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Date : 20010820

Dossier : T-2408-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 20 AOÛT 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

ENTRE :

                                                                        KEN RUBIN

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                                        LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                                      défendeur

ORDONNANCE

La demande de révision présentée par le demandeur en vertu de l'article 41 de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, est rejetée avec dépens en faveur du défendeur.

          Marc Nadon          

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.



Date : 20010821

Dossier : T-2408-98

Référence neutre : 2001 CFPI 929

ENTRE :

                                                                        KEN RUBIN

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                                        LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]                 Il s'agit d'une demande de révision présentée en vertu de l'article 41 de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1 (la Loi). Le demandeur a demandé au défendeur, qui a refusé, de lui communiquer certaines parties d'une étude spéciale de Santé Canada sur l'innocuité des inhibiteurs des canaux calciques (médicaments ICC). L'étude comprenait les données connues et les résultats de la recherche effectuée relativement aux médicaments ICC, ainsi qu'un rapport d'un expert-conseil, le Dr A. Gelsema, sur l'innocuité des médicaments ICC.


LES FAITS

[2]                 Dans une lettre datée du 30 mai 1997, le demandeur a demandé au défendeur de lui communiquer un rapport intitulé « Special Review on the Safety of Calcium Channel Blockers » (Étude spéciale sur l'innocuité des inhibiteurs des canaux calciques), daté du 1er avril 1997 (le Rapport). Le Rapport comprenait un rapport préparé par le Dr Suzanne Desjardins et dix annexes. L'annexe deux du rapport demandé était un rapport rédigé par le Dr Aledius Gelsema, intitulé « Special Review Project on the Safety of Calcium Channel Blockers: Summary of Available Information » (le Rapport Gelsema) qui avait été fourni au défendeur conformément au marché 5489 en décembre 1996.

[3]                 Dans une lettre en date du 17 octobre 1997, le défendeur a fourni au demandeur une première version révisée du Rapport (la version 1). Cette version du Rapport, préparée en avril 1997, par le Dr Suzanne Desjardins, a été créée pour diffusion publique après que des personnes ont demandé le Rapport. Elle n'a pas été préparée dans le contexte d'une demande de communication formulée en vertu de la Loi, ni en réponse à pareille demande.


[4]                 Le 21 octobre 1997, le demandeur a déposé une plainte auprès du Commissaire à l'information concernant la réponse à sa demande. À la suite de la plainte du demandeur et de l'enquête entreprise par l'enquêteur du Commissariat à l'information, le défendeur a procédé à une deuxième révision du Rapport.

[5]                 Dans une lettre en date du 15 juillet 1998, le défendeur a communiqué avec tous les tiers touchés par la communication du Rapport, ainsi qu'avec le gouvernement australien. En réponse à la lettre du défendeur, huit tiers ont présenté des observations au défendeur pour s'opposer à la communication de certaines parties du Rapport demandé. Sur réception de ces observations et de celles du gouvernement australien, le défendeur a conclu qu'il y avait lieu de refuser de communiquer certaines parties du Rapport conformément aux alinéas 20(1)b) ou c) de la Loi.

[6]                 Dans une lettre en date du 20 octobre 1998, le défendeur a fourni au demandeur une deuxième version révisée du Rapport (la version 2) et a informé le demandeur du fait que certains renseignements n'avaient pas été communiqués parce qu'ils répondaient aux conditions d'exemption fixées par les alinéas 20(1)b) et c) de la Loi. Dans une lettre en date du 12 janvier 1999, le défendeur a informé le demandeur que certains renseignements avaient aussi été omis en vertu de l'article 13 de la Loi. La mention de l'article 13 de la Loi avait été omise dans la lettre du 20 octobre 1998.

[7]                 Dans une lettre en date du 5 novembre 1998, le Commissaire à l'information a communiqué au demandeur le résultat de son enquête. En ce qui concerne le paragraphe 20(1) de la Loi, le Commissaire à l'information a tiré la conclusion suivante :


[Traduction] Après avoir examiné les exemptions prévues par l'alinéa 20(1)b), je suis convaincu que les renseignements qui ont été soustraits à la communication sont des renseignements commerciaux, scientifiques ou techniques qui ont été fournis à Santé Canada par différents tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ces tiers et par Santé Canada. Le ministère a envisagé et rejeté la communication fondée sur des raisons d'intérêt public prévue par le paragraphe 20(6). Je suis d'avis que les exemptions prévues par l'alinéa 20(1)b) de la Loi ont été appliquées régulièrement et que le pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 20(6) a été exercé correctement. Compte tenu de cette opinion, il n'est pas nécessaire que je me prononce sur l'application des alinéas 20(1)c) et d) de la Loi relativement aux mêmes documents.

[8]                 Le 21 décembre 1998, le demandeur a déposé la présente demande de révision de la décision du défendeur de ne pas communiquer le Rapport en entier. Dans une lettre en date du 27 janvier 1999, le défendeur a avisé huit tiers et le gouvernement australien de la demande de révision déposée par le demandeur, conformément à l'article 43 de la Loi.

