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Date : 20050214

Dossier : T-1878-02

Référence : 2005 CF 234

ENTRE :

AB HASSLE, ASTRAZENECA AB et

ASTRAZENECA CANADA INC.

demanderesses

et

APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON


[1]                Par lettre datée du 26 septembre 2002, expressément présentée comme un avis d'allégation au sens du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement) relativement aux brevets canadiens nos 1,292,693 (brevet 693), 1,302,891 (brevet 891) et 2,166,483 (brevet 483), la défenderesse Apotex Inc. (Apotex) a informé AstraZeneca Canada Inc. (AstraZeneca) qu'Apotex avait déposé auprès du ministre de la Santé (le ministre) une Présentation de drogue nouvelle (PDN) pour les comprimés d'oméprazole magnésien de 10 et 20 mg pour administration orale.

[2]              Les brevets auxquels Apotex se réfère sont répertoriés, dans le cas de certains produits, au registre des brevets tenu par le ministre. Ils faisaient partie de listes de brevets soumises par AstraZeneca et sa société remplacée Astra Pharma Inc. (Astra) avec le consentement de AB Hassle (Hassle) et d'AstraZeneca AB, les propriétaires des brevets. De sorte qu'aux termes du Règlement, Hassle et AstraZeneca AB sont parties à la demande à titre de propriétaires. Je désignerai les demanderesses collectivement en utilisant le terme AstraZeneca. Le ministre a la responsabilité de l'application du Règlement et n'a pas déposé de mémoire ni participé à l'audition de cette demande.

[3]              AstraZeneca, par un avis de demande daté du 8 novembre 2002, sollicite une déclaration portant que la lettre du 26 septembre 2002 d'Apotex n'est pas un avis d'allégation visé par le Règlement et, subsidiairement, une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité concernant les comprimés d'oméprazole magnésien de 10 et 20 mg avant l'expiration des brevets canadiens mentionnés. AstraZeneca n'a pas maintenu sa demande de réparation relative aux brevets 891 et 483, et à l'audition de cette demande, seul le brevet 693 était en cause.


LE BREVET 693

[4]              La demande à l'origine du brevet 693 a été déposée le 29 avril 1987 et revendiquait la priorité pour une demande déposée au R.-U. le 30 avril 1986 (date de priorité). Le brevet 693 délivré le 3 décembre 1991 expire en 2008. Le brevet vise la préparation d'une forme posologique d'oméprazole à enrobage gastrorésistant et entérosoluble qui résiste à la dissolution dans des milieux acides, qui se dissout rapidement dans des milieux neutres ou alcalins et qui a une bonne stabilité d'entreposage à long terme.

[5]              La préparation pharmaceutique est utilisée pour le traitement des ulcères gastriques et duodénaux. L'ingrédient médicamenteux actif est l'oméprazole ou l'oméprazole magnésien. AstraZeneca vend ses produits sous l'appellation commerciale LOSEC. La description de l'invention se trouve dans le mémoire descriptif du brevet 693 et est exposée par le juge Rothstein dans AB Hassle c. Apotex Inc. 2003 CAF 409, (2003), 29 C.P.R. (4th) 23, demande d'autorisation d'appel rejetée le 25 mars 2004, Bulletin de la C.S.C., page 471 (AB Hassle) :

... Pour agir, l'oméprazole doit être libéré dans l'intestin grêle, non dans l'estomac. Aussi, pour éviter que les sucs gastriques acides de l'estomac ne dégradent le noyau d'oméprazole, il faut que celui-ci soit recouvert d'un enrobage gastrorésistant et entérosoluble. Cet enrobage se dissout dans le milieu neutre ou alcalin de l'intestin grêle, après avoir permis à l'oméprazole de passer dans l'estomac sans subir d'altération.

Toutefois, l'application d'un enrobage gastrorésistant et entérosoluble conventionnel directement sur le noyau d'oméprazole entraîne la décomposition rapide de celui-ci, et la préparation pharmaceutique (ou le terme plus commun que nous emploierons ici : le comprimé) subit une forte décoloration et perd de son ingrédient actif. Le problème de la stabilité du médicament à l'entreposage peut se régler en incluant un réactif alcalin dans le noyau d'oméprazole, mais lors du passage dans l'estomac d'un comprimé constitué d'un noyau alcalin en contact direct avec un enrobage gastrorésistant et entérosoluble, des sucs gastriques se diffusent dans le noyau à travers l'enrobage, avant que le comprimé n'atteigne l'intestin grêle. Les sucs gastriques font se dissoudre une partie du noyau, lequel réagit ensuite avec l'enrobage qui finit par se dissoudre.


L'invention décrite dans le brevet pertinent vise l'élaboration d'un comprimé d'oméprazole doté d'un enrobage résistant à la dissolution dans l'estomac. Il s'agit d'appliquer un sous-enrobage inerte entre le noyau d'oméprazole et l'enrobage gastrorésistant et entérosoluble.

[6]              Les parties conviennent qu'en fait, c'est la revendication 1 du brevet 693 qui est pertinente et, lors de l'audience, les discussions ont porté uniquement sur la revendication 1. La revendication 1 décrit une préparation pharmaceutique dans les termes suivants :

[traduction]                                                                                                  

1. Une préparation pharmaceutique pour administration orale, comprenant : a) un noyau renfermant une quantité efficace d'une substance choisie dans le groupe constitué par l'oméprazole et un réactif alcalin, un sel alcalin d'oméprazole et un réactif alcalin ainsi qu'un sel alcalin d'oméprazole seul ; b) un sous-enrobage inerte qui se dissout ou se désintègre rapidement dans l'eau, qui recouvre le noyau et qui renferme une ou plusieurs couches de substances sélectionnées parmi les excipients des comprimés et les polymères filmogènes ; c) une couche externe recouvrant le sous-enrobage et constituant un enrobage gastrorésistant.

CONTEXTE


[7]              Le présent avis d'allégation n'est pas le premier d'Apotex portant sur le brevet 693. L'avocat d'AstraZeneca signale qu'Apotex a allégué l'absence de contrefaçon pour la première fois en avril 1993, et que la demande de la demanderesse afférente à cette allégation a été rejetée en mai 1996 par une ordonnance sur consentement aux termes de laquelle Apotex a consenti à une ordonnance d'interdiction à l'égard des autres brevets que le 693. On ne trouve au dossier aucune preuve à cet effet. Le 18 décembre 1997, un avis d'allégation par Apotex alléguait l'absence de contrefaçon des mêmes brevets canadiens qui sont répertoriés dans son avis d'allégation dans le cadre des présentes procédures, au motif que son produit ne contiendrait pas de sous-enrobage entre le noyau et le revêtement gastrorésistant. Apotex appliquerait plutôt un revêtement gastrorésistant et entérosoluble directement au noyau. AstraZeneca a déposé alors une demande pour obtenir une ordonnance d'interdiction (T-179-98). Par ordonnance de Madame la juge Tremblay-Lamer du 18 mai 1999, l'avis d'allégation a été présumé retiré et la demande abandonnée. Selon les attendus de l'ordonnance, Apotex souhaitait retirer son avis d'allégation, ce qui rendrait les procédures sans objet.

[8]              Le 1er août 2000, dans un avis d'allégation visant les mêmes brevets canadiens que ceux répertoriés dans son avis d'allégation relatif aux présentes procédures, Apotex prétendait qu'aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente par elle de ses comprimés d'apo-oméprazoles pour voie orale à concentration de 10, 20 et 40 mg. Tout l'argument s'appuyait, en fait et en droit, sur l'idée que les comprimés Apotex n'ayant pas de sous-enrobage, ils ne constituaient pas une contrefaçon. Ils sont composés de noyaux qui contiennent le médicament, et un revêtement gastrorésistant et entérosoluble appliqué directement aux noyaux. AstraZeneca a déposé un avis de demande (T-1747-00) visant le même redressement que celui demandé aux présentes. Suite à l'audition de la demande, M. le juge Kelen a déclaré que la lettre d'Apotex datée du 1er août 2000 « n'est pas conforme au Règlement et ne constitue donc pas un avis d'allégation au sens du Règlement » . Le juge Kelen a accordé une ordonnance qui prohibait la délivrance d'un avis de conformité par le ministre. Je reviendrai à l'ordonnance du juge Kelen.

[9]              Apotex a porté la décision en appel (A-563-02) et son appel a été rejeté le 3 novembre 2003. M. le juge Rothstein, dans AB Hassle, précité, a interprété la revendication 1 du brevet 693 aux paragraphes 17 et 24 :


[17] La revendication no 1 décrit une [traduction] « préparation pharmaceutique pour administration orale » ou, dans le langage de tous les jours, un comprimé. Il y est expliqué que ce comprimé se constitue d'un noyau, d'un sous-enrobage inerte et d'une couche externe ou enrobage gastrorésistant et entérosoluble. La revendication n'énonce aucune restriction concernant le sous-enrobage inerte; elle n'expose pas qu'il doit être créé suivant un processus particulier.

[24] Je conclus que la revendication no 1 du brevet décrit une préparation pharmaceutique qui, dans sa forme finale, présente un sous-enrobage ou une couche séparatrice entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant et entérosoluble, sans égard à la façon dont cette couche séparatrice est formée.

[10]             Le 26 septembre 2002, Apotex a expédié l'avis d'allégation mentionné au début des présents motifs et AstraZeneca a présenté le présent avis de demande. L'avis d'allégation d'Apotex allègue à la fois l'absence de contrefaçon et l'invalidité à l'égard du brevet 693. La dernière attaque repose sur le moyen de défense fondé sur l'arrêt Gillette, l'antériorité, la portée excessive des revendications par rapport à l'invention, l'inutilité, l'insuffisance, l'évidence et l'ambiguïté.


[11]             La preuve d'AstraZeneca, relative à sa demande, était constituée par les affidavits de MM. Oxhammar, Ymén, Lövgren, Burke, McGinity, Brenner et Bodmeier, et de Mmes Ripley et DeAbreu. La preuve d'Apotex était constituée des affidavits de MM. Cima (Cima 1), Hopfenberg, Signorino et Tekie. Les résultats des épreuves subies par les comprimés Apotex faisaient partie de la preuve soumise par celle-ci. Avec la permission de la Cour, Apotex a déposé des affidavits additionnels afin de prouver la source et la pertinence des comprimés échantillons et les formulations auxquelles renvoie sa preuve. AstraZeneca a obtenu l'autorisation de déposer un affidavit de M. Lindquist en réponse à Cima 1 (Lindquist 1). Avec la permission de la Cour, Apotex a déposé un affidavit supplémentaire de M. Cima (Cima 2) en réplique à Lindquist 1. Suite au contre-interrogatoire de M. Sherman (le souscripteur d'un des affidavits supplémentaires d'Apotex), Apotex a fourni des échantillons de ses comprimés à AstraZeneca et celle-ci a obtenu la permission de déposer un affidavit de M. Lindquist afférent aux épreuves des échantillons d'Apotex (Lindquist 2). Apotex a ensuite obtenu l'autorisation de déposer les affidavits additionnels de MM. Cima (Cima 3), Sodhi , Sherman et Ng-Chen-Hin. Enfin, AstraZeneca a été autorisée à déposer en réplique un affidavit de M. Lindquist (Lindquist 3).

LA NATURE DE L'INSTANCE


[12]            Tel que mentionné précédemment, la présente instance a été engagée en application du Règlement. L'historique et lconomie du Règlement sont bien connus et n'ont pas besoin dtre répétés. Il suffit de dire que lorsqu'une seconde personne (habituellement un fabricant de génériques) tente d'obtenir une approbation de commercialisation (avis de conformité) pour un médicament en le comparant à celui d'une première personne (détentrice d'un brevet) dans le but de démontrer une bioéquivalence, le fabricant de génériques aura l'obligation de traiter des brevets inscrits au registre des brevets par la première personne. La seconde personne, ou fabricant de génériques, peut s'acquitter de cette obligation en invoquant l'invalidité, l'absence de contrefaçon, ou les deux. Les questions de validité et d'absence de contrefaçon sont mises en cause lorsque le fabricant de génériques signifie au détenteur du brevet un avis d'allégation où il expose ses allégations, y compris un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels il se fonde. Suivant la réception d'un avis d'allégation, la première personne peut demander au tribunal une ordonnance pour interdire au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration d'un ou de plusieurs brevets. Si le tribunal conclut qu'aucune des allégations du fabricant de génériques n'est fondée, une ordonnance d'interdiction sera accordée.

[13]             Apotex, le fabricant de médicaments génériques ou seconde personne, en vertu de l'article 5 du Règlement, a fourni son avis d'allégation à AstraZeneca à l'égard de certains brevets qu'AstraZeneca a répertoriés selon les dispositions de l'article 4 du Règlement. La demande d'AstraZeneca, en réponse à l'avis d'allégation d'Apotex, a été présentée conformément à l'article 6 du Règlement.

[14]             Les procédures prévues à l'article 6 ne doivent pas être assimilées aux actions visant à déterminer la validité ou la contrefaçon. On y suit une procédure expéditive de contrôle judiciaire en vue de déterminer s'il est loisible au ministre de délivrer l'avis de conformité demandé. Elles ne visent que des fins administratives : Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 76 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.). La décision porte sur le point de savoir si les allégations de la seconde personne sont suffisamment étayées pour justifier une conclusion à des fins administratives (la délivrance d'un avis de conformité) portant que le brevet d'un demandeur ne serait pas violé si le produit de la seconde personne était mis en marché : Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.).


[15]             Le Règlement permet au tribunal de décider sommairement, sur le fondement de la preuve soumise, si les allégations sont fondées. Dans les cas où un procès est nécessaire pour déterminer la validité ou la contrefaçon, il peut être obtenu selon la voie normale par l'introduction d'une action : Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc. (2001), 11 C.P.R. (4th) 245 (C.A.F.) ; SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc. (2001), 14 C.P.R. (4th) 76 (C.F. 1re inst.) confirmé par (2002), 21 C.P.R. (4th) 129 (C.A.F.) ; Novartis A.G. c. Apotex Inc. (2002), 22 C.P.R. (4th) 450 (C.A.F.). En intentant simplement cette procédure, le demandeur obtient l'équivalent d'une injonction interlocutoire sans avoir satisfait à aucun des critères que le tribunal examine normalement avant d'interdire la délivrance d'un avis de conformité : Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1998] 2 R.C.S. 193 ; Bristol-Myers Squibb Canada Inc. c. Canada (Procureur général) (2001), 11 C.P.R. (4th) 539 (C.A.F.). Par ordonnance du 4 juin 2004, le sursis prévu par la loi dans cette instance a été prolongé jusqu'au 7 mars 2005.

QUESTIONS EN LITIGE

[16]            Les questions en litige sont les suivantes

1. Questions préliminaires

                   a)         L'avis d'allégation et lnoncé détaillé sont-ils suffisants?

b)          La préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée peut-elle empêcher Apotex d'alléguer l'absence de contrefaçon et l'invalidité?

c)          La doctrine de l'abus de procédure a-t-elle pour effet d'empêcher Apotex d'alléguer l'absence de contrefaçon et l'invalidité?

     

2. Questions subsidiaires


a)          L'allégation d'Apotex selon laquelle il y a absence de contrefaçon des revendications du brevet 693 est-elle fondée?

b)        L'allégation d'invalidité du brevet 693 faite par Apotex est-elle justifiée par :

                        i) le moyen de défense fondé sur l'arrêt Gillette;

                        ii) l'antériorité;

iii) la portée excessive des revendications par rapport à l'invention exposée et l'inutilité;

                        iv) l'insuffisance de l'exposé et/ou l'ambiguïté;

                        v) lvidence.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

L'avis d'allégation est-il suffisant?

