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Date : 20030908

Dossier : T-877-00

Référence : 2003 CF 1037

OTTAWA (ONTARIO), LE 8 SEPTEMBRE 2003                                                                

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                 Le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac

A et B (Confidentiel)

demandeurs

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA et

ROBERT CUNNINGHAM

parties ajoutées

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

I. LA DEMANDE


[1]                 La présente demande sollicite la délivrance d'une ordonnance portant que le défendeur doit refuser la communication de certains documents de tiers (les documents), en vertu de l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. 1985, ch. A-1 (la Loi). Les demandeurs sollicitent aussi une ordonnance protégeant la confidentialité des documents, y compris l'identité des auteurs des documents, identifiés comme les demandeurs A et B en l'espèce, en vertu des articles 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale (1998) ainsi qu'en vertu de l'article 47 de la Loi.

II. LE CONTEXTE

[2]                 Le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac (CCFPT), demandeur, est une société canadienne à but non lucratif. Mise sur pied de façon informelle en 1963, elle a été constituée en société à but non lucratif en 1982.

[3]                 Le demandeur A (A) est une firme de consultants qui se spécialise en analyse statistique.

[4]                 Le demandeur B (B) est une firme de consultants qui se spécialise en questions pénales.

[5]                 Le défendeur est le ministre du Revenu national, ainsi que le responsable de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC).

[6]                 M. Robert Cunningham, une partie ajoutée, est un employé de la Société canadienne du cancer. C'est lui qui a présenté la demande d'accès à l'information à l'origine de la présente espèce.

[7]                 L'autre partie ajoutée est le Commissaire à l'information du Canada (le Commissaire à l'information). Le 10 février 1999, le Commissaire à l'information a été saisi d'une plainte de M. Cunningham visant l'ADRC.


III. LES ÉVÉNEMENTS SIGNIFICATIFS

[8]                 Le 17 février 1998, le CCFPT a reçu de l'ADRC une invitation à une réunion dont l'objectif était de discuter divers aspects des activités de contrebande du tabac au Canada. M. Robert Parker, président du CCFPT, a assisté à deux de ces réunions. Il s'agissait alors de déterminer ce que le CCFPT et les sociétés qui en sont membres pouvaient faire pour aider l'ADRC et les gouvernements provinciaux à contrer et diminuer les activités de contrebande du tabac. Ces réunions ont eu lieu en privé.

[9]                 Après trois réunions, le CCFPT a convenu de retenir les services de A et de B pour réaliser des études et préparer des rapports sur la contrebande du tabac. Le mandat de A était de faire une étude des tendances en matière de consommation du tabac en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique. Le mandat de B était de préparer un survol de la situation actuelle en matière de contrebande, en ce qu'elle porte sur la distribution et à la vente de produits de contrebande au Canada. On demandait à B de concentrer ses recherches sur la contrebande en Ontario et au Québec, où les taxes sur le tabac sont relativement moins élevées, ainsi que sur les provinces du Manitoba et de la Colombie-Britannique, où les taxes sur le tabac sont relativement plus élevées.


[10]            Le 5 août 1998, B a terminé un projet de rapport (le rapport B) et, le 6 août 1998, A a livré son projet de rapport (le rapport A) au CCFPT. Le 11 août 1998, le CCFPT a envoyé les deux projets de rapport à M. Bill McCloskey, sous-commissaire de l'ADRC chargé de la direction générale des politiques et de la législation, ainsi qu'à Sandra Extence, directrice générale de la division des droits et taxes d'accise de l'ADRC. Les rapports étaient annexés à des lettres couverture (les lettres couverture), qui indiquaient que les conclusions étaient préliminaires et qu'elles ne reflétaient pas nécessairement le point de vue des demandeurs, tout en demandant que les rapports soient traités de façon confidentielle.

[11]            Le 8 octobre 1998, M. Cunningham, agissant au nom de la Société canadienne du cancer, a présenté à l'ADRC une demande en vertu de la Loi formulée comme suit :

[traduction]

Les documents envoyés à ou reçus de l'industrie du tabac (y compris les fabricants, importateurs, grossistes et détaillants) ou leurs représentants, y compris le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac, depuis le 1er février 1998, portant sur le marquage/estampillage des emballages des produits du tabac.

[12]            Le 9 février 1999, M. Bill McCloskey a écrit à M. Cunningham pour l'informer que les renseignements demandés étaient [traduction] « exemptés en vertu de l'alinéa 20(1)b) de la Loi, puisqu'il s'agit de renseignements de nature confidentielle fournis par un tiers » .

[13]            Le 10 février 1999, M. Cunningham a déposé auprès du Commissaire à l'information une plainte portant sur la réponse de l'ADRC à sa demande.

[14]            Le 1er mars 1999, l'ADRC a reçu un résumé de la plainte et a été avisée que le Commissaire à l'information avait l'intention d'enquêter à ce sujet.


[15]            Dans des lettres au Commissaire à l'information portant les dates du 12 avril et du 15 juin 1999, l'ADRC se disait d'avis que les renseignements demandés sont exemptés de la divulgation en vertu de l'alinéa 20(1)b) de la Loi, indiquant aussi que [traduction] « le dossier contient des documents qui ne sont pas pertinents à la demande » .

[16]            Le 30 juin 1999, le CCFPT a écrit au Commissaire à l'information en réponse à une demande de commentaires. La communication contenait des lettres de l'avocat principal du CCFPT, du président de B et de l'associé principal de A.

[17]            Le 6 décembre 1999, l'ADRC a fait savoir au Commissaire à l'information qu'elle avait l'intention de divulguer, avec l'accord du CCFPT, les parties du rapport B qui contenaient des renseignements spécifiques au sujet de l'objet de la demande de M. Cunningham, savoir « le marquage/estampillage des emballages des produits du tabac » . L'ADRC a prélevé les parties du rapport B qu'elle avait l'intention de divulguer, sous réserve de prélèvements additionnels en vertu de l'alinéa 16(1)c), du paragraphe 16(2) et de l'alinéa 20(1)b) de la Loi. L'ADRC a aussi indiqué qu'elle partageait l'avis du CCFPT voulant que le rapport A n'était pas pertinent à la demande de M. Cunningham et qu'il n'y avait donc aucune raison de le divulguer.

[18]            Le 11 février 2000, les personnes suivantes ont comparu comme témoins devant le sous-commissaire : M. Robert Parker, président du CCFPT, le président de B et l'associé principal de A.


[19]            Le 30 mars 2000, les demandeurs ont reçu un avis, en vertu de l'article 28 de la Loi, que l'ADRC avait l'intention de divulguer les rapports.

[20]            Le 14 avril 2000, l'ADRC a donné avis au président du CCFPT, en vertu de l'article 28 de la Loi, de son intention de divulguer les lettres couverture.

[21]            Le 28 avril 2000, l'ADRC a donné avis aux demandeurs, en vertu de l'alinéa 29(1)b), de son intention de divulguer les lettres couverture et les rapports.

[22]            Le 17 mai 2000, les demandeurs ont exercé le présent recours en révision en vertu de l'article 44 de la Loi, afin d'obtenir une ordonnance enjoignant l'ADRC de refuser de divulguer les lettres couverture et les rapports.

[23]            Le 5 juillet 2000, le Commissaire à l'information a présenté les conclusions de son enquête au responsable de l'ADRC. En vertu de l'article 37 de la Loi, M. Cunningham a reçu partie de ce rapport. Les conclusions du Commissaire à l'information que l'on trouve dans son rapport portent que tous les documents identifiés par l'ADRC sont pertinents à la demande d'accès. Le Commissaire à l'information a aussi conclu que les documents n'auraient pas dû être exemptés en vertu du paragraphe 20(1) et de l'article 16 de la Loi et il a recommandé la divulgation immédiate des documents au demandeur, M. Cunningham.


IV. LES QUESTIONS À EXAMINER

[24]            Les demandeurs soutiennent que les documents ne doivent pas être divulgués parce que :

1)       Ils ne sont pas pertinents à l'objet de la demande, savoir : « le marquage/estampillage des emballages des produits du tabac » ; et

2)      Ils contiennent :

a)    des secrets industriels, au sens de l'alinéa 20(1)a) de la Loi;

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par les demandeurs, qui sont de nature confidentielle et qui ont été traités comme tels de façon constante par les demandeurs, au sens de l'alinéa 20(1)b) de la Loi;

c)    des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers aux demandeurs ou de nuire à leur compétitivité, au sens de l'alinéa 20(1)c) de la Loi;

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par les demandeurs en vue de contrats ou à d'autres fins, au sens de l'alinéa 20(1)d) de la Loi.


V. LES ARGUMENTS

a)    Les arguments des demandeurs

Question no 1 : La pertinence

[25]       Les demandeurs soutiennent que l'article 6 de la Loi impose au demandeur d'accès à l'information l'obligation d'énoncer exactement ce qu'il désire obtenir. Cet article exige aussi que l'institution fédérale en cause ne divulgue que les documents qui sont pertinents aux renseignements demandés. M. Cunningham a indiqué qu'il voulait obtenir des renseignements relatifs au « marquage/estampillage des emballages des produits du tabac » .

[26]       Les demandeurs soutiennent que le rapport A ne fait aucune mention du marquage/estampillage des emballages des produits du tabac, non plus qu'il n'examine ces questions ou en fait mention. Rien ne permet de conclure que le rapport A soit pertinent ou qu'il puisse constituer une réponse à la demande d'accès à l'information de M. Cunningham. Par conséquent, il ne devrait pas être divulgué. Le fait que le rapport A soit mentionné dans une partie du rapport B qui n'est pas pertinente, de même que dans les lettres couverture, ne le transforme pas en document pertinent à la demande.


[27]       Les demandeurs soutiennent que seules la partie 4 et l'annexe D du rapport B traitent de la question du marquage des emballages du tabac. Ce sont donc les seules parties qui sont pertinentes à la demande. Toutefois, ces parties du rapport B ne doivent pas être divulguées du fait qu'elles constituent des exemptions spécifiques au sens du paragraphe 20(1) de la Loi.

[28]       Les demandeurs soutiennent que les lettres couverture ne mentionnent aucunement la question du marquage/estampillage des emballages des produits du tabac, et donc qu'elles ne sont pas pertinentes à la demande de M. Cunningham.