[9]                 À la suite de cet avis donné au tiers, le défendeur a reçu des lettres de plusieurs d'entre eux, selon lesquelles certaines parties des renseignements non communiqués devaient demeurer confidentielles. Comme ces lettres indiquaient aussi que certains renseignements n'étaient plus considérés confidentiels par les tiers, des éléments additionnels ont été communiqués au demandeur. Dans une lettre en date du 5 février 1999, un tiers et le gouvernement australien ont exposé de nouveaux motifs de refuser la communication de certaines parties des éléments demandés.

[10]            LES QUESTIONS EN LITIGE

1.         Le refus du défendeur de communiquer certaines parties du Rapport demandé par application des alinéas 20(1)b) et c) de la Loi était-il justifié?


2.         Le défendeur a-t-il exercé correctement le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 20(6) de la Loi?

3.         Le refus du défendeur de communiquer certaines parties du Rapport en vertu de l'alinéa 13(1)a) de la Loi était-il justifié?

[11]            DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION


2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

10. (1) En cas de refus de communication totale ou partielle d'un document demandé en vertu de la présente loi, l'avis prévu à l'alinéa 7a) doit mentionner, d'une part, le droit de la personne qui a fait la demande de déposer une plainte auprès du Commissaire à l'information et d'autre part :

[...]

b) soit la disposition précise de la présente loi sur laquelle se fonde le refus ou, s'il n'est pas fait état de l'existence du document, la disposition sur laquelle il pourrait vraisemblablement se fonder si le document existait.

10. (1) Where the head of a government institution refuses to give access to a record requested under this Act or a part thereof, the head of the institution shall state in the notice given under paragraph 7(a)

[...]

(b) the specific provision of this Act on which the refusal was based or, where the head of the institution does not indicate whether a record exists, the provision on which a refusal could reasonably be expected to be based if the record existed,

and shall state in the notice that the person who made the request has a right to make a complaint to the Information Commissioner about the refusal.


13. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements obtenus à titre confidentiel :

a) des gouvernements des États étrangers ou de leurs organismes;

b) des organisations internationales d'États ou de leurs organismes;c) des gouvernements des provinces ou de leurs organismes;

d) des administrations municipales ou régionales constituées en vertu de lois provinciales ou de leurs organismes.

13. (1) Subject to subsection (2), the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains information that was obtained in confidence from

(a) the government of a foreign state or an institution thereof;

(b) an international organization of states or an institution thereof;

(c) the government of a province or an institution thereof;

(d) a municipal or regional government established by or pursuant to an Act of the legislature of a province or an institution of such a government.

20. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

a) des secrets industriels de tiers;

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.

20. (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains

(a) trade secrets of a third party;

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.

20. (6) Le responsable d'une institution fédérale peut communiquer, en tout ou en partie, tout document contenant les renseignements visés aux alinéas (1)b), c) et d) pour des raisons d'intérêt public concernant la santé et la sécurité publiques ainsi que la protection de l'environnement; les raisons d'intérêt public doivent de plus justifier nettement les conséquences éventuelles de la communication pour un tiers : pertes ou profits financiers, atteintes à sa compétitivité ou entraves aux négociations qu'il mène en vue de contrats ou à d'autres fins.

20. (6) The head of a government institution may disclose any record requested under this Act, or any part thereof, that contains information described in paragraph (1)(b), (c) or (d) if that disclosure would be in the public interest as it relates to public health, public safety or protection of the environment and, if the public interest in disclosure clearly outweighs in importance any financial loss or gain to, prejudice to the competitive position of or interference with contractual or other negotiations of a third party.


41. La personne qui s'est vu refuser communication totale ou partielle d'un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l'information peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l'expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.

41. Any person who has been refused access to a record requested under this Act or a part thereof may, if a complaint has been made to the Information Commissioner in respect of the refusal, apply to the Court for a review of the matter within forty-five days after the time the results of an investigation of the complaint by the Information Commissioner are reported to the complainant under subsection 37(2) or within such further time as the Court may, either before or after the expiration of those forty-five days, fix or allow.43. (1) Sur réception d'un avis de recours en révision exercé en vertu des articles 41 ou 42, le responsable d'une institution fédérale qui avait refusé communication totale ou partielle du document en litige donne à son tour avis du recours au tiers à qui il avait donné l'avis prévu au paragraphe 27(1) ou à qui il l'aurait donné s'il avait eu l'intention de donner communication totale ou partielle du document.

(2) Le tiers qui est avisé conformément au paragraphe (1) peut comparaître comme partie à l'instance.

43. (1) The head of a government institution who has refused to give access to a record requested under this Act or part thereof shall forthwith on being given notice of any application made under section 41 or 42 give written notice of the application to any third party that the head of the institution has notified under subsection 27(1) in respect of the request or would have notified under that subsection if the head of the institution had intended to disclose the record or part thereof.

(2) Any third party that has been given notice of an application for a review under subsection (1) may appear as a party to the review.