Aperçu


[17]             AstraZeneca maintient dans son avis de demande que l'avis d'allégation ne constitue pas un avis d'allégation et un énoncé détaillé, et par conséquent n'est pas conforme au Règlement. En termes généraux, l'argument est que, dans les procédures, les questions sont strictement délimitées par l'avis d'allégation qui ne peut donc être complété par le fabricant de génériques au cours de l'instance. C'est pourquoi l'allégation d'Apotex quant à l'absence de contrefaçon n'est pas justifiée par sa preuve : celle-ci est fondée sur le fait que son sous-enrobage n'est pas continu ni inerte, or l'avis d'allégation ne contient aucun énoncé de cette nature. L'avis d'allégation s'appuie plutôt uniquement sur l'énoncé que le sous-enrobage d'Apotex n'est pas appliqué au noyau, puis recouvert par le revêtement gastrorésistant. Étant donné que l'avis d'allégation ne mentionne aucune possibilité d'un sous-enrobage in situ et aucun énoncé sur l'absence de contrefaçon à propos d'un sous-enrobage in situ (ni continu ni inerte), Apotex ne peut donc élargir ses motifs à l'aide de preuves ou d'arguments.

[18]             Apotex réplique que son allégation d'absence de contrefaçon n'est pas entièrement fondée sur une interprétation du brevet 693 limitée à une formulation dans laquelle le sous-enrobage est appliqué séparément. Ni son avis d'allégation ni sa preuve ne permettent de soutenir une telle restriction. De plus, pour les fins de la présente instance et sans préjudice de ses droits d'appel, Apotex consent à ce que le brevet 693 puisse s'entendre d'un sous-enrobage in situ, à la condition qu'un tel sous-enrobage comporte toutes les caractéristiques de la revendication 1. Apotex nie vigoureusement toute allégation que sa formulation contiendra un tel sous-enrobage et soutient, au vu de toute la preuve, qu'AstraZeneca a clairement échoué dans sa tentative de prouver l'existence d'un tel sous-enrobage.

L'avis d'allégation et l'énoncé détaillé


[19]             Les parties de l'avis d'allégation et énoncé détaillé qui portent sur le brevet 693 sont jointes aux présents motifs à l'annexe « A » . L'énoncé détaillé renvoie au brevet 693 et à la description de l'invention en les paraphrasant : [traduction] « une préparation pharmaceutique contenant de l'oméprazole ou ses sels alcalins destinée à être administrée par voie orale et l'utilisation de ces préparations dans le traitement de maladies gastro-intestinales » . Apotex décrit l' « essence de l'invention » et déclare : [traduction] « la solution alléguée au problème est présentée dans le brevet comme étant la séparation du noyau et de l'enrobage gastrorésistant par l'application d'un sous-enrobage au sens du brevet » . Apotex décrit ensuite les éléments essentiels du brevet 693 : le noyau, le sous-enrobage inerte et la couche externe.

[20]             À partir de là, Apotex affirme que le « sous-enrobage » ne peut être du matériel comprenant un produit résultant d'une réaction entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant lorsque le noyau entre en contact avec l'enrobage gastrorésistant. Dans l'esprit des inventeurs, ajoute Apotex, le sous-enrobage devrait être une [traduction] « substance distincte placée entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant de façon à empêcher que ces derniers n'entrent en contact » .

[21]             Dans l'énoncé détaillé, on déclare également qu'on ne peut considérer que les revendications du brevet 693 incluent des formulations divulguées dans le brevet comme étant des réalisations antérieures. Les formulations comprenant un noyau recouvert d'un enrobage gastrorésistant qui ont été préparées par application directe de l'enrobage gastrorésistant sur un noyau constitué d'oméprazole et d'une substance alcaline ne peuvent être considérées comme étant visées par le brevet 693; sinon, le brevet serait invalide car il ne revendiquerait pas quelque chose de nouveau mais viserait quelque chose d'ancien. Selon Apotex, on ne peut pas non plus considérer que les revendications concernent des formulations divulguées dans l'exposé de l'invention comme des exemples de formulations qui ont été utilisées à des fins de comparaison et qu'on a renoncé à reconnaître comme étant visées par l'invention.


[22]             Apotex affirme ensuite qu'elle ne contrefait pas la revendication 1 parce que son produit ne contiendra pas de sous-enrobage, [traduction] « tel que mentionné ci-dessus » au sens du brevet 693. Le produit d'Apotex contiendra un noyau recouvert directement d'un enrobage gastrorésistant. Plus précisément, l'énoncé détaillé dit :

[traduction]

Lorsque nous formulerons notre produit, nous mettrons en contact l'enrobage externe gastrorésistant et le noyau et ne placerons pas de sous-enrobage tel que prévu dans le brevet entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant, de sorte que notre formulation ne comprendra que les éléments (i) et (iii) et non llément (ii).

[23]             L'avis d'allégation indique ensuite qu'Apotex fabrique ce qui est énoncé dans les antériorités, spécifiquement la demande de brevet européen no 124,495 (le brevet 495) publiée le 7 novembre 1984. L'avis cite l'exemple 12 du brevet 495 pour alléguer que sa formulation est conforme aux enseignements du brevet 495. Enfin, l'avis d'allégation contient l'énoncé que, si AstraZeneca devait affirmer que le brevet 693 est contrefait, les revendications sont invalides en vertu du moyen de défense fondé sur l'arrêt Gillette. Le reste de l'énoncé détaillé porte sur l' « invalidité » .

Les arguments


[24]             Tel que mentionné, le différend entre AstraZeneca et Apotex au sujet de son avis d'allégation quant à l'absence de contrefaçon vient du fait que l'allégation vise surtout le sous-enrobage et l'exigence qu'il soit formé par une étape distincte du procédé. En développant sa position, AstraZeneca affirme qu'Apotex appuie toute son allégation sur l'assertion selon laquelle sa préparation ne contiendra pas de sous-enrobage. Nulle part dans l'avis d'allégation relatif à son produit Apotex ne dit que, si une réaction entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant produit un sous-enrobage, celui-ci ne sera pas inerte ni continu. Ces allégations n'existent pas. Et elles n'existent pas parce que la prémisse de l'avis d'allégation d'Apotex est que le brevet 693 ne saurait être interprété de façon à inclure un sous-enrobage in situ, une question qui a été tranchée définitivement par la Cour d'appel fédérale. AstraZeneca fait valoir que les questions soulevées par Apotex dans la présente procédure ne sont tout simplement pas contenues dans son avis d'allégation et son énoncé détaillé. Étant donné qu'AstraZeneca n'allègue pas [traduction] « que le produit d'Apotex est une contrefaçon, de toute façon, le moyen de défense fondé sur l'arrêt Gillette est indûment invoqué à cet égard » . AstraZeneca affirme que la revendication exige un sous-enrobage, et que si le produit d'Apotex en a un, il y a contrefaçon. Les circonstances dans lesquelles l'arrêt Gillette s'applique ne sont pas en cause.


[25]             Apotex fait valoir l'argument opposé. Elle prétend qu'il n'y a pas de problème quant à la nature du composé réactif à l'interface de son produit, et qu'AstraZeneca est essentiellement en train d'affirmer que la preuve sur la nature de ce composé réactif déborde l'avis d'allégation. D'après Apotex, le dossier n'étaye pas la thèse d'AstraZeneca voulant qu'Apotex n'ait pas soulevé la question, à savoir : s'il se trouve quelque composé entre l'enrobage gastrorésistant et le noyau, ce composé n'est pas [traduction] « continu, inerte, filmogène et polymère » . Au soutien de cette prétention, Apotex insiste sur l'avis de demande dont une copie figure en Annexe « B » aux présentes, et en particulier aux paragraphes 29, 30 et 31. Elle fait valoir qu'à cet endroit, AstraZeneca affirme que la portée du brevet inclut un sous-enrobage, quel qu'en soit le mode d'application ou de génération et, vu la décision de M. le juge Kelen, il est incontestable que le produit d'Apotex aura une couche de composé entre son enrobage gastrorésistant et son noyau. Ce qui est plus important, selon Apotex, c'est qu'AstraZeneca exige des échantillons, les détails des formulations et l'information sur les procédés touchant la PDN d'Apotex. Par conséquent, AstraZeneca savait que la question litigieuse était la suivante : le produit d'Apotex comporte-t-il un composé réactif qui est dans les limites du brevet?

[26]             D'après Apotex, l'examen des affidavits déposés par AstraZeneca révèle que celle-ci savait quelle était la question à trancher. Le dossier qu'AstraZeneca a présenté à Apotex contenait les affidavits d'experts qui affirmaient que la formulation d'Apotex pouvait créer un composé inerte, polymère et filmogène. Telle était la preuve qu'Apotex devait réfuter et elle l'a fait en déposant l'affidavit de M. Cima.

[27]             Apotex se réfère également à la conduite d'AstraZeneca suite à la réception de l'affidavit Cima 1. Jamais cette dernière n'a affirmé qu'Apotex ait débordé son allégation. Elle a plutôt présenté une demande pour déposer une preuve additionnelle. Plusieurs étapes ont suivi et en aucun temps AstraZeneca n'a mentionné que la preuve était hors de propos. Au contraire, elle a fait valoir que cette preuve était essentielle à la conclusion définitive de l'affaire et que, vu son importance, toute l'instance en dépendait. AstraZeneca a obtenu des ordonnances à cet effet. Apotex fait valoir que cet argument est une création de dernière minute qui ne peut résister à l'examen minutieux du dossier.


Analyse

[28]             Selon moi, la thèse d'Apotex, selon laquelle l'argument d'AstraZeneca est une création de dernière minute, est mal fondée. L'avis de demande est sans équivoque au paragraphe 29 qui énonce :

[traduction] D'abord, et contrairement à l'interprétation proposée par Apotex, la portée des brevets inclut un sous-enrobage que l'on retrouve dans la forme posologique finale, sans égard à la manière dont il a été appliqué ou généré.

[29]             Malgré ses efforts, Apotex ne m'a pas persuadée que le motif principal d'AstraZeneca au soutien de sa position voulant que l'allégation de non-contrefaçon ne soit pas fondée, constitue une indication qu'Apotex a traité de l'existence d'un composé qui n'est pas continu, inerte, filmogène et polymère, entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant. Pour réussir sur ce point précis, Apotex doit se tourner vers son propre énoncé détaillé, et non pas vers l'avis de demande d'AstraZeneca. Je reviendrai à cet avis un peu plus loin.

[30]             Après quelques relectures de l'avis d'allégation et de l'énoncé détaillé soumis par Apotex, c'est selon moi l'interprétation du brevet 693 que celle-ci met en cause. L'énoncé détaillé prétend que le brevet 693 exige que le sous-enrobage soit [traduction] « une substance distincte placée entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant de façon à empêcher que ces derniers n'entrent en contact » . Toutes les allégations d'absence de contrefaçon d'Apotex dans son avis d'allégation découlent de cette position fondamentale. Et pourtant, dans son argumentation, Apotex affirme ne pas s'être bornée à une interprétation du brevet 693 limitée à une formulation comportant un revêtement appliqué séparément.


[31]             L'énoncé détaillé énonce qu'il [le brevet 693] [traduction] « ne peut être du matériel comprenant un produit résultant d'une réaction entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant lorsque le noyau entre en contact avec l'enrobage gastrorésistant » . Malgré cela, Apotex accepte dans son argumentation que le brevet 693 puisse s'entendre d'un sous-enrobage in situ.

[32]             L'avis d'allégation indique que le produit d'Apotex n'aura pas de sous-enrobage mais seulement un enrobage gastrorésistant et un noyau. Cette affirmation repose sur la prémisse que dans le brevet 693, un sous-enrobage ne désigne pas une « couche » , un « sous-enrobage » ou une « interface » (ces mots ont été utilisés de façon interchangeable au cours des plaidoiries) qui résulte d'une réaction. Tout l'énoncé détaillé gravite autour de la caractérisation que fait Apotex du sous-enrobage, cependant l'allégation qui invoque le brevet 495 ne fait strictement aucune mention d'un sous-enrobage.


[33]             En résumé, l'avis d'allégation et l'énoncé détaillé ne contiennent pas la moindre allégation selon laquelle la couche réactive ne sera pas continue, inerte, filmogène et polymère, si le brevet 693 couvre un sous-enrobage produit par une réaction au contact entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant. Il est de droit constant qu'un fabricant de génériques qui fait une allégation doit fournir un énoncé détaillé des faits et du droit sur lesquels il se fonde. L'allégation et l'énoncé détaillé ont pour objet d'informer adéquatement la première personne de la preuve à réfuter : AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 7 C.P.R. (4th) 272 (C.A.F.) (AB Hassle-2); Genpharm Inc. c. Ministre de la Santé nationale et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.) (Genpharm Inc.); Hoffman-LaRoche Ltd. c. Apotex Inc. (1997), 72 C.P.R. (3d) 480 confirmé par (1998), 82 C.P.R. (3d) 384 (C.A.F.); Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 60 C.P.R. (3d) 129 (C.A.F.); Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2001), 12 C.P.R. (4th) 447 (C.A.F.). En termes succincts, l'avis d'allégation doit suffire à informer pleinement la première personne des motifs pour lesquels la seconde personne prétend que le brevet ne sera pas contrefait si l'avis de conformité est délivré. Ce sont les faits et le droit invoqués dans l'énoncé détaillé qui le rendent suffisant ou non : SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc. (2001), 10 C.P.R. (4th) 338 (C.A.F.).

[34]             L'avis d'allégation est daté du 26 septembre 2002. C'est le 3 novembre 2003 que la Cour d'appel fédérale, dans AB Hassle, précité, a interprété le brevet comme « une préparation pharmaceutique qui, dans sa forme finale, présente un sous-enrobage ou une couche séparatrice entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant et entérosoluble, sans égard à la façon dont cette couche séparatrice est formée » . Apotex indique maintenant que, pour les fins des présentes procédures et sans préjudice à ses droits d'appel, le brevet 693 comprend un sous-enrobage créé in situ, pourvu qu'il comporte toutes les caractéristiques exigées par la revendication 1. Comme je l'ai mentionné, et en toute déférence, je ne trouve rien dans l'avis d'allégation qui confirme une telle position. Je le répète, l'avis d'allégation affirme à plusieurs reprises qu'un sous-enrobage in situ n'est pas couvert par le brevet 693.


[35]             Dans son plaidoyer écrit, Apotex soutient qu'elle [traduction] « nie vigoureusement toute allégation que sa formulation contiendra un tel sous-enrobage et affirme, vu l'ensemble de la preuve, qu'Astra a clairement échoué dans sa tentative d'en démontrer l'existence » . Lors de l'argumentation, Apotex a accepté pour les fins des présentes procédures que le brevet puisse couvrir un sous-enrobage in situ, mais note cependant qu'un tel sous-enrobage n'est pas mentionné au brevet, et que les témoins experts ont dû [traduction] « essayer de créer un système visant à déterminer une contrefaçon que le brevet n'envisage pas » . Apotex reconnaît toutefois l'existence d'un composé réactif dans ses comprimés, mais prétend qu'il ne constitue pas [traduction] « un sous-enrobage in situ contrefait » étant donné que « pour contrefaire, le composé doit être continu, inerte et polymère » . J'interprète donc la mention, dans son plaidoyer écrit, « d'un tel sous-enrobage » comme s'entendant d'un sous-enrobage contrefait parce qu'il est continu, inerte et polymère. Je me répète : je suis incapable de trouver une telle assertion, expresse ou implicite, dans son énoncé détaillé. Dans son avis d'allégation, Apotex n'évoque pas un sous-enrobage non contrefait dans le contexte où elle en débat maintenant. Au lieu de quoi, elle nie que le composé réactif constitue un sous-enrobage au sens du brevet.

[36]             Il est évident qu'Apotex remet en question la façon dont la Cour d'appel fédérale a interprété le brevet 693. Je suis liée par cette interprétation et, par conséquent, pour les fins des procédures visées en ce qui a trait au Règlement, Apotex est liée elle aussi.

[37]             Dans sa formulation actuelle, l'avis d'allégation repose sur une question d'interprétation que l'on a résolue après qu'il eut été rédigé. S'agissant de la question de la contrefaçon, il n'allègue pas que le composé réactif d'Apotex n'est pas contrefait, au motif qu'il n'est pas continu, inerte et polymère, mais bien parce qu'aucune couche de composé réactif n'est prévue au brevet 693. Cette interprétation est erronée, au vu de AB Hassle, précité.


