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                                                                                                                T-1121-95

 

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale; et

 

Une décision du directeur général intérimaire, Régime de pensions du Canada, Direction générale des programmes de la sécurité du revenu,

 

 

Entre :

 

                                            GERHARD WIEMER,

 

 

                                                                                                                 requérant,

 

 

 

 

                                                             - et -

 

 

 

 

WAYNE GANIM, en sa qualité de directeur

général intérimaire, Régime de pensions

du Canada, Programmes de la sécurité du revenu,

et DOROTHEA HILDEGARD KUKAT,

 

                                                                                                                    intimés.

 

 

                                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

LE JUGE MULDOON

 

            Le requérant demande le contrôle judiciaire de la décision de Wayne Ganim, directeur général intérimaire, Régime de pensions du Canada, Programmes de la sécurité du revenu, Mise en valeur des ressources humaines, prise le 21 avril 1995, afin qu'elle soit annulée.

 

            Cette décision, dont un double est joint aux pages 51 et 52 du dossier du requérant est étrange puisqu'elle indique qu'elle [TRADUCTION] «fait suite à l'appel [du requérant] à la Commission d'appel des pensions (CAP) concernant un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension dans le cadre du Régime de pensions du Canada (RPC), et à la décision subséquente de la CAP en date du 24 juin 1994».  Après s'être excusé pour le retard, l'intimé Ganim poursuit dans les termes suivants :

 

[TRADUCTION]

                Je voudrais tout d'abord expliquer que mon poste de directeur général intérimaire, Régime de pensions du Canada, Direction générale des programmes de la sécurité du revenu, Mise en valeur des ressources humaines, a remplacé le poste de «directeur général, Opérations des programmes, Direction générale des programmes de la sécurité du revenu du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social».  Dans l'exercice des fonctions de ce poste, j'ai le pouvoir qui m'a été délégué en vertu du Règlement sur le Régime de pensions du Canada de décider si, dans votre cas, il y a lieu de procéder à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension.

 

                J'ai examiné la demande et tenu compte de toutes les circonstances particulières de votre cas, «y compris des intentions des parties au moment où elles ont établi leur relation conjugale, de leurs intentions au moment de la rupture, de la nature du contrat qu'elles ont conclu et du caractère irrévocable qu'elles entendaient lui donner par rapport à leur relation».  J'ai aussi examiné tous les autres faits contenus dans le dossier.

 

                En outre, j'ai dû tenir compte des dispositions législatives pertinentes et des intentions du législateur au moment de leur adoption.

 

                Après avoir analysé toutes les circonstances pertinentes, les faits et le droit, comme je l'ai indiqué ci-dessus, en fonction de leur importance réelle, je dois vous informer que j'ai décidé d'approuver la demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, présentée par votre ex-conjoint.  Je suis convaincu que cette demande respecte les exigences législatives et réglementaires nécessaires à son approbation et que tous les autres facteurs dont j'ai tenu compte ne m'obligent pas à la refuser.

 

                Nous ferons connaître le résultat de notre examen à la Commission d'appel des pensions de façon à ce que les responsables puissent prendre les mesures qui s'imposent pour régler votre appel de façon définitive.

 

 

            La demande en l'espèce se fonde sur les motifs suivants :

 

 

[TRADUCTION]

1.             Wayne Ganim, directeur général intérimaire, Régime de pensions du Canada, Programmes de la sécurité du revenu (M. Ganim), n'avait pas compétence pour prendre la décision dont il est question dans sa lettre du 21 avril 1995, étant donné que l'appel du requérant concernant le partage de ses prestations de retraite avait déjà fait l'objet d'une décision de la Commission d'appel des pensions le 24 juin 1994.

 

2.             Subsidiairement au paragraphe 1 ci-dessus, M. Ganim, en prenant sa décision, a commis une erreur de droit sur les points suivants :


a)  Il a manqué à un principe de justice naturelle, en ce qu'il n'a pas donné au requérant la possibilité d'être entendu ou de présenter des observations concernant l'examen qu'il a fait de la demande présentée par Dorothea Hildegard Kukat en vue du partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension sur la pension du requérant, demande qui a été refusée.

 

b)  En fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments dont il disposait, notamment de l'accord de séparation qui, d'après les intentions de Dorothea Hildegard Kukat et de Gerhard Wiemer, devait régler définitivement toutes les questions en suspens entre eux, y compris les questions ayant trait à leur pension respective.

 

c) Il a procédé au partage des prestations de retraite du requérant alors qu'il n'était pas saisi d'une demande à cet effet.

 

 

            La demande est appuyée par l'affidavit de Mary Ann Russell qui contient la documentation pertinente.

 

            Le requérant, M. Wiemer, et Mme Kukat, la deuxième intimée désignée en l'espèce, ont vécu en union libre du 28 juillet 1973 jusqu'à leur séparation le 3 novembre 1990.  Le 8 avril 1992, un accord de séparation a été négocié.  M. Wiemer a versé à Mme Kukat la somme de 167 000 $.  En échange, Mme Kukat convenait de ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

«libère de façon irrévocable et définitive Gerry [le requérant] de toute réclamation ayant trait aux éléments énumérés [...] et autres demandes de soutien ou de pension alimentaire [...] et s'engage à ne pas intenter ou poursuivre d'action ou d'autres actions en vue du partage des biens de Gerry ou de l'obtention d'une pension alimentaire [...] dans l'avenir.