LES ARGUMENTS

(A) Le demandeur

[12]            Le demandeur soutient premièrement que la décision du défendeur de refuser de communiquer le Rapport est incompatible avec l'objet de la Loi, tel qu'il est énoncé à l'article 2. Le demandeur soutient que le défendeur a irrégulièrement considéré les revendications des tiers quant à la confidentialité comme un motif suffisant pour empêcher la communication de certaines parties du Rapport, contrairement à l'objectif prépondérant de la communication énoncé au paragraphe 2(1) de la Loi.


Le paragraphe 20(1)

[13]            Le demandeur fait valoir essentiellement que le prélèvement de certaines parties du Rapport ne satisfait ni aux critères objectifs établis ni au fardeau concernant la preuve imposé par les alinéas 20(1)b) et c) de la Loi. Le demandeur prétend aussi que, parce que le défendeur a invoqué à la fois l'alinéa 20(1)b) et l'alinéa 20(1)c) de la Loi pour soustraire chaque partie du Rapport à la communication, il doit remplir les conditions fixées dans ces deux alinéas pour que les parties identifiées du Rapport soient soustraites à la communication.

L'alinéa 20(1)b)

[14]            Le demandeur soutient que le défendeur n'a pas demandé le Rapport à des fins commerciales, mais plutôt pour mener une étude après l'enregistrement d'un médicament sous le régime de la Loi et du Règlement sur les aliments et drogues en vue d'évaluer l'innocuité des médicaments ICC. Il prétend donc qu'en raison du contexte, du but et des circonstances du Rapport, aucun critère objectif de confidentialité ne peut être appliqué. Le demandeur fait valoir que le défendeur a commis une erreur en qualifiant les données contenues dans le Rapport de données confidentielles sur le plan commercial plutôt que de données sur l'innocuité des médicaments.

[15]            Subsidiairement, le demandeur affirme que si les parties du Rapport soustraites à la communication sont considérées comme des données commerciales, la preuve est insuffisante pour démontrer qu'elles ont été traitées comme telles de façon constante. Il fait valoir qu'il n'existe aucune preuve établissant que les renseignements recueillis sont protégés par des ententes de confidentialité.

[16]            Le demandeur soutient en outre que l'alinéa 20(1)b) de la Loi ne s'applique pas lorsque les données ou des données semblables sont publiques ou lorsqu'il est établi qu'elles ont déjà été du domaine public. Il prétend que le défendeur a accepté sans réserve les assertions faites par des tiers relativement à la confidentialité sans vérifier lui-même si toutes les données ou des données semblables étaient réellement de nature confidentielle ou devaient encore être gardées confidentielles. Il affirme que le défendeur n'a pas vérifié dans Internet, dans les publications spécialisées, dans les forums scientifiques, dans les actes de conférences, dans les bulletins d'hôpitaux, auprès des services de référence destinés aux médecins, par des visites ou auprès d'experts indépendants, ni autrement, si les données des entreprises pharmaceutiques ou des données semblables avaient déjà été rendues publiques. Il plaide qu'il est inacceptable que le défendeur s'appuie uniquement sur les prétentions des entreprises pharmaceutiques ou attende qu'elles jugent que le moment est venu de lever leurs objections à la communication.

[17]            Le demandeur soutient aussi que les prétentions des tiers concernant la confidentialité auraient dû lui être communiquées et qu'il devrait avoir la possibilité de présenter des observations en réponse aux assertions faites dans chaque cas.

L'alinéa 20(1)c)

[18]            Le demandeur soutient que l'alinéa 20(1)c) de la Loi impose à l'institution fédérale le fardeau de prouver que la communication de documents donnés causera probablement un préjudice. Il soutient que le défendeur doit établir un risque vraisemblable de préjudice probable et qu'il ne lui suffit pas de prouver la simple possibilité d'un préjudice (Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l'Agriculture), [1989] 1 C.F. 47 (C.A.), à la p. 60; Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Premier ministre), précité, aux p. 444 et 484). Il fait aussi valoir que le fait que l'embarras et la publicité qui peuvent accompagner la communication des renseignements ne suffit pas et constitue un motif trop hypothétique pour étayer une allégation de confidentialité sur le plan commercial (Air Atonabee Ltd., précité, à la p. 216).

Le paragraphe 20(6)


[19]            Le demandeur prétend que les considérations visées par le paragraphe 20(6) de la Loi ont été minimisées par le défendeur. Selon lui, les considérations d'intérêt public auraient dû l'emporter sur les questions de protection en ce qui concerne la communication du Rapport. Le demandeur soutient qu'une partie des données encore soustraites à la communication portent sur les problèmes liés aux utilisations non indiquées sur l'étiquette des médicaments ICC et sur la preuve de la nécessité d'établir des restrictions, et que l'intérêt public visé à l'article 2 et au paragraphe 20(6) de la Loi ne justifie pas la non-divulgation de ces données.