Question no 2 : Les exemptions

[29]       Les demandeurs soutiennent que les documents, y compris les parties des documents relatives au marquage/estampillage, doivent être protégés en vertu des alinéas 20(1)a), b), c) et d).

alinéa 20(1)a) - les secrets industriels

[30]       Les demandeurs soutiennent que la méthodologie unique de A, qui est utilisée dans le rapport A, qui consiste à utiliser les grandes enquêtes sociales pour arriver à une estimation de la consommation totale, est un secret industriel appartenant à A.

alinéa 20(1)b) - les renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques de nature confidentielle


[31]       Les demandeurs soutiennent que le critère de confidentialité est le contenu de l'information, ainsi que son objet et les circonstances entourant sa préparation et sa communication, et non le nombre de personnes qui ont pu y avoir accès : Bande indienne de Montana c. Canada (Ministère des affaires indiennes et du Nord canadien), [1989] 1 C.F. 143. Les deux rapports ont été préparés sous forme de projet pour distribution à un public limité et averti, et ils ont été envoyés à l'ADRC sous le sceau de la confidentialité. Le rapport A contient des renseignements qui regroupent des données de l'industrie fournies par les acteurs de l'industrie sur une base confidentielle. Il s'agit donc de renseignements « financiers » et « commerciaux » au sens de l'alinéa 20(1)b) de la Loi. Le rapport B décrit la procédure et la méthodologie utilisées pour sa préparation. Pour B, il s'agit là de renseignements confidentiels qui ne sont fournis qu'aux clients sur une base confidentielle. Ces renseignements ne sont pas disponibles d'autres sources et ils ont été traités de façon confidentielle par toutes les parties intéressées.

[32]       Les demandeurs soutiennent que le gouvernement a l'obligation d'agir de bonne foi à l'égard des renseignements confidentiels qu'on lui transmet. Il est dans l'intérêt public de préserver le caractère confidentiel des liens du gouvernement avec un tiers comme le CCFPT : Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Ministre des affaires extérieures), [1990] 3 C.F. 665 (C.F. 1re inst.), à la p. 675.


[33]       L'alinéa 20(1)b) de la Loi exige que le gouvernement se considère lié par ses engagements de confidentialité chaque fois que les tiers ont traité les renseignements comme confidentiels de façon constante. L'ADRC ne peut être dégagée de sa promesse de non-divulgation des documents que pour des raisons d'intérêt public « concernant la santé et la sécurité publiques ainsi que la protection de l'environnement » : Canada (Commissaire à l'information), précité, à la p. 676; Keddy c. Canada (L'Agence de promotion économique du Canada atlantique) (1993), 50 C.P.R. (3d) 484 (C.F. 1re inst.), à la p. 490; Canada (Commissaire à l'information) c. L'Agence de promotion économique du Canada atlantique, [1996] A.C.F. no 332; décision infirmée (1999) 250 N.R. 314 (C.A.F.).

alinéas 20(1)c) et d) - Causer des pertes financières appréciables, nuire à la compétitivité ou entraver des négociations en vue de contrats

[34]       Les demandeurs soutiennent aussi que la divulgation des rapports viendrait faciliter considérablement la tâche de leurs concurrents lorsqu'ils soumissionneront contre eux à l'avenir. Ces concurrents auraient alors accès à leurs méthodologies confidentielles. De plus, la réputation de A et de B pourrait subir un préjudice s'il devenait de notoriété publique qu'ils ont travaillé pour l'industrie du tabac.

[35]       Les lettres couverture sont aussi protégées par le paragraphe 20(1), puisqu'elles contiennent des renseignements devant être protégés, y compris des mentions des méthodologies et des discussions des projets de conclusions, ainsi que l'identité de A et de B.

b) Les arguments du défendeur


[36]       Le défendeur soutient qu'il a traité les dossiers de manière confidentielle en ce qu'ils n'ont pas été divulgués au public. Toutefois, les rapports ont été envoyés à d'autres représentants gouvernementaux et à des organismes d'application de la loi, et l'ADRC ne s'est pas engagée explicitement envers les demandeurs quant à leur confidentialité.

[37]       Le défendeur soutient que l'objectif de la Loi est d'assurer que le public peut avoir accès à l'information dans les documents fédéraux, les exceptions au droit d'accès devant être précises et limitées : Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l'Agriculture), [1989] 1 C.F. 47, à la p. 60 (C.A.F.); Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403, aux p. 427 et 428, paragr. 50 à 52.

[38]       Le principe qui fonde la Loi est que les tribunaux ne doivent pas neutraliser le droit du public à l'accès, sauf pour les motifs les plus évidents. La partie qui s'oppose à la divulgation doit assumer le lourd fardeau de convaincre : Maislin Industries Limited c. Ministre de l'Industrie et du Commerce, Expansion économique régionale (maintenant le ministre de l'Expansion industrielle régionale) et Iain Hunter, [1984]_1 C.F. 939, à la p. 943 (C.A.F.); Rubin c. Canada (Société canadienne d'hypothèques et de logement), [1989] 1 C.F. 265, à la p. 276 (C.A.F.); Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Premier ministre), [1993] 1 C.F. 427, à la p. 441 (C.F. 1re inst.). La norme de preuve qui s'applique à l'examen des exemptions en vertu des alinéas 20(1)a), b), c) et d) est celle de la prépondérance des probabilités : Tridel Corp. c. Société canadienne d'hypothèques et de logement, [1996] 115 F.T.R. 185, à la p. 196 (C.F. 1re inst.); Northern Cruiser Co. c. Canada, [1995] A.C.F. no 1168.


Question no 1 : La pertinence

[39]       Le défendeur soutient que les demandeurs acceptent le fait que la demande d'accès couvre la partie 4 et l'annexe D du rapport B. Selon le défendeur, comme les rapports et les lettres couverture ont été présentés à l'ADRC ensemble, on devrait considérer qu'ils sont tous pertinents à la demande. Étant donné que les lettres couverture mentionnent les deux rapports, le rapport A devrait aussi être considéré comme étant pertinent à la demande.

Question no 2 : Les exemptions

alinéa 20 (1)a) - les secrets industriels

[40]       La formulation de l'alinéa 20(1)a) exige que la notion de « secrets industriels » soit interprétée plutôt restrictivement. Les renseignements doivent avoir un caractère technique : Société Gamma Inc. c. Canada (Secrétariat d'État), [1994] A.C.F. no 589. Les demandeurs n'ont présenté que des déclarations générales quant à la valeur de chacun des rapports pour son auteur. La preuve ne démontre pas qu'il s'agisse d'un secret industriel à caractère technique qui est gardé jalousement et qui est particulier aux demandeurs. Quant à savoir si les renseignements en question sont des secrets industriels, il s'agit d'une conclusion que la Cour doit tirer au vu de la preuve qui lui est soumise. Les demandeurs ne se sont pas déchargés du fardeau qu'ils doivent assumer à ce sujet : SNC-Lavalin c. Canada (Ministre des Travaux publics) (1994), 79 F.T.R. 113, à la p. 127 (C.F. 1re inst.); Société Radio-Canada c. Commission de la capitale nationale, [1998] A.C.F. no 676, au paragr. 25 (C.F. 1re inst.).


alinéa 20(1)b) - les renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou technique de nature confidentielle

[41]       Le défendeur soutient que pour l'application de l'alinéa 20(1)b) de la Loi, il doit s'agir :

1)      de renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, selon le sens courant de ces termes;

2)      de nature confidentielle, suivant un critère objectif qui tient compte du contenu des renseignements, de leur objet et des circonstances entourant leur préparation et communication;

3)      fournis à une institution fédérale par un tiers; et

4)      qui sont traités comme confidentiels de façon constante par le tiers : Air Atonabee Limited c. Canada (Ministre des Transports) (1987), 27 F.T.R. 194, à la page 207 (C.F. 1re inst.).


[42]       La confidentialité des renseignements, au sens de l'alinéa 20(1)b) de la Loi, doit être établie objectivement : Société Gamma Inc., précité, à la p. 46; Maislin Industries Ltd., précité, à la p. 947. Le fait que l'institution fédérale et le tiers aient traité les renseignements comme confidentiels jusqu'ici ne constitue qu'un seul volet du critère : Société Gamma. Un engagement exprès de confidentialité ne peut fonder une exception à l'alinéa : Commissaire à l'information c. La présidente de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique (1999), 250 N.R. 314 (C.A.F.); Keddy, précité; Occam Marine Technologies Limited c. Canada (Conseil national de recherches), [1998] A.C.F. no 1502 (C.F. 1re inst.).

[43]       En l'espèce, l'ADRC a décidé de transmettre les rapports à un petit groupe d'institutions gouvernementales et d'organismes d'application de la loi. De plus, aux dires du défendeur, les documents ne contiennent pas de renseignements commerciaux ou financiers. Il s'agit de rapports d'analyse où l'on trouve des analyses statistiques et des commentaires des auteurs. On ne trouve pas dans les rapports des renseignements commerciaux ou financiers, au sens courant de ces termes.

[44]       Le défendeur soutient que les demandeurs n'ont pas démontré que les documents sont confidentiels suivant un critère objectif. Leur preuve est générale et de nature générique. Rien ne vient appuyer leur assertion que les lettres couverture sont confidentielles suivant un critère objectif.

alinéa 20(1)c) - causer des pertes financières appréciables, nuire à la compétitivité


[45]       Le défendeur soutient qu'il n'y a pas de risque vraisemblable de préjudice probable en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la Loi : Canada Packers, précité, à la p. 60; Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre des Approvisionnements et Services), [1990] 107 N.R. 89, à la p. 91 (C.A.F.); Société Gamma Inc., précité, à la p. 46. Les renseignements sont exemptés de la divulgation en vertu de l'alinéa 20(1)c) lorsque cette divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers à un tiers ou de nuire à sa compétitivité : Air Atonabee, précité, à la p. 207; Bande indienne de Témiscamingue c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1997] A.C.F. no 676, aux paragr. 55 à 59 (C.F. 1re inst.). Les demandeurs n'ont pas satisfait à ce critère, se contentant d'affirmer qu'il y aura un préjudice : SNC-Lavalin, précité, à la p. 127; Société Radio-Canada, précité, au paragr. 25. Au mieux, la preuve est fondée sur la supposition que les sources confidentielles de A ou B pourraient ne pas leur fournir de renseignements à l'avenir si les documents sont divulgués.

alinéa 20(1)d) - entrave à des négociations en vue de contrats

[46]       Le défendeur soutient que la divulgation ne viendra pas entraver des négociations en vue de contrats, au sens de l'alinéa 20(1)d). Cette disposition exige la probabilité que la divulgation vienne entraver des négociations en vue de contrats ou à d'autres fins : Saint John Shipbuilding, précité, à la p. 91. Rien dans la preuve n'indique que si les documents sont divulgués il y aurait entrave à des négociations précises en vue de contrats. La preuve la plus solide présentée par les demandeurs porte que, par le passé, A a été critiqué pour avoir accepté l'industrie du tabac parmi ses clients.

c) Les arguments du Commissaire à l'information

Question no 1 : La pertinence


[47]       Le Commissaire à l'information soutient que, contrairement aux arguments des demandeurs, l'absence de « pertinence » n'est pas un motif d'exemption que peut invoquer un tiers pour empêcher la divulgation de renseignements en vertu de la Loi : X c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [1992] A.C.F. no 1006 (C.F. 1re inst.); Congrès juif canadien c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] 1 C.F. 268, aux p. 301 et 302 (C.F. 1re inst.). L'article 6 de la Loi exige que le demandeur formule sa demande en des termes suffisamment précis pour permettre à un fonctionnaire expérimenté de l'institution de trouver le document sans problème sérieux. L'ADRC a conclu que le rapport et les lettres couverture étaient des documents pertinents.