(Dossier de la demande, p. 61)

 

 

Le 21 mai 1992, Mme Kukat a demandé le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8 (la Loi ou le RPC).

 

            En juin 1992, M. Wiemer a reçu une lettre l'informant que Mme Kukat avait droit au partage de ses droits à pension (dossier du requérant, p. 66).  Le requérant a interjeté appel de cette décision devant le ministre au motif que les conditions de l'accord de séparation rendait ce partage impossible.  Cet appel lui a été refusé par une lettre du 2 septembre 1992 (dossier du requérant, p. 69).  Il a ensuite demandé au ministre de réévaluer sa décision, demande qui lui a également été refusée le 18 février 1993.  Le requérant en a appelé de la décision du ministre devant le tribunal de révision du Régime de pensions du Canada.  Le tribunal a rejeté l'appel le 22 juillet 1993 (dossier du requérant, p. 74).  Le requérant a ensuite demandé l'autorisation d'en appeler devant la Commission d'appel des pensions (CAP), ce qui lui a été accordé.

 

            La CAP, bien entendu, a tenu compte des dispositions législatives pertinentes, énoncées dans la Loi sur le Régime de pensions du Canada :

 

55.1 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article et des articles 55.2 et 55.3, il doit y avoir partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension dans les circonstances suivantes :

 

a) [...]

 

b) [...]

 

c) à la suite de l'approbation par le ministre d'une demande de l'un ou l'autre des anciens conjoints - au sens du sous-alinéa a)(ii) de la définition de «conjoint» au paragraphe 2(1) -, ou de leur part, ou encore d'une demande des ayants droit de l'un ou l'autre des anciens conjoints, ou de leur part, dans les cas où :

 

(i) soit les anciens conjoints ont vécu séparément  pendant une période d'au moins un an,

 

(ii) [...]

 

et si la demande est faite dans les quatre ans suivant le jour où les anciens conjoints ont commencé à vivre séparément.

 

                                                                                   [...]

 

     (5) Avant qu'ait lieu, en application du présent article, un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, ou encore au cours de la période prescrite après qu'a eu lieu un tel partage, le ministre peut refuser d'effectuer ce partage, comme il peut l'annuler, selon le cas, s'il est convaincu que le partage serait, ou est, selon le cas, désavantageux pour les deux conjoints ou anciens conjoints.

 

55.2 (1) Au présent article, «contrat matrimonial» s'entend :

 

a)  [...]

 

b)  d'un contrat entre des conjoints ou des anciens conjoints, y compris un accord de séparation conclu :

 

(i) soit avant le jour lors duquel une demande est faite en application de l'article 55 ou 55.1,


(ii)  [...]

 

     (2)      Sauf selon ce qui est prévu au paragraphe (3), sont sans effet quant au ministre en ce qui concerne le partage, en application de l'article 55 ou 55.1 des gains non ajustés ouvrant droit à pension, les dispositions d'un contrat matrimonial conclu ou d'une ordonnance d'un tribunal rendue le 4 juin 1986 ou après.

 

     (3)      Dans le cas où les conditions suivantes sont réunies :

 

a) le 4 juin 1986 ou après, un contrat matrimonial est conclu et contient une disposition qui fait expressément mention de la présente loi et qui exprime l'intention des conjoints ou des anciens conjoints de ne pas faire le partage, en application de l'article 55 ou 55.1, des gains non ajustés ouvrant droit à pension;

 

b) la disposition en question du contrat matrimonial est expressément autorisée selon le droit provincial applicable à ce contrat;

 

c) la disposition en question du contrat matrimonial n'a pas été annulée aux termes d'une ordonnance d'un tribunal, le ministre n'effectue pas le partage en application de l'article 55 ou 55.1.

 

 

            Les pouvoirs de règlement des tribunaux, y compris ceux de la CAP, en vertu desquels les décisions concernant le partage des droits à pension peuvent être prises sont conférés, en partie, par les dispositions suivantes de la Loi :

 

82. (1) Un requérant ou bénéficiaire, un conjoint, un ancien conjoint, un ayant droit ou, sous réserve des règlements, quiconque de leur part, peuvent, dans les cas où ils ne sont pas satisfaits d'une décision du ministre rendue en application de l'article 81 ou du paragraphe 84(2), interjeter par écrit auprès d'un tribunal de révision un appel de la décision du ministre soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où ils sont, de la manière prescrite, avisés de cette décision, soit dans tel délai plus long qu'autorise le commissaire des tribunaux de révision avant ou après l'expiration de ces quatre-vingt-dix jours.

 

                                                                                   [...]