L'alinéa 13(1)a)

[20]            Enfin, le demandeur soutient que l'application tardive de l'alinéa 13(1)a) de la Loi aux fins de soustraire à la communication un compte rendu résumé d'une réunion tenue en janvier 1996 inclus dans le Rapport n'était pas conforme à la procédure régulière d'accès à l'information et est erronée. Il prétend qu'une exemption ne peut être invoquée (comme elle l'a été dans la lettre en date du 12 janvier 1999) après la production des conclusions du Commissaire à l'information et le dépôt d'une demande devant la Cour (Davidson c. Canada (Solliciteur général), [1989] 2 C.F. 341 (C.A.), à la p. 349).


[21]            Subsidiairement, le demandeur soutient que l'exemption prévue à l'alinéa 13(1)a) de la Loi ne s'applique pas parce que le document en cause à l'égard duquel l'alinéa 13(1)a) a été invoqué n'est pas un document créé par le gouvernement, mais plutôt le procès-verbal résumé d'une réunion tenue par un groupe non gouvernemental (le Australia Drug Evaluation Committee) relativement à sa rencontre avec Bayer Australia Ltd. Il soutient que la réunion n'était pas une réunion interne du gouvernement. Selon lui, le fait de protéger une telle réunion sur pareil sujet en ayant recours à l'alinéa 13(1)a) est inusité. Le demandeur fait aussi valoir que les données issues de cette réunion sont déjà connues publiquement, qu'elles ne constituent pas un document interne du gouvernement et qu'elles présentent un intérêt pour le public canadien. Il croit donc qu'il ne convient pas qu'on refuse de les communiquer.

B. Le défendeur

[22]            Le défendeur soutient que le droit d'accès du public n'est pas absolu et doit être examiné à la lumière des dispositions de la Loi et des exemptions qu'elle prévoit (Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1994] 3 C.F. 707 (C.A.) à la p. 712; conf. (1996), 191 N.R. 394 (C.S.C.)).

L'alinéa 20(1)b)

[23]            En ce qui concerne l'exemption prévue par l'alinéa 20(1)b) de la Loi, le défendeur prétend qu'elle ne s'applique qu'aux renseignements :

1.         financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, selon le sens courant de ces termes;

2.         de nature confidentielle selon un critère objectif qui tient compte de la teneur des renseignements, de leur but et des conditions dans lesquelles ils ont été préparés ou communiqués;

3.         fournis à une institution fédérale par un tiers;


4.         traités de façon constante comme des renseignements confidentiels par le tiers.

(Air Atonabee Ltd., précité, à la p. 207).

[24]            Le défendeur affirme en outre que le caractère confidentiel des renseignements doit être établi objectivement (Société Gamma Inc. c. Canada (Secrétariat d'État) (1994), 79 F.T.R. 42 (C.F. 1re inst.) à la p. 46; Maislin Industries Ltd. c. Ministre de l'Industrie et du Commerce, [1984] 1 C.F. 939 (1re inst.) à la p. 947). De plus, le défendeur fait valoir qu'il est aussi possible de tenir compte de la question de savoir si la personne qui a communiqué les renseignements s'attendait qu'ils soient gardés confidentiels et ne soient pas divulgués, ou à la condition expresse qu'ils ne soient pas divulgués sans autorisation (Keddy c. L'Agence de promotion économique du Canada atlantique (1993), 66 F.T.R. 227 (C.F. 1re inst.) aux p. 231 et 232; Occam Marine Technologies Ltd. c. Canada (Conseil national de recherches), [1998] A.C.F. no 1502 (C.F. 1re inst.) au par. 30).

[25]            Quant au premier critère fixé par l'alinéa 20(1)b), le défendeur prétend qu'il est clair que les renseignements en cause qui ont été soustraits à la communication sont de nature financière, commerciale, technique ou scientifique. Ils ont été fournis par les tiers et par le gouvernement australien pour que le défendeur les utilise dans une étude et dans un rapport scientifiques.


[26]            Quant au deuxième critère, le défendeur soutient que les renseignements qui n'ont pas été communiqués consistent en des études effectuées par les tiers relativement à leurs produits, des rapports scientifiques non publiés, des renseignements sur des essais cliniques, des études indépendantes effectuées par des organismes étrangers et des « données brutes » non publiées tirées des bases de données de certains des tiers, d'analyses de marchés et de pratiques de commercialisation. En ce qui a trait aux buts et conditions de la cueillette de renseignements, l'introduction de la version 2 du Rapport précise que le Rapport demandé a été préparé à la suite du mandat donné par le directeur général de la Direction des médicaments de procéder à une étude exhaustive des médicaments ICC. Plus particulièrement, les lettres envoyées à différents fabricants de médicaments ICC pour leur demander des éléments en vue de l'étude précisent quels sont les documents demandés et le but de l'étude. Selon le défendeur, cet élément révèle le contexte dans lequel les éléments ont été fournis.

