " l'antériorité ".

[21]      À l'audience, le représentant de l'appelante a d'abord soutenu qu'il avait inventé un nouveau jeu. Pour illustrer son argument, il a cité un arrêt américain, Cusano v. Kotler (1947), 72 U.S.P.Q. 62. Même s'il est nécessaire de faire montre de prudence lors de l'examen de la jurisprudence américaine, celle-ci constitue néanmoins un guide utile6. L'objet du brevet du demandeur était une table de jeu que la Cour a décrite en ces termes :

[TRADUCTION] Le demandeur a eu l'idée de combiner quelques-unes des caractéristiques du jeu de galets à celles du jeu de billard et a produit une table de jeu qui était suffisamment petite pour être utilisée dans une pièce d'une grandeur raisonnable sans monopoliser tout l'espace. En général, le produit du brevet mesure dix pieds de long, même si aucun élément du mémoire du brevet ne comporte de restriction quant à la longueur.
Une des extrémités de la surface de jeu du produit du demandeur est recouverte de bandes sur trois côtés. Ces bandes permettent au disque de rebondir de la même façon que les bandes d'une table de billard. À l'extrémité opposée, la surface de jeu est entourée de rainures de la même façon qu'une table de jeu de galets. C'est à cet endroit que des points peuvent être marqués. Si cette description est claire, il est évident qu'un jeu comme le jeu de galets ordinaire peut être joué, sauf que le disque parvient à la zone des points par suite d'un effet de rebondissement plutôt que par l'application directe de la force par le joueur. Il est également évident qu'il est possible d'utiliser la table de jeu pour jouer à un jeu de galets modifié par l'ajout de trois bandes et comparable en ce sens au jeu de billard. De la même façon, il est évident que la table peut aussi être utilisée pour le jeu de quilles ou toute version modifiée de ce jeu et qu'il est possible d'employer autant des disques que des balles.

[22]      La Cour a reconnu que la table de jeu du demandeur constituait une réalisation. Voici comment elle s'est exprimée aux pages 64 et 65 :

[TRADUCTION] À notre avis, la table du demandeur a apporté une contribution nouvelle et différente à la technique des jeux et constitue une réalisation. Cette table ne permet pas de jouer au billard ni même au jeu de galets, sinon sous une forme largement modifiée. Nous ne pouvons demander à qui que ce soit de produire un jeu entièrement nouveau, car nous pensons que la plupart des jeux sont fondés sur quelques idées de base. Cependant, l'invention du demandeur permet de jouer à un jeu différent de ceux qui existaient auparavant; il est donc permis de conclure que le demandeur a inventé quelque chose.
     [non souligné dans l'original]

[23]      Dans la présente affaire, j'estime que les modifications apportées à la méthode du jeu de poker, soit l'ajout d'un nouveau joueur appelé la maison, n'a pas pour effet de modifier en profondeur le jeu existant ou de créer un nouveau jeu. La méthode de l'appelante est fondée sur l'utilisation du jeu de cartes habituel et de la main de poker de cinq cartes; selon la méthode qu'elle préconise, la priorité des mains gagnantes est déterminée par les règles de poker traditionnelles. En ce qui a trait au barème de paiements bonis, même s'il peut rendre le jeu plus attirant pour le consommateur, il ne change rien à la façon dont le jeu se joue. Les gains qu'un joueur peut faire sont liés aux paris et non au jeu lui-même.

[24]      La Cour a été informée que la méthode de poker de l'appelante a été brevetée aux États-Unis. Elle n'est pas liée par ce fait.

[25]      Comme deuxième argument, le représentant de l'appelante soutient avoir inventé une méthode permettant d'utiliser l'ancien jeu de cartes d'une nouvelle façon. Il allègue qu'il a toujours été difficile d'adapter la façon traditionnelle de jouer au poker à un casino. Selon lui, en incluant dans sa méthode ce qu'il appelle " la maison " (le casino), il permet que le jeu soit utilisé dans un casino, ce qui constituerait une nouvelle utilisation de l'ancien jeu de cartes.

[26]      Je ne puis souscrire à cet argument. Dans l'affaire Shell Oil Company, l'appelante avait trouvé une nouvelle utilisation d'anciens composés comme régulateurs de la croissance des plantes. Dans la présente affaire, l'appelante propose un usage connu du jeu de cartes, soit son emploi pour faire des paris dans les casinos. Or, depuis des années, les jeux de cartes sont utilisés dans les casinos et les joueurs jouent contre la maison, le casino lui-même.

[27]      J'en arrive donc à la conclusion que les modifications que l'appelante a apportées à la façon de jouer un jeu de cartes ne constituent pas une réalisation ou un procédé au sens de la définition de l'invention à l'article 2 de la Loi.



[28]      Par ces motifs, l'appel doit être rejeté.

                                 Pierre Denault

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 22 octobre 1999


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :              T-439-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      PROGRESSIVE GAMES, INC. c. LE COMMISSAIRE AUX BREVETS

LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)


DATE DE L'AUDIENCE :      22 septembre 1999


MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE DENAULT

EN DATE DU :              22 OCTOBRE 1999


ONT COMPARU :


Mes STEVEN B. GARLAND et                      POUR L'APPELANTE

KOHJI SUZUKI

Me R.B. WOYIWADA                          POUR L'INTIMÉ


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


SMART & BIGGAR                          POUR L'APPELANTE

OTTAWA (ONTARIO)

Me MORRIS ROSENBERG                          POUR L'INTIMÉ

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

__________________

     1 R.S.C. (1985), ch. P-4.

     2 Dossier d'appel, onglet 3, p. 20-21.

     3 Demande de brevet, p. 16, dossier d'appel, onglet 3, p. 33.

     4 L'article 44 est maintenant devenu l'article 41, qui produit des effets identiques :
41. Every person who has failed to obtain a patent by reason of a refusal of the Commissioner to grant it may, at any time within six months after notice as provided for in section 40 has been mailed, appeal from the decision of the Commissioner to the Federal Court and that Court has exclusive jurisdiction to hear and determine the appeal.
41. Dans les six mois suivant la mise à la poste de l"avis, celui qui n"a pas réussi à obtenir un brevet en raison du refus ou de l"opposition du commissaire peut interjeter appel de la décision du commissaire à la Cour fédérale qui, à l"exclusion de toute autre juridiction, peut s"en saisir et en décider.

     5 En vertu de la Loi modifiant la Loi sur la Cour fédérale , la Loi sur la responsabilité de l'État, la Loi sur la Cour suprême et d'autres lois en conséquence, L.C. 1990, ch. 8, modifiant R.S.C. (1985), ch. F-7, c'est la Section de première instance de la Cour fédérale qui entend désormais l'appel plutôt que la Cour d'appel fédérale. À cet égard, la Cour est investie de larges pouvoirs conférés par l'article 41 de la Loi sur les brevets, notamment le pouvoir de se " saisir [de l'appel] et en décider ".

     6 Télé-Direct (Publications) Inc. c. American Business Information, Inc. (1997), 76 C.P.R. (3d) 296, p. 309.

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