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                                                                                                                                            Date: 20010125

                                                                                                                                      Dossier: T-2138-99

OTTAWA (ONTARIO), le 25 janvier 2001

DEVANT : Madame le juge Dolores M. Hansen

ENTRE :

DALE G. SCHOTT

                                                                                                                                                     demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                      défendeur

ORDONNANCE

VU la demande de contrôle judiciaire de la décision que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a rendue le 13 octobre 1999 ayant été présentée;

ET VU les documents qui ont été déposés ayant été examinés et les observations des parties ayant été entendues;

ET pour les motifs d'ordonnance prononcés en ce jour :


LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES CE QUI SUIT :

La décision que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a rendue le 13 octobre 1999 est infirmée et l'affaire est renvoyée pour nouvelle audition devant une formation différente.

Les dépens, qui devront être taxés, sont adjugés au demandeur.

             « Dolores M. Hansen »             

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                                                                                                                                            Date: 20010125

                                                                                                                                      Dossier: T-2138-99

ENTRE :

DALE G. SCHOTT

                                                                                                                                                     demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                      défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

INTRODUCTION

[1]         Il s'agit du contrôle judiciaire d'une décision que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le TAC) a rendue le 13 octobre 1999. Par cette décision, qui a été communiquée au demandeur le 8 novembre 1999, le Tribunal rejetait l'appel que celui-ci avait interjeté contre une décision que le comité d'examen avait rendue le 8 avril 1999, rejetant l'appel de la décision par laquelle le Ministère des Anciens combattants (le MAC) avait rejeté la demande qu'il avait présentée en vue d'obtenir une pension d'invalidité conformément aux paragraphes 21(1), 21(2) et 21(5) de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6, dans sa forme modifiée.


LES FAITS

[2]         Le demandeur, qui avait été membre des Forces armées canadiennes pendant quarante ans, a été libéré le 8 novembre 1995; depuis le mois de juillet 1993, ses tâches avaient été réduites et il travaillait à son propre rythme. Le demandeur avait été traité pour un cancer, plus précisément un myélome multiple, depuis le mois de mai 1991. Il consultait des médecins depuis le mois d'octobre 1977, en se plaignant de douleurs à la poitrine et au dos, de fatigue et de douleurs abdominales.

[3]         Au mois de janvier 1990, pendant qu'il servait à Oslo, en Norvège, le demandeur a commencé à éprouver des douleurs particulièrement intenses à la poitrine; il a été hospitalisé pendant huit jours. La possibilité d'un cancer a été mentionnée. Le demandeur a subi des examens, y compris une bronchoscopie suivie d'une biopsie transbronchique, qui a donné lieu à un diagnostic de sarcoïdose; il a été traité en conséquence. Les douleurs se sont atténuées et le demandeur a cessé de prendre ses médicaments au mois de juin 1990; il a alors été déclaré physiquement apte à être affecté à un poste et il a été muté en Virginie.

[4]         Toutefois, à la fin du mois d'août 1990, la douleur s'est de nouveau manifestée et le médicament visant à traiter la sarcoïdose a de nouveau été prescrit. Toutefois, cette fois-ci, le médicament n'a pas eu d'effet, et le demandeur a continué à ressentir des douleurs pendant une période de sept mois, lesquelles augmentaient en intensité et étaient de nature changeante.


[5]         Au cours de cette période, le demandeur a essayé de déterminer la cause et la nature des douleurs; à cette fin, il a consulté des spécialistes des maladies pulmonaires et du stress ainsi que des spécialistes en cardiologie, en rhumatologie et en médecine interne. Toutefois, cette fois-ci, le demandeur n'a pas été renvoyé à un spécialiste dans le domaine du diagnostic et du traitement de la sarcoïdose en vue de confirmer que les douleurs qu'il éprouvait étaient de fait une récurrence de l'affection antérieurement diagnostiquée.

[6]         Au mois de mai 1991, les douleurs ressenties par le demandeur étaient si intenses que, comme celui-ci le déclare dans son affidavit, il a [TRADUCTION] « physiquement accosté » son médecin et a exigé que celui-ci localise la source des douleurs et traite ces douleurs. Le demandeur a été transféré au Walter Reed Army Medical Hospital, à Washington, où des examens ont révélé deux fractures de vertèbres et une tumeur à la moelle épinière.