[27]            Pour ce qui est du troisième critère, le défendeur soutient que les renseignements ont été fournis au demandeur par différents tiers. De plus, les prétentions des fabricants et du gouvernement australien établissent que ces éléments sont de nature financière, commerciale, scientifique ou technique et qu'ils ont été fournis dans le contexte de la confidentialité. Le défendeur relève aussi que les membres du comité ad hoc qui a formulé des recommandations sur les questions précises qui leur ont été posées concernant l'utilisation des médicaments ICC ont signé un document de référence selon lequel ils préserveraient le caractère confidentiel des documents qui leur seraient transmis.

[28]            Quant au quatrième critère, le défendeur affirme que la preuve émanant des tiers, résumée par le défendeur, révèle que les tiers ont traité les renseignements de façon constante comme des renseignements confidentiels.

L'alinéa 20(1)c)

[29]            Le défendeur soutient que le critère relatif à l'application de l'exemption prévue à l'alinéa 20(1)c) est celui d'un « risque vraisemblable de préjudice probable » (Canada Packers Inc., précité à la p. 60; Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre de l'Approvisionnement et des Services) (1990), 107 N.R. 89 (C.A.F.) à la p. 91; Société Gamma Inc., précité, à la p. 46).

[30]            Selon le défendeur, l'alinéa 20(1)c) permet de refuser la communication des renseignements dont la divulgation : i) soit risque vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers; ii) soit risque vraisemblablement de nuire à la compétitivité d'un tiers (Air Atonabee Ltd., précité, à la p. 207; La Bande indienne de Témiscamingue c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1997] A.C.F. no 676, aux par. 55 à 59).

[31]            En l'espèce, le défendeur soutient que les prétentions des tiers décrivent clairement le préjudice qui résulterait de la communication des éléments. Les prétentions des tiers sont exposées sous forme de résumé au paragraphe 14 de l'affidavit confidentiel de Mme Parent.


Le paragraphe 20(6)

[32]            En réponse à l'argument du demandeur portant que le défendeur n'a pas vérifié adéquatement si l'intérêt public exigeait la communication du Rapport, le défendeur fait valoir que pour réviser les décisions discrétionnaires rendues en vertu du paragraphe 20(6) de la Loi, la Cour ne doit pas réexaminer l'affaire de novo, mais déterminer si le pouvoir discrétionnaire en cause a été exercé de bonne foi, en conformité avec les principes de justice naturelle et ne s'est pas appuyé sur des considérations externes ou non pertinentes. Le défendeur affirme qu'aucune preuve n'établit que le défendeur s'est appuyé sur des considérations externes, a abusé de son pouvoir ou a enfreint les principes de justice naturelle dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

L'alinéa 13(1)a)

[33]            Le défendeur soutient qu'il a appliqué l'article 13 de la Loi à certains éléments inclus dans le document reçu du gouvernement australien et que le recours à l'alinéa 13(1)a) était mentionné dans les éléments fournis au demandeur.


[34]            Le défendeur prétend en outre que l'article 13 de la Loi établit une exemption impérative dans les cas où les critères énoncés dans cette disposition sont remplis. En l'espèce, le défendeur soutient qu'il est clair que les éléments fournis par la Therapeutic Goods Administration (TGA) de l'Australie ont été fournis à titre confidentiel et ne devaient pas être diffusés publiquement. Selon le défendeur, une lettre en date du 8 septembre 1998 émanant du Dr John McEwen de la TGA démontre que les renseignements concernant le processus de réglementation des médicaments en Australie ont été fournis à titre confidentiel.

ANALYSE

[35]            Il faut d'abord souligner que la Cour, lorsqu'elle est saisie d'une demande de révision en vertu de la Loi, doit réexaminer l'affaire de novo, comme l'a statué le juge MacKay dans Air Atonabee, précité, à la page 206:

Compte tenu de la jurisprudence qui a été élaborée relativement à la Loi, il ne peut plus faire de doute que lorsque la Cour est saisie d'un recours en révision, son rôle consiste à examiner l'affaire de nouveau et à procéder au besoin à une révision détaillée de chacun des documents en litige.           

Par conséquent, la Cour doit examiner les documents demandés par le demandeur et déterminer si le défendeur a agi correctement en refusant de communiquer les éléments demandés.

[36]            L'article 2 de la Loi codifie le droit d'accès du public et le principe fondamental voulant que le public ait accès aux documents de l'administration fédérale et que les exceptions au droit d'accès doivent être limitées et précises. Il a aussi été établi que le fardeau de prouver que l'accès à des documents doit être refusé repose sur la partie qui s'oppose à la communication. Dans Maislin Industries Ltd., précité, le juge Jerome a dit ce qui suit :


Il faut cependant souligner que, puisque le principe de base de ces lois est de codifier le droit du public à l'accès aux documents du gouvernement, deux conséquences en découlent : d'abord, les tribunaux ne doivent pas neutraliser ce droit sauf pour les motifs les plus évidents, de sorte qu'en cas de doute, il faut permettre la communication; deuxièmement, le fardeau de convaincre la Cour doit incomber à la partie qui s'oppose à la communication, qu'il s'agisse, comme en l'espèce, d'une société privée ou d'un citoyen ou, dans d'autres cas, du gouvernement.