 

    (11) Un tribunal de révision peut confirmer ou modifier une décision du ministre prise en vertu de l'article 81 ou du paragraphe 84(2) et il peut, à cet égard, prendre toute mesure que le ministre aurait pu prendre en application de ces dispositions; le commissaire des tribunaux de révision doit aussitôt donner un avis écrit de la décision du tribunal et des motifs la justifiant au ministre ainsi qu'aux parties à l'appel.

 

83. (1) Un requérant ou bénéficiaire, un conjoint, un ancien conjoint, un ayant droit ou, sous réserve des règlements, quiconque de leur part, de même que le ministre, peuvent, dans les cas où ils ne sont pas satisfaits d'une décision du tribunal de révision rendue en application de l'article 82 ou du paragraphe 84(2), présenter, soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où la décision du tribunal de révision leur est transmise, soit dans tel délai plus long qu'autorise le président ou le vice-président de la Commission d'appel des pensions avant ou après l'expiration de ces quatre-vingt-dix jours, une demande écrite au président ou au vice-président de la Commission d'appel des pensions, afin d'obtenir la permission d'interjeter un appel de la décision du tribunal de révision auprès de la Commission.


                                                                                   [...]

 

    (11) La Commission d'appel des pensions peut confirmer ou modifier une décision d'un tribunal de révision prise en vertu de l'article 82 ou du paragraphe 84(2) et elle peut, à cet égard, prendre toute mesure que le tribunal de révision aurait pu prendre en application de ces dispositions et en outre, elle doit aussitôt donner un avis écrit de sa décision et des motifs la justifiant à toutes les parties à cet appel.

 

84. (1) Un tribunal de révision et la Commission d'appel des pensions ont autorité pour décider des questions de droit ou de fait concernant :

 

a) la question de savoir si une prestation est payable à une personne;

 

b) le montant de cette prestation;

 

c) la question de savoir si une personne est admissible à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension;

 

d) le montant de ce partage;

 

                                                                                   [...]

 

La décision du tribunal de révision, sauf disposition contraire de la présente loi, ou celle de la Commission d'appel des pensions, sauf contrôle judiciaire dont elle peut faire l'objet aux termes de la Loi sur la Cour fédérale, est définitive et obligatoire pour l'application de la présente loi.

 

 

            La Loi sur la Cour fédérale a toujours renfermé une disposition (actuellement le paragraphe 28(3)) portant que, lorsque la Cour d'appel a compétence sur quelque question que ce soit, la Section de première instance en est privée.  En l'espèce, il est pertinent de reproduire l'alinéa 28(1)d), rédigé dans les termes suivants :

 

28. (1) La Cour d'appel a compétence pour connaître des demandes de contrôle judiciaire visant les offices fédéraux suivants :

 

                                                                                   [...]

 

d) la Commission d'appel de pensions constituée par le Régime de pensions du Canada.

 

 

            La Section de première instance ne peut donc manifestement pas se prononcer, ni chercher à se prononcer, sur une demande de contrôle judiciaire concernant une décision de la CAP.

 

            En l'espèce, le requérant ne demande pas à la Cour de réviser la décision de la CAP en date du 24 juin 1994.  En fait, on a accordé au requérant le bénéfice de cette décision dans la mesure où elle est conforme à la compétence de la CAP qui lui est conférée par loi, comme il est indiqué ci‑dessus, et qui consiste à «confirmer ou modifier une décision [d'un] tribunal de révision prise en vertu de l'article 82 ou du paragraphe 84(2) et elle peut, à cet égard, prendre toute mesure que le tribunal de révision aurait pu prendre [...] et [sa décision] est définitive et obligatoire pour l'application de la présente loi».  En l'espèce, la situation est délicate et exige d'être correctement exposée, étant donné que les fins de la justice ou du droit ne seront aucunement servies si la Cour outrepasse sa compétence.

 

            Les avocats des intimés demandent instamment à la Cour de rejeter la demande pour défaut de compétence aux termes de l'alinéa 28(1)d) et du paragraphe 28(3) de la Loi sur la Cour fédérale, et parce que, selon leurs arguments, le requérant n'a pas suivi la procédure prévue pour obtenir les redressements qu'il recherchait, comme l'a indiqué la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Harelkin c. University of Regina [1979] 2 R.C.S. 561, aux pages 574 à 580.  Ces arguments seraient fondés si on avait demandé à la Cour d'effectuer le contrôle judiciaire de la décision de la CAP, mais tel n'est pas le cas.  Le requérant demande le contrôle judiciaire de la décision de Wayne Ganim et ni cette décision ni ce fonctionnaire n'échappent au pouvoir de révision de la Section de première instance aux termes de l'alinéa 28(1)d) et du paragraphe 28(3) au profit de la Cour d'appel, ou aux termes de toute autre disposition de la loi habilitante.

 

            Il s'agit d'une situation délicate parce que la CAP a incité M. Ganim à intervenir de nouveau en tant que délégué du ministre, après qu'elle eut modifié la décision du ministre d'une façon qui convenait parfaitement au requérant.  Ce dernier n'aurait certainement pas demandé à faire annuler la décision de la CAP qui infirmait la décision du ministre de procéder au partage de sa pension.  La décision en date du 24 juin 1994 est rédigée dans les termes suivants :

 

[TRADUCTION]

LA COMMISSION ORDONNE que le présent appel soit accueilli, que la décision du tribunal de révision en date du 17 juin 1993 soit annulée et que la question soit renvoyée au ministre pour réexamen.