[48]       Le Commissaire à l'information soutient que les témoignages devant le sous-commissaire indiquent que les documents ont été envoyés à l'ADRC dans le contexte d'une tentative de la part de l'industrie du tabac d'éviter qu'on adopte, pour diminuer les ventes de tabac de contrebande, une réglementation comportant des coûts plus élevés en matière d'estampillage et de marquage. **Par conséquent, les documents sont pertinents au marquage/estampillage des produits du tabac.

[49]       De plus, le Commissaire à l'information soutient que les demandeurs ont convenu que des parties du rapport B sont pertinentes et que, selon la jurisprudence, lorsque certaines parties d'un document sont pertinentes à une demande d'accès, il faut le divulguer en entier sauf s'il est démontré que les autres parties sont exemptées : X, précité, au paragr. 42. La Cour devrait s'en remettre à l'avis d'expert de l'ADRC, qui veut que les documents soient pertinents à la demande.

Question no 2 : Les exemptions

[50]       Le Commissaire à l'information adopte l'avis du défendeur voulant que le rapport B ne contienne pas de secrets industriels.


[51]       Le Commissaire à l'information soutient que la présente Cour ne devrait pas tenir compte d'une preuve par ouï-dire au sujet des renseignements fournis par un responsable de B. De plus, le Commissaire à l'information soutient que, contrairement aux arguments des demandeurs, B était disposé à divulguer le rapport B en entier, sous réserve de quelques prélèvements, en date du 15 décembre 1999.

[52]       Le Commissaire à l'information soutient qu'il n'y a pas de preuve que le rapport B satisfait au critère objectif de la confidentialité.

[53]       De plus, il n'y a aucune preuve à part d'affirmations génériques indiquant que le rapport A contient des renseignements commerciaux confidentiels. Le rapport A est fondé presque entièrement sur des statistiques à la disposition du public. Les renseignements obtenus des trois sociétés membres du CCFPT sont regroupés et ne sont pas identifiés précisément pour chaque société. Il n'y a aucune preuve que la méthodologie utilisée dans le rapport A satisfasse au critère objectif de la confidentialité. Le Commissaire à l'information soutient que les lettres couverture ne contiennent pas de renseignements commerciaux confidentiels.

[54]       En réponse à l'argument des demandeurs qui veut que la divulgation des rapports causera un préjudice à leurs auteurs, le Commissaire à l'information soutient que les rapports sont clairement identifiés comme des projets et qu'il n'y aurait donc aucun préjudice de causé.


[55]       Le Commissaire à l'information ajoute qu'il est de notoriété publique que B a travaillé pour l'industrie du tabac, tant en l'espèce que par le passé. A a aussi avoué que des intervenants du lobby antitabac de Santé Canada et de Statistique Canada savent que A et son associé principal ont travaillé pour l'industrie du tabac par le passé.

[56]       Le Commissaire à l'information soutient que si la conclusion est que les documents ne sont pas exemptés, la Cour devrait ordonner au défendeur d'examiner la possibilité d'utiliser son pouvoir discrétionnaire de divulguer les documents demandés en vertu du paragraphe 20(6) de la Loi.

d) Le point de vue de Robert Cunningham, partie ajoutée

[57]       M. Cunningham n'a pas eu accès au dossier confidentiel pour préparer ses arguments. Il réagit donc à la version publiée des arguments des autres parties.

[58]       Les arguments de M. Cunningham qui ne recoupent pas les arguments du défendeur et du Commissaire à l'information sont examinés ci-après.


[59]       M. Cunningham soutient que la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Saint John Shipbuilding Ltd., précité, à la p. 91, a conclu qu'un tiers qui présente une demande en vertu de l'article 44 de la Loi n'a pas qualité pour s'objecter au fait que les documents qu'on veut divulguer diffèrent de ce qui était demandé. M. Cunningham soutient que de toute façon les documents sont pertinents à sa demande, puisque le niveau de la demande et de l'offre du tabac, ainsi qu'un rapport sur la contrebande, sont intimement liés au besoin d'améliorer le marquage « droit acquitté » (une mesure anticontrebande bien connue).

[60]       Quant à l'argument sur les secrets industriels au sens de l'alinéa 20(1)a), M. Cunningham soutient que presque tous les rapports de consultants préparés pour ou présentés au gouvernement ont une approche, un format, une méthodologie ou un contenu qu'on peut prétendre être unique. Le fait d'accepter les arguments des demandeurs à ce sujet équivaudrait à une conclusion de la Cour que la majorité des rapports présentés au gouvernement ne peuvent être divulgués.

[61]       S'agissant de l'argument des demandeurs qui veut que le CCFPT ne divulgue pas l'identité de ses fournisseurs, M. Cunningham soutient qu'il y a eu des cas par le passé où la situation était différente.

[62]       M. Cunningham soutient que l'intérêt public est un des aspects à examiner afin de déterminer si les renseignements sont confidentiels : Air Atonabee, précité, à la p. 210. Il soutient qu'il est contraire à l'intérêt public que les industries puissent faire leur lobbying auprès du gouvernement en secret. En l'espèce, le CCFPT cherchait à influencer le contenu des exigences de marquage sur les emballages de tabac indiquant que les droits ont été acquittés. Le fait d'autoriser une industrie importante et puissante à faire du lobbying en secret est complètement contraire à l'esprit de la Loi.


[63]       M. Cunningham conteste l'assertion voulant que le tiers en question a traité les documents comme confidentiels de façon constante.

[64]       S'agissant de l'argument des demandeurs qu'ils perdraient des occasions d'affaires si leurs noms étaient associés à des travaux faits par l'industrie du tabac, M. Cunningham soutient qu'ils avaient certainement calculé ce risque lorsqu'ils ont décidé de préparer les rapports et qu'il est tout aussi vraisemblable qu'une telle divulgation leur amène de nouvelles occasions d'affaires.

[65]       S'agissant de l'argument des demandeurs pour obtenir une exemption en vertu de l'alinéa 20(1)d), M. Cunningham soutient que ces derniers doivent démontrer que la divulgation va entraver des négociations en cours, plutôt que seulement favoriser la concurrence : Société Gamma Inc., précité, à la p. 47.

[66]       M. Cunningham soutient que l'objectif des rapports était d'influencer la politique gouvernementale au sujet du marquage des produits du tabac aux fins fiscales. Ceci ressort du fait que le CCFPT a présenté les rapports après que le ministre du Revenu national eut annoncé, le 13 février 1998, que Revenu Canada « déterminera si des normes plus strictes d'estampillage des produits du tabac aideraient les forces de l'ordre à faire échec à la contrebande du tabac » . M. Cunningham soutient que la décision de l'ADRC de ne pas augmenter ses exigences quant au marquage fiscal des produits du tabac est dérivée en partie des rapports en question.


[67]       M. Cunningham soutient qu'il n'y a pas de doute qu'il y a un lien direct entre le tabac de contrebande et la santé publique : RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, aux p. 242 à 245. Ceci vient fortement encourager la divulgation en l'espèce.

[68]       M. Cunningham soutient aussi que si on n'autorise pas la divulgation entière, la Cour devrait autoriser une autorisation partielle en vertu de l'article 25 de la Loi.

[69]       Finalement, M. Cunningham soutient que si la Cour rejette cette demande, il ne sera plus nécessaire de préserver la confidentialité des documents. De plus, il ne sera plus nécessaire de préserver la confidentialité des affidavits des demandeurs et du ministre, des transcriptions des contre-interrogatoires sur les affidavits, ou du dossier de demande des demandeurs et du ministre, documents qui sont tous restés confidentiels jusqu'ici puisqu'on y trouvait mention de renseignements prétendument confidentiels. Suite à l'ordonnance du protonotaire Lafrenière que les documents soient déposés sous scellés, jusqu'à ce que la Cour en décide autrement, M. Cunningham sollicite une ordonnance déclarant que les documents sont désormais publics en vertu du paragraphe 29(1) des Règles de la Cour fédérale (1998).


VI. LA LÉGISLATION PERTINENTE :

Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. 1985, ch. A-1


2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

(2) La présente loi vise à compléter les modalités d'accès aux documents de l'administration fédérale; elle ne vise pas à restreindre l'accès aux renseignements que les institutions fédérales mettent normalement à la disposition du grand public.

(2) This Act is intended to complement and not replace existing procedures for access to government information and is not intended to limit in any way access to the type of government information that is normally available to the general public.

6. La demande de communication d'un document se fait par écrit auprès de l'institution fédérale dont relève le document; elle doit être rédigée en des termes suffisamment précis pour permettre à un fonctionnaire expérimenté de l'institution de trouver le document sans problèmes sérieux.

6. A request for access to a record under this Act shall be made in writing to the government institution that has control of the record and shall provide sufficient detail to enable an experienced employee of the institution with a reasonable effort to identify the record.

20. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

20. (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains

a) des secrets industriels de tiers;

(a) trade secrets of a third party;

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;


c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; ord) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.

[...]

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.

[...]

(6) Le responsable d'une institution fédérale peut communiquer, en tout ou en partie, tout document contenant les renseignements visés aux alinéas (1)b), c) et d) pour des raisons d'intérêt public concernant la santé et la sécurité publiques ainsi que la protection de l'environnement; les raisons d'intérêt public doivent de plus justifier nettement les conséquences éventuelles de la communication pour un tiers : pertes ou profits financiers, atteintes à sa compétitivité ou entraves aux négociations qu'il mène en vue de contrats ou à d'autres fins.

[...]

(6) The head of a government institution may disclose any record requested under this Act, or any part thereof, that contains information described in paragraph (1)(b), (c) or (d) if that disclosure would be in the public interest as it relates to public health, public safety or protection of the environment and, if the public interest in disclosure clearly outweighs in importance any financial loss or gain to, prejudice to the competitive position of or interference with contractual or other negotiations of a third party.

[...]

25. Le responsable d'une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s'autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d'en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux.

[...]

25. Notwithstanding any other provision of this Act, where a request is made to a government institution for access to a record that the head of the institution is authorized to refuse to disclose under this Act by reason of information or other material contained in the record, the head of the institution shall disclose any part of the record that does not contain, and can reasonably be severed from any part that contains, any such information or material.

[...]

28. (1) Dans les cas où il a donné avis au tiers conformément au paragraphe 27(1), le responsable d'une institution fédérale est tenu :

[...]