[7]         Le 29 mai 1991, une équipe chirurgicale a enlevé la tumeur (qui s'est avérée maligne), a fusionné les vertèbres et a inséré des tiges de métal dans la colonne vertébrale du demandeur. Le demandeur a ensuite suivi des traitements de chimiothérapie et de radiothérapie à l'installation Walter Reed jusqu'au mois de juillet 1993; il a alors été de nouveau muté à Ottawa, où il a continué à être traité pour son cancer.

[8]         Le demandeur affirme que l'ablation de la tumeur à la moelle épinière a finalement réussi à atténuer la douleur qu'il avait endurée pendant les années 1980 et qui était devenue si intense au cours des années 1990.


[9]         Le 18 novembre 1992, le demandeur a présenté une demande en vue d'obtenir une pension d'invalidité en invoquant les blessures qu'il avait subies pendant qu'il était dans les Forces armées et le mauvais traitement médical de son affection : plus précisément, le diagnostic de cancer qui avait été fait tardivement. Le demandeur soutient que l'intervention chirurgicale qu'il a subie et l'invalidité en résultant étaient plus graves qu'elles l'auraient été si le cancer avait été décelé et diagnostiqué plus tôt.


[10]       La demande de pension d'invalidité traîne depuis longtemps; je relaterai brièvement les faits pour mémoire. Au mois de novembre 1992, le demandeur a présenté une demande de pension d'invalidité en alléguant des troubles dorsaux découlant des exercices de parachutisme qu'il avait effectués pendant qu'il accomplissait son service ainsi que le mauvais traitement médical par suite du diagnostic de cancer. Ces demandes ont initialement été rejetées, mais le demandeur en a appelé et, au mois d'avril 1996, il s'est vu accorder une pension mensuelle de 252,63 $ pour la demande se rapportant aux exercices de parachutisme. Au mois de novembre 1996, le demandeur a informé son avocat qu'il voulait en appeler du refus de lui accorder une pension liée au présumé diagnostic de cancer qui avait finalement été fait. Au mois de janvier 1997, Anciens combattants Canada a informé le demandeur qu'il devait présenter une nouvelle demande s'il voulait poursuivre cette demande. Le demandeur a présenté pareille demande et, par une lettre en date du 14 août 1997, l'arbitre a informé le demandeur du rejet de la demande. Le 1er janvier 1998, M. Schott a demandé à son avocat d'interjeter appel contre la décision de l'arbitre. L'appel a été entendu par le comité d'examen le 8 avril 1999 et a été rejeté le 6 mai 1999. Le 5 août 1999, M. Schott a demandé à son avocat d'interjeter appel contre la décision du 6 mai 1999. Le 13 octobre 1999, l'appel a été entendu à Charlottetown (Î.-P.-É.) et, par une lettre en date du 1er novembre 1999, le TAC a rejeté l'appel. M. Schott a alors demandé le contrôle judiciaire.

NORME DE CONTRÔLE

[11]       La norme de contrôle à appliquer à une décision du TAC est celle de la décision manifestement déraisonnable comme il a été statué dans la décision Metcalfe c. Canada [1999], A.C.F. no 22. Le tribunal qui examine l'affaire peut donc uniquement intervenir lorsque la décision contestée est entachée d'une erreur de droit ou qu'elle est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont l'office disposait comme il a été statué dans les décisions MacDonald c. Canada (Procureur général) [1999] A.C.F. no 346; Hall c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 890.

LE CONTEXTE LÉGISLATIF

[12]       La Loi sur les pensions et la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 (la Loi) régissent les décisions qui sont prises au sujet des pensions des anciens combattants. Les articles 3 et 39 de la Loi sont particulièrement pertinents


3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leurs pays et des personnes à leur charge.

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence.