 

                                                                                                        (Dossier du requérant, pages 43 et 44)

 

 

            C'est ce renvoi qui a incité Wayne Ganim a rendre une décision superflue et contraire aux motifs exposés par la Commission.

 

            Ces motifs, bien qu'ils ne constituent pas en eux-mêmes la décision, sont importants.  Il ne faut pas oublier que la procédure devant la CAP est l'appel ultime (par le biais de certains autres paliers) de la décision initiale du ministre ordonnant le partage de la pension du requérant.  On se demande pourquoi la CAP, dont les pouvoirs sont énoncés dans les passages des lois reproduits ci-dessus, a entrepris de renvoyer «la question» au ministre pour un nouvel «examen».  Voici ce qu'écrit la CAP :

[TRADUCTION]

                L'avocat de M. Weimer [sic] ne conteste pas la position du ministre concernant les dispositions de la Loi, mais, selon lui, étant donné que la Loi dispose que la demande doit être approuvée par le ministre ou son délégué, cette approbation exige que la décision soit prise sur le fond.

 

                Il ne fait aucun doute que, si les conditions énoncées au paragraphe 55.2(3) de la Loi sont réunies, le contrat matrimonial lie le ministre.  Toutefois, lorsque le contrat ne lie pas le ministre, cela ne signifie pas que ses dispositions doivent être ignorées.  Bien au contraire, c'est précisément quand une affaire n'est assujettie ni au partage obligatoire [par. 55.1(1)] ni à un accord de séparation obligatoire [article 55.2] que le ministre ou son délégué doivent exercer leur pouvoir discrétionnaire et décider si la demande doit ou non être approuvée.

 

                La décision devrait se fonder sur les circonstances particulières du cas, sur les intentions des parties au moment où elles ont établi leur relation conjugale, sur leurs intentions au moment de la rupture, sur la nature du contrat qu'elles ont conclu et sur le caractère irrévocable qu'elles entendaient lui donner par rapport à leur relation.  Je suis sûr qu'il y aura d'autres éléments à considérer, mais, au bout du compte, la décision doit s'appuyer sur le bien-fondé de chaque cas.

 

                En l'espèce, il me semble que le ministre était d'avis que, puisqu'il n'était pas lié par l'accord de séparation, il n'avait d'autre choix que d'autoriser le partage, étant donné que celui-ci était obligatoire.  Cela ressort clairement du libellé d'une lettre, rédigée au nom du ministre le 18 février 1993 et adressée à l'avocat de M. Weimer, rejetant un appel de la décision de partager ses droits à pension.  Le passage suivant est tiré du paragraphe 3 :

 

dans les circonstances prescrites, le partage doit être accordé sans tenir compte des conditions des accords de séparation.  [...]

 

                                                                                                                (non souligné dans le texte original)


La lettre se poursuit ainsi :

 

[...] l'accord de séparation (art. 2, 5 et 6) ne lie par le ministre.  Par conséquent, l'appel a été rejeté.

 

                                                                                                   (non souligné dans le texte original)

 

C'est manifestement l'approche que le tribunal de révision a également adoptée.  Selon lui, la «question essentielle» était de savoir si le ministre était lié par l'accord.  Comme il ne l'était pas, il devait procéder au partage des gains ouvrant droit à pension.  En agissant ainsi, le tribunal de révision n'a pas tenu compte du fait que, même si le ministre n'est pas lié par l'accord, cela ne signifie pas qu'il ne puisse lui donner l'importance qu'il doit avoir.

 

                Pour ces motifs, j'accueillerais l'appel et je renverrais l'affaire au ministre ou à son délégué pour qu'il soit décidé s'il convient d'approuver la demande de Mme Kukat après avoir dûment examiné toutes les circonstances et le bien‑fondé de ce cas, y compris le contrat matrimonial et les intentions des parties.

 

 

            Si la CAP avait renvoyé la question au ministre en l'accompagnant des instructions appropriées pour que la décision soit conforme aux motifs qu'elle venait de formuler, M. Ganim n'aurait peut-être pas été enclin à rendre une décision contraire à celle de la Commission.  Ce pouvoir et cette décision sont visés à l'alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale.  Bien que la CAP ait été composée de juges de cours supérieures, cela ne fait pas d'elle une cour supérieure : elle est en fait un office fédéral au sens de l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale.  Donc, après avoir indirectement, mais effectivement, annulé la décision du ministre, pourquoi la CAP a-t-elle renvoyé la question du partage des gains ouvrant droit à pension au ministre, alors qu'elle n'avait aucun pouvoir de donner des ordres au ministre selon les dispositions législatives qui, à son avis, étaient applicables?  Ce sont des questions que pourrait se poser un tribunal judiciaire qui procéderait au contrôle de la décision de la CAP, mais ce n'est pas ce qui est demandé à la Cour qui, de toute façon, n'a pas compétence en la matière.