[37]            Dans le cadre d'une demande de révision prévue par l'article 41 de la Loi, telle la présente demande, ce principe est codifié dans l'article 48 de la Loi. Par conséquent, le fardeau incombe au défendeur de convaincre la Cour, par une preuve directe, que les éléments demandés par le demandeur ne doivent pas être divulgués et qu'ils peuvent être soustraits à la communication par application du paragraphe 20(1) de la Loi. De plus, il est bien établi par la jurisprudence que la norme de preuve applicable relativement au paragraphe 20(1) de la Loi est celle de la prépondérance des probabilités.

L'alinéa 20(1)b)

[38]            Comme le défendeur le souligne, l'exemption de communication prévue par l'alinéa 20(1)b) exige que les éléments satisfassent aux quatre conditions du critère énoncé dans Air Atonabee Ltd., précité, à la page 207 :

Il ressort nettement de la jurisprudence [...] relativement à l'alinéa 20(1)b), que pour être soustraits à l'obligation de communication en vertu de cet article, les renseignements en question doivent répondre aux quatre critères suivants, c'est-à-dire qu'il doit s'agir

1) de renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques,

2) de nature confidentielle,

3) fournis à une institution fédérale par un tiers

4) et qui sont traités comme tels de façon constante par le tiers.

[39]            En ce qui a trait au premier critère, le juge MacKay a précisé, dans Air Atonabee, précité, à la page 208, qu'il est suffisant pour l'application de l'alinéa 20(1)b) que les renseignements se rapportent ou appartiennent au domaine financier, commercial, scientifique ou technique, selon le sens courant de ces termes.

[40]            Quant au deuxième critère, le juge MacKay a écrit ce qui suit, à la page 208 :

La deuxième exigence de l'alinéa 20(1)b), c'est-à-dire celle qui prévoit que les renseignements doivent être de nature confidentielle, a été examinée dans plusieurs décisions. Ces décisions établissent que les renseignements doivent être de nature confidentielle suivant un critère objectif qui tienne compte du contenu des renseignements, de leur but et des conditions dans lesquelles ils ont été préparés et communiqués [...] Il ne suffit pas que le tiers déclare, sans autre preuve, que les renseignements sont confidentiels. [...].

[41]            Par conséquent, la question de savoir si les renseignements sont confidentiels doit être tranchée objectivement, en tenant compte de leur teneur et de leur but, ainsi que du contexte dans lequel ils ont été préparés et communiqués. Dans l'affaire Keddy, précitée, le juge MacKay a énuméré d'autres facteurs qui peuvent être pris en compte pour établir le caractère confidentiel des renseignements, aux pages 231 et 232 :

Je suis convaincu que les renseignements figurant dans chacun des rapports demandés sont des renseignements financiers ou commerciaux, et qu'ils sont confidentiels. Ils se rapportent aux activités commerciales envisagées par les tiers. Ils ne peuvent être obtenus d'aucune autre source. Ils ont été communiqués non seulement dans l'attente raisonnable qu'ils demeurent confidentiels et qu'ils ne soient pas communiqués, compte tenu de l'engagement pris par l'APECA, à savoir qu'elle traiterait les renseignements comme confidentiels, mais aussi, dans chaque cas, l'expert-conseil qui a préparé le rapport avait inclus une disposition expresse selon laquelle les renseignements ne seraient pas mentionnés ou communiqués sans son autorisation. Les renseignements ont toujours été traités comme confidentiels par les tiers concernés. Voici les facteurs qui étayent la conclusion selon laquelle les renseignements sont confidentiels au sens de l'al. 20(1)b) de la Loi [...].

[42]            Par conséquent, le défendeur a raison de prétendre que la Cour, en évaluant la nature confidentielle des renseignements, peut tenir compte du fait que la personne qui a fourni les renseignements s'attendait qu'ils demeurent confidentiels ou les a fournis à la condition expresse qu'ils ne soient pas divulgués sans autorisation.

[43]            L'une des prétentions du demandeur porte que le défendeur n'a pas essayé d'établir lui-même que les renseignements en cause étaient toujours confidentiels, mais s'est contenté d'accepter les affirmations faites à cet égard par les tiers. Le demandeur a raison de soutenir que l'exemption ne devrait pas s'appliquer si les renseignements sont publics. On peut trouver un résumé de la jurisprudence sur cette question dans Air Atonabee, précité, à la page 208 :

Des renseignements ont été jugés non confidentiels, même si le tiers les considérait comme tels, lorsque le public y avait accès par une autre source (Canada Packers Inc. c. Ministre de l'Agriculture, [1988] 1 C.F. 483 (1re inst.) et la jurisprudence connexe, appel rejeté pour d'autres motifs, [1989] 1 C.F. 47 (C.A.F)), ou lorsqu'ils pouvaient être obtenus antérieurement ou sous une autre forme de l'administration (Canada Packers Inc., précité, Merck Frosst Canada Inc., précité). Les renseignements ne sont pas confidentiels s'ils peuvent être obtenus par observation, quoiqu'avec plus d'efforts de la part de l'auteur de la demande (Noël, précité). Comme le juge en chef adjoint Jerome l'a souligné dans des décisions antérieures relatives à l'alinéa 20(1)b) :

Il ne suffit pas que [la requérante] ait considéré « que les renseignements étaient confidentiels » Il faut aussi qu'ils aient été gardés confidentiels par les deux parties et [...] doivent donc ne pas avoir été divulgués d'une autre manière ni pouvoir être obtenus de sources auxquelles le public a accès.