[38]             Apotex allègue également qu'en affirmant sa position selon laquelle son « sous-enrobage » , « couche » ou « interface » réactif ne constitue pas une contrefaçon parce qu'il n'est pas inerte, continu ou polymère, elle ne fait que répondre aux arguments avancés par AstraZeneca, et que [traduction] « la conduite d'AstraZeneca au cours des procédures empêche AstraZeneca de soutenir que l'avis d'allégation ne divulgue aucune allégation voulant que la couche soit continue, inerte ou polymère » .

[39]             Je souscris à la position d'AstraZeneca voulant que, malgré les énergiques plaidoiries d'Apotex à ce sujet, le mémoire écrit n'en fait aucune mention. Étant donné qu'Apotex soutient que les arguments en question sont contenus au paragraphe 37 de son mémoire, j'ai soigneusement révisé ce dernier. Or, il ne mentionne pas que la preuve d'Apotex est une réponse à la preuve d'AstraZeneca, ni ne se réfère à la conduite d'AstraZeneca au cours des présentes procédures. Apotex n'est pas autorisée à soulever à l'audience des moyens qui ne se trouvent pas dans son plaidoyer écrit et dont elle n'a pas notifié AstraZeneca. Et même si je devais conclure autre chose à ce sujet, je jugerais qu'Apotex ne saurait avoir gain de cause.

[40]             L'avis de demande pour ce qui est de l'allégation de non-contrefaçon contenue dans l'avis d'allégation, énonce deux motifs pour lesquels l'allégation n'est pas fondée. Premièrement, AstraZeneca déclare qu'Apotex fait une interprétation erronée du brevet puisque celui-ci comprend dans sa portée un sous-enrobage que l'on retrouve dans la forme posologique finale, sans égard à la manière dont il a été appliqué ou généré. Vu le contenu de l'avis d'allégation et de l'énoncé détaillé, il n'est pas étonnant que ce motif soit le principal d'AstraZeneca.


[41]             Deuxièmement, en raison de la décision du juge Kelen, AstraZeneca déclare incontesté le fait que les comprimés d'Apotex contiendront une couche de composé entre l'enrobage gastrorésistant et le noyau. Étant donné que ces mêmes parties s'étaient rendues jusqu'à l'audience lors des procédures antérieures au sujet de ce produit, et que la conclusion dont acte était contenue dans les motifs du juge saisi des demandes, Apotex ne devrait pas être surprise, à mon avis, de voir AstraZeneca s'appuyer sur cette conclusion pour soutenir que l'allégation d'Apotex n'est pas fondée. Dans l'état actuel des choses, les deux moyens avancés par AstraZeneca sont accordés.

[42]             AstraZeneca avance des motifs additionnels à titre subsidiaire. Même si je n'ai pas examiné tous les documents relatifs au dossier de la Cour no T-1747-00, je ne serais pas étonnée de constater que les motifs subsidiaires sont le reflet de ceux allégués dans la procédure antérieure.

[43]             À mon avis, les plaidoyers d'Apotex méconnaissent le fait que la position d'AstraZeneca concernant la divulgation des échantillons, les détails de la formulation et l'information sur les procédés relatifs à la PDN d'Apotex - visant à lui permettre de déterminer la présence ou non d'un sous-enrobage, et d'évaluer si l'allégation de non-contrefaçon est justifiée par l'un quelconque des autres motifs subsidiaires invoqués par Apotex - est une position de rechange. Expressément énoncée comme telle, elle n'altère pas les motifs principaux sur lesquels AstraZeneca appuie ses prétentions. AstraZeneca est libre de fournir la preuve étayant ses motifs autant principaux que subsidiaires.


[44]             Je ne vois pas du même oeil qu'Apotex les affidavits déposés à l'appui de l'avis de demande. AstraZeneca a déposé plusieurs affidavits à l'appui de sa demande. Un bon nombre d'entre eux ne sont pas pertinents à cette affaire. Par exemple, celui de Karen Burke expose en détail des informations sur la propriété des brevets, la réception de l'avis d'allégation d'Apotex et autres éléments du même genre. Celui de Daphne C. Ripley traite de la date de publication d'une antériorité spécifique. M. Kurt Lövgren, un des inventeurs du brevet 693, décrit le procédé de développement de la forme posologique de l'oméprazole.

[45]             Les affidavits déterminants pour la présente question en litige sont ceux de MM. James W. McGinty, Gerald S. Brenner et Roland Bodmeier qui sont tous présentés comme experts. Aucune contestation ne s'est élevée au sujet des titres et qualités de ces personnes et pour les fins des présentes, il n'est pas nécessaire de passer en revue leurs champs d'expertise respectifs.


[46]             L'affidavit de M. McGinty contient 259 paragraphes, celui de M. Brenner 168 et celui de M. Bodmeier 191. On pourrait dire qu'un des paragraphes des affidavits de McGinty et de Brenner, et deux de celui de Bodmeier, considérés isolément et de prime abord, donnent ouverture à des preuves additionnelles sur la contrefaçon. Mais on ne saurait interpréter ainsi ces paragraphes en tenant compte du contexte où ils se trouvent. Interprétés avec impartialité et en contexte, les paragraphes relevés par Apotex se rapportent à l'interprétation du brevet 693 (quant à savoir s'il concerne un procédé ou un produit) et à la question de l'insuffisance de l'avis d'allégation et de l'énoncé détaillé (pour permettre de procéder à un examen correct de la contrefaçon). La simple suggestion d'éventuels processus de mise à l'essai visant à démontrer les faiblesses de l'allégation d'Apotex ne soulève pas des difficultés qui autoriseraient Apotex à bonifier la substance de son énoncé détaillé avec de la preuve, sous le couvert de répondre à l'action d'AstraZeneca.

[47]             Quant à la conduite d'AstraZeneca, Apotex se reporte aux motifs du juge qui a statué sur la demande dans l'affaire Novartis, précitée, (2001), 15 C.P.R. (4th) 417 (C.F. 1re inst.). Je ne crois pas que cette décision puisse être de quelque utilité aux présentes. La question fondamentale dans cette affaire était de savoir s'il y avait eu un abus de procédure dans les circonstances où un avis d'allégation a été retiré suite à des « problèmes concernant la conformité au Règlement sur les aliments et drogues » . L'affaire se rapportait à des documents sur l'état antérieur de la technique et ne traitait pas de moyens subsidiaires. Je ne crois pas qu'il incombait à AstraZeneca - dans des circonstances où son avis de demande s'appuyait précisément sur deux points bien définis pour attaquer l'allégation de non-contrefaçon, et sur un troisième point subsidiaire - d'introduire aussi une requête en radiation de la preuve d'Apotex. Le dossier révèle qu'il y a eu une requête afférente au dépôt de cette preuve, et plus encore.

[48]             Je ne vois pas non plus qu'Apotex puisse alléguer qu'AstraZeneca lui ait causé quelque préjudice. AstraZeneca ne l'a pas menée en bateau. Dans les paragraphes 29 et 30 de son avis de demande, AstraZeneca a clairement informé Apotex qu'elle entendait attaquer ses allégations de non-contrefaçon. Apotex a été également informée des autres motifs en cause. Il était loisible à AstraZeneca et c'était prudent de sa part de parer à toutes les éventualités en ce qui concerne ses motifs subsidiaires. Ce qui ne signifie pas qu'elle retire ou abandonne ses moyens principaux.


[49]             Apotex fait référence à l'affaire Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc. (2004), 31 C.P.R. (4th) 214 (C.F.) confirmé par 2004 CAF 398 (Pfizer-2), mais je ne vois pas la pertinence de cette cause dans l'affaire présente. La Cour d'appel fédérale a maintenu la décision du juge saisi des demandes qui a déterminé que l'avis suffisait à prévenir Pfizer du fondement de l'allégation d'Apotex, à savoir qu'il n'y aurait pas de contrefaçon parce que ses comprimés d'azithromycine ne contiendraient pas de dihydrate, même s'il n'était pas ajouté qu'ils contiendraient du monohydrate. La situation en l'espèce est différente. Dans l'énoncé détaillé, non seulement on ne parle pas du fait qu'un sous-enrobage in situ n'est ni inerte ni continu, on indique qu'il n'y a aucun sous-enrobage.

[50]             J'ai aussi examiné la décision du juge vonFinckenstein, (2004), 33 C.P.R. (4th) 326 (C.F.), qui se rapporte à la présente affaire. Comme l'a fait remarquer le juge Evans dans l'arrêt Pfizer-2 et comme l'explique le juge vonFinckenstein dans ses motifs, le déroulement de la présente affaire illustre l'emploi de stratagèmes qui constitue un problème fréquent dans ce genre de procédure.


[51]             En définitive, la multiplication des ordonnances et le dépôt de nouvelles preuves en réponse ne permettent pas de régler la question fondamentale en cause, car comme l'a observé le juge Stone dans l'affaire AB Hassle-2, précité : « La question demeure de savoir si, considérant le régime établi par le Règlement et la jurisprudence, il est approprié de soulever des faits nouveaux et de se fonder sur ceux-ci dans une instance relative à la demande visée à l'article 6 en plus de ceux sur lesquels se fonde l'énoncé détaillé » . Dans une instance relative à la demande visée à l'article 6 du règlement, il est de droit constant que tous les faits seront présentés dans l'énoncé détaillé, et non divulgués par fragments au fur et à mesure des besoins. Aucune ordonnance de la Cour, pas même une ordonnance fondée sur le paragraphe 6(7), ne permet de réparer un manquement à cette exigence. Voir l'arrêt Genpharm, précité.

[52]           En conclusion, je n'irais pas jusqu'à acquiescer à la déclaration que souhaite obtenir AstraZeneca, selon laquelle la lettre d'Apotex, datée du 26 septembre 2002, ne constitue pas un avis d'allégation tel que prévu par le Règlement, parce que l'avis d'allégation comporte effectivement une allégation de non-contrefaçon qui est étayée par un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde. Toutefois, Apotex ne peut pas ajouter des éléments à son avis d'allégation en vue d'établir l'absence de contrefaçon par des éléments de preuve sans lien avec son avis d'allégation. Sur ce point, l'avis d'allégation est lacunaire, car il contient une allégation de non-contrefaçon qui repose sur ce qui s'est révélé une mauvaise interprétation du brevet 693. Dans son avis d'allégation, Apotex n'a pas mentionné la présence d'un matériau de réaction non inerte, continu et polymère (qu'elle reconnaît maintenant), elle ne peut donc introduire ici cet élément en preuve ou dans son argumentation. C'est pourquoi l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex est non fondée.

La préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée peut-elle empêcher Apotex d'alléguer la contrefaçon et l'invalidité?


[53]           AstraZeneca appuie également sa demande sur le principe de préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée. Elle soutient que l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex, dans son avis d'allégation dans la présente instance, repose sur l'interprétation de la revendication 1 comme son allégation de non-contrefaçon lors de la précédente instance. La Cour d'appel fédérale a tranché la question de l'interprétation du brevet et Apotex n'a pas le droit de la remettre en cause. La concession d'Apotex, aux fins des présentes, que le brevet 693 porte sur un sous-enrobage créé in situ, ainsi que la décision rendue par la Cour d'appel fédérale sur l'interprétation, sont concluantes. Les conditions exposées dans l'arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460 (Danyluk) sont réunies.

[54]             Vu mes motifs sur la question de savoir si les allégations de non-contrefaçon sont suffisantes, je suis disposée à accorder à AstraZeneca que le principe de préclusion s'applique, compte tenu des raisons présentées par celle-ci concernant l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex. Toutefois, au cas où ma conclusion serait erronée sur ce premier point, j'aimerais examiner plus en détail la question de l'application du principe de préclusion.

Les arguments


[55]             AstraZeneca affirme que la question de l'interprétation est déterminante, mais même si elle ne l'était pas, la question de la contrefaçon elle-même est visée par le principe de préclusion. Dans l'action précédente, l'enjeu était de déterminer si l'allégation de non-contrefaçon du brevet 693, faite par Apotex, du fait qu'il n'y avait pas de sous-enrobage entre le noyau et la couche gastrorésistante, était fondée. La même question se pose aujourd'hui concernant la même formulation dans l'avis d'allégation. L'interprétation du brevet 693 par la Cour d'appel fédérale était basée sur l'acceptation par Apotex que ses comprimés comporteraient un sous-enrobage in situ. Ce fait a constitué un volet fondamental de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale. C'est pourquoi le principe de préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée s'applique de sorte à empêcher Apotex d'avancer que ses comprimés ne comporteront pas de sous-enrobage.

[56]             De plus, en vertu du Règlement, une ordonnance d'interdiction ne peut être accordée que dans un cas d'allégation non fondée. Lors de la précédente instance, AstraZeneca avait sollicité une déclaration de la Cour portant sur l'avis d'allégation d'Apotex et, subsidiairement, une ordonnance d'interdiction. La Cour a accordé les deux demandes. Compte tenu que la non-contrefaçon était la seule allégation d'Apotex, l'ordonnance d'interdiction devait être fondée sur la non-contrefaçon. Ainsi, l'ordonnance rendue lors de l'instance précédente comporte implicitement une conclusion sur la contrefaçon. La Cour d'appel fédérale a expressément reconnu, dans l'énoncé de ses motifs, l'existence d'une ordonnance d'interdiction et a rejeté l'appel. Cette ordonnance d'interdiction existe toujours.


[57]             AstraZeneca a également fait valoir que le principe de préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée s'applique aussi de sorte à empêcher Apotex d'avancer des arguments fondés sur la mise à l'essai de comprimés, ou de produire des échantillons dans le but de faire de telles analyses, et de remettre en litige certaines conclusions du juge Kelen. L'omission d'Apotex de fournir des échantillons pour analyses lors de la précédente instance, au moment où elle avait la possibilité de produire des preuves mais où elle a choisi de s'abstenir, lui interdit de faire volte-face et de les invoquer maintenant. De plus, elle doit se conformer aux conclusions du juge Kelen selon lesquelles : « Un composé réactif ou "interface" est généré spontanément lorsque l'enrobage gastrorésistant et entérosoluble, qui est composé de polymères, est pulvérisé sur le noyau, qui contient de l'oméprazole et des substances alcalines » ; et « le composé réactif isolerait le noyau, l'empêchant ainsi de se dissoudre et jouerait ainsi le même rôle - jusqu'à un certain point - que le sous-enrobage décrit dans la revendication 1 du brevet » .

[58]             S'appuyant sur le raisonnement du juge Binnie dans l'arrêt Danyluk, précité, AstraZeneca soutient qu'Apotex n'a pas droit à une seconde chance. Apotex a choisi une stratégie lors de la première procédure et a décidé de défendre sa cause à partir de l'interprétation du brevet. Sa démarche a échoué. Elle ne peut revenir à la charge et dire qu'elle veut réessayer. AstraZeneca se réfère à la décision de la Cour d'appel fédérale Procter & Gamble Pharmaceuticals Canada, Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2003), 33 C.P.R. (4th) 193 (C.A.F.) (P & G) et souligne que le critère à l'égard de ce point est de savoir si la décision sur laquelle on cherche à fonder l'irrecevabilité est si fondamentale par rapport à la décision sur le fond que la première décision ne puisse être maintenue sans la seconde. Selon AstraZeneca, il est fondamental qu'avant de rendre une ordonnance d'interdiction, la Cour détermine que l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex est non fondée.

[59]             En ce qui concerne la question de l'invalidité, AstraZeneca est d'avis qu'Apotex est irrecevable, selon le principe de préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée, à remettre en cause la validité du brevet 693 vu le raisonnement exposé dans l'arrêt P & G, précité. De plus, la question de la validité du brevet était certainement primordiale pour la Cour d'appel fédérale et pour le juge Kelen. Apotex, qui a choisi d'alléguer la non-contrefaçon seulement, a nécessairement accepté la validité du brevet. Si le brevet n'était pas valide, la préparation d'Apotex ne pourrait pas contrefaire le brevet.