 

            Pour revenir à la décision de la CAP, qui est distincte de ses motifs, l'avocat du requérant fait valoir que les mots «et que la question soit renvoyée au ministre pour réexamen» sont redondants et excèdent manifestement le pouvoir légal de la CAP.  À strictement parler, la CAP fait connaître ses décisions dans les ordonnances qu'elle rend, et non dans les motifs qu'elle exprime.  L'avocat affirme que ce présumé renvoi excède si manifestement la compétence de la CAP qu'on peut tout simplement le considérer comme étant nul, sans qu'il soit nécessaire de procéder à un contrôle judiciaire.  Cette affirmation n'est pas aussi déraisonnable ou alarmante qu'elle le serait si la CAP était une cour supérieure, ce qui n'est pas le cas.  Elle n'a aucun pouvoir inhérent et sa décision de renvoyer l'affaire au ministre pour nouvel examen, juste après que la CAP a conclu que le premier examen effectué par le ministre, et confirmé par le tribunal de révision, était tout à fait erroné, ne figure pas parmi les pouvoirs que la loi confère à la CAP.

 

            En vertu du paragraphe 82(11), le tribunal de révision «peut prendre toute mesure que le ministre aurait pu prendre» et en vertu du paragraphe 83(11), la Commission d'appel des pensions «peut prendre toute mesure que le tribunal de révision aurait pu prendre en application de [l'article 82]», et il est donc clair que la CAP avait le pouvoir de prendre toutes les mesures que le ministre aurait pu prendre.  Le ministre pouvait soit approuver soit refuser le partage de la pension du requérant, et la CAP a annulé la confirmation par le tribunal de révision de l'approbation de ce partage accordée par le ministre, étant donné que le ministre n'a pas tenu compte de la clause de l'accord de séparation portant sur la libération absolue et définitive du requérant de toutes les réclamations de Mme Kukat, en contrepartie de la somme de 167 000 $ qu'il lui a versée.  Cela est tout à fait manifeste.

 

            Il semble certain, d'après l'attribution des pouvoirs prévue par la loi, que le renvoi au ministre (de sorte que son délégué puisse s'opposer à l'annulation autrement bien motivée par la CAP de la décision initiale du ministre) ne se trouve pas parmi ces pouvoirs.  Et est-il aussi manifeste qu'un tel renvoi ordonné par un tribunal créé par la loi puisse être ignoré pour cause de nullité étant donné qu'il n'a jamais été clairement revêtu d'une quelconque validité reconnue par la loi?

 

            L'avocat du requérant cite certains exemples jurisprudentiels péremptoires.  Dans l'arrêt Volhoffer v. Volhoffer [1925] 2 WWR 304 (C.A Sask.), le juge demande à la page 308 :

 

[TRADUCTION]

            Le protonotaire local n'ayant aucune compétence pour rendre l'ordonnance, il faut se demander si cette ordonnance a eu une validité quelconque.  L'ordonnance  doit-elle être considérée comme nulle, ou comme une ordonnance valide et en vigueur jusqu'à ce qu'elle soit infirmée en appel?

 

            Dans l'arrêt In re Sproule, 12 R.C.S. 140, le juge Taschereau indique ceci à la page 242 :

 

Lorsque, comme en l'espèce, un juge ayant une compétence limitée exerce un pouvoir qui ne lui appartient pas, la décision ou les mesures qu'il prend n'ont aucun effet et ne créent pas la nécessité de se pourvoir en appel.

 

            À l'appui de cette proposition, le savant juge a cité, comme autorité, l'arrêt Atty.-Gen. v. Hotham, Turn. & R. 209 (37 E.R. 1077, à la p. 1081), confirmé en appel à 3 Russ. 415 (38 E.R. 631) dans lequel, à la p. 632, le lord chancelier indique ceci :

 

En vertu de la loi sur les enclosures, les commissaires n'avaient aucune compétence pour se prononcer sur le titre de propriété des terres en question; leur décision était donc nulle.

(p. 308)

                                                            * * *

 

 

Il cite ensuite d'autres autorités pour différencier les ordonnances d'une cour supérieure, qui doivent être annulées en appel, de celles d'un tribunal inférieur, comme la CAP, dont les ordonnances rendues par excès de compétence sont des nullités dont on peut ne pas tenir compte.  Dans les motifs de l'arrêt Volhoffer, le juge poursuit en examinant le mécanisme de la Loi et des Règles de la Saskatchewan et leurs applications particulières, mais le principe qui s'applique en l'espèce y est énoncé avec clarté :

 

[TRADUCTION]

            Lorsqu'aucune compétence n'a été attribuée au tribunal sur le sujet en question, l'ordonnance rendue par ce tribunal à cet égard, peu importe les faits, est nulle et point n'est besoin d'en appeler, et son invalidité peut être invoquée pour contester toute poursuite intentée en vertu de cette ordonnance.