(Maislin Industries Ltd. c. Ministre de l'Industrie et du Commerce et autre, [1984] 1 C.F. 939; 10 D.L.R. (4th) 417; 80 C.P.R. (2d) 253 (1re inst.), à la page 257 C.P.R.; DMR Associates c. Ministre des Approvisionnements et Services (1984), 11 C.P.R. (3d) 87, à la page 91 (C.F. 1re inst.))


[44]            Par conséquent, le demandeur ne doit pas seulement démontrer que les tiers traitent les renseignements de façon constante comme des renseignements confidentiels, mais aussi que les deux parties les ont gardés confidentiels. Toutefois, je ne suis pas d'accord pour dire que le défendeur a l'obligation d'effectuer une recherche dans tous les périodiques, les publications, etc., pour vérifier si les renseignements ont été rendus publics sous une forme quelconque, alors que les sources des renseignements, soit les tiers, affirment qu'ils sont encore confidentiels. Je n'ai pu trouver aucune décision judiciaire applicable sur cette question et le demandeur n'en a invoqué aucune.

[45]            Après avoir examiné attentivement les éléments dont le demandeur voudrait obtenir la communication, je suis parvenu à la conclusion que le défendeur a agi correctement en refusant la communication en vertu de l'alinéa 20(1)b).

[46]            Premièrement, j'ai la certitude que les renseignements que le défendeur refuse de communiquer - composés d'études effectuées par des tiers relativement à leurs produits, de rapports scientifiques non publiés, de renseignements sur des essais cliniques, d'études indépendantes effectuées par des organismes étrangers, de données brutes non publiées tirées des bases de données de certains des tiers, d'analyses de marché et de pratiques de commercialisation - sont de nature financière, commerciale, technique ou scientifique.

[47]            Il est aussi incontestable que ces renseignements ont été fournis à une institution fédérale par des tiers. Mon examen des éléments m'amène aussi à conclure que les tiers les traitent de façon constante comme des renseignements confidentiels.

[48]            Les renseignements demandés ont été recueillis dans le but de constituer un dossier qui permette au directeur général de la Direction des médicaments de s'acquitter de son mandat d'effectuer une étude exhaustive de l'innocuité des médicaments ICC. Comme l'explique l'introduction de la version 2 du Rapport, la plupart des renseignements recueillis émanent des fabricants de médicaments ICC. Dans ce contexte, je n'hésite pas à conclure que les renseignements qui ont été soustraits à la communication par le défendeur sont, objectivement, des renseignements confidentiels.

[49]            Je tire donc la même conclusion que le Commissaire à l'information en ce qui concerne le refus de communication du défendeur fondé sur l'alinéa 20(1)b).

[50]            Compte tenu de ma conclusion concernant l'alinéa 20(1)b), il n'est pas nécessaire que je tranche les arguments fondés sur l'alinéa 20(1)c). Je traiterai toutefois des questions concernant le paragraphe 20(6) et l'alinéa 13(1)a).

Le paragraphe 20(6)


[51]            Le paragraphe 20(6) de la Loi permet au responsable d'une institution fédérale d'exercer son pouvoir discrétionnaire et de communiquer des éléments qui devraient être soustraits à la communication par application des alinéas 20(1)b), 20(1)c) ou 20(1)d) s'il croit que des raisons d'intérêt public justifient nettement tout préjudice que la communication pourrait causer à un tiers.

[52]            Dans son affidavit confidentiel, Yvette Parent, la coordonnatrice de l'accès à l'information du défendeur, décrit comme suit les étapes suivies pour évaluer l'opportunité de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 20(6) de la Loi :

[traduction]

15.           En ma qualité de coordonnatrice de l'accès à l'information pour le ministère, j'ai, en vertu des pouvoirs, obligations et devoirs de direction que m'a délégués le ministre de la Santé en vertu de l'annexe 2 de l'Arrêté sur la délégation en vertu de la Loi sur l'accès à l'information du ministère de la Santé, le pouvoir de rendre des décisions concernant la communication ou la non-communication de renseignements émanant de tiers (article 20 de la Loi), qui englobe aussi la disposition concernant l'intérêt public (paragraphe 20(6) de la Loi). Une copie certifiée conforme de l'Arrêté sur la délégation en vertu de la Loi sur l'accès à l'information du ministère de la Santé en date du 27 mars 1997 est jointe à mon affidavit public dont il constitue la pièce « A » .