28. (1) Where a notice is given by the head of a government institution under subsection 27(1) to a third party in respect of a record or a part thereof,

[...]


b) de prendre dans les trente jours suivant la transmission de l'avis, pourvu qu'il ait donné au tiers la possibilité de présenter des observations conformément à l'alinéa a), une décision quant à la communication totale ou partielle du document et de donner avis de sa décision au tiers.

[...]

(b) the head of the institution shall, within thirty days after the notice is given, if the third party has been given an opportunity to make representations under paragraph (a), make a decision as to whether or not to disclose the record or the part thereof and give written notice of the decision to the third party.

[...]41. La personne qui s'est vu refuser communication totale ou partielle d'un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l'information peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l'expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.

41. Any person who has been refused access to a record requested under this Act or a part thereof may, if a complaint has been made to the Information Commissioner in respect of the refusal, apply to the Court for a review of the matter within forty-five days after the time the results of an investigation of the complaint by the Information Commissioner are reported to the complainant under subsection 37(2) or within such further time as the Court may, either before or after the expiration of those forty-five days, fix or allow.

42. (1) Le Commissaire à l'information a qualité pour :

42. (1) The Information Commissioner may

a) exercer lui-même, à l'issue de son enquête et dans les délais prévus à l'article 41, le recours en révision pour refus de communication totale ou partielle d'un document, avec le consentement de la personne qui avait demandé le document;

(a) apply to the Court, within the time limits prescribed by section 41, for a review of any refusal to disclose a record requested under this Act or a part thereof in respect of which an investigation has been carried out by the Information Commissioner, if the Commissioner has the consent of the person who requested access to the record;

b) comparaître devant la Cour au nom de la personne qui a exercé un recours devant la Cour en vertu de l'article 41;

(b) appear before the Court on behalf of any person who has applied for a review under section 41; or

c) comparaître, avec l'autorisation de la Cour, comme partie à une instance engagée en vertu des articles 41 ou 44.

(c) with leave of the Court, appear as a party to any review applied for under section 41 or 44.

(2) Dans le cas prévu à l'alinéa (1)a), la personne qui a demandé communication du document en cause peut comparaître comme partie à l'instance.

[...]

(2) Where the Information Commissioner makes an application under paragraph (1)(a) for a review of a refusal to disclose a record requested under this Act or a part thereof, the person who requested access to the record may appear as a party to the review.

[...]


44. (1) Le tiers que le responsable d'une institution fédérale est tenu, en vertu de l'alinéa 28(1)b) ou du paragraphe 29(1), d'aviser de la communication totale ou partielle d'un document peut, dans les vingt jours suivant la transmission de l'avis, exercer un recours en révision devant la Cour.

[...]

44. (1) Any third party to whom the head of a government institution is required under paragraph 28(1)(b) or subsection 29(1) to give a notice of a decision to disclose a record or a part thereof under this Act may, within twenty days after the notice is given, apply to the Court for a review of the matter.

[...]47. (1) À l'occasion des procédures relatives aux recours prévus aux articles 41, 42 et 44, la Cour prend toutes les précautions possibles, notamment, si c'est indiqué, par la tenue d'audiences à huis clos et l'audition d'arguments en l'absence d'une partie, pour éviter que ne soient divulgués de par son propre fait ou celui de quiconque :

47. (1) In any proceedings before the Court arising from an application under section 41, 42 or 44, the Court shall take every reasonable precaution, including, when appropriate, receiving representations ex parte and conducting hearings in camera, to avoid the disclosure by the Court or any person of

a) des renseignements qui, par leur nature, justifient, en vertu de la présente loi, un refus de communication totale ou partielle d'un document;

(a) any information or other material on the basis of which the head of a government institution would be authorized to refuse to disclose a part of a record requested under this Act; or

b) des renseignements faisant état de l'existence d'un document que le responsable d'une institution fédérale a refusé de communiquer sans indiquer s'il existait ou non.

(b) any information as to whether a record exists where the head of a government institution, in refusing to disclose the record under this Act, does not indicate whether it exists.

(2) Dans les cas où, à son avis, il existe des éléments de preuve touchant la perpétration d'infractions fédérales ou provinciales par un cadre ou employé d'une institution fédérale, la Cour peut faire part à l'autorité compétente des renseignements qu'elle détient à cet égard.

[...]

(2) The Court may disclose to the appropriate authority information relating to the commission of an offence against any law of Canada or a province on the part of any officer or employee of a government institution, if in the opinion of the Court there is evidence thereof.

[...]

51. La Cour, dans les cas où elle conclut, lors d'un recours exercé en vertu de l'article 44, que le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication totale ou partielle d'un document, lui ordonne de refuser cette communication; elle rend une autre ordonnance si elle l'estime indiqué.

51. Where the Court determines, after considering an application under section 44, that the head of a government institution is required to refuse to disclose a record or part of a record, the Court shall order the head of the institution not to disclose the record or part thereof or shall make such other order as the Court deems appropriate.

Règles de la Cour fédérale (1998)

29. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de la règle 30, les audiences de la Cour, sauf les conférences de règlement des litiges et les conférences préparatoires à l'instruction, sont publiques et les lieux où elles sont tenues sont accessibles à tous.

Federal Court Rules, 1998

29. (1) Subject to subsection (2) and rule 30, hearings of the Court, other than pre-trial or dispute resolution conferences, shall be open and accessible to the public.



VII. L'ANALYSE

LE CONTEXTE

[70]            Dans sa demande d'accès du 8 octobre 1998 à l'ADRC, M. Cunningham cherche à obtenir :

Les documents envoyés à ou reçus de l'industrie du tabac (y compris les fabricants, importateurs, grossistes et détaillants) ou leurs représentants, y compris le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac, depuis le 1er février 1998, portant sur le marquage/estampillage des emballages des produits du tabac.

[71]       Cette demande fait suite aux inquiétudes exprimées par le passé par la Société canadienne du cancer au sujet du peu de fiabilité du marquage « droit acquitté » qui paraît sur la bande détachable de l'emballage de cellophane d'un paquet de cigarettes. La difficulté consiste dans le fait que ce marquage disparaît dès que la pellicule de cellophane est enlevée. Il est relativement facile d'enlever et de remplacer la bande détachable d'un paquet de cigarettes destiné à l'exportation, ou à la vente dans une province canadienne où les taxes sont peu élevées. Ceci facilite la contrebande interprovinciale et internationale des cigarettes.


[72]       Les organismes de santé, comme la Société canadienne du cancer, ont un intérêt évident lorsqu'il s'agit de lutter contre le commerce des cigarettes de contrebande. Ils considèrent qu'on pourrait améliorer la situation en imprimant la mention « droit acquitté » directement sur le paquet de cigarettes. En termes simples, le marquage « droit acquitté » directement sur le paquet viendrait réduire considérablement l'activité des contrebandiers et protéger les gains faits en matière de santé par suite des politiques fiscales du gouvernement. Il va sans dire que l'industrie du tabac et ses représentants ne sont pas d'accord avec ce point de vue.

[73]       M. Cunningham, s'exprimant au nom de la Société canadienne du cancer, est fortement partisan de l'impression de la mention « droit acquitté » directement sur les paquets de cigarettes, ainsi que d'autres mesures visant à décourager le commerce des cigarettes de contrebande et des produits du tabac vendus à rabais.

[74]       Dans une lettre datée du 6 octobre 1998, les représentants de la Société canadienne du cancer, de l'Association pour les droits des non-fumeurs et de l'Association pulmonaire du Canada ont écrit au ministre du Revenu national, l'honorable Herb Dhaliwal, suite à l'annonce que le ministre avait faite le 13 février 1998, portant que « Revenu Canada déterminera si des normes plus strictes d'estampillage des produits du tabac aideraient les forces de l'ordre à faire échec à la contrebande du tabac » . Les organismes de santé avaient félicité le gouvernement pour cette initiative, mais ils ont été frustrés parce qu'ils considèrent avoir été exclus des discussions entre le gouvernement et les représentants de l'industrie du tabac. Cette frustration est exprimée comme suit dans la lettre adressée au ministre Dhaliwal :

[traduction]

[...]

Depuis lors, votre ministère a tenu des consultations avec les fabricants de tabac. Il semble que suite à ces discussions votre ministère n'a pas l'intention de recommander une amélioration des exigences de marquage/estampillage. Nous sommes d'avis que cette décision constituerait une erreur sérieuse, malheureuse et évitable. Nous croyons aussi que jusqu'ici on n'a entendu que l'une des parties sur cette question, savoir les fabricants.


Les intéressés aux questions de santé voulaient participer à ces discussions, ainsi que réagir aux arguments des fabricants, mais ils n'ont pu le faire. Dans un cas, lorsque Robert Cunningham, avocat de la Société canadienne du cancer, a exprimé le désir de participer à une réunion prévue sur la question du marquage « droit acquitté » , on ne l'a pas invité. Nous sommes aussi informés que des intervenants du secteur privé qui ont une expertise en matière de marquage des emballages ont connu certaines difficultés lorsqu'ils ont voulu communiquer des renseignements à Revenu Canada.

[75]       La demande de M. Cunningham à l'ADRC pour obtenir [traduction] « les documents envoyés à ou reçus de l'industrie du tabac... portant sur le marquage/estampillage des emballages des produits du tabac » a été présentée dans le cadre d'un débat politique et public au sujet du besoin d'améliorer les exigences de marquage des produits du tabac afin de combattre la contrebande. La première réaction de l'ADRC a été d'apposer un refus à cette demande. M. Cunningham s'est alors plaint au Commissaire à l'information, qui a tenu une enquête sur la question. Dans sa décision datée du 5 juillet 2000, il arrive à la conclusion suivante :

[traduction]

Résumé des conclusions

Premièrement, je conclus que la décision de refuser l'accès aux documents demandés n'a pas été prise par un fonctionnaire qui avait la délégation nécessaire pour invoquer les exemptions prévues par la Loi. Deuxièmement, je conclus qu'on a donné une interprétation indûment restrictive à la demande d'accès et qu'on n'aurait pas dû refuser la divulgation des documents en cause au motif qu'ils n'étaient pas pertinents à la demande. Finalement, je conclus que l'exemption invoquée par l'ADRC, ainsi que celles invoquées par les tiers, n'ont pas d'application en l'instance et ne justifient pas le secret.


[76]       Toutefois, avant même la décision du Commissaire à l'information, l'ADRC avait changé d'avis et avait envoyé les avis appropriés pour indiquer son intention de divulguer les rapports et les lettres couverture en réponse à la demande de M. Cunningham. C'est suite à cette décision que les demandeurs ont introduit la présente instance en vertu de l'article 44 de la Loi, afin de faire interdire à l'ADRC de procéder à la divulgation proposée. Les demandeurs sont préoccupés du fait qu'une telle divulgation porterait sur des renseignements confidentiels qui leur appartiennent et, de plus, qu'elle viendrait révéler l'identité des auteurs du rapport, ce qui leur causerait un préjudice sérieux.