                                                                                    (p. 309)

 

 

            Il ne fait aucun doute que lorsqu'un tribunal, dont la compétence fait l'objet d'un énoncé clair et de restrictions précises, rend une ordonnance ou une décision qui excède cette compétence, c'est-à-dire qui outrepasse la compétence qui lui est attribuée par la loi, l'ordonnance ou la décision en question sera annulée (voir Re. Pacific Petroleum Limited (1957) 23 WWR 1), ou encore, si elle ressort manifestement à la lecture du dossier, elle pourra tout simplement être ignorée sans qu'il soit besoin d'exercer un recours judiciaire en vue de la faire annuler ou de la contester en appel.

 

            Cette dernière proposition a récemment été jugée exacte et confirmée par une décision unanime de la Cour d'appel du Manitoba dans l'arrêt Radlinsky v. Local 511 [...] of the Sheet Metal Workers' International Association and The Manitoba Labour Board, AI 95-30-02493 (le 13 février 1996).  Voici ce que dit le juge Twaddle au nom de la Cour :

 

[TRADUCTION]

            Le requérant et son collègue de travail ont présenté plusieurs demandes à la Commission [des relations du travail du Manitoba] en vue d'obtenir une ordonnance mettant fin aux droits de négociation du syndicat.  La dernière de ces demandes a été rejetée par une ordonnance en date du 21 décembre 1994.  Le requérant et son collègue ont demandé à la Commission de revoir cette ordonnance.  Cette révision leur a été refusée par ordonnance le 15 mars 1995.  Le requérant et son collègue ont ensuite demandé un contrôle judiciaire en s'appuyant sur de nombreux motifs.

 

            La demande de contrôle judiciaire a été entendue en partie en juin 1995, mais elle a été ajournée jusqu'à l'automne pour la présentation d'autres arguments.  Entre‑temps, le consultant en relations du travail, qui avait représenté le requérant et son collègue devant la Commission, a été informé qu'il y avait eu des communications entre un membre de la formation ayant entendu la demande et l'avocat du syndicat pendant la période au cours de laquelle la décision de la Commission était à l'étude.  Il a porté ce fait à l'attention du président de la Commission qui n'avait pas fait partie de la première formation.

 

            Le président a convoqué une réunion à laquelle le consultant en relations du travail et l'avocat du syndicat ont été conviés.  À la suite de cette réunion, le président a rendu une ordonnance comme si elle avait été prise par lui en tant que membre de la formation nommée par la Commission.  Par cette ordonnance, le président cherchait à annuler l'ordonnance antérieure de la Commission rejetant la demande que le requérant et son collègue avait présentée.

 

            Quand l'affaire a été entendue devant la Cour du Banc de la Reine, le juge Morse a rejeté la demande au motif que, au vu de l'ordonnance d'annulation, il n'y avait pas d'ordonnance à réviser.  Il a également statué que, comme la révision de l'ordonnance du président n'avait pas été demandée, il n'était pas loisible au requérant de contester la validité de l'ordonnance d'annulation.

 

            Dans ses arguments présentés en appel à l'encontre du rejet de sa demande, le requérant prétend que l'ordonnance d'annulation est nulle en elle-même et que, de ce fait, il n'est pas nécessaire qu'elle soit d'abord révisée par la Commission.  J'accepte cet argument.  Le paragraphe 143(6) de la Loi sur les relations du travail, L.R.M. (1987), ch. L10, qui dispose qu'une demande de révision est une condition préalable à un contrôle judiciaire, s'applique, à mon avis, uniquement à une décision finale de la Commission qui, n'eut été d'une quelconque irrégularité, aurait été prise dans les limites de sa compétence.  Si l'ordonnance d'annulation en l'espèce ne pouvait être prise par le président, même en tant que membre d'une formation de la Commission, son invalidité découle non pas d'une irrégularité, mais du fait qu'une formation n'a absolument aucun pouvoir d'annuler l'ordonnance d'une autre formation.

 

            Il faut distinguer une situation de ce genre d'un cas où une formation de la Commission entend une affaire relevant de sa compétence et rend une ordonnance qui, selon les allégations portées, outrepasse cette compétence.  Dans ces circonstances, il se pourrait fort bien qu'un contrôle judiciaire ne puisse être demandé qu'après que la Commission eut procédé à une révision ou du moins que celle-ci eut été demandée.  En l'espèce, le président avait ou n'avait pas le pouvoir d'annuler l'ordonnance antérieure.  S'il n'avait pas le pouvoir même d'examiner la question, l'ordonnance qu'il a rendue est nulle depuis le début.  À mon avis, une ordonnance rendue en pareil cas n'est pas une ordonnance.  On peut tout simplement l'ignorer.