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances;

and

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

ANALYSE


[13]       Le dossier dont disposait le TAC montre qu'il y a eu récurrence des douleurs que le demandeur ressentait à la poitrine et au dos au mois d'août 1990, et que l'on a immédiatement pris des mesures en prescrivant de nouveau la prednisone que le demandeur avait prise pour la sarcoïdose qui avait antérieurement été diagnostiquée. Cependant, ce médicament n'a pas réussi à soulager le demandeur. De fait, non seulement les douleurs ne se sont pas atténuées, mais elles ont aussi changé de nature et d'emplacement. Malgré cette évolution et le fait que le demandeur avait mentionné la chose à ses pourvoyeurs de soins médicaux, ce n'est qu'au mois de mai 1991, après que le demandeur eut insisté, que celui-ci a finalement été renvoyé à un expert dans le traitement de la sarcoïdose. Le demandeur a plutôt subi d'autres examens médicaux, qui n'ont pas permis de découvrir la cause des douleurs. Lorsque le demandeur a été renvoyé à l'expert des sarcoïdes, la cause des douleurs a immédiatement été découverte : des vertèbres fêlées et une tumeur à la moelle épinière -- un myélome multiple.

[14]       À l'appui de ses demandes de pension et de son appel, le demandeur a soumis les avis médicaux des docteurs T.C. Hurley, capitaine, médecin militaire, 2 Régiment, Royal Canadian Horse Artillery, et H.F. Jaeger, lieutenant-colonel, commandant 2 Field Ambulance. Lors de l'appel, le docteur Hurley a fourni une lettre additionnelle. Les deux médecins ont exprimé l'avis selon lequel on avait tardé à diagnostiquer le myélome multiple et que ce retard avait peut-être contribué à la gravité de l'intervention chirurgicale et de l'état physique en résultant.

[15]       Dans sa lettre du 21 décembre 1998, le docteur Hurley dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] Lorsque vous êtes arrivé au nouvel endroit, vous avez commencé à éprouver de plus en plus de douleurs. [...] vous avez été traité comme s'il s'agissait d'une réapparition du sarcoïde. J'ai pu trouver plusieurs notes de consultation dans lesquelles cet avis était exprimé, mais je n'ai pu trouver aucun examen tel que des examens du sang ou des radiographies datant de cette époque (soit le mois d'août 1990). Rétrospectivement, il s'agit probablement d'un diagnostic erroné - puisque la tumeur était presque certainement présente à ce moment-là, mais que vous étiez traité pour le sarcoïde. Il existe d'autres traitements médicaux et chirurgicaux pour un myélome multiple. Malheureusement, ces traitements ne vous ont pas été offerts [...]

[16]       De même, le docteur Jaeger fait remarquer ce qui suit, dans la lettre du 21 décembre 1998 qu'il a envoyée au demandeur :


[TRADUCTION]

Je souscris à l'avis du capitaine Hurley, à savoir que votre cancer a été diagnostiqué tardivement et que la chose peut avoir eu un effet défavorable sur le degré initial d'invalidité et sur les malaises que vous ressentiez. Il ne sert à rien de faire des conjectures au sujet de la cause de ce retard, mais le fait que l'on a mis l'accent sur le diagnostic antérieur de sarcoïdose a certes joué.

[17]       Dans ses motifs, le TAC se fonde sur la déclaration suivante que le docteur Barry Clark a faite dans son rapport de consultation médicale en vue de l'octroi d'une pension :

[TRADUCTION]

[...] À la suite du diagnostic, le client a été renvoyé de la façon appropriée à des spécialistes et l'on a entrepris des traitements pour un myélome multiple en prescrivant du melphalan et de la prednisone. Rien ne montre qu'il y ait eu mauvais traitement médical par suite du diagnostic ou à l'égard du myélome multiple chez ce client.

Le TAC fait ensuite remarquer ce qui suit :

[TRADUCTION]

Aucun avis médical du docteur Hurley ou du docteur Jaeger ne contredit la chose.

[...]

En l'absence de pareille preuve, le Tribunal ne peut pas conclure qu'il y a eu négligence médicale dans ce cas-ci et il n'y a pas lieu d'accorder une pension.

[18]       À la page 7 de ses motifs, le TAC dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] pour être en mesure de qualifier de « mauvais » le traitement médical que l'appelant a reçu, le Tribunal devrait avoir à sa disposition un élément de négligence médicale de la part des intervenants médicaux. Or, les avis exprimés par les docteurs Hurley et Jaeger ne renferment aucun élément de ce genre.