VIII.    LA NORME DE CONTRÔLE ET LE FARDEAU DE LA PREUVE

[77]       La norme de contrôle d'une demande en vertu de l'article 44 de la Loi, lorsqu'on invoque l'article 20 pour obtenir des exemptions, est celle de la décision correcte. L'article 44 est rédigé comme suit :

44. (1) Le tiers que le responsable d'une institution fédérale est tenu, en vertu de l'alinéa 28(1)b) ou du paragraphe 29(1), d'aviser de la communication totale ou partielle d'un document peut, dans les vingt jours suivant la transmission de l'avis, exercer un recours en révision devant la Cour.

[78]       L'utilisation des termes « est tenu » dans l'article 20 indique qu'on ne doit exercer aucune retenue judiciaire face aux décisions des responsables d'institutions fédérales qui ont compétence pour divulguer des documents.

[79]       L'article 44 s'applique lorsqu'un tiers exerce un recours en révision en soutenant que les documents en cause sont exemptés de la divulgation. Dans un tel cas, le fardeau de la preuve incombe à la partie qui s'oppose à la divulgation.


[80]       Le rôle de la Cour est de reprendre l'affaire au départ, y compris en procédant à un examen détaillé des documents en cause, au besoin. Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des Transports) (1987), 27 F.T.R. 194 (C.F. 1re inst.), à la p. 206.

IX.    LA PERTINENCE

[81]       Comme point de départ, les demandeurs soutiennent que seules une petite partie du rapport B (la partie qui traite du marquage des emballages du tabac) et l'annexe D sont des documents pertinents à la demande de M. Cunningham. Le rapport A, le reste du rapport B et les lettres couverture ne traitent pas du « marquage/estampillage des emballages des produits du tabac » . Par conséquent, seules six pages du rapport B et l'appendice D sont pertinents à la demande. Or, les demandeurs soutiennent que ces documents sont exemptés de la divulgation en vertu du paragraphe 20(1) de la Loi.

[82]       Afin de placer cette question dans son contexte, du point de vue des demandeurs, le président du CCFPT a témoigné au sujet des rencontres qui ont eu lieu avec des représentants de l'ADRC avant que l'on commande les rapports :

[traduction]

[...] Cette série de rencontres a débuté après qu'un groupe d'organismes antitabac a transmis au ministre une suggestion déjà faite à d'autres instances gouvernementales, savoir que l'industrie soit tenue d'imprimer directement sur chaque paquet de produits du tabac vendu au Canada un marquage indiquant « pour vente exclusivement » suivi du nom de la province, plutôt que de mettre cette indication sur la bande détachable. Selon nous, cette proposition se fondait sur le fait que l'on savait qu'il serait extrêmement dispendieux et compliqué pour les fabricants et les grossistes d'agir ainsi. Selon nous, au vu des conseils les plus éclairés que nous pouvions obtenir, une telle mesure n'aurait aucun impact sur les activités de contrebande.


Néanmoins, la demande du ministre - je crois que c'était un peu plus fort qu'une simple demande - faite au ministère d'examiner cette question a suscité nos réunions, ainsi que des réunions entre les ministères du revenu provinciaux et Revenu Canada. Il est très rapidement apparu que personne parmi les fonctionnaires, qu'il s'agisse des organismes d'application de la loi ou des organismes chargés de la perception des revenus, et certainement pas l'industrie, étaient d'accord avec l'idée que le marquage directement sur les paquets pouvait faciliter la lutte à la contrebande, mais l'industrie voulait coopérer avec le gouvernement pour diminuer la contrebande, comme elle l'a fait d'ailleurs depuis plusieurs années. Les discussions ont donc continué pour déterminer ce qui pourrait être utile, puisque la suggestion faite ne semblait pas valable.

Parmi les choses que nous avons constatées tout de suite au cours des discussions, on trouve le fait qu'il n'y avait pas de base commune de données, ainsi que de compréhension commune au sujet de la taille du marché de contrebande, des méthodes utilisées, du pourcentage de ce marché lié au commerce illégal interprovincial, par rapport au commerce illégal international, et ainsi de suite. Afin de fournir plus de renseignements aux autorités pour d'abord mesurer le phénomène et ensuite essayer de développer des méthodes de gérer et de contrer le problème, nous avons, avec leur accord, commandé les rapports sous le sceau de la confidentialité [...]. Le motif justifiant qu'on parle peu du marquage direct sur les paquets dans ces rapports, seulement ces cinq pages, c'est précisément que nous ne discutions pas de l'impression sur les paquets. En fait, nous discutions de tout autre chose.

[83]       En d'autres mots, les demandeurs déclarent qu'après les premières réunions les participants ont rapidement réalisé que l'apposition de la marque « droit acquitté » directement sur les paquets de cigarettes n'était pas une solution viable et ils sont donc passés à d'autres questions, les rapports commandés devant traiter de ces autres questions.

[84]       Il est utile de noter que, lors de la première demande de divulgation présentée par M. Cunningham, l'ADRC a adopté la même position que les demandeurs pour refuser la divulgation.

[85]       Les demandeurs décrivent les liens entre le CCFPT et l'ADRC comme une relation continue visant leur intérêt mutuel pour le maintien de l'ordre et pour contrer et diminuer les activités de contrebande. Il n'est pas du tout question de lobbying.


[86]       Les demandeurs indiquent que l'article 6 de la Loi impose au demandeur d'accès (en l'espèce, M. Cunningham) l'obligation d'énoncer exactement ce qu'il désire obtenir. Les demandeurs soutiennent aussi que l'article 6 exige que l'institution fédérale en cause ne cherche et ne divulgue que les documents qui sont pertinents aux renseignements demandés. L'article 6 est rédigé comme suit :


6. La demande de communication d'un document se fait par écrit auprès de l'institution fédérale dont relève le document; elle doit être rédigée en des termes suffisamment précis pour permettre à un fonctionnaire expérimenté de l'institution de trouver le document sans problèmes sérieux.


6. A request for access to a record under this Act shall be made in writing to the government institution that has control of the record and shall provide sufficient detail to enable an experienced employee of the institution with a reasonable effort to identify the record.


[87]            À l'appui de cet argument, les demandeurs me renvoient à la décision du juge suppléant Heald, dans Congrès juif canadien c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] 1 C.F. 268 (C.F. 1re inst.).

Dans la demande de renseignements qu'il a formulée le 15 janvier 1992 par la voix de M. Eric Vernon du Congrès juif canadien, le requérant a expressément demandé des renseignements au sujet du « statut actuel d'immigrant » de M. Sokolov. L'article 6 de la Loi exige que la demande de renseignements soit faite par écrit et qu'elle soit « rédigée en des termes suffisamment précis pour permettre à un fonctionnaire expérimenté de l'institution de trouver le document sans problèmes sérieux » . En outre, l'article 49 de la Loi ne s'applique qu'en cas de refus du ministre de communiquer un document demandé en vertu de la Loi. Suivant l'interprétation que je fais de la Loi, l'institution fédérale est uniquement tenue de chercher les documents qui se rapportent à la demande et elle n'est tenue de communiquer que les renseignements pertinents qu'ils renferment. Voici à cet égard les propos que le juge Denault de notre Cour a tenus au sujet de l'article 6 dans la décision X, précitée, à la page 87 :

L'article 6 fait au demandeur l'obligation d'indiquer en termes précis ce qu'il cherche à se faire communiquer, et à l'institution fédérale intéressée l'obligation correspondante de faire tous les efforts pour trouver les documents visés par la demande.


Toutefois, le juge Denault a effectivement déclaré plus loin dans la même décision « [q]ue ces renseignements n'aient pas un rapport direct avec la demande de communication ne constitue pas un motif d'exemption prévu par la Loi » . En toute déférence, je conclus que, eu égard aux circonstances de la présente affaire, s'il y avait un document dans le dossier secret qui ne se rapportait pas au statut actuel d'immigrant de M. Sokolov, ce n'est pas un document qui a été demandé et l'intimé n'est donc pas tenu de le communiquer.

J'ai examiné les documents qui, selon ce qu'affirme l'intimé, ne sont pas pertinents et qui ne contiennent aucun renseignement et je souscris à la décision de l'intimé de ne pas les communiquer. Ils ne sont pas pertinents et ils ne contiennent aucun renseignement utile, et encore moins de renseignements se rapportant à la demande du requérant. J'estime qu'on ne pourrait pas sans problème sérieux prélever des extraits de ces documents et les divulguer. Le prélèvement d'extraits de ces documents donnerait lieu à la communication de simples « bribes de renseignements » et ce n'est pas l'objet que vise l'article 25 de la Loi. En outre, ainsi que je l'ai déjà dit, suivant l'interprétation que j'en fais, la Loi oblige uniquement l'intimé à chercher et à communiquer les documents qui se rapportent aux renseignements demandés par le requérant. Qui plus est, ainsi que je l'ai déjà mentionné, je conclus que le petit nombre de pages qui, selon ce qu'affirme l'intimé, sont protégées en vertu de l'article 19 ou de l'article 23, font partie de la catégorie des documents qui ne sont pas pertinents, et je confirme la décision du ministre de refuser leur communication pour ce motif. Par conséquent, je conclus que les pages suivantes du dossier secret ne se rapportent pas aux renseignements demandés par le requérant et que l'intimé n'est pas tenu de les lui communiquer : 259, 269, 273, 294, 296, 298 à 300, 311, 328, 336 et 337, 339 à 343, 348, 364, 421 et 422, 433, 435 à 437.

[88]       De la même façon, la Cour a décidé ceci dans Cistel Technology Inc. c. Canada (Service correctionnel), [2002] A.C.F. no 328 (C.F. 1re inst.) :

[paragr. 7] Cistel prétend que parmi les documents produits par le défendeur, les pièces justificatives de paiement et les formulaires de demande/d'autorisation de travaux ne sont pas visés par la demande. Je suis d'accord. À mon avis, compte tenu des faits de l'espèce, ces documents ne sont pas des factures et il n'est pas nécessaire de les communiquer pour répondre à la demande d'information.

[89]       M. Cunningham, le demandeur d'accès en l'espèce, soutient que les demandeurs ne sont pas habilités à plaider que les documents qu'on se propose de divulguer sont différents de ce qui a été demandé, en s'appuyant sur la déclaration suivante du juge Hugessen, C.A., dans l'arrêt Saint John Shipbuilding Ltd., précité, à la p. 91 :


... l'appelante a laissé entendre que les documents dont on a ordonné la communication étaient, sous quelques aspects, différents de ce qui avait été demandé; pour répondre brièvement à cela, disons que l'intérêt de l'appelante, en tant que tierce partie intervenante dans une demande de renseignements, se limite aux sujets énoncés dans le paragraphe 20(1) et qu'elle ne peut objecter que le gouvernement ait pu avoir donné plus ou moins ce qui était demandé.