                                                            (transcription - arrêt non publié)

 

 

            Il ressort clairement, d'après les dispositions citées du RPC, que le renvoi d'une question au ministre ou à son délégué après que la décision initiale du ministre a été jugée erronée et que l'annulation de la décision du tribunal de révision qui a maintenu la décision erronée du ministre n'est pas au nombre des pouvoirs conférés à la CAP, et ne peut s'inférer fortuitement ou arbitrairement.  Pourquoi?  Parce que le législateur a simplement refusé d'accorder à la CAP ce pouvoir, précisément du même type que celui qui est visé à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.  En outre, si un tel pouvoir avait été conféré à la CAP, il se serait certainement agi du pouvoir de renvoyer la question au tribunal de révision pour règlement, en conformité avec le droit tel qu'énoncé par la CAP.  La décision de la CAP d'annuler la décision du tribunal de révision se fonde précisément sur le fait que Mme Kukat avait accepté de libérer de façon absolue le requérant de toute réclamation, de quelque nature que ce soit, en contrepartie du versement de la somme de 167 000 $.  Voilà manifestement ce qui a heurté les sensibilités et les notions de justice de la CAP et qui l'a amené à mal interpréter le RPC.

 

            Le renvoi m'apparaît clairement comme l'un de ces excès de compétence manifestes qui peuvent tout simplement être ignorés sans qu'il y ait de contrôle judiciaire.  Par conséquent, le simple fait que la présente Cour le signale en passant ne peut certainement pas être interprété comme une procédure de contrôle judiciaire, qui est du ressort exclusif de la Section d'appel.

 

            Il existe deux bonnes raisons pour lesquelles la décision du délégué du ministre, M. Ganim, qui est susceptible de révision par la présente Cour, ne peut être maintenue.

 

            Tout d'abord, il n'y a et il n'y avait pas de fondement légal à son intervention dans cette affaire.  La CAP ne l'a pas obligé à intervenir, étant donné qu'elle n'a aucun pouvoir légal d'obliger ni le ministre, ni son délégué à faire quoi que ce soit en dehors ou au-delà des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi.  Si la décision de la CAP est définitive et obligatoire, et c'est ce que la loi dispose, l'intervention de M. Ganim aurait en fait pour effet d'affaiblir malencontreusement le caractère irrévocable des décisions que la CAP prend concernant les questions dont elle est saisie.  L'avocat de l'intimée Mme Kukat, à l'audition de cette affaire, n'était [TRADUCTION] «pas certain que le libellé de la Loi soit aussi clair à cet égard que nous le souhaiterions» (transcription p. 85).  Malheureusement pour cet argument, il est tout à fait clair que M. Ganim n'avait aucun pouvoir légal de prendre cette décision contre-productive qui empiète sur le pouvoir de la CAP.

 

            Voilà donc la première raison : la décision contestée était illégale, étant donné qu'elle n'avait aucun fondement légal et qu'elle ne s'appuie sur aucun pouvoir.  Voilà une bonne raison de l'annuler.

 

            Deuxièmement, la décision viole un principe de justice naturelle ou fondamentale.  On se souviendra que M. Ganim s'excuse, dans les paragraphes d'ouverture de sa décision, pour le retard à la communiquer.  Au cours des mois qui ont précédé sa décision, le délégué du ministre n'a jamais demandé que des observations soient formulées au nom du requérant.  Malgré les audiences contradictoires et approfondies que le tribunal de révision et la CAP ont tenues, le délégué du ministre a manifestement cru qu'il pouvait, seul et sans entendre les parties en litige - et particulièrement le requérant -, régler cette question sérieuse de sa propre initiative.  Il se peut que la décision initiale du ministre soit une fonction administrative de si bas niveau que les observations des parties ne sont pas exigées, mais après que des décisions contradictoires ont été prises par le tribunal de révision et la Commission d'appel des pensions, l'examen du fond de la question par M. Ganim exigeait manifestement que des observations soient fournies par les parties, de façon que le règlement de la question ne repose pas sur son pouvoir de divination, malgré tous les éléments qu'il dit avoir pris en compte dans sa décision.


            Donc, M. Ganim, le délégué du ministre, a non seulement agi de façon tardive (ce dont il s'est excusé), mais également de façon arbitraire, malgré qu'il eut pris suffisamment de temps pour recevoir et examiner les observations des parties.  Pour cette raison également, sa décision du 21 avril 1995, même si elle avait un fondement légal, doit être annulée parce qu'elle viole les principes de justice fondamentale.

 

            Il y a également une troisième raison qui justifie l'annulation de la décision de M. Ganim.  Elle semble avoir été formulée sans tenir compte des éléments dont il disposait, bien qu'il ait énuméré tous les éléments qu'il a examinés, y compris l'accord de séparation.  Qu'a-t-il fait alors de la libération absolue accordée par Mme Kukat au requérant à l'encontre de toutes ses réclamations en contrepartie du versement de la somme de 167 000 $?  A-t-il jugé qu'il s'agissait là de mots vides sans aucun lien avec les intentions des parties ou avec la réalité?  A-t-il pu croire qu'une telle compensation allait à l'encontre des intérêts de Mme Kukat et, si tel est le cas, de quelle façon?  Jusqu'à ce jour, Mme Kukat a reçu une part du régime de pension du requérant même si elle a accepté, sur l'avis de son avocat, de le libérer de toute réclamation.  Donc, la troisième raison pour annuler la décision, si cette dernière était authentiquement légitime, serait l'omission de tenir compte des éléments dont était saisi le délégué du ministre.  Cette libération absolue en échange d'une contrepartie était un point essentiel de l'accord et M. Ganim n'a jamais indiqué pourquoi, au bout du compte, il ne lui a pas accordé suffisamment d'importance.