[19]       Cependant, il existe de fait un élément de preuve. La formation a raison de dire que les docteurs Hurley et Jaeger ne font pas de remarques au sujet du traitement du demandeur après le diagnostic, mais ce ne sont pas les soins prodigués après le diagnostic qui sont en cause. Toutefois, dans leurs avis, les docteurs Hurley et Jaeger disent bien que le myélome multiple aurait probablement pu être décelé au début de l'automne 1990, mais qu'il ne l'a été qu'au mois de mai 1991, lorsque le demandeur, après avoir agressivement exigé une intervention médicale efficace, a été renvoyé à un spécialiste des sarcoïdes, qui a immédiatement établi qu'il ne s'agissait pas de ce que l'on avait supposé être une récurrence de la sarcoïdose. Ce diagnostic a rapidement entraîné la découverte des vertèbres fracturées et de la tumeur à la moelle épinière.

[20]       Plus loin, à la page 6 de ses motifs, le TAC dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Dans sa conclusion, le comité d'examen a également mentionné que, dans sa lettre du 19 décembre 1998 [sic], le docteur Jaeger avait déclaré ce qui suit : « Il ne sert à rien de faire des conjectures au sujet de la cause de ce retard » (en parlant du diagnostic qui avait été fait au sujet de l'affection alléguée)

Le TAC se fonde ensuite sur cet extrait de la décision du tribunal d'instance inférieure pour déclarer ce qui suit :

[TRADUCTION]

C'est l'une des raisons pour lesquelles le comité d'examen conclut que les avis étaient de nature conjecturale. Cette conclusion est encore exacte [...]

[21]       En fait, dans sa lettre du 21 décembre 1998, le docteur Jaeger avait dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] Il ne sert à rien de faire des conjectures au sujet de la cause de ce retard, mais le fait que l'on a mis l'accent sur le diagnostic antérieur de sarcoïdose a certes joué.


[22]       À mon avis, le demandeur a raison de dire que le TAC a interprété cet élément de preuve d'une façon erronée. Faire une extrapolation au sujet de la déclaration selon laquelle le docteur Jaeger ne sait pas pourquoi on a tardé à diagnostiquer le cancer de façon à donner à cette déclaration une portée plus étendue, c'est-à-dire que l'avis dans son ensemble est de nature conjecturale, c'est interpréter la preuve d'une façon erronée. Le docteur Jaeger dit expressément que le fait que l'on a mis l'accent sur le diagnostic antérieur pourrait expliquer pourquoi il s'était écoulé dix mois entre le moment où le demandeur s'était plaint de douleurs et le moment où il a finalement été renvoyé à un expert des sarcoïdes, qui a immédiatement découvert la cause des douleurs.

[23]       En outre, les docteurs Hurley et Jaeger disent tous les deux que la maladie du demandeur en était probablement à un stade clinique, observable depuis plusieurs mois, peut-être depuis six mois à un an avant d'être décelée.

[24]       La formation n'a pas remis en question la crédibilité ou la légitimité de l'avis médical des docteurs Hurley et Jaeger, mais elle a décidé que ces avis étaient de nature conjecturale et elle a donc conclu que rien ne montrait qu'il y ait eu mauvais traitement médical.

[25]       Dans la décision Metcalfe c. Canada [1999] A.C.F. no 22, voici ce que cette cour a statué :

[...] Bien que, dans leurs avis médicaux, les Drs Baker et Werger se soient exprimés quant à la possibilité et à la probabilité de la cause, ils ne peuvent réalistement que se contenter d'affirmer que la perte d'audition du demandeur constitue une suite logique de l'exposition au niveau de bruit que leur a décrit le demandeur. Malgré tout, le demandeur a, à mon avis, produit des éléments de preuve suffisamment crédibles relativement à la cause de sa perte d'audition et, si le Tribunal avait respecté les prescriptions de l'article 39, il aurait été contraint en droit d'accueillir la demande du demandeur.


[26]       En l'espèce, j'estime également que le TAC aurait pu tirer sa conclusion uniquement en omettant de tenir compte de la preuve présentée par les docteurs Hurley et Jaeger, en interprétant la preuve d'une façon erronée ou en se trompant au sujet de l'effet de l'article 39 de la Loi compte tenu de l'existence d'éléments de preuve vraisemblables et dignes de foi. Même en l'absence de certitude, comme dans l'affaire Metcalfe, supra, le TAC disposait de suffisamment d'éléments de preuve pour faire droit à la demande si le demandeur s'était conformé aux dispositions de l'article 39.