[90]       Le Commissaire à l'information se dit d'avis que ce n'est pas le rôle d'un tiers que de décider ce qui est pertinent ou non dans une demande d'accès à l'information. Bien que les institutions fédérales ne soient pas tenues de chercher et de divulguer des documents qui ne sont pas pertinents à la demande d'accès, l'absence de pertinence n'est pas une exemption qu'un tiers puisse invoquer.


[91]       Dans Congrès juif canadien, précité, une décision sur laquelle les demandeurs s'appuient, la question portait sur le refus du ministre de divulguer un document au motif qu'il n'était pas pertinent, et dans Cistel Technology Inc., précité, le juge McKeown a convenu que la pièce justificative de paiement et le formulaire de demande / d'autorisation des travaux n'était pas visés par la demande et qu'il n'était pas nécessaire de les divulguer, sans toutefois en discuter vraiment ou justifier sa décision au vu de la jurisprudence. La formulation de l'article 6 n'interdit pas la divulgation de documents qui ne sont pas pertinents à la demande. En fait, l'article 6 ne traite pas de la pertinence. Il précise simplement que la demande se fait par écrit et qu'elle doit être rédigée en des termes suffisamment précis pour permettre de trouver le document demandé. Il faudrait une interprétation très libre pour arriver à la conclusion que cette formulation impose aux institutions fédérales l'obligation de refuser de divulguer des renseignements qui ne sont pas pertinents à la demande. Compte tenu de l'objectif sous-jacent du Parlement en adoptant la Loi, tel qu'il est inscrit à l'article 2, je conclus que les demandeurs ne peuvent réclamer une exemption pour absence de pertinence. Dans l'arrêt Rubin c. Canada (Ministre des Transports), [1998] 2 C.F. 430 (C.A.F.), notre Cour a exprimé l'avis que les exemptions à l'obligation de divulgation prévues par Loi doivent être interprétées de façon restrictive. Voici ce que dit le juge McDonald, C.A., au paragr. 23 :

Selon moi, donc, toutes les exceptions doivent être interprétées à la lumière de cette disposition [paragr. 2(1)]. C'est-à-dire que toutes les exceptions au droit d'accès doivent être précises et limitées. Cela signifie que lorsque deux interprétations sont possibles, la Cour doit, vu l'intention déclarée du législateur, choisir celle qui porte le moins atteinte au droit d'accès du public. C'est seulement de cette façon que la réalisation de l'objet de la Loi est possible. Il s'ensuit qu'une interprétation (d'une exception) qui permet au gouvernement de cacher des renseignements au public affaiblit l'objet déclaré de la Loi.

[92]       Le défendeur cite des décisions apparemment conflictuelles de notre Cour, savoir La compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. no 344 (C.F. 1re inst.), et SNC-Lavalin c. Canada (Ministre des Travaux publics) [1994], A.C.F. no 1059 (C.F. 1re inst.) au sujet de la question de savoir si un tiers peut invoquer des exemptions autres que celles qui sont précisées à l'article 20 et il avoue volontiers qu'il n'existe pas encore une jurisprudence qui définisse complètement les droits des tiers dans ce contexte.


[93]       En l'espèce, toutefois, les demandeurs veulent que l'on interprète l'article 6 de la Loi comme contenant une interdiction de divulgation de renseignements non pertinents, interdiction sur laquelle un tiers peut s'appuyer comme s'il s'agissait d'une exemption à la divulgation permise par la Loi. Une note du Conseil du Trésor datée du 4 décembre 1992 indique clairement qu' « [e]n vertu de la loi, la non-pertinence n'est pas un motif pour exclure ou protéger une partie d'un document » et qu' « [i]l va sans dire qu'il incombe à l'institution de déterminer ce qui est ou non pertinent à une demande; cependant, cette décision est normalement fondée sur un examen de chaque document afin de déterminer s'il est raisonnable de séparer les informations pertinentes de celles qui ne le sont pas » . Je ne trouve pas de fondement dans Congrès juif canadien, précité, ou dans Cistel, précité, qui justifierait que j'adopte l'interprétation de l'article 6 préconisée par les demandeurs. Le fait qu'une institution ne soit pas obligée de divulguer des renseignements non pertinents à un demandeur d'accès n'accorde pas aux tiers le droit d'empêcher la divulgation au motif de la non-pertinence. Dans l'éventualité où je serais dans l'erreur à ce sujet, je conclus, pour les motifs qui suivent, que c'est à bon droit que le Commissaire à l'information avait décidé que de toute façon les documents étaient pertinents à la demande de M. Cunningham. Dans le contexte de la demande et de la préparation des documents, l'ADRC n'avait pas tort de conclure que les questions de contrôle, d'offre et de demande, étaient intimement liées à l'amélioration du marquage « droit acquitté » . Bien sûr, il est possible d'interpréter la notion de pertinence de façon restrictive et de dire que la requête ne portait que sur le marquage/estampillage. Toutefois, dans le contexte de la demande, il est aussi éminemment sensé de considérer ces questions comme faisant partie d'une préoccupation plus large au sujet de la contrebande. Selon M. Kenneth Kyle, directeur, questions d'intérêt public, Société canadienne du cancer :

[traduction]

[16.] De toute façon, les documents demandés en l'espèce en vertu de la LAI se situent tout à fait dans le cadre de la demande. Le niveau de la demande et de l'offre du tabac, ainsi qu'un rapport sur la contrebande, sont des questions intimement liées au besoin d'améliorer le marquage « droit acquitté » en tant que mesure pour combattre la contrebande. La pertinence de ces renseignements ressort du débat de politique publique en cours au moment où la demande d'accès a été présentée, ainsi que par les réponses à deux engagements pris suite à l'interrogatoire de Kenneth Kyle, directeur, questions d'intérêt public, Société canadienne du cancer.


[94]       Les demandeurs ont présenté des arguments solides voulant qu'au vu de la preuve déposée par les demandeurs et par les fonctionnaires de l'ADRC, tant les demandeurs que l'ADRC avaient régulièrement exprimé l'avis que les documents, ou à tout le moins la plupart d'entre eux, n'étaient pas pertinents à la demande, et ils avaient agi comme si la pertinence était un élément à considérer en vertu de l'article 6 de la Loi. Toutefois, je ne peux conclure que ce que les parties elles-mêmes ont pu dire ou faire à l'occasion au sujet de la pertinence soit un élément déterminant.

[95]       Le Commissaire à l'information était aussi saisi de ces questions et il a conclu, avec raison selon moi, « qu'on a donné une interprétation indûment restrictive à la demande d'accès et qu'on n'aurait pas dû refuser la divulgation des documents en cause au motif qu'ils n'étaient pas pertinents à la demande » . Par conséquent, je ne considère pas que l'absence de pertinence soit un motif justifiant une ordonnance de non-divulgation en l'espèce.

X.    LES EXEMPTIONS

[96]       En plus de la pertinence, les demandeurs soutiennent que les documents doivent être exclus en vertu des diverses exemptions que l'on trouve au paragraphe 20(1) de la Loi.

A. 20(1)a)                         Secrets industriels de tiers


[97]       Les demandeurs soutiennent qu'un secret industriel est un renseignement qui leur appartient, qui est gardé très jalousement et est très précieux pour celui qui le possède. Sa seule divulgation ferait naître en faveur du propriétaire une présomption de préjudice. De toute façon, il n'est pas nécessaire de démontrer l'existence d'un préjudice pour invoquer l'exemption prévue à l'alinéa 20(1)a).

[98]       Le point de vue des demandeurs est que le rapport A a une composante de secret industriel par suite de sa méthodologie unique, qui consiste à utiliser les grandes enquêtes sociales pour arriver à une estimation de la consommation réelle et ensuite comparer la consommation réelle aux ventes avec « droit acquitté » , afin d'établir un chiffre estimatif du commerce non déclaré. Cette démarche contient des approches et méthodologies particulières utilisant des analyses économétriques. Aucun autre consultant n'a élaboré ou utilisé la même méthodologie ou des méthodologies semblables. Par conséquent, toute divulgation du rapport A mettrait ces méthodologies à la disposition de concurrents dans le domaine des analyses statistiques.

[99]       Selon les demandeurs, le rapport B contient aussi des procédures, méthodologies et techniques d'analyse dont ils sont propriétaires et qui ont une valeur inestimable pour B, celui-ci les ayant toujours conservées secrètes.

[100] Le défendeur soutient qu'au vu de la formulation de l'alinéa 20(1)a), la notion de « secrets industriels » doit s'interpréter plutôt restrictivement. Il s'appuie sur l'extrait suivant de la décision du juge Strayer dans Société Gamma Inc., précité, au paragr. 7 (QL) :


[...] Malheureusement, il n'existe aucune jurisprudence qui fasse autorité sur ce que peut être un « secret industriel » aux fins de la Loi sur l'accès à l'information. On peut cependant conclure, je crois, que, dans le contexte du paragraphe 20(1), la notion de secrets industriels doit s'interpréter plutôt restrictivement, puisqu'il faut supposer que cette catégorie ne chevauche pas les autres. En particulier, les secrets industriels sont à distinguer d'avec les « renseignements [...] commerciaux [...] confidentiels fournis à une institution fédérale [...] qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante » , que protège l'alinéa b). Ni l'alinéa a) ni l'alinéa b) ne nécessite qu'on fasse la preuve d'un préjudice résultant de la divulgation des renseignements pour que ceux-ci soient protégés. Or, il doit y avoir une différence quelconque entre un secret industriel et des renseignements qui sont simplement « confidentiels » et qui sont fournis à une institution fédérale. Pour ma part, j'estime qu'un secret industriel doit être un renseignement, probablement de caractère technique, que l'on garde très jalousement et qui est pour celui qui le possède tellement précieux que sa seule divulgation ferait naître en faveur de ce possesseur une présomption de préjudice. [...]

[101] Le défendeur soutient que, s'agissant du rapport A, les demandeurs n'ont déposé aucune preuve qui appuierait une conclusion favorable aux secrets industriels et que, s'agissant du rapport B, les demandeurs n'ont fait que des déclarations générales quant à la valeur du rapport pour son propriétaire, et qu'ils n'ont pas vraiment traité de la nature technique des renseignements, non plus que de la façon dont ils sont protégés et de leur aspect particulier.

[102] M. Cunningham se dit d'avis que les demandeurs n'ont pas satisfait à leur fardeau de démontrer que la méthodologie du rapport A est réellement « secrète » , puisque le rapport a été distribué à d'autres gouvernements à travers le Canada, ainsi qu'à des organismes de l'application de la loi, et que son degré de diffusion par la suite n'est pas connu. De plus, on peut prétendre que tous les rapports de consultant préparés pour ou présentés au gouvernement ont une approche, une méthodologie, ou un contenu unique. Par conséquent, le fait d'accepter les arguments des demandeurs au sujet de ces méthodologies dans le rapport A équivaudrait à une conclusion de la Cour que la grande variété de rapports présentés au gouvernement ne peuvent être divulgués.