[60]             Apotex qualifie les arguments d'AstraZeneca de tentatives pour réécrire l'histoire. Elle affirme que la première demande d'AstraZeneca, lors de l'instance précédente, visait à obtenir un jugement affirmant que la lettre d'Apotex ne constituait pas un avis d'allégation conforme au Règlement. Cette demande a été favorablement accueillie par la Cour. Toutefois, l'ordonnance d'interdiction qu'a obtenue AstraZeneca est la seule ordonnance permise par le Règlement, soit une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex relativement aux produits pharmaceutiques oméprazole ou aux comprimés d'oméprazole magnésien en certains dosages, tant que certains brevets ne seront pas expirés.

[61]             Aucune décision n'a été rendue sur la question de la contrefaçon lors de la procédure précédente, ni en première instance, ni en appel. La question concernait l'interprétation du brevet. Les deux parties ne s'entendaient pas sur ce point. La question était pertinente. Apotex avance qu'une lecture attentive de la décision du juge Kelen nous apprend que la Cour interdit au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité relativement à « l'avis d'allégation en question » . Selon Apotex, il est clair que cette façon de dire n'interdit pas qu'il puisse y avoir une autre allégation. C'est un fait que ni la Cour d'appel ni le juge Kelen n'ont rendu de décision concernant la question de la contrefaçon. C'est pourquoi les conditions préalables à l'application du principe de préclusion découlant d'une question déjà tranchée ne sont pas réunies.


[62]             Faisant référence à l'arrêt AGF Canadian Equity Fund c. Transamerica Commercial Finance Corp. Canada (1993), 14 O.R. (3d) 161 (Div. gén.), Apotex affirme que les circonstances dont il est fait mention dans cette affaire sont similaires à celle de la présente cause et que le juge Borins qui a instruit le procès a refusé d'appliquer le principe de préclusion parce qu'aucune décision n'avait été rendue au fond. Ce serait à AstraZeneca que l'on devrait interdire, en vertu du principe de préclusion, de soutenir qu'Apotex ne peut avoir recours à des tests d'échantillon dans la présente instance alors qu'AstraZeneca, lors de l'instance précédente, adoptait au regard de cette question une position opposée à celle qui est la sienne maintenant. De plus, Apotex fait valoir que la jurisprudence [traduction] « établit amplement que lorsque aucun jugement au fond n'a été rendu relativement à une allégation, il n'y a pas de préclusion qui puisse empêcher une deuxième personne de transmettre une nouvelle allégation et de défendre sa cause de la manière qu'elle jugera bon » .

[63]             Finalement, Apotex affirme que même si les conditions d'application du principe de préclusion sont réunies, le tribunal a le droit d'exercer son pouvoir discrétionnaire et de refuser de l'appliquer, car le contraire pourrait éventuellement s'avérer injuste pour Apotex. Ce principe est un outil qui vise à favoriser l'administration ordonnée de la justice, non à la mettre en échec. Ce procès met en jeu l'intérêt public et il serait manifestement injuste de permettre à AstraZeneca d'invoquer le Règlement pour conserver son monopole, sans même avoir obtenu un jugement de la Cour statuant que le procédé d'Apotex constitue une contrefaçon.

[64]             Apotex n'a fait aucune remarque concernant l'argument d'AstraZeneca que le principe de préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée s'appliquait à l'allégation d'invalidité d'Apotex.


Analyse

[65]             D'abord, je fais remarquer que les aspects de ma décision qui concernent l'application des principes de l'autorité de la chose jugée, de la préclusion ou de l'abus de procédure sont restreints aux demandes présentées en vertu du Règlement. Le régime établi par le Règlement ne permet pas à la Cour de rendre des décisions ayant l'autorité de la chose jugée au sujet de la portée ou de la validité des brevets : voir les arrêts Novartis et Pfizer Canada Inc., précités.

[66]             M. le juge Binnie explique la raison d'être de la doctrine de la préclusion, un volet de la doctrine de l'autorité de la chose jugée, dans l'arrêt Danyluk, précité :

Le droit tend à juste titre à assurer le caractère définitif des instances. Pour favoriser la réalisation de cet objectif, le droit exige des parties qu'elles mettent tout en oeuvre pour établir la véracité de leurs allégations dès la première occasion qui leur est donnée de le faire. Autrement dit, un plaideur n'a droit qu'à une seule tentative. Une fois tranché, un différend ne devrait généralement pas être soumis à nouveau aux tribunaux au bénéfice de la partie déboutée et au détriment de la partie qui a eu gain de cause. Une personne ne devrait être tracassée qu'une seule fois à l'égard d'une même cause d'action. Les instances faisant double emploi, les risques de résultats contradictoires, les frais excessifs et les procédures non décisives doivent être évités.

Le caractère définitif des instances est donc une considération impérieuse et, en règle générale, une décision judiciaire devrait trancher les questions litigieuses de manière définitive, tant qu'elle n'est pas infirmée en appel. Toutefois, la préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée est une doctrine d'intérêt public qui tend à favoriser les intérêts de la justice.

[67]             Les conditions d'application de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée sont : (1) que la même question ait été décidée dans une procédure antérieure ; (2) que la décision judiciaire antérieure soit définitive ; (3) que les parties ou leurs ayants droit soient les mêmes dans chacune des instances. Voir ibid., P & G, précité.


[68]             Tous conviennent que la décision judiciaire (l'ordonnance d'interdiction) à l'origine de la préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée était définitive et que ce sont les mêmes parties qui étaient en cause. Le désaccord survient au regard de la question de la contrefaçon. Peut-on dire qu'elle a nécessairement fait l'objet d'une décision, même non explicitement, lors de l'instance précédente? En d'autres mots, la question de la contrefaçon est-elle si fondamentale à la décision au fond que cette dernière ne peut être rendue sans d'abord trancher la première?

[69]             Je prends en compte la position d'AstraZeneca selon laquelle l'ordonnance du juge Kelen interdisant au ministre de la Santé de délivrer à Apotex un avis de conformité - malgré la mention « relativement à l'avis d'allégation en question » - comportait un jugement implicite que l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex était non fondée. J'ai du mal, toutefois, à concilier cette position avec la phrase suivante du juge Kelen : « Il n'est pas possible de décider si l'allégation d'absence de contrefaçon est fondée en se fondant sur les spéculations et les conjectures des experts » .


[70]             Devant la Cour d'appel fédérale, Apotex a concédé que s'il résultait de l'interprétation de la revendication no 1 que celle-ci décrit un comprimé qui, dans sa forme finale, comprend un sous-enrobage ou une couche séparant le noyau de l'enrobage gastrorésistant et entérosoluble, sans égard à la façon dont est formée la couche séparatrice, son appel était voué à l'échec. Comme cela s'est effectivement réalisé, la Cour n'a pas jugé nécessaire d'examiner la question de la contrefaçon. L'eût-elle fait que cela aurait été au regard de l'avis d'allégation d'Apotex. Celle-ci ne dit pas que le jugement de la Cour aurait pu être autre que de décider que son allégation de non-contrefaçon était non fondée. Ce faisant, elle n'aurait aucune raison de concéder que l'interprétation du brevet était déterminante.

[71]             Selon moi, comme l'avis d'allégation d'Apotex ne concerne que la non-contrefaçon et que le Règlement prévoit qu'une ordonnance d'interdiction doit être rendue si aucune des allégations n'est fondée, ce n'est pas faire acte de foi que de conclure qu'il est essentiel de décider si l'allégation de non-contrefaçon est fondée avant de prendre la décision qui nous importe ici, soit de délivrer une ordonnance d'interdiction.

[72]             Toutefois, il y a une autre raison pour laquelle le principe de préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée s'applique ici, autant à l'allégation de non-contrefaçon qu'à la question de l'invalidité.

[73]             La règle générale, telle qu'énoncée dans le jugement P & G, précité, est qu'une partie à une instance ne peut soulever une question qu'elle pouvait ou aurait pu soulever dans une instance précédente entre les parties. Quoique la forme de préclusion invoquée en l'espèce soit de moindre force, lorsque les conditions sont réunies, le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de refuser d'appliquer la préclusion. Le fondement de la règle est expliqué dans l'arrêt P & G, précité, lorsque la Cour cite les propos de lord Denning dans Fidelitas Shipping Co. c. V/0 Exportchleb, [1965] 2 All E.R. 4 (C.A.) :


¼La règle veut alors que chaque partie doit faire preuve de diligence pour invoquer tous les points susceptibles de la favoriser. Si une partie, soit par négligence, inadvertance ou même accident, omet de soulever un point particulier (qui lui aurait permis, ou peut-être permis d'obtenir gain de cause), elle peut se voir refuser l'occasion de soulever à nouveau ce point-là , du moins dans la même action et dans toute action subséquente portant sur le même litige.

[74]             La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Maynard c. Maynard, [1951] R.C.S. 346, soutient un raisonnement similaire quand elle fait référence, aux pages 358 et 359, au passage suivant de la décision Green c. Weatherill, [1929] 2 Ch. 213 :

[traduction]

... J'espère exprimer correctement la règle que s'est imposée la présente cour quand j'affirme que si un point donné devient litigieux et qu'un tribunal compétent le juge, on exige des parties qu'elles soumettent toute leur cause et, sauf dans des circonstances spéciales, on n'autorisera pas ces parties à rouvrir le débat sur un point qui aurait pu être soulevé lors du litige, mais qui ne l'a pas été pour l'unique raison qu'elles ont omis de soumettre une partie de leur cause, par négligence, inadvertance ou même par accident. Le plaidoyer de la chose jugée porte, sauf

dans des cas spéciaux, non seulement sur les points sur lesquels les parties ont en fait demandé au tribunal d'exprimer une opinion et de prononcer jugement, mais sur tout point qui faisait objectivement partie du litige et que les parties auraient pu soulever à l'époque, si elles avaient fait preuve de diligence.

[75]             En admettant que je sois convaincue (et je ne le suis pas) qu'en plus d'une allégation d'invalidité, Apotex soulève maintenant dans son avis d'allégation des faits concernant la non-contrefaçon dont il n'était pas fait mention dans l'avis d'allégation lors de l'instance précédente, une question se pose tant à l'égard de l'invalidité que de la non-contrefaçon : Apotex pouvait-elle ou aurait-elle dû présenter ces faits ou soulever ces questions lors de l'instance précédente?


[76]             Apotex fait référence à nombre d'affaires dans lesquelles la Cour a rejeté l'argument d'une première personne voulant qu'il soit interdit à une deuxième personne, en vertu du principe de la chose jugée ou de l'abus de procédure, de transmettre une nouvelle allégation et d'ainsi défendre sa cause comme elle juge bon. J'ai pris connaissance de toutes ces décisions et je conclus qu'elles n'apportent rien qui favorise Apotex dans les circonstances actuelles. Dans ses motifs dans la décision Novartis, précitée, le juge Blais effectue un examen sommaire de la jurisprudence en ce qui concerne la présentation de plus d'un avis d'allégation, et il n'est pas utile de reprendre ces éléments en détail ici. Si je comprends bien, la jurisprudence permettrait de présenter un avis d'allégation subséquent lorsqu'un précédent avis d'allégation a dû être retiré parce qu'il n'était pas conforme aux exigences du Règlement ou lorsque le deuxième avis d'allégation est distinct du premier (parce qu'il concerne une formulation différente, par exemple) ou bien lorsqu'un vice de forme constaté à l'égard du premier avis a ouvert la porte à la présentation d'un nouvel avis. Dans les exemples qu'Apotex met de l'avant, des ordonnances d'interdiction n'avaient pas été délivrées lors de l'instance précédente, même dans les situations où les choses étaient rendues à cette étape. Dans la cause qui nous intéresse ici, une ordonnance d'interdiction a été délivrée et l'appel d'Apotex concernant cette ordonnance a été rejeté.


[77]             L'affaire AGF Canadian Equity Fund, précitée, concernait une action. La déclaration de la demanderesse a été radiée sans autorisation de modification. Elle a présenté alors une nouvelle déclaration, mais la Cour a statué que celle-ci n'était pas irrecevable. Le principe de la chose jugée ne s'appliquait pas ici, car l'affaire n'avait pas été entendue au fond. Il y a une analogie à faire avec cette affaire. L'avis d'allégation antérieur d'Apotex n'a pas été radié avant que l'affaire n'ait été entendue. Comme il a été mentionné précédemment, la cause concernant l'avis d'allégation d'Apotex a été entendue lors de l'instance précédente et a fait l'objet d'un appel. Je ne considère pas non plus qu'il soit pertinent d'invoquer ici la décision prise par le juge Lemieux, dans l'affaire Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. c. RhoxalPharma Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 218 (C.F.), d'utiliser son pouvoir discrétionnaire pour refuser d'appliquer la préclusion. La position de la demanderesse au regard de la présentation d'échantillon du produit à titre de preuve constituait une prétention subsidiaire et est demeurée la même. Ce qui n'était pas la situation dans l'affaire entendue par le juge Lemieux.

[78]             Le gros obstacle pour Apotex est l'arrêt P & G, précité. Dans cette affaire, la société Proctor & Gamble a fait une demande fondée sur le Règlement pour qu'un brevet redélivré soit inscrit au registre. Il appert à la lecture du brevet qu'il a été délivré le 11 juin 1996. S'appuyant sur le fait que le brevet redélivré ne pouvait être inscrit au registre parce que la demande d'inscription n'avait pas été faite dans les 30 jours après la date de délivrance du brevet conformément au paragraphe 4(4) du Règlement, Genpharm a interjeté un appel pour que soit rejetée la demande d'ordonnance d'interdiction présentée par Proctor & Gamble. Les motifs de la Cour d'appel fédérale traitent de deux questions distinctes. Pour l'affaire qui nous intéresse, seule la question de la préclusion est pertinente. Proctor & Gamble plaidait que la question de déterminer si le brevet en cause était admissible à l'inscription au registre était chose jugée et qu'en l'occurrence le principe de préclusion s'appliquait puisque cette question avait été ou aurait pu être soulevée dans un litige précédent opposant les mêmes parties au regard du même brevet. La Cour d'appel fédérale a acquiescé.


[79]             Apotex ne prétend pas qu'elle n'aurait pas pu alléguer (dans son précédent avis d'allégation) qu'en plus du fait que son produit ne comportait pas de sous-enrobage, que son produit, ne contiendrait pas de toute façon d'interface ou de pellicule inerte, continue et polymère. Elle affirme plutôt que l'avis d'allégation de l'instance précédente soulevait la question de l'interprétation du brevet et que cette question d' « interprétation » était la seule question litigieuse, et que c'était une question pertinente qu'il fallait trancher. Je ne nie pas que la revendication 1 du brevet était une question pertinente. L'interprétation d'un brevet ou de revendications d'un brevet sont des questions qu'il convient toujours d'examiner.

[80]             Il me semble que l'argument d'Apotex élude la question. Lors de l'instance précédente, Apotex a allégué la non-contrefaçon. Elle a donc mis en jeu la question de la contrefaçon. Elle ne fournit aucune explication au regard de son incapacité à présenter ses meilleurs arguments lors de l'instance précédente. Selon moi, accepter l'argument présenté par Apotex équivaut à lui donner l'occasion de plaider sa cause de deux façons différentes. Cela lui permet de prendre le pouls de la situation en ce qui concerne l'interprétation du brevet, et si cela s'avère infructueux (comme ce fut le cas), elle peut remanier ses arguments et avoir une seconde chance. Je n'irais pas jusqu'à affirmer (comme le juge Evans dans l'arrêt P & G, précité) qu'Apotex a caché ses intentions en conservant une défense pour un litige subséquent, mais elle a certainement mis tous ses oeufs dans le même panier. Cette omission de sa part n'est pas une lacune de pure forme; c'est une question de fond. Apotex ne m'a pas persuadée que les conditions d'application du principe de préclusion n'étaient pas réunies en ce qui concerne la question de la « contrefaçon » .