[27]       Le demandeur soutient en outre que le TAC a commis une erreur de droit en lui imposant la charge de démontrer que les soins qu'il avait reçus par suite du diagnostic de myélome multiple étaient bien inférieurs à la norme requise. Dans l'arrêt Berneche c. Canada, [1989] A.C.F. no 62, la Cour d'appel fédérale avait devant elle une décision par laquelle on avait refusé d'accorder une pension et dans laquelle il était conclu ce qui suit :

[...] En l'absence d'une preuve médicale établissant que l'intervention de 1978 n'a pas été effectuée selon les normes de diligence requises, le présent Tribunal hésite à conclure qu'il y a eu effectivement mauvais traitement médical.

Voici ce que le juge Hugessen a statué :

[...] le Tribunal s'est de toute évidence mépris dans l'attribution du fardeau de la preuve: dans les circonstances, c'est à l'intimée qu'il appartenait de prouver que l'état du requérant n'était pas attribuable au traitement médical reçu et que ce dernier satisfaisait à la norme requise.

[28]       En l'espèce, le demandeur a présenté en preuve deux avis médicaux au sujet de la présence probable du cancer à un moment où il aurait pu être renvoyé à un spécialiste des sarcoïdes, au lieu de se voir prescrire le même médicament qu'auparavant, et d'être ensuite renvoyé à des spécialistes dans d'autres domaines. Dans la lettre qu'il a envoyée au demandeur le 12 octobre 1999, voici ce que dit le docteur Hurley :


[TRADUCTION]

[...] J'ai l'impression en tant que professionnel que la nature clinique de votre maladie s'est manifestée au cours de la période de six à douze mois qui a précédé la scanographie. Cette impression est fondée sur deux facteurs. En premier lieu, la tumeur qui apparaît sur la scanographie est passablement grosse, ce qui donne à entendre qu'elle existait depuis plusieurs mois. En second lieu, les notes cliniques de l'époque (entre la fin du mois d'août 1990 et le mois de mai 1991) montrent que la nature et l'emplacement des douleurs ont changé [...]

[29]       La crédibilité et la légitimité de la preuve présentée par les docteurs Hurley et Jaeger n'ont jamais été contestées. Par conséquent, comme dans la décision Metcalfe, supra, et fait plus important, comme le défendeur lui-même le reconnaît au paragraphe 25 de son exposé des faits et du droit : [TRADUCTION] « Une fois que le demandeur a soumis des éléments de preuve au sujet du mauvais traitement médical, la charge de la preuve passe au défendeur, qui doit réfuter cette preuve. » Or, la charge de la preuve n'a jamais été déplacée.

CONCLUSION


[30]       Cette cour conclut que le TAC est arrivé à une conclusion abusive parce qu'il n'a pas tenu compte de la preuve soumise par les docteur Hurley et Jaeger ou qu'il a interprété cette preuve d'une façon erronée. Elle conclut également que le TAC a commis une erreur de droit en omettant de déplacer la charge de la preuve après que le demandeur eut produit des éléments de preuve au sujet du mauvais traitement médical au moyen des avis médicaux des docteurs Hurley et Jaeger. Compte tenu du mandat légal selon lequel il doit trancher en faveur du demandeur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande, comme le prévoient les articles 3 et 39 de la Loi, la décision du TAC est infirmée et l'affaire est renvoyée pour nouvelle audition devant une formation différente. Les dépens, qui devront être taxés, sont adjugés au demandeur.

           « Dolores M. Hansen »             

J.C.F.C.

Ottawa (Ontario),

le 25 janvier 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                   T-2138-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 DALE G. SCHOTT c. PGC

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                     le 10 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Madame le juge Hansen en date du 25 janvier 2001

ONT COMPARU :

Brian G. Saunderson                                                          pour le demandeur

Lynn Marchildon                                                               pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais LLP

Ottawa (Ontario)                                                               pour le demandeur

Morris Rosenberg                                                

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                               pour le défendeur

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