[103] Je ne peux partager l'avis de M. Cunningham à ce sujet. La reconnaissance d'une catégorie précise de secrets industriels, selon la définition donnée par le juge Strayer dans Société Gamma Inc., précité, ne mène pas comme il le prétend à une exemption globale. La seule question à trancher au vu des faits en l'espèce consiste à savoir si les demandeurs ont établi le secret industriel en ce qu'il s'agirait d'un « renseignement de caractère technique, que l'on garde très jalousement et qui est pour celui qui le possède tellement précieux que sa seule divulgation ferait naître en faveur de ce possesseur une présomption de préjudice » .

[104] Lorsqu'on lui a posé des questions au sujet de ces aspects du rapport A, l'auteur a déclaré [traduction] « qu'il est très technique, tant par le genre de données utilisées et autres choses du même type, et il ne serait pas normalement compris sauf par quelqu'un qui travaille directement avec ces données » . La méthodologie est une chose que l'auteur a [traduction] « perfectionnée à l'occasion de la préparation de plusieurs études confidentielles » . Ses préoccupations principales portent sur le fait qu'une partie des données lui ont été confiées sous le sceau de la confidentialité, [traduction] « et il ne s'agit pas de quelque chose que je suis autorisé légalement à diffuser, parce qu'on me les a confiées sous le sceau absolu de la confidentialité et qu'à ma connaissance, elles ne sont pas disponibles sous une forme accessible au public » .


[105] Ceci ne suffit pas à placer ces renseignements dans le cadre étroit et technique de « secret industriel » exposé par le juge Strayer dans Société Gamma Inc., précité. L'auteur semble parler d'une méthode de traiter les données qu'il a développée après plusieurs années d'expérience. En arrivant à cette conclusion, je présume que le terme « technique » utilisé par le juge Strayer a la signification de quelque chose « qui concerne les arts mécaniques et les sciences appliquées » . Je sais pertinemment qu'il existe des définitions plus larges du terme « technique » , et que le juge Campbell semble avoir adopté une interprétation plus large dans PriceWaterhouseCoopers, LLP c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), [2001] A.C.F. 1439 (C.F. 1re inst.), décision dans laquelle il rejette toute distinction entre la méthodologie et les réalisations attendues et conclut que le travail effectué en l'espèce est « un renseignement de caractère technique » selon la définition de secret industriel donné par le juge Strayer dans Société Gamma Inc., précité. Je ne veux pas dire ici que je suis en désaccord avec la décision du juge Campbell dans PriceWaterhouseCoopers, précité. En l'espèce, la preuve irait plutôt dans le sens d'une connaissance analytique constituée par plusieurs années d'expérience intensive, et elle n'est pas assez solide pour établir une méthodologie unique qui pourrait satisfaire à une définition même large du terme « technique » .

[106] De la même façon, je ne trouve pas dans les éléments de preuve qui me sont soumis au sujet du rapport B et des lettres couverture une preuve qui justifierait qu'on place ces documents dans la catégorie limitée et précise de « secret industriel » au sens de l'alinéa 20(1)a).

B. Alinéa 20(1)b)

[107] L'argument le plus solide des demandeurs veut que les documents contiennent des renseignements financiers et commerciaux fournis à une institution fédérale par un tiers, renseignements qui ont été traités comme confidentiels de façon constante par le tiers.


[108] Les deux rapports ont été préparés sous forme de projet pour distribution à un public limité et averti et, comme il ressort clairement des lettres couverture, ils ont été envoyés à l'ADRC sous le sceau de la confidentialité.

[109] Les demandeurs soutiennent que le rapport A contient des renseignements qui regroupent essentiellement des données de l'industrie fournies à A par les acteurs de l'industrie, sur une base confidentielle et en vue de leur agrégation dans le rapport. Ces données ont un caractère financier et commercial. De plus, les rapports sont aussi la propriété commerciale et confidentielle du CCFPT, un organisme qui ne dévoile pas l'identité des consultants qu'il utilise, au vu du préjudice qu'ils pourraient subir pour avoir accepté de travailler pour l'industrie du tabac.

[110] Les demandeurs soutiennent aussi qu'il n'a jamais été question de publier le rapport B, où l'on trouve une description des procédures et méthodes confidentielles utilisées dans sa préparation. Ces renseignements ne sont pas disponibles d'autres sources et ils ont été traités comme confidentiels de façon constante par B, tant en ce qui concerne le rapport entier que les parties qui traitent du marquage/estampillage.

[111] Les demandeurs soutiennent que le gouvernement a l'obligation d'agir de bonne foi à l'égard des renseignements qu'on lui transmet, puisqu'il est dans l'intérêt public de préserver ses liens avec les tiers comme le CCFPT.


[112] Le CCFPT, A, B et l'ADRC avaient une assurance raisonnable que les documents ne seraient pas divulgués. Si les demandeurs avaient imaginé qu'on pouvait divulguer ces documents, ils auraient enlevé le nom des consultants et exigé qu'on ampute les rapports de parties importantes. Les projets ont été distribués aux fins de discussion seulement, comme il est clair au vu des lettres couverture.

[113] Les demandeurs soutiennent que les rapports n'ont été distribués qu'à un public limité et averti et qu'il n'y a aucune preuve voulant que les récipiendaires n'en aient pas préservé la confidentialité.

[114] Le défendeur soutient, avec raison, que la décision de notre Cour dans Air Atonabee, précité, précise que pour l'application de l'alinéa 20(1)b) de la Loi, il doit s'agir de renseignements :

1) financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, selon le sens courant de ces termes;

2) de nature confidentielle, suivant un critère objectif qui tient compte du contenu des renseignements, de leur objet et des circonstances entourant leur préparation et communication;

3) fournis à une institution fédérale par un tiers; et

4) qui sont traités comme confidentiels de façon constante par le tiers.


[115] L'ADRC avoue qu'en l'espèce les demandeurs lui ont fourni les documents sous le sceau de la confidentialité. Le ministre n'est toutefois pas d'avis que les documents contiennent des renseignements commerciaux ou financiers, et il déclare carrément qu'il s'agit de rapports d'analyse qui décrivent les tendances dans l'industrie du tabac et où l'on trouve des analyses statistiques et des commentaires des auteurs. Les lettres couverture présentent simplement un survol des rapports et, comme tel, on ne peut dire qu'ils contiennent des renseignements commerciaux ou financiers.

[116] De plus, le défendeur soutient que les demandeurs n'ont pas démontré que les documents sont confidentiels suivant un critère objectif et que, même si le contenu des rapports était jugé confidentiel, les lettres couverture ne satisferaient pas au critère.

[117] La preuve par affidavit sur la confidentialité contient des renseignements généraux de nature générique. On n'y trouve pas le détail requis pour satisfaire au critère objectif de la confidentialité.

[118] Le Commissaire à l'information vient appuyer le point de vue du défendeur et il ajoute que le rapport A est fondé presque entièrement sur des statistiques obtenues de Statistique Canada et de Santé Canada. Ces renseignements sont à la disposition du public. Lorsque le rapport A utilise les données de vente par province compilées par les trois sociétés membres du CCFPT, les renseignements sont regroupés et ils ne sont pas identifiés précisément pour chaque société.


[119] M. Cunningham va plus loin en soutenant que le but principal visé par l'envoi des rapports à l'ADRC était d'influencer la politique gouvernementale. Il ne s'agit pas ici d'une affaire où les renseignements auraient été préparés dans un objectif commercial indépendant, pour ensuite être transmis au gouvernement. En fait, l'industrie du tabac est bien connue pour diffuser des rapports au grand public au sujet de la contrebande, dans le cadre d'une campagne continue de relations publiques et de lobbying pour influencer les politiques fiscales du gouvernement visant le tabac. Par conséquent, la prétention de l'industrie que ces rapports seraient confidentiels est complètement incohérente avec la pratique passée et leur objectif évident.

[120] Je ne peux convenir que tous les documents constituent des renseignements confidentiels de nature financière ou commerciale. La seule question à trancher consiste à savoir si une partie des documents peut faire l'objet d'une exemption pour ce motif. Un examen des rapports et de la preuve déposée fait ressortir ce qui suit :


1. Le rapport A ne contient aucun renseignement financier ou commercial au sens courant de ces termes, qu'il s'agisse de la méthodologie utilisée ou des données analysées. Les renseignements qu'on y trouve portent sur les tendances en matière d'habitudes de fumer et de consommation des produits du tabac, sur les approvisionnements « droit acquitté » , sur l'existence de marchés des produits du tabac hors taxe et sur des estimations de volume. On y trouve aussi certaines réserves et conclusions fondées sur les données relatives à ces catégories. Ces données ont certainement un aspect commercial, mais en l'espèce elles ne sont pas de nature commerciale au premier chef. Dans l'éventualité où je serais dans l'erreur à ce sujet, je conclus, pour les motifs qui suivent, que les renseignements ne sont pas confidentiels.

2.      De la même façon, le rapport B contient des données commerciales ou financières, mais encore une fois ces données sont regroupées en tendances générales et elles forment la base d'une analyse de la contrebande et de la distribution illicite de tabac au Canada. Il ne s'agit pas là de renseignements rassemblés dans un objectif commercial ou financier, mais bien de données tirées d'activités commerciales et utilisées à d'autres fins. Dans l'éventualité où je serais dans l'erreur à ce sujet, je conclus, pour les motifs qui suivent, que les renseignements ne sont pas confidentiels.

3.      En sus du contenu évident des deux rapports, il y a une méthodologie analytique utilisée pour traiter les données et tirer les conclusions. On peut considérer qu'il s'agit là de renseignements commerciaux utilisés pour produire les rapports. Ayant décidé qu'il ne s'agit pas d'un secret industriel, la question consiste maintenant à savoir si on peut traiter ces renseignements comme confidentiels au sens de la Loi.


[121] La juge Layden-Stevenson a examiné la jurisprudence qui porte sur la confidentialité dans ce contexte, dans Brookfield LePage Johnson Controls Facility Management Services c. Canada (Ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux), [2003] A.C.F. no 348 (C.F. 1re inst.), où elle cite le résumé de la jurisprudence que fait le juge MacKay dans Air Atonabee, précité :

[paragr. 13]      Dans la décision Air Atonabee, Monsieur le juge MacKay examine les décisions faisant autorité en matière de confidentialité; il conclut ce qui suit :

[...] la question de savoir si un renseignement est de nature confidentielle dépend de son contenu, de son objet et des circonstances entourant sa préparation et sa communication, c'est-à-dire :

a) le contenu du document est tel que les renseignements qu'il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef,

b) les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement dans l'assurance raisonnable qu'ils ne seront pas divulgués;

c) les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l'exige ou parce qu'ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d'une relation de confiance entre l'Administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d'une relation qui n'est pas contraire à l'intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l'intérêt public.