[81]             En ce qui concerne l'invalidité, Apotex n'a présenté aucune observation. Comme elle n'a pas soulevé la question de l'invalidité lors de l'instance précédente, je suppose qu'Apotex considère que, la question n'ayant pas été tranchée, le principe de préclusion ne peut s'appliquer. La position d'AstraZeneca selon laquelle Apotex, en alléguant uniquement la non-contrefaçon lors de l'instance précédente, a nécessairement accepté la validité du brevet 693 - parce que s'il n'était pas tenu pour valide, la préparation d'Apotex ne pourrait le contrefaire - n'a pas été contestée. Apotex ne dit pas qu'elle ne pouvait pas ou n'aurait pas dû soulever la question de l'invalidité lors de l'instance précédente. De plus, si je considère la réponse de l'avocat à ma question sur ce sujet (voir la Transcription, aux pages 1130 à 1133), il semble bien qu'Apotex ait effectivement caché ses intentions. J'accepte les arguments d'AstraZeneca et le commentaire que j'ai fait précédemment concernant le souhait d'Apotex de plaider deux fois sa cause s'applique tout autant à la question de l'invalidité. Je juge que cette question a déjà été tranchée.

[82]             Je me demande maintenant si, malgré l'applicabilité du principe de préclusion, je devrais exercer mon pouvoir discrétionnaire pour ne pas l'appliquer. AstraZeneca et Apotex insistent toutes les deux pour dire que leur position respective permet d'assurer la justice. Mon rôle, comme je le conçois, est d'aborder la situation sous une perspective plus large et de prendre en compte les intérêts qui transcendent ceux des parties immédiatement en cause.


[83]             Dois-je exercer mon pouvoir discrétionnaire en faveur d'Apotex? La réponse à cette question exige que je procède à un examen des faits dans lequel interviennent nombre de facteurs. Ma première observation est que rien ne laisse entendre que l'instance précédente a été entachée de fraude ou de malhonnêteté, ou que de nouveaux éléments de preuve, non disponibles auparavant, ont jeté de façon probante un doute sur le résultat initial. Voir : Ville de Toronto c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 79, [2003] 3 R.C.S. 77 (SCFP). Apotex ne dit pas qu'elle ne disposait pas des éléments qu'elle soumet présentement à la Cour (ou qu'ils ne pouvaient pas être présentés) lors de l'instance précédente. Elle n'indique pas non plus que les enjeux de l'instance initiale ntaient pas assez importants pour susciter une réaction vigoureuse et complète. Voir l'arrêt SCFP, précité. De plus, Apotex ne manque pas d'expérience pour ce qui est des actions en justice.

[84]             J'ai pris en considération la nature des procédures visées par l'article 6, le fait qu'elles ne visent que des fins administratives et qu'elles doivent être entendues le plus rapidement possible. Voir les paragraphes 12 à 15 des présents motifs.

[85]             J'ai considéré que le Règlement constitue un régime public réglementant la mise en marché de nouveaux médicaments et qu'il vise à atteindre l'équilibre entre, d'une part, la protection des droits du breveté et l'intérêt public quant à l'encouragement de la recherche et, d'autre part, l'intérêt public en matière de concurrence et de médicaments à meilleur coût. Voir les propos du juge Evans dans l'arrêt P & G, précité.

[86]             J'ai considéré que la politique publique en question doit être d'une importance substantielle pour l'emporter sur l'intérêt public dans le caractère définitif des décisions judiciaires, et que le litige, ici, oppose deux parties privées. Voir les propos du juge Rothstein qui s'exprime au nom de la majorité de la Cour dans l'arrêt P & G, ibid.

[87]             J'ai aussi considéré les intérêts des personnes indirectement touchées, c'est-à-dire de celles qui ont choisi de faire valoir les moyens exposés dans leur avis d'allégation (plutôt que de tenter de scinder la cause) et qui ont perdu. Voir la décision AB Hassle et al. c. Canada (Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), RhoxalPharma Inc. et al. (2000), 10 C.P.R. (4th) 38 (C.F. 1re inst.) confirmée par (2002), 18 C.P.R. (4th) 558 (C.A.F.).


[88]             J'ai pris en considération le fait qu'il est d'intérêt public que les décisions judiciaires aient un caractère définitif et plus particulièrement l'incertitude que crée le fait de ne pas savoir à quel moment le litige sera clos. J'ai pris en considération l'intégrité et la crédibilité de la justice, les ressources judiciaires et administratives ainsi que les coûts. J'ai considéré le fait que la présente instance remet en cause l'ordonnance d'interdiction délivrée par le juge Kelen, alors que l'appel d'Apotex au regard de ladite interdiction a déjà été rejeté.

[89]             Je m'appuie sur le principe que la Cour a le pouvoir discrétionnaire de refuser d'appliquer la préclusion. Cependant, dans le cadre d'un litige devant la Cour, contrairement à un litige devant un tribunal administratif, c'est un pouvoir discrétionnaire d'application très restreinte, utilisé dans des circonstances exceptionnelles. Voir l'arrêt P & G, précité.

[90]           Je ne crois pas que cette affaire relève de circonstances exceptionnelles. La question se réduit finalement à déterminer si on doit accorder à Apotex une occasion supplémentaire d'alléguer la non-contrefaçon et l'invalidité relativement au même brevet et à la même préparation. À mon avis, la réponse est non. La doctrine de préclusion s'applique et Apotex est irrecevable à alléguer la non-contrefaçon et l'invalidité dans son avis d'allégation.

La doctrine de l'abus de procédure a-t-elle pour effet d'empêcher Apotex d'alléguer la non-contrefaçon et l'invalidité?


[91]             Le pouvoir des tribunaux d'empêcher la remise en cause de questions sur lesquelles il a déjà été statué dépasse les limites de la doctrine de la chose jugée. Dans l'affaire SCFP, la juge Arbour a traité des trois doctrines connexes que sont la préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée, l'abus de procédure et la contestation indirecte. Les paragraphes qui suivent comportent un sommaire précis des commentaires exprimés dans l'affaire SCFP relativement à la doctrine de l'abus de procédure. Les références des citations sont omises.

[92]             Pour empêcher les abus de procédure, les juges disposent d'un pouvoir discrétionnaire résiduel inhérent. La doctrine s'applique dans des contextes juridiques divers. C'est une doctrine souple qui ne s'encombre pas d'exigences particulières telles que la notion d'irrecevabilité. Les tribunaux ont appliqué la doctrine de l'abus de procédure pour empêcher la réouverture de litiges dans des circonstances où les exigences strictes de la préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée n'étaient pas remplies, mais où la réouverture aurait néanmoins porté atteinte aux principes d'économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d'intégrité de l'administration de la justice.

[93]             Les raisons de principe étayant la doctrine de l'abus de procédure pour remise en cause sont identiques à celles de la préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée. Les raisons évoquées comprennent le fait de savoir qu'un litige puisse avoir une fin et que personne ne puisse être tracassé deux fois par la même cause d'action et aussi d'autres raisons visant la préservation des ressources des tribunaux et des parties, le maintien de l'intégrité du système judiciaire afin d'éviter les résultats contradictoires et la protection du principe du caractère définitif des instances si important pour la bonne administration de la justice.


[94]             Ceux qui critiquent cette doctrine font valoir que l'utilisation de l'abus de procédure à la place de la préclusion brouille la vraie question sans rien ajouter d'autre qu'une vague impression de pouvoir discrétionnaire. Je ne partage pas cette vue. Dans tous ses cas d'application, la doctrine de l'abus de procédure vise essentiellement à préserver l'intégrité de la fonction judiciaire. L'accent est mis davantage sur l'intégrité du processus décisionnel judiciaire comme fonction de l'administration de la justice que sur l'intérêt des parties. Lorsque l'accent est correctement mis sur l'intégrité du processus, le mobile de la partie qui cherche à rouvrir le débat ne saurait constituer un facteur décisif.

[95]             D'un point de vue systémique, la remise en cause s'accompagne de graves effets préjudiciables et il faut s'en garder à moins que des circonstances n'établissent qu'elle est, dans les faits, nécessaire à la crédibilité et à l'efficacité du processus juridictionnel dans son ensemble. Il peut y avoir en effet des cas où la remise en cause pourra servir l'intégrité du système judiciaire plutôt que lui porter préjudice, par exemple : (1) lorsque la première instance est entachée de fraude ou de malhonnêteté, (2) lorsque de nouveaux éléments de preuve, qui n'avaient pu être présentés auparavant, jettent de façon probante un doute sur le résultat initial, (3) lorsque l'équité exige que le résultat initial n'ait pas force obligatoire dans le nouveau contexte.


[96]             Les facteurs discrétionnaires qui visent à empêcher que la préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée ne produise des effets injustes, jouent également en matière d'abus de procédure pour éviter de pareils résultats indésirables. L'interdiction de la remise en cause peut générer des circonstances qui sont source d'iniquité lorsque les enjeux de l'instance initiale ne sont pas assez importants pour susciter une réaction vigoureuse et complète alors que ceux de l'instance subséquente sont considérables. L'équité commande de conclure que l'autorisation de poursuivre la deuxième instance servirait davantage l'administration de la justice que le maintien à tout prix du principe de l'irrévocabilité. Une incitation insuffisante à opposer une défense, la découverte de nouveaux éléments de preuve dans des circonstances appropriées, ou la présence d'irrégularités dans le processus initial, tous ces facteurs peuvent l'emporter sur l'intérêt qu'il y a à maintenir l'irrévocabilité de la décision initiale.

[97]             Les doctrines de la préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée, de la contestation indirecte et de l'abus de procédure répondent adéquatement aux préoccupations qui surgissent lorsqu'il faut pondérer le principe de l'irrévocabilité des jugements et celui de l'équité envers un justiciable particulier.

[98]             Si je commets une erreur en appliquant le principe de préclusion, je conclus alors que l'avis d'allégation d'Apotex constitue un abus de procédure pour essentiellement les mêmes raisons que celles évoquées dans la section des présents motifs consacrée au principe de préclusion. Je rejette l'argument d'Apotex qui allègue que le nombre d'accusations d'abus de procédure auxquelles elle a dû faire face tend à miner le fondement de l'accusation dans la présente espèce.


[99]             Compte tenu de la décision que j'ai prise concernant les questions préliminaires, il n'est pas nécessaire que je traite des questions subsidiaires. AstraZeneca a gagné sa cause et aura droit à ses dépens. J'ai pris en compte les observations des avocats ainsi que les facteurs pertinents du paragraphe 400(3) des Règles, et j'accorde les dépens qui seront fixés selon la limite supérieure de la colonne III du tarif B. L'officier taxateur aura instruction de taxer les honoraires des avocats en second qui ont assisté aux contre-interrogatoires et à l'audience ainsi que les débours raisonnables au regard de leur participation.

[100]         AstraZeneca, en consultation avec Apotex, doit produire un projet d'ordonnance traduisant le dispositif convenable eu égard aux présents motifs au plus tard le 18 février 2005. Dans le cas où les deux parties ne s'entendraient pas sur la formulation de l'ordonnance, AstraZeneca aura alors jusqu'au 18 février pour signifier et verser au dossier des observations écrites et son projet d'ordonnance. Apotex aura jusqu'au 23 février pour signifier et verser au dossier ses observations en réponse et son projet d'ordonnance. Les observations écrites ne doivent pas excéder deux pages à double interligne.

          « Carolyn A. Layden-Stevenson »           

Juge

Ottawa, Ontario

14 février 2005

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


[traduction]

150 Signet Drive, Toronto (Ontario), Canada M9L 1T9 Tél. : 14161 749-9300 - Télex : 065-27284 Fax : (416) 401-3849

ANNEXE « A »

des motifs de l'ordonnance rendus le 14 février 2005

dans

AB HASSLE ASTRAZENECA AB et

ASTRAZENECA CANADA INC.

et

APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

T-1878-02

26 septembre 2002

AstraZeneca Canada Inc.

Middlegate Road

Mississauga (Ontario) L4Y 1M4

Messieurs,

La présente est un avis d'allégation délivré conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le « Règlement » ) en ce qui concerne les brevets canadiens nos 1,292,693 (le « brevet 693 » ), 1,302,891 (le « brevet 891 » ) et 2,166,483 (le « brevet 483 » ).

Nous avons transmis au ministre de la Santé une présentation de drogue nouvelle relativement à des comprimés d'oméprazole magnésien pour administration orale dans des concentrations de 10 mg et de 20 mg.

1.          L'allégation du brevet 693

Le brevet 693 contient 19 revendications.

La revendication 17 est une revendication de procédé et n'est pas pertinente en vertu du Règlement vu que cette revendication n'est pas une revendication pour le médicament en soi ni une revendication pour l'utilisation du médicament.


La revendication 18 est une revendication pour un emballage commercial et n'est pas pertinente en vertu du Règlement vu que cette revendication n'est pas une revendication pour le médicament en soi ni une revendication pour l'utilisation du médicament.

Pour ce qui est du reste des revendications, soit 1 à 16, inclusivement, et 19, de même que la revendication 18 si on la considère comme une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament (ci-après appelées « revendications en litige » ), nous alléguons qu'aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne serait contrefaite advenant la fabrication, llaboration, l'utilisation ou la vente par notre entreprise desdits comprimés.

Nous alléguons de plus que chacune des revendications en litige du brevet 693 est invalide.

Voici les fondements juridiques et factuels de l'allégation ci-dessus :

Le brevet 693

Le brevet 693, intitulé « Préparation pharmaceutique contenant de l'oméprazole » , concerne une préparation pharmaceutique contenant de l'oméprazole ou ses sels alcalins destinés à être administrés par voie orale ainsi que l'utilisation de ces préparations dans le traitement de maladies gastro-intestinales.

L'essence de l'invention alléguée dans le brevet 693 est la mise au point d'une formulation qui prétend résoudre le problème des formulations des réalisations antérieures qui consistaient en un noyau alcalin contenant de l'oméprazole ou un sel alcalin d'oméprazole, et un enrobage gastrorésistant placé sur le noyau qui a fini par se dégrader. La solution alléguée au problème est présentée dans le brevet comme étant la séparation du noyau et de l'enrobage gastrorésistant par l'application d'un sous-enrobage au sens du brevet.

Chacune des revendications en litige du brevet 693 renfermait parmi ses éléments essentiels, les éléments essentiels suivants :

(i) dans le noyau de la formulation, une substance choisie dans le groupe constitué par :

a)          l'oméprazole et un réactif alcalin;     

b)          un sel alcalin d'oméprazole et un réactif alcalin; ou

c)          un sel alcalin d'oméprazole seul;


(ii) un sous-enrobage inerte qui se dissout ou se désintègre rapidement dans l'eau, qui recouvre le noyau et qui renferme une ou plusieurs couches de substances sélectionnées parmi les excipients des comprimés et les polymères filmogènes;

(iii) une couche externe recouvrant le sous-enrobage et constituant un enrobage gastrorésistant.

Compte tenu de ce qui précède et de la description très claire dans la divulgation, le « sous-enrobage » dans la partie (ii) ci-dessus ne peut signifier du matériel comprenant un produit résultant d'une réaction entre la substance du noyau et l'enrobage gastrorésistant lorsque le noyau est mis en contact avec l'enrobage gastrorésistant. Le produit de réaction est précisément la substance qui ne serait pas formée, selon la divulgation et le brevet, il ne s'agit donc pas d'un sous-enrobage au sens du « sous-enrobage » du brevet. Ce n'est clairement pas l'objet du brevet ni ce que les inventeurs comptaient mettre au point. Le brevet et les inventeurs prévoyaient que le sous-enrobage serait une substance distincte placée entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant de façon à empêcher que ceux-ci n'entrent en contact.

En outre, les revendications en litige du brevet ne peuvent être interprétées comme incluant dans leur portée ces formulations auxquelles on fait référence dans la divulgation du brevet 693 comme étant des réalisations antérieures. En particulier, les formulations comprenant un noyau recouvert d'un enrobage gastrorésistant qui ont été préparées par application directe de l'enrobage gastrorésistant sur un noyau contenant de l'oméprazole et un réactif alcalin ou un sel alcalin d'oméprazole, constitué facultativement d'un réactif alcalin, ne peuvent être considérées comme étant visées par les revendications du brevet 693; sinon, le brevet serait invalide car il ne revendiquerait pas quelque chose de nouveau, mais il viserait quelque chose d'ancien.