 

            Il reste un dernier point à signaler à l'encontre de la validité de la décision contestée du 21 avril 1995; après avoir rendu sa décision initiale autorisant le partage de la pension du requérant, le ministre, et cela s'entend aussi du délégué du ministre, n'est tout simplement plus saisi de la question (functus officio), et il ne peut intervenir dans la décision finale et obligatoire de la CAP.  Il importe également de signaler que le ministre ou son délégué ne peuvent prendre une deuxième décision afin de réaffirmer la décision initiale du ministre sur la même question.  Une telle violation du principe du functus officio aurait sûrement pour effet de permettre au requérant de recommencer à nouveau toute la série des appels qui l'ont mené jusqu'au tribunal de révision et à la CAP.  Toutefois, à l'exception du renvoi extrinsèque au ministre, que tout le monde aurait dû ignorer, la CAP a accordé au requérant ce qu'il demandait, et ce pour les raisons appropriées : elle a annulé la décision initiale du ministre qui avait été maintenue par le tribunal de révision.  C'est pourquoi le requérant était justifié de ne pas intenter une procédure de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de la CAP, ce qu'il n'a pas fait, et ce que la Cour ne prétend pas entreprendre.

 

            Pour éviter d'avoir l'air de procéder à un contrôle judiciaire, ce que la Section de première instance ne peut faire au regard des décisions de la Commission d'appel des pensions, la Cour juge utile de noter que le RPC ne renferme aucune disposition qui autorise le ministre, une fois qu'il s'est prononcé une première fois dans une affaire, à être de nouveau saisi de cette affaire, et à réexaminer la décision, même si la CAP le lui ordonne.  Cela excède manifestement les pouvoirs légaux du ministre.  La CAP a délégué son pouvoir de décision au ministre, en l'espèce au délégué Ganim, et c'est là une procédure qui n'est pas prévue par la loi.

 

            Pour ce qui a trait au principe du functus officio, il convient de reproduire ce passage tiré de la décision majoritaire de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Chandler c. Alberta Association of Architects [1989] 2 R.C.S. 848 :

 

                [...] il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu'il [c'est-à-dire le ministre] a changé d'avis, parce qu'il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé.  Il ne peut le faire que si la loi le lui permet ou s'il y a eu un lapsus ou une erreur au sens des exceptions énoncées dans l'arrêt Paper Machinery Ltd. v. J. O. Ross Engineering Corp., précité.

                                                                                                                (p. 861)

 

 

            Ainsi donc, pour pouvoir réexaminer sa décision initiale, le ministre aurait dû y être autorisé par la loi.  Ce n'est pas le cas.  Le ministre est functus officio, mais la CAP est toujours saisie de cette affaire aux termes de l'alinéa 84(1)c), à tout le moins.

 

            Pour tous les motifs précités, la Cour annule la décision contestée de Wayne Ganim rendue le 21 avril 1995.

 

 

 

                                                                        «F.C. Muldoon»

                                                                       

 

                                                                                       Juge

 

 

Calgary (Alberta)

 

 

le 8 novembre 1996

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                       

 

                                                                        François Blais, LL.L.


 

 

 

 

 

 

 

                                                                T-1121-95

 

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale; et

 

Une décision du directeur général intérimaire, Régime de pensions du Canada, Direction générale des programmes de la sécurité du revenu,

 

 

Entre :

 

                    GERHARD WIEMER,

 

 

                                                                 requérant,

 

 

                                     - et -

 

 

WAYNE GANIM, en sa qualité de directeur

général intérimaire, Régime de pensions

du Canada, Programmes de la sécurité du revenu,

et DOROTHEA HILDEGARD KUKAT,

 

                                                                    intimés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                            

 

             MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

                                                            


 

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

N° DU GREFFE :T-1121-95

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :GERHARD WIEMER c. WAYNE GANIM, en sa qualité de directeur général intérimaire, Régime de pensions du Canada, Programmes de la sécurité du revenu, et Dorothea Hildegard Kukat

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Winnipeg (Manitoba)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :   le 27 mai 1996

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MULDOON

 

 

DATE :                                               le vendredi 8 novembre 1996

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

            Sidney Green, c.r.

Marla Altman                                                                               pour le requérant

 

Christopher Mainella                                                                           pour l'intimé

                                                                                                          Wayne Ganim

 

Donald George                                                                                  pour l'intimée

Winnipeg (Manitoba)                                                   Dorothea Hildegard Kukat

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Sidney Green, c.r.

            Winnipeg (Manitoba)                                                       pour le requérant

 

George Thomson

Sous-procureur général

du Canada                                                                                           pour l'intimé

Ottawa (Ontario)                                                                              Wayne Ganim

 

Swystun, Karasevich, Windsor                                                         pour l'intimée

Winnipeg (Manitoba)                                                   Dorothea Hildegard Kukat

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