[122] Au vu des faits qui lui étaient présentés, la juge Layden-Stevenson a présumé que les renseignements avaient été fournis par un tiers qui avait traité les documents comme confidentiels de façon constante. Elle était aussi disposée à présumer que les renseignements étaient de nature commerciale. Elle ajoute ensuite :

[...] S'agit-il toutefois de documents confidentiels?


[paragr. 16]      La réponse doit être établie objectivement : Société Gamma Inc. c. Canada (Secrétaire d'État) (1994), 79 F.T.R. 42 (1re inst.) (Société Gamma); Maislin; Air Atonabee. Le fait que les renseignements ont jusqu'à maintenant été tenus confidentiels ne constitue qu'un aspect du critère. La jurisprudence est dans une certaine mesure incohérente pour ce qui est de la question de savoir si un engagement exprès pris par l'administration au sujet de la confidentialité est déterminant, mais selon l'ensemble des décisions judiciaires faisant autorité, il n'est pas possible de se soustraire à l'application de la Loi : Société Gamma; Société Radio-Canada c. Commission de la capitale nationale (1998), 147 F.T.R. 264 (Société Radio-Canada); St. Joseph Corporation c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux) (2002), 218 F.T.R. 41 (St. Joseph); Ottawa Football Club c. Canada (Ministre de la Condition physique et du Sport amateur), [1989] 2 C.F. 480 (1re inst.) (Ottawa Football); Canada (Commissaire à l'information) c. Agence de promotion économique du Canada atlantique (1999), 250 N.R. 314 (C.A.F.).

[paragr. 17]      En fin de compte, les ententes de confidentialité peuvent être prises en compte, mais elles ne peuvent pas l'emporter sur les dispositions législatives expresses de la Loi ou les déjouer. À cet égard, je me fonde sur le passage suivant de la décision Ottawa Football et j'adopte entièrement les remarques qui y sont faites :

[...] il ne leur suffit pas de déclarer leur demande confidentielle pour la rendre telle de façon objective. Un tel principe saperait sûrement pour une grande part l'objectif de la Loi, qui consiste en partie à rendre disponibles au public les documents ayant motivé une certaine mesure gouvernementale ou son refus. Il ne serait pas davantage conforme à cet objectif qu'un ministre ou ses fonctionnaires puissent exempter des documents d'être communiqués en s'engageant simplement, lors de leur remise, à les considérer comme confidentiels.

[...]

[paragr. 19]      Je conclus que les documents révisés qui sont encore en litige ne peuvent pas, selon une norme objective, être considérés comme confidentiels. J'ai examiné les éléments à fond et avec vigilance et je conclus qu'ils sont composés de renseignements généraux de nature générique. Conformément au raisonnement que le juge MacKay a fait dans la décision Promaxis Systems Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) (2002), 21 C.P.R. (4th) 204 (C.F. 1re inst.), je conclus également que, pour des raisons d'ordre public, les renseignements en question ne sont pas des renseignements confidentiels au sens de l'alinéa 20(1)b), et ce, peu importe la façon dont BLJC les considérait et les traitait.

[123] Au vu des faits qui me sont présentés, je n'ai aucune raison de contester la preuve des demandeurs qui veut que les renseignements contenus dans les deux rapports ont été fournis par des tiers qui ont traité leur méthodologie analytique comme confidentielle de façon constante. Qui plus est, je suis disposé à accepter que le ministre a traité ces renseignements comme confidentiels jusqu'ici et qu'ils n'ont été distribués qu'à un groupe limité et averti. Les rapports étaient des projets envoyés par le CCFPT sous « le sceau de la confidentialité » , étant entendu que leur [traduction] « diffusion serait limitée aux personnes directement impliquées dans la perception des taxes sur le tabac » .


[124] Toutefois, comme la jurisprudence citée par la juge Layden-Stevenson le démontre, on ne peut utiliser une entente pour se soustraire à la Loi. Il est donc difficile de voir comment une demande de conserver la confidentialité, ainsi que le comportement des parties, pourraient être déterminants en l'espèce. Pour reprendre les mots du juge Layden-Stevenson, ces ententes ne peuvent « l'emporter sur les dispositions législatives expresses de la Loi » . Les intérêts du gouvernement et son besoin d'avoir de bonnes relations de travail avec des organismes comme le CCFPT ne concordent pas nécessairement avec l'intérêt public. L'objectif de la Loi est d'assurer l'accès au public, sous réserve d'exceptions limitées. Ceci peut compliquer la vie d'institutions comme l'ADRC, mais il ne s'agit pas d'un argument qui justifie un refus de divulgation. Pour des raisons de politique publique, ces renseignements ne peuvent pas être gardés confidentiels dans le contexte de l'alinéa 20(1)b). Les documents ont été présentés au gouvernement dans l'objectif de traiter de questions qui peuvent avoir un impact, ou qui ont peut-être déjà eu un impact, sur la politique gouvernementale en matière de tabac. Le fait d'en refuser l'accès au public ferait que celui-ci n'a aucun moyen de réagir, contrecarrant ainsi l'objectif même de la Loi.

C. Alinéa 20(1)c)

[125] Les demandeurs soutiennent que la divulgation de la méthodologie utilisée dans le rapport A viendrait vraisemblablement faciliter la tâche de leurs concurrents lorsqu'ils soumissionneront contre A à l'avenir. Par conséquent, cette divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à la compétitivité de A, au sens de l'exemption que l'on trouve à l'alinéa 20(1)c) de la Loi.


[126] En fait, les demandeurs soutiennent que la divulgation de l'identité de A et de son associé principal viendra entraver la capacité de A dans l'avenir à soumissionner avec succès pour d'autres occasions d'affaires, puisqu'il existe des organismes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du gouvernement, qui ne sont pas disposés à faire affaires avec ceux qui ont travaillé pour l'industrie du tabac. La divulgation des sources va venir entraver encore plus les affaires dans l'avenir.

[127] De la même façon, la divulgation du rapport B permettra aux concurrents de B d'avoir accès à sa méthodologie et à ses techniques et de les utiliser, ce qui fait que ses concurrents pourront utiliser ces renseignements sans effort ou sans investissement de leur part, le tout au détriment de la position concurrentielle de B. De plus, tout comme A, B a sciemment évité de faire état des travaux faits récemment pour l'industrie du tabac, de peur que ceci nuise à ses affaires à l'avenir. La divulgation des lettres couverture aurait le même résultat.

[128] Les demandeurs soutiennent de plus que la preuve de A et de B à ce sujet n'a pas été contredite et qu'il faut donc l'accepter.

[129] Le défendeur se dit d'avis que les demandeurs n'ont pas démontré l'existence d'un risque vraisemblable de préjudice probable au sens de l'alinéa 20(1)c). Ils se sont contentés d'affirmer qu'il y aura un préjudice si l'on autorise la divulgation. Au mieux, leur preuve est fondée sur des suppositions.


[130] À ce sujet, on peut tirer un enseignement de la déclaration suivant du juge Gibson dans SNC Lavalin Inc. c. Canada (Ministre de la Coopération internationale), [2003] A.C.F. no 870 (C.F. 1re inst.) :

[...] il ne suffit pas simplement que la demanderesse établisse que la communication pourrait lui causer un préjudice. Une hypothèse, quelque éclairée qu'elle soit, ne répond pas aux critères du risque vraisemblable de perte financière ou de préjudice à la position concurrentielle de l'intéressée.

[131] Mon examen de la preuve des demandeurs au sujet du risque vraisemblable de perte ou profit financier m'amène à la conclusion qu'elle est fondée sur des suppositions, même s'il n'y a pas eu de contre-interrogatoire à ce sujet. Au mieux, les demandeurs expriment leurs craintes quant à ce qui pourrait arriver. Ils ne démontrent pas l'existence d'un risque vraisemblable de préjudice probable au sens de l'alinéa 20(1)b). De plus, si l'on accepte prima facie l'assertion des demandeurs que les documents, ainsi que les liens entre le CCFPT et l'ADRC, ne sont pas du lobbying, il est difficile de voir comment leur réputation serait diminuée par la divulgation de documents dont l'objectif est d'assurer l'application de la loi et de contrer les actes de contrebande. Si les documents étaient du lobbying partisan, la chose pourrait être différente, mais les demandeurs déclarent que l'objectif des rapports est de [traduction] « donner au CCFPT et aux gouvernements impliqués dans la perception de taxes le meilleur survol indépendant des activités de contrebande du tabac » .


D.      Alinéa 20(1)d)

[132] Finalement, pour à peu près les mêmes raisons invoquées par rapport à l'alinéa 20(1)c), les demandeurs soutiennent que la divulgation des documents risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations en vue de contrats ou à d'autres fins.

[133] Comme le défendeur le souligne, les demandeurs doivent démontrer qu'il y a une probabilité et non une simple possibilité ou supposition que la divulgation des renseignements vienne entraver des négociations en vue de contrats ou à d'autres fins : Saint John Shipbuilding Ltd., précité. Afin que l'on puisse distinguer les motifs invoqués en vertu de l'alinéa 20(1)d) de ceux invoqués en vertu de l'alinéa 20(1)c), les demandeurs doivent démontrer l'existence d'empêchement ou entrave à des négociations contractuelles.

[134] Un examen de la preuve déposée par les demandeurs à ce sujet fait ressortir encore une fois que leurs craintes sont fondées sur des suppositions, ce qui ne satisfait pas au fardeau de démontrer qu'il y a lieu d'appliquer l'alinéa 20(1)d) en leur faveur.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

1.       La demande est rejetée en entier.


2.       Les défendeurs et les parties ajoutées ont droit aux dépens relatifs à cette demande.

                                                                                      « James Russell »             

                                                                                                             Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                T-877-00

INTITULÉ :                                               LE CONSEIL CANADIEN DES FABRICANTS DES PRODUITS DU TABAC

A et B (Confidentiel)

demandeurs

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

et

LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA et

ROBERT CUNNINGHAM

parties ajoutées

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE LUNDI 2 JUIN 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                           LE 8 SEPTEMBRE 2003

COMPARUTIONS :    

M. Christopher J. Matthews                                             pour les demandeurs

M. Christopher Rupar                                     pour le défendeur

M. Daniel Brunet                                              pour le Commissaire à l'information

M. Robert Cunningham                                        pour Robert Cunningham

                                                                                                                   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fraser Milner Casgrain                                       pour les demandeurs

Toronto (Ontario)            

Ministère de la Justice                                     pour le défendeur

Ottawa (Ontario)

Bureau du Commissaire à l'information         pour les parties ajoutées

Ottawa (Ontario)

Robert Cunningham

Ottawa (Ontario)


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