Enfin, on peut considérer que les revendications en litige du brevet concernent les formulations qui sont divulguées dans l'exposé de l'invention du brevet 693 comme étant des exemples de formulations qui ont été utilisées à des fins de comparaison et qu'on a ainsi renoncé à reconnaître comme étant visées par l'invention revendiquée, lorsqu'on les a comparées aux formulations décrites comme étant des exemples de l'invention revendiquée alléguée du brevet 693 afin de démontrer les avantages des formulations inventives alléguées :

Absence de contrefaçon

Chacune des revendications en litige du brevet 693 dépend de la revendication 1.

Nous alléguons que nous ne contreferons aucune des revendications en litige du brevet 693 vu que nous ne contreferons pas la revendication 1.


La revendication 1 ne sera pas contrefaite vu que notre formulation ne contiendra pas de « sous-enrobage » , tel que mentionné ci-dessus, au sens du brevet 693. Notre produit renfermera un noyau recouvert directement d'un enrobage gastrorésistant. Lorsque nous formulerons notre produit, nous mettrons en contact l'enrobage externe gastrorésistant et le noyau et ne placerons pas de sous-enrobage tel que prévu dans le brevet entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant, de sorte que notre formulation ne comprendra que les éléments (i) et (iii) et non llément (ii).

Comme les revendications 2 à 16, inclusivement, et 18 et 19, sont dépendantes de la revendication 1, elles ne seront pas contrefaites.

Nous faisons de plus valoir d'autres arguments démontrant l'absence de contrefaçon des revendications suivantes.

Pour ce qui est de la revendication 2, nous soutenons de plus que nous ne contreferons pas cette revendication vu que notre formulation n'inclut pas de couche de sous-enrobage constituée d'un ou plusieurs des composés énumérés.

Pour ce qui est de la revendication 3, nous ajoutons que nous ne contreferons pas cette revendication vu que notre formulation n'inclut pas de sous-enrobage comprenant deux ou plusieurs couches.

Pour ce qui est de la revendication 4, nous ajoutons que nous ne contreferons pas cette revendication vu que notre formulation n'inclut pas une couche de sous-enrobage constituée des composés énumérés.

Pour ce qui est de la revendication 5, nous ajoutons que nous ne contreferons pas cette revendication vu que notre formulation n'inclut pas un noyau alcalin constitué d'oméprazole et d'un composé alcalin servant de tampon pour pH. Nos noyaux comprendront plutôt de l'oméprazole magnésien.

Pour ce qui est de la revendication 6, nous ajoutons que nous ne contreferons pas cette revendication vu que cette dernière est dépendante de la revendication 5, qui ne sera pas contrefaite pour les raisons susmentionnées.

Pour ce qui est de la revendication 13, nous ajoutons que nous ne contreferons pas cette revendication soit parce que : (1) la teneur en eau de nos formes posologiques finales dépassera 1,5 % en poids; ou (2) la revendication 13 se limite aux formes posologiques contenant de l'oméprazole, alors que notre formulation ne contiendra que de l'oméprazole magnésien (un sel alcalin d'oméprazole).

Pour ce qui est de la revendication 14, nous ajoutons que nous ne contreferons pas cette revendication vu que notre formulation ne contiendra pas de sous-enrobage qui contient en outre un tampon alcalin.


Pour ce qui est de la revendication 15, nous ajoutons que nous ne contreferons pas cette revendication vu que notre formulation ne contiendra pas de noyau comprenant de l'oméprazole ou un sous-enrobage constitué d'hydroxypropylméthylcellulose.

Pour ce qui est de la revendication 16, nous ajoutons que nous contreferons pas cette revendication vu que notre formulation ne contiendra pas de noyau comprenant de l'oméprazole et de l'hydroxyde de magnésium et ne renfermera pas les couches de sous-enrobage (sous-enrobage interne et externe) indiquées dans la revendication.

Pour ce qui est des revendications 18 et 19, nous ajoutons que nous ne contreferons pas ces revendications pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus concernant les revendications 1 à 16.

En outre, compte tenu du fait que ce que nous fabriquons est ce qui est enseigné dans les réalisations antérieures, il est évident qu'il ne peut y avoir de contrefaçon.

Plus particulièrement, notre formulation de comprimés d'oméprazole magnésien est décrite dans la demande de brevet européen no 124,495, publiée le 7 novembre 1984, où sont divulguées des formulations contenant un sel d'addition basique d'oméprazole (ce qui comprend l'oméprazole magnésien) aux pages 5 à 8 et dans l'exemple 12 de la demande. On trouve également dans la divulgation susmentionnée des références à des formulations de comprimés à enrobage gastrorésistant où les comprimés sont recouverts d'un enrobage gastrorésistant qui protège le composé actif de la dégradation. Notre formulation est conforme aux enseignements susmentionnés de la demande de brevet européen no 124,495.

Dans lventualité où vous déclareriez qu'une des revendications en litige du brevet 693 est contrefaite, nous alléguons que les revendications sont invalides en vertu de ce qui est connu dans le droit canadien comme le moyen de défense tiré de l'arrêt Gillette, que nous analyserons ci-dessous.

Invalidité

A.            Moyen de défense tiréde l'arrêt Gillette


Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, nous affirmons que la signification de « sous-enrobage » dans le brevet 693 est un sous-enrobage constitué d'une substance placée à cet endroit intentionnellement et non d'une substance in situ. Dans lventualité où vous déclareriez qu'une des revendications du brevet 693 est contrefaite par notre formulation parce que cette dernière contient prétendument un « sous-enrobage » formé in situ entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant et que ledit « sous-enrobage » tombe dans le champ d'application des revendications du brevet 693, nous alléguons que les revendications doivent être considérées invalides conformément aux principes établis dans l'arrêt de la Chambre des lords Gillette Safety Razor Company c. Anglo American Trading Company Ltd., (1913) R.P.C. 465, et la décision dans l'affaire J.K. Smit & Sons, Inc. c. Richard S. McClintock [1940], R.C.S. 279.

Notre formulation fait partie des réalisations antérieures comme le montrent les enseignements contenus dans la demande de brevet européen no 124,495, publiée le 7 novembre 1984, dont il a été question ci-dessus. De plus, l'utilisation d'une telle formulation pour traiter des maladies gastro-intestinales est conforme avec les enseignements divulgués dans la demande de brevet européen no 124,495.

Si notre formulation contient un « sous-enrobage » au sens du brevet 693, alors les formulations à enrobage gastrorésistant divulguées dans la demande de brevet européen no 124,495 contiendraient également un tel « sous-enrobage » et, partant, toute revendication prétendument contrefaite doit être invalide.

B.           Antériorité

Nous alléguons que la demande de brevet européen no 124,495, publiée le 7 novembre 1984, est antérieure à chacune des revendications en litige du brevet 693. Aux pages 5 à 8 et à l'exemple 12, la demande de brevet européen no 124,495 décrit la préparation d'une formulation à enrobage gastrorésistant d'un sel alcalin d'oméprazole (incluant l'oméprazole magnésien).

Une personne versée dans l'art qui lit la demande de brevet européen no 124,495 serait au courant (ce qui ferait partie de ses connaissances et de ses habiletés courantes) de l'existence de la demande de brevet européen no 122,815, publiée le 24 octobre 1984, et de l'article intitulé « Études des conditions d'application des enrobages gastrorésistants entérosolubles à base d'Euragit L 30 D » , publiées dans J. Pharm. Belg. (1987), vol. 37, no 4, pages 273 à 282.


La demande de brevet européen no 122,815 divulgue une composition entérosoluble pour enrober les médicaments qui est constituée d'un polymère entérosoluble classique mélangé à un polymère polyanionique soluble dans un milieu à faible pH. Cette demande divulgue à la page 16, ligne 22, ce qui suit : [traduction] « Bien sûr, la formulation solide peut aussi être recouverte d'un autre agent d'enrobage avant l'application de la composition entérosoluble de l'invention. La composition entérosoluble de l'invention peut, si on le veut, contenir des additifs classiques comme des plastifiants, des substances filmogènes, des adjuvants filmogènes, des particules de polymère et/ou des tensio-actifs comme agents de dispersion pour les polymères ou les agents plastifiants, des agents colorants, des agents de remplissage (tels que le dioxyde de titane, le talc, ou le sulfate de baryum) ou des antioxydants, afin d'améliorer les propriétés des préparations, comme le savent bien les personnes versées dans l'art. »

L'article intitulé « Études des conditions d'application des enrobages gastrorésistants entérosolubles à base d'Euragit L 30 D » décrit l'application d'un enrobage gastrorésistant sur un noyau contenant un médicament pharmaceutiquement acceptable, dans lequel ledit noyau est séparé dudit enrobage gastrorésistant par l'application d'une couche de sous-enrobage.

Par conséquent, la personne versée dans l'art, au fait des renseignements contenus dans la demande de brevet européen no 122,815 et de l'article « Études des conditions d'application des enrobages gastrorésistants entérosolubles à base d'Euragit L 30 D » appliquerait, lorsqu'elle suit les modes d'emploi de la demande de brevet européen no 124,495 pour la préparation d'une formulation à enrobage gastrorésistant contenant un sel alcalin d'oméprazole (incluant l'oméprazole magnésien), les méthodes divulguées dans les références susmentionnées pour l'application d'un enrobage gastrorésistant sur un comprimé - c'est-à -dire incorporerait sur le noyau contenant le principe actif un sous-enrobage situé entre l'enrobage gastrorésistant et le noyau. Les formulations résultantes et leur utilisation tomberaient dans le champ d'application des revendications du brevet 693.

C.         Revendications de portée plus large que l'invention et inutilité

Nous alléguons que chacune des revendications en litige du brevet 693 est invalide, sauf la revendication 13, car ces revendications ont une portée plus large que l'invention divulguée vu qu'elles revendiquent toute formulation ayant n'importe quelle teneur en eau, alors que l'exposé de l'invention ne décrit que les formulations contenant de faibles quantités d'eau, car ces revendications mentionnent des espèces, à vrai dire, inutilisables, ces espèces ayant une teneur en eau qui ne sont pas faibles. Les extraits suivants du brevet 693 sont éloquents :

À la page 4, ligne 36 :

[traduction]

« La forme posologique gastrorésistante finale est traitée de façon appropriée pour réduire la teneur en eau à un niveau très faible de façon à obtenir une bonne stabilité de cette forme posologique durant une longue période d'entreposage. »

À la page 8, ligne 24 :


« il est essentiel pour assurer la stabilité à long terme pendant l'entreposage que la teneur en eau de la forme posologique finale contenant de l'oméprazole (comprimés, capsules ou pellets à enrobage gastrorésistant) demeure faible, ne dépassant pas de préférence 1,5 % en poids. »

Àla page 27, ligne 3 :

« Cet exemple illustre l'effet sur la stabilité à l'entreposage de la teneur en humidité des préparations conforme à l'invention.

La stabilité des pellets d'oméprazole suivant l'invention a été comparée avec celle des pellets d'oméprazole ayant une forte teneur en eau. Les pellets d'oméprazole ont été préparés conformément à l'invention avec une teneur en eau de 1 %. Les autres parties de la même formulation ont été conditionnées de façon à avoir une teneur en eau de 2 % et de 5 %, respectivement. Les trois formulations, emballées dans des contenants hermétiques ne contenant pas d'agent déshydratant, ont été entreposées pendant un mois à +50 º C. Après cette période, on a ouvert les emballages et testé les pellets par HPLC, pour vérifier la quantité d'oméprazole. La formulation conforme à l'invention avait une teneur en oméprazole correspondant à 98,5 % de la valeur initiale. Les deux autres formulations ayant une teneur en eau de 2 et de 5 %, respectivement, étaient pratiquement complètement dégradées et ne contenaient que des quantités négligeables d'oméprazole intact. »

Àl'exception de la revendication 13, aucune des revendications en litige ne contient comme élément de la revendication une limite indiquant que la teneur en eau de la forme posologique finale doit demeurer faible. L'omission de cet élément essentiel des revendications fait en sorte que les revendications ont une portée plus large que l'invention divulguée et que les formulations perdent leur utilité. Par conséquent, les revendications sont invalides.

D.              Insuffisance et ambiguïté


Si l'on affirme qu'un « sous-enrobage » comprend un produit de réaction créé in situ par l'application directe d'un enrobage gastrorésistant sur le noyau, on ne peut inclure toutes les applications similaires parce que le titulaire du brevet a admis que certaines formulations ainsi créées étaient inefficaces. Toutefois, l'exposé de l'invention n'indique pas comment obtenir une formulation efficace avec un « sous-enrobage » créé in situ et, plus particulièrement, quelles substances peuvent être utilisées (p. ex. type et quantité d'excipients et de substances à utiliser pour l'enrobage gastrorésistant, et participation ou non de l'oméprazole ou d'un sel alcalin d'oméprazole à la réaction), comment celles-ci doivent être utilisées (p. ex. épaisseur de la « sous-couche » requise, dans quelles conditions, telles que la teneur en humidité du noyau, le type de solvant qui devrait être employé pour l'application de l'enrobage gastrorésistant) pour obtenir un tel « sous-enrobage » ni par quels moyens (tels que les types de méthodes d'analyse) une personne versée dans l'art devrait déterminer si un sous-enrobage créé in situ est un « sous-enrobage » qui tombe dans le champ d'application du brevet. Le brevet 693 ne décrit pas de façon adéquate la fabrication d'une « sous-couche » satisfaisante in situ parce que le brevet 693 ne décrit pas les substances, les conditions, les méthodes de fabrication ou d'analyse qui peuvent être utilisées pour obtenir un tel « sous-enrobage » .

De plus, le brevet 693 ne définit pas bien la portée de son monopole : il ne permet pas à la personne versée dans l'art de déterminer avec une certaine exactitude les limites du privilège exclusif à ne pas transgresser durant l'exercice du droit afférent au brevet vu que dans les réalisations antérieures (application directe d'un enrobage gastrorésistant sur un noyau), un « sous-enrobage » in situ peut être créé. Les revendications en litige sont donc insuffisantes et ambiguës.

Nous alléguons de plus que le brevet 693 ne respecte pas les exigences de l'article 34 de la Loi sur les brevets en ce que l'exposé de l'invention ne décrit pas de façon complète et exacte l'invention, nnonce pas clairement en termes limpides, concis, complets et exacts l'invention de façon qu'une personne versée dans l'art puisse fabriquer ou élaborer la formulation visée par les revendications en litige. Chacune des revendications en litige inclut comme élément des formulations [traduction] « un sous-enrobage inerte qui se dissout ou se désintègre rapidement dans l'eau, qui recouvre le noyau et qui renferme une ou plusieurs couches de substances sélectionnées parmi les excipients des comprimés[...] » . Toutefois, ni la divulgation ni les revendications du brevet 693 ne nous renseignent sur l'identité ou le type d'excipient des comprimés auxquels font référence les revendications.

E.              Évidence

Nous alléguons que chacune des revendications en litige du brevet 693 est invalide pour cause dvidence. La première date de priorité mentionnée pour le brevet 693 est le 30 avril 1986. Nous utiliserons cette date comme la date de l'invention du brevet 693 en l'absence de toute preuve du contraire.

L'essence de l'invention alléguée dans le brevet 693 est la mise au point d'une formulation qui prétend résoudre le problème des formulations des réalisations antérieures qui consistaient en un noyau alcalin contenant de l'oméprazole ou un sel alcalin d'oméprazole, et un enrobage gastrorésistant placé sur le noyau qui a fini par se dégrader. La solution alléguée au problème est présentée dans le brevet comme étant la séparation du noyau et de l'enrobage gastrorésistant par l'application d'un sous-enrobage au sens du brevet.


L'oméprazole était connu comme étant labile (se dégrade) en milieu acide. On savait également que les formulations posologiques à administration orale contenant ces composés étaient enrobées de façon à être protégées après l'ingestion contre l'acidité présente dans l'estomac.

On savait aussi que l'oméprazole était stabilisé dans des mélanges avec des composés réactifs alcalins. On savait enfin que les sels alcalins de l'oméprazole, dont l'oméprazole magnésien, étaient plus stables que la forme neutre d'oméprazole.

Àcause des problèmes de stabilité de l'oméprazole en milieu acide, il était évident qu'il fallait préparer un enrobage gastrorésistant d'une forme posologique à administration orale contenant de l'oméprazole stabiliséavec un réactif alcalin ou un sel alcalin de l'oméprazole. En fait, la demande de brevet européen no 124,495 décrivait l'enrobage gastrorésistant de comprimés contenant des sels alcalins d'oméprazole.

Il est reconnu dans le brevet 693 que le problème que l'on tente de prévenir est la dégradation qui survient lors du contact entre le noyau alcalin contenant de l'oméprazole ou un sel alcalin de l'oméprazole et l'enrobage gastrorésistant présent dans les formulations antérieures. Une telle dégradation, suivant le breveté, entraînerait une grave décoloration des formulations et la perte du contenu en oméprazole avec le temps.

La solution au problème susmentionné, comme il a été divulgué et revendiqué dans le brevet 693, consiste à préparer une formulation où tout contact est évité entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant par l'utilisation d'un « sous-enrobage inerte qui se dissout ou se désintègre rapidement dans l'eau, qui recouvre le noyau et qui renferme une ou plusieurs couches de substances sélectionnées parmi les excipients des comprimés et les polymères filmogènes » , qui serait appliquésur le noyau contenant de l'oméprazole avant l'application de la couche externe gastrorésistante sur ledit sous-enrobage.

Les personnes versées dans l'art seraient portées directement et sans difficultéà opter pour cette solution.

L'oméprazole ntait pas le premier composélabile en milieu acide à être préparé sous une forme posologique contenant une couche externe gastrorésistante. On connaissait déjà des formulations à enrobage gastrorésistant de substances pharmaceutiquement actives enfermées dans un noyau alcalin. On savait également que les enrobages gastrorésistants qui étaient appliqués directement sur un noyau alcalin pouvaient réagir avec le noyau et ainsi se dégrader et compromettre éventuellement la stabilitéde la substance labile en milieu acide présente dans le noyau. Pour prévenir une telle dégradation de l'enrobage gastrorésistant, on savait qu'il fallait incorporer un « sous-enrobage » entre le noyau alcalin et l'enrobage gastrorésistant afin de prévenir tout contact entre l'enrobage gastrorésistant et le noyau alcalin.


Dans ltat de la technique à lpoque, les personnes versées dans l'art auraient donc su comment appliquer et auraient appliqué un sous-enrobage inerte qui se dissout ou se désintègre rapidement dans l'eau, qui recouvre le noyau et qui est constitué d'une ou plusieurs couches de substances sélectionnées parmi les excipients des comprimés et des polymères filmogènes, sur le noyau alcalin contenant de l'oméprazole ou un de ses sels alcalins avant l'application de l'enrobage gastrorésistant afin de prévenir la dégradation due au contact entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant. La personne versée dans l'art aurait procédé de la sorte sans difficultéet d'une manière qui permet d'obtenir le niveau requis de biodisponibilité du principe pharmaceutiquement actif en appliquant des techniques connues.

Les personnes versées dans l'art auraient également su comment utiliser de telles formulations afin de traiter des maladies et des troubles gastro-intestinaux. De même, l'inclusion de modes d'emploi dans un emballage commercial contenant une telle formulation destinée au traitement des maladies gastro-intestinales aurait également été une condition évidente.

La fabrication et l'utilisation de telles formulations étaient ainsi évidentes pour les personnes versées dans l'art, compte tenu de ltat des connaissances de celles-ci, notamment en ce qui concerne les documents énumérés à l'annexe A.

En outre, nous comptons nous référer à toutes les admissions contenues dans le brevet 891 concernant ltat de la technique et à toutes les admissions que vous ou vos employés ont faites dans les décisions des tribunaux et les articles de revue énumérés à l'annexe B.

G.              Double brevet

Le brevet 891, qui doit expirer le 9 juin 2009 (17 ans après sa date de délivrance), concerne en général des formulations à enrobage gastrorésistant contenant une substance pharmaceutiquement active labile en milieu acide ou un sel alcalin d'une telle substance à l'intérieur d'un noyau alcalin, où lesdits noyau et enrobage gastrorésistant sont séparés par une couche de sous-enrobage. Les revendications 1 à 17, inclusivement, sont des revendications portant sur des formulations spécifiques, alors que la revendication 19 concerne l'utilisation de telles formulations dans la fabrication d'un médicament pour le traitement de maladies gastro-intestinales.

Le brevet 693, qui doit expirer le 3 décembre 2008 (17 ans après sa date de délivrance), a trait en général à des formulations à enrobage gastrorésistant contenant de l'oméprazole (substance pharmaceutiquement active labile en milieu acide) ou un sel alcalin d'oméprazole à l'intérieur d'un noyau alcalin, où lesdits noyau et enrobage entérique sont séparés par une couche de sous-enrobage. Les revendications 1 à 16, inclusivement, portent sur des formulations spécifiques, alors que la revendication 19 concerne l'utilisation de telles formulations dans la fabrication d'un médicament pour le traitement de maladies gastro-intestinales.


Advenant le cas où vous affirmeriez qu'une des revendications en litige du brevet 891 vise les composés d'oméprazole ou un sel alcalin d'oméprazole (y compris l'oméprazole magnésien), nous alléguons que chacune des revendications est invalide pour le motif de double brevet pour la même invention et de double brevet de type évident par rapport au brevet 693 vu que les revendications en litige incluraient des réalisations visées par les revendications du brevet 693 et qu'elles n'ont pas un caractère inventif par rapport à l'objet divulguédans les revendications du brevet 693.

H.         Double brevet

Nous alléguons que chacune des revendications en litige du brevet 483 est invalide pour des motifs de double brevet pour la même invention et de double brevet de type évident par rapport au brevet 693 et au brevet canadien no 2,166,794.

(i)          Le brevet 693

Chacune des revendications en litige du brevet 483 est invalide parce qu'il s'agit d'un double brevet pour la même invention et d'un double brevet de type évident par rapport au brevet 693. Le brevet 693 (qui doit expirer le 3 décembre 2008) divulgue et revendique une formulation à enrobage gastrorésistant qui comprend : (i) à l'intérieur de son noyau de l'oméprazole magnésien; (ii) une couche de sous-enrobage appliquée sur le noyau qui sépare le noyau et l'enrobage gastrorésistant; et (iii) une couche externe d'enrobage gastrorésistant. Le brevet 693 revendique en outre l'utilisation de ces formulations pour le traitement de maladies gastro-intestinales.

L'oméprazole magnésien, décrit et revendiqué dans les formulations du brevet 693, englobe toutes les formes d'oméprazole magnésien. Il ne se limite pas aux formes d'oméprazole magnésien qui ont un degré de cristallinité inférieur à 70 %, tel que mesuré par diffraction de rayons X sur poudres. Ainsi, les revendications en litige du brevet 483 tombent dans le champ d'application des revendications du brevet 693 et sont donc invalides.

Si les revendications en litige du brevet 483 ne concernent pas la même invention que celle revendiquée dans le brevet 693, nous alléguons alors que les revendications en litige ne sont pas valides pour cause de double brevet de type évident, vu qu'il n'y a rien d'inventif à remplacer l'oméprazole magnésien décrit et revendiqué dans les formulations ou les utilisations du brevet 693 par l'oméprazole magnésien ayant un degré de cristallinité supérieur à 70 %, tel que mesuré par diffraction de rayons X sur poudres (ledit composé étant l'objet du brevet canadien no 2,166,794 et non du brevet 483).

(ii)         Brevet canadien no 2,166,794


Comme nous l'avons indiqué, les revendications 1 à 13, inclusivement, du brevet 483 ont trait à une formulation à enrobage gastrorésistant qui contient à l'intérieur du noyau de l'oméprazole magnésien ayant un degré de cristallinité supérieur à 70 %, tel que mesuré par diffraction de rayons X sur poudres, et dont le noyau est séparéde l'enrobage gastrorésistant par une ou plusieurs couches de sous-enrobage. Ces revendications sont invalides parce qu'il s'agit d'un double brevet pour le même type d'invention et d'un double brevet de type évident vu que les formulations visées par ces revendications tombent dans le champ d'application des revendications 20 à 22, inclusivement, du brevet canadien no 2,166,794 ou ne sont pas inventives par rapport à ces revendications.

Le brevet canadien no 2,166,794 décrit et revendique comme objet inventif l'oméprazole magnésien ayant un degré de cristallinité d'au moins 70 %.

Bernard C. Sherman, Ph.D., P.Eng., Président-directeur général

APOTEX INC.

BCS/jm


ANNEXE « B »

des motifs de l'ordonnance rendus le 14 février 2005

dans

AB HASSLE ASTRAZENECA AB et

ASTRAZENECA CANADA INC

et

APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

T-1878-02

Dossier T-1878-02

COUR FÉDÉRALE -- PREMIÈRE INSTANCE

ENTRE :

AB HASSLE, ASTRAZENECA AB et

ASTRAZENECA CANADA INC.

                                                                                                                                demanderesses

et

APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                         défendeurs

DEMANDE PRÉSENTÉE EN VERTU DU RÈGLEMENT

SUR LES MÉDICAMENTS BREVETÉS (AVIS DE CONFORMITÉ)

DORS/93-133 modifié DORS /98-166, DORS /99-379

                                                           AVIS DE DEMANDE

AUX DÉFENDEURS

UNE INSTANCE A ÉTÉ INTRODUITE par les demanderesses. La réparation demandée est exposée à la page suivante.


LA PRÉSENTE DEMANDE sera entendue par la Cour aux date, heure et lieu fixés par l'administrateur judiciaire. À moins que la Cour n'en ordonne autrement, le lieu de l'audience sera celui choisi par les demanderesses. Celles-ci souhaitent que la demande soit entendue à Toronto.

SI VOUS DÉSIREZ CONTESTER CETTE DEMANDE, être avisé de toute procédure engagée dans le cadre de la demande ou recevoir signification de tout document visédans la demande, vous-même ou un avocat vous représentant devez préparer un avis de comparution selon la formule 305 des Règles de la Cour fédérale (1998) et le signifier à l'avocat des demanderesses DANS LES 10 JOURS suivant la date à laquelle le présent AVIS DE DEMANDE vous est signifié.

Des exemplaires des Règles de la Cour fédérale (1998) ainsi que les renseignements concernant les bureaux locaux de la Cour et autres renseignements utiles peuvent être obtenus, sur demande, de l'administrateur de la Cour, à Ottawa (no de téléphone 613-992-4238), ou à tout bureau local.

SI VOUS NE CONTESTEZ PAS LA DEMANDE, UN JUGEMENT PEUT ÊTRE RENDU EN VOTRE ABSENCE SANS QUE VOUS RECEVIEZ D'AUTRE AVIS.

DATE : Le 8 novembre 2002

Délivré par :

Cour fédérale du Canada

330 avenue University

7e étage

Toronto, Ontario

M5G 1R7

À :             Le Ministre de la santé

a/s de Direction des produits thérapeutiques

Bureau de la politique et de la coordination

Division des politiques sur les présentations et les renseignements

Finance Building (#2)                                               

A.L. #0201A1

Tunney's Pasture

Ottawa, Ontario KIA 1139

À l'attention de : M. David K. Lee

ET À :       Le sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

2 First Canadian Place Suite 3400


34th Floor, Exchange Tower

Toronto, Ontario M5X 1K6

Eric Peterson

Tél. : 416-973-9638

Fax : 416-973-5004

ET À :       Apotex Inc.

150 Signet Drive

Toronto, Ontario

M9L 1T9


DEMANDE

LA PRÉSENTE DEMANDE présentée conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité),et ses modifications successives (le Règlement).

L'OBJET DE LA DEMANDE EST LE SUIVANT :

a)          une déclaration que la lettre du 26 septembre 2002 d'Apotex ne constitue pas un avis d'allégation conforme au Règlement;

b)          à titre subsidiaire, une ordonnance pour interdire au ministre de la santé (le ministre) de délivrer un avis de conformité (AC) à Apotex Inc. (Apotex) visant les comprimés d'oméprazole magnésien de 10 et 20 mg avant la date d'expiration des brevets canadiens nos 1,292,693 (693), 1,302,891 (891), et 2,166,483 (483) (collectivement : les brevets );

c)          les dépens de la présente demande;

d)          toute autre réparation que la Cour estime juste.

LES MOTIFS DE LA DEMANDE sont les suivants :

Les brevets et le registre des brevets


1.          Les brevets pour certains produits sont répertoriés par ASTRAZENECA CANADA INC (AstraZeneca) au registre des brevets que tient le ministre, notamment les comprimés d'oméprazole magnésien de 10 et 20 mg. Les brevets faisaient partie de listes soumises par AstraZeneca et sa société remplacée Astra Pharma Inc. (Astra) avec le consentement de AB Hassle (Hassle) et de AstraZeneca AB, les propriétaires des brevets. De sorte que pour l'application du Règlement, Hassle et AstraZeneca AB sont parties à la demande à titre de propriétaires.

L'avis d'allégation d'Apotex

2.          La présente procédure a été introduite en réponse à une lettre d'Apotex datée du 26 septembre 2002, adressée à AstraZeneca, et présentée comme un avis d'allégation (AA) aux termes du Règlement. Dans cet AA, Apotex prétend alléguer l'absence de contrefaçon et l'invalidité en ce qui concerne les brevets.

3.          En alléguant l'absence de contrefaçon, Apotex a fait certaines affirmations au sujet du brevet 693 et de son interprétation.

4.          En particulier, Apotex affirme :

[traduction] L'essence de l'invention alléguée dans le brevet 693 est la mise au point d'une formulation qui prétend résoudre le problème des formulations des réalisations antérieures qui consistaient en un noyau alcalin contenant de l'oméprazole ou un sel alcalin d'oméprazole, et un enrobage gastrorésistant placé sur le noyau qui a fini par se dégrader. La solution alléguée au problème est présentée dans le brevet comme étant la séparation du noyau et de l'enrobage gastrorésistant par l'application d'un sous-enrobage au sens du brevet.

Chacune des revendications en litige du brevet 693 renfermait parmi ses éléments essentiels, les éléments essentiels suivants :

(i) dans le noyau de la formulation, une substance choisie dans le groupe constitué par :

a)    l'oméprazole et un réactif alcalin;

b)    un sel alcalin d'oméprazole et un réactif alcalin; ou

c)    un sel alcalin d'oméprazole seul;

(ii) un sous-enrobage inerte qui se dissout ou se désintègre rapidement dans l'eau, qui recouvre le noyau et qui renferme une ou plusieurs couches de substances sélectionnées parmi les excipients des comprimés et les polymères filmogènes;

(iii) une couche externe recouvrant le sous-enrobage et constituant un enrobage gastrorésistant.


Compte tenu de ce qui précède et de la description très claire dans la divulgation, le « sous-enrobage » dans la partie (ii) ci-dessus ne peut signifier du matériel comprenant un produit résultant d'une réaction entre la substance du noyau et l'enrobage gastrorésistant lorsque le noyau est mis en contact avec l'enrobage gastrorésistant. Le produit de réaction est précisément la substance qui ne serait pas formée, selon la divulgation et le brevet; il ne s'agit donc pas d'un sous-enrobage au sens du « sous-enrobage » du brevet. Ce n'est clairement pas l'objet du brevet ni ce que les inventeurs comptaient mettre au point. Le brevet et les inventeurs prévoyaient que le sous-enrobage serait une substance distincte placée entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant de façon à empêcher que ceux-ci n'entrent en contact.

En outre, les revendications en litige du brevet ne peuvent être interprétées comme incluant dans leur portée ces formulations auxquelles on fait référence dans la divulgation du brevet 693 comme étant des réalisations antérieures. En particulier, les formulations comprenant un noyau recouvert d'un enrobage gastrorésistant qui ont été préparées par application directe de l'enrobage gastrorésistant sur un noyau contenant de l'oméprazole et un réactif alcalin ou un sel alcalin d'oméprazole, constitué facultativement d'un réactif alcalin, ne peuvent être considérées comme étant visées par les revendications du brevet 693; sinon, le brevet serait invalide car il ne revendiquerait pas quelque chose de nouveau, mais il viserait quelque chose d'ancien.

Enfin, on ne peut considérer que les revendications en litige du brevet concernent les formulations qui sont divulguées dans l'exposé de l'invention 693 comme étant des exemples de formulations qui ont été utilisées à des fins de comparaison et qu'on a ainsi renoncé à reconnaître comme étant visées par l'invention revendiquée lorsqu'on les a comparées aux formulations décrites comme étant des exemples de l'invention revendiquée alléguée du brevet 693 afin de démontrer les avantages des formulations inventives alléguées.

5.               Apotex a fait des déclarations similaires (mais pas identiques) en ce qui concerne l'interprétation des deux autres brevets.

6.               Apotex a affirmé qu'elle ne contrefaisait pas la revendication 1 du brevet 693, entre autres, parce que :

[traduction]

La revendication 1 ne sera pas contrefaite vu que notre formulation ne contiendra pas de « sous-enrobage » , tel que mentionné ci-dessus, au sens du brevet 693. Notre produit renfermera un noyau recouvert directement d'un enrobage gastrorésistant. Lorsque nous formulerons notre produit, nous mettrons en contact l'enrobage externe gastrorésistant et le noyau et ne placerons pas de sous-enrobage tel que prévu dans le brevet entre le noyau et l'enrobage gastrorésistant, de sorte que notre formulation ne comprendra que les éléments (i) et (iii) et non l'élément (ii).

7.          Apotex a fait une affirmation similaire au sujet de la revendication 1 des brevets 891 et 483. Quant au brevet 483, Apotex allègue également l'absence de contrefaçon de la revendication 1 au motif que sa formulation ne contiendra que de l'oméprazole magnésien amorphe.


8.                     De plus, Apotex a fait valoir un certain nombre de motifs additionnels quant à l'absence de contrefaçon touchant les revendications des brevets. Ces motifs additionnels (qui ne sont pas mentionnés par souci de brièveté) s'appuient, entre autres choses, sur les différentes caractéristiques du produit proposé par Apotex.

9.                     Apotex a allégué que chacun des brevets est invalide. Elle avance les motifs suivants au soutien de cette allégation :

Le moyen de défense fondé sur l'arrêt Gillette

L'antériorité

Des revendications excessives par rapport à la portée de l'invention et l'inutilité (non alléguées pour le brevet 483)

Des motifs additionnels quant à l'inutilité(seulement pour le brevet 891)

L'insuffisance et l'ambiguïté(non alléguées pour le brevet 483)

Lvidence (appuyée par quelque 52 documents)

Double brevetage (seulement pour les brevets 891 et 483)

Les procédures antérieures

10.       C'est la troisième fois qu'Apotex allègue que ses comprimés d'oméprazole magnésien ne contreferont pas les brevets.

(i)                                                                                Dossier T-179-98

11.        Dans une lettre datée du 18 décembre 1997, Apotex a allégué que ses comprimés d'oméprazole magnésien ne contreferaient pas les brevets :

[traduction]

Objet :        Comprimés d'oméprazole magnésien

La présente constitue un avis d'allégation au sens de l'alinéa 5(3)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).


En ce qui concerne tous les brevets énumérés dans le formulaire IV : Listes de brevets autres que le brevet 1264751, nous alléguons qu'aucune revendication pour le médicament en soi et qu'aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant la fabrication, l'élaboration, l'utilisation ou la vente par nous des comprimés contenant du sel d'oméprazole magnésien.

Voici les fondements juridiques et factuels de l'allégation susmentionnée :

Brevet 1292693, 1302891 et 2166483

Les revendications de ces brevets englobent les compositions qui comprennent un noyau renfermant un médicament, un sous-enrobage inerte et une couche externe gastrorésistante. Nos comprimés ne tomberont pas dans le champ d'application des revendications de ces brevets.

Plus précisément, nos comprimés contiendront des noyaux renfermant de l'oméprazole magnésien et un enrobage gastrorésistant appliqué directement sur les noyaux sans sous-enrobage entre les noyaux et l'enrobage gastrorésistant. Ainsi, nos comprimés ne contreferont pas les revendications du fait qu'il n'y a pas de sous-enrobage entre les noyaux et l'enrobage gastrorésistant.

12.     En réponse à la lettre du 18 décembre 1997, AstraZeneca (alors Astra Pharma) a entaméles procédures (au dossier de la Cour T-179-98) conformément au Règlement pour obtenir une ordonnance d'interdiction.

13.     Apotex n'a déposéaucune preuve au soutien de ses allégations d'absence de contrefaçon dans le dossier T-179-98.

14.     Une audience sur le bien-fondé des allégations de Apotex (conjointement avec deux autres sujets reliés) devait débuter le 25 mai 1999.

15.     Madame la juge Tremblay-Lamer a mis fin au dossier de la Cour T-179-98 par ordonnance datée du 18 mai 1999 où il était affirmé, en partie :

ATTENDU qu'Apotex souhaite retirer son avis d'allégation daté du 18 décembre 1997, qui fait l'objet de la présente procédure.

ATTENDU que le retrait de l'avis d'allégation rendra la présente procédure purement théorique.

ATTENDU que les demanderesses et Apotex consentent au prononcé de la présente ordonnance.

IL EST ORDONNÉ :

1. L'avis d'allégation est réputé retiré par Apotex.

2. La présente demande est réputée abandonnée.


(ii)         Dossier T-1747-00

16.     La deuxième procédure a été introduite en réponse à une lettre datée du 1er août 2000 dans laquelle il était allégué :

La présente est un avis d'allégation conforme au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).

Nous avons déposé auprès du ministre de la Santé une présentation de drogue nouvelle pour des comprimés d'Apo-Omeprazole de 10 mg, 20 mg et 40 mg pour administration orale.

À l'égard des brevets 1292693, 1302891 et 2166483, nous alléguons qu'aucune revendication pour le médicament en soi et aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente par nous de ces comprimés.

Voici les moyens de droit et de fait invoqués au soutien de l'allégation précitée :

Les revendications de ces brevets portent sur des compositions renfermant un noyau qui contient un médicament, un sous-enrobage inerte et un enrobage externe gastrorésistant et entérosoluble. Nos comprimés se situent en dehors de la portée des revendications de ces brevets.

Plus précisément, nos comprimés comportent un noyau contenant le médicament et une couche gastrorésistante et entérosoluble, appliquée directement sur le noyau sans sous-enrobage entre le noyau et la couche gastrorésistante et entérosoluble. Nos comprimés ne créent pas de contrefaçon, vu qu'il n'y a pas de sous-enrobage entre le noyau et la couche gastrorésistante et entérosoluble.

Quant aux autres brevets de votre liste, tant qu'il n'aura pas été satisfait au Règlement à lgard de chacun d'entre eux, le ministre ne sera pas en mesure de délivrer un avis de conformité. Par conséquent, à lgard de chacun de ces brevets, nous allons soit attendre l'expiration du brevet, soit signifier un avis d'allégation à une date ultérieure.

17.     Par ordonnance datée du 4 septembre 2002, après une audition sur le fond, M. le juge Kelen a statué sur le dossier de la Cour T-1747-00. Il a déclaré que la lettre d'Apotex ne constituait pas un avis d'allégation et a interdit au ministre de délivrer un avis de conformité :

3.     la Cour accueille la présente demande et déclare que la lettre adressée le 1er août 2000 par Apotex n'est pas conforme au Règlement, et qu'elle ne constitue donc pas un Avis d'allégation au sens du Règlement.

4.          la Cour interdit au ministre de la Santé de délivrer un Avis de conformité relativement àl'avis d'allégation en question.; ¼


18.     Au cours de son jugement, M. le juge Kelen a tiré, entre autres choses, des conclusions de fait qui concernent les produits proposés par Apotex, et lient cette dernière dans les présentes procédures :

1.      Un composé réactif ou « interface » est généré spontanément lorsque l'enrobage gastrorésistant et entérosoluble, qui est composé de polymères, est pulvérisé sur le noyau, qui contient de l'oméprazole et des substances alcalines;

2.      La nature du composé réactif ou de l'interface ne peut être vérifiée que par une analyse des comprimés eux-mêmes;

4.      Le composé réactif isolerait le noyau, l'empêchant ainsi de se dissoudre et jouerait ainsi le même rôle - jusqu'à un certain point - que le sous-enrobage décrit dans la revendication 1 du brevet;

6.      Il n'est pas possible de décider si l'allégation d'absence de contrefaçon est fondée en se fondant sur les spéculations et les conjectures des experts. Cette situation est particulièrement frustrante lorsque la meilleure preuve - qui est aussi probablement la plus concluante - serait les résultats des analyses des comprimés d'Apotex eux-mêmes;

7.      La conclusion évidente que la Cour tire du témoignage des experts est que les comprimés d'Apo-oméprazole [sic] auraient pu être analysés cliniquement pour déceler la présence d'une couche réactive ou d'un composé réactif ou d'un sous-enrobage spontané, et pour obtenir des renseignements techniques clés sur ses caractéristiques. Sans ces éléments d'information, les experts se livrent à des spéculations, des hypothèses et à des tergiversations;

19.     Dans les motifs de son ordonnance, M. le juge Kelen a aussi conclu que la divulgation dchantillons du produit d'Apotex était nécessaire (Apotex avait refusé de fournir de tels échantillons), en déclarant :

[64] Si l'application directe de l'enrobage gastrorésistant et entérosoluble sur le noyau n'avait véritablement pas eu pour effet de contrefaire les brevets, il semble qu'Apotex aurait raisonnablement pu procéder à des analyses chimiques et qu'elle aurait pu produire les résultats. Dans l'affaire Rhoxalpharma, précitée, la Cour avait eu l'avantage de prendre connaissance d'une analyse scientifique des comprimés d'oméprazole en question. C'est la meilleure preuve possible. Apotex aurait pu soumettre ces éléments de preuve pour faire la preuve de l'absence de contrefaçon en l'espèce, mais elle a refusé de le faire, à ses propres risques et périls. En l'espèce, la justice exigeait la production de cette preuve.

[65] Le refus d'Apotex de fournir des échantillons, et les témoignages spéculatifs et non concluants d'experts qui en ont résulté, font ressortir le premier moyen invoqué par les demanderesses, à savoir que l'avis d'allégation ne contient pas suffisamment de détails au sujet des faits et du droit dont le Règlement exige la présentation.La Cour est d'accord pour dire que l'avis d'allégation est insuffisant à cet égard parce que, sans ces renseignements, le témoignage des experts au sujet de la contrefaçon n'est pas concluant et est purement spéculatif.

La présente affaire


a) L'avis d'allégation n'est pas conforme au Règlement.

20.                   Les demanderesses affirment que l'avis d'allégation ne constitue pas un avis d'allégation et un énoncé détaillé et par conséquent n'est pas conforme au Règlement.

21.                   La lettre d'Apotex constitue un abus de procédure eu égard aux dossiers de la Cour T-179-98 et T-1747-00 parce que, entre autres choses, la présente allégation n'est pas distincte de celles faites antérieurement par Apotex. Que l'on considère les procédures antérieures ensemble ou séparément, la présente lettre est un abus de procédure.

22.                   Apotex a retiré un avantage et causé un préjudice aux demanderesses en introduisant le dossier de la Cour T-179-98 pour y mettre fin volontairement avant la décision sur le fond, et forcer ensuite l'introduction de la présente instance.

23.                   En outre, vu la deuxième affaire dans le dossier de la Cour T-1747-00 et l'ordonnance de M. le juge Kelen, la présente allégation constitue un abus.

24.                   En l'absence de tout échantillon des comprimés d'Apotex, le présent avis d'allégation est insuffisant et représente un abus additionnel et distinct.

25.                   Quand un fabricant de génériques a fait une allégation, tous les fondements juridiques et factuels qu'il a évoqués ou qu'il aurait dû connaître, dans une raisonnable mesure, devaient être soulevés. Les demanderesses s'appuient sur les doctrines de l'abus de procédure, l'autorité de la chose jugée et la préclusion découlant d'une affaire déjà tranchée.

26.                   Par conséquent, pour ce qui concerne l'allégation d'absence de contrefaçon, étant donné que l'AA n'est pas conforme au Règlement et constitue un recours abusif, la Cour doit déclarer qu'il ne s'agit pas d'une allégation visée par le Règlement.


27.                   Quoi qu'il en soit, l'allégation d'Apotex n'est pas fondée tant du point de vue juridique que factuel.

b) Allégation d'absence de contrefaçon.

28.                   AstraZeneca prétend que l'allégation d'absence de contrefaçon n'est pas justifiée pour les motifs suivants :

29.                   Premièrement, et contrairement à l'interprétation proposée par Apotex, les brevets comprennent dans leur champ d'application un sous-enrobage que l'on retrouve dans la forme posologique finale, sans égard à la manière dont il a été appliqué ou généré.

30.                   Deuxièmement, en raison de la décision du juge Kelen, il est incontesté que les comprimés d'Apotex contiendront une couche de « matière » entre l'enrobage gastrorésistant et le noyau.

31.                   En outre, et subsidiairement, les demanderesses soutiennent qu'Apotex doit produire des échantillons et divulguer des détails sur la formulation et des renseignements sur le procédé en ce qui concerne la PDN pour l'oméprazole magnésien d'Apotex qui est actuellement devant le ministre. Cette divulgation est nécessaire pour permettre aux demanderesses de déterminer si un sous-enrobage est présent ou si l'allégation d'absence de contrefaçon est justifiée pour l'un ou l'autre des motifs subsidiaires invoqués par Apotex.

32.                   Les demanderesses n'ont aucun renseignement ou n'ont accès à aucun renseignement au sujet de l'existence, du contenu ou de la date de dépôt d'une présentation de drogue nouvelle et n'ont pas de détails concernant la formulation ou de renseignements sur le procédé pour l'oméprazole magnésien mentionné dans la lettre. En outre, les demanderesses n'ont pas accès à des échantillons du produit d'Apotex.


33.                   En ce qui concerne l'allégation d'invalidité, les demanderesses invoquent la jurisprudence qui confirme que la présomption de validité des brevets s'applique dans le cadre des procédures relatives au Règlement. En tout état de cause, les demanderesses nient que les brevets soient invalides au regard de l'un quelconque des motifs formulés par Apotex dans l'AA.

34.                   En vertu du Règlement, s'il constate qu'aucune des allégations n'est fondée, la Cour rendra une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet visé par une ou plusieurs allégations.

35.        La Loi sur les brevets, L.R.C. 1985 ch. P-4 et ses modifications successives, y compris les articles 55.1 et 55.2.

36.          Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) DORS/93-133, modifié, DORS/98-166 et SOR/99-379.

37.           La Loi sur les Cours fédérales et les Règles.

38.           La Loi sur les aliments et drogues et le Règlement sur les aliments et drogues.

39.           Tout autre motif exposé par l'avocat et autorisé par la Cour.

Les documents suivants sont présentés à l'appui de la demande :

40.           Les affidavits d'une ou de plusieurs personnes.

41.           Tout autre document jugé utile par l'avocat et autorisé par la Cour.

Le 8 novembre 2002

                        SMART & BIGGAR, avocats

                        438 University Avenue suite 1500


                        Toronto, Ontario M5G 2K8

                        Gunars A. Gaikis

                        J. Sheldon Hamilton Yoon Kang

                        Téléphone : (416) 593-5514

                        Télécopieur : (416) 591-1690

                                    Avocats des demanderesses                           


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                   T-1878-02

INTITULÉ :                                                   AB HASSLE et al.

                                      et

                                APOTEX INC et al.

                                                        

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                            14, 15, 16 et 17 décembre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               Madame la juge Layden-Stevenson

DATE DES MOTIFS :                                   14 février 2005

COMPARUTIONS :

Gunars A. Gaikis                                              POUR LES DEMANDERESSES

J. Sheldon Hamilton

H. B. Radomski                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

Andrew Brodkin

Rick Tuzi

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SMART & BIGGAR                                           POUR LES DEMANDERESSES

Barristers & Solicitors

Toronto, Ontario

GOODMANS s.r.l                                               POUR LA DÉFENDERESSE (Apotex)

Barristers & Solicitors

Toronto, Ontario

John H. Sims, c.r.                                                 POUR LE DÉFENDEUR (le ministre)

Sous-procureur général du Canada


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