16.           En ce qui concerne l'application de la disposition relative à l'intérêt public aux renseignements non communiqués dans les documents demandés, le ministère avait examiné cette disposition et les mesures prises par le ministère relativement à l'innocuité des inhibiteurs des canaux calciques décrites ci-dessous et il a décidé qu'il n'existait aucune condition concernant la santé et la sécurité publiques ou la protection de l'environnement liée aux renseignements susmentionnés qui justifierait la communication de ces renseignements dans l'intérêt public conformément au paragraphe 20(6) de la Loi.

[53]            Dans Hutton c. Canada (Ministre des Ressources naturelles) (1997), 137 F.T.R. 110 (1re inst.), une affaire semblable à celle dont la Cour est saisie, dans laquelle le défendeur n'avait pas fourni beaucoup de renseignements sur son examen en vertu du paragraphe 20(6) de la Loi, le juge Gibson a écrit ce qui suit :

[25]      La requérante soutient que le Ministre a commis une erreur, justifiant qu'on lui accorde réparation, en ne démontrant pas, à la lecture de la lettre énonçant le refus de communication, que le Ministre avait analysé la question de savoir si le paragraphe 20(6) de la Loi devait s'appliquer en faveur de la requérante et celle de savoir si les documents demandés pouvaient donner lieu à un prélèvement, de sorte qu'ils auraient pu être communiqués à tout le moins en partie en vertu de l'article 25 de la Loi. [...]


[26]      La lettre adressée à la requérante pour l'informer de la décision du Ministre de ne pas communiquer les documents pour les motifs d'exemption prévus par les alinéas 18(1)b) et 20(1)b), c) et d) ne mentionne ni le paragraphe 20(6) ni l'article 25. Elle ne donne aucune indication sur la question de savoir si l'une ou l'autre de ces dispositions a été prise en compte. Par contre, un affidavit déposé et signé sous serment par la personne représentant le Ministre qui a répondu à la demande de communication contient le paragraphe suivant :

[Traduction] J'ai aussi examiné la question de savoir quelles parties des documents demandés pouvaient en être prélevées et divulguées ou si d'autres dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, soit les paragraphes 20(2), (5) et (6) pouvaient permettre la communication. J'ai conclu que ces dispositions n'étaient pas applicables et que tous les documents demandés par la requérante étaient exemptés de communication dans leur totalité en vertu des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information que j'ai mentionnées dans le paragraphe 5 de mon affidavit [alinéas 18(1)b) et 20(1)b), c) et d)].

[27]      Dans le jugement Stevens c. Canada (Premier ministre) [(1997), 144 D.L.R. (4th) 553, à la page 570 (1re inst.)], monsieur le juge Rothstein a examiné l'exemption discrétionnaire prévue à l'article 23 de la Loi concernant une demande de communication d'un document contenant des renseignements protégés par le secret professionnel qui lie un avocat à son client. Il a déclaré :

La mention expresse que l'exemption fondée sur l'article 23 est une exemption discrétionnaire permet de conclure que l'auto­rité responsable s'est référée à l'article 23 et au fait qu'il prévoit l'exemption discrétionnaire. Le responsable a pris la décision discrétionnaire de ne pas communiquer les renseignements en question.

Je suis convaincu que cela vaut pour le pouvoir discrétionnaire de divulgation « pour des raisons d'intérêt public » prévu au paragraphe 20(6) et pour l'obligation, établie à l'article 25 de la Loi, d'envisager le prélèvement des parties des documents qui sont dépourvues de renseignements exemptés et de les communiquer, à condition que ce prélèvement ne pose pas de problèmes sérieux. J'en arrive à cette conclusion plus particulièrement en raison du paragraphe tiré de l'affidavit du représentant du Ministre cité plus haut.

[28]      La situation dont la Cour est saisie en l'espèce diffère sur le plan des faits de celle en cause dans l'affaire Rubin c. Canada (Société canadienne d'hypothèques et de logement), [1989] 1 C.F. 265 (C.A.)] où la demande de communication de toute une série de documents (représentant quelque 13 pieds linéaires) a été reçue par l'institution gouvernementale en cause le 6 mars 1985 et rejetée d'emblée le lendemain. En pareilles circonstances, il était raisonnable de conclure que l'institution gouvernementale n'avait tout simplement pas procédé « ... au prélèvement requis par l'article 25 de la Loi. » En l'espèce, les documents demandés sont assez peu volumineux. On aurait raisonnablement pu les examiner en regard du paragraphe 20(6), la disposition prévoyant la divulgation pour des raisons d'intérêt public, et vérifier si un prélèvement était possible entre le moment de la demande de communication, le 26 mai 1996 et le rejet de cette demande le 29 juin 1996. La Cour dispose d'une preuve non contestée émanant du représentant du Ministre selon laquelle il a tenu compte de ces deux dispositions. En l'absence de preuve contraire, la preuve du représentant du Ministre doit être retenue.

[29]      Une fois encore, j'ai examiné les documents demandés en regard du paragraphe 20(6) et de l'article 25. Rien ne m'autorise à conclure que la décision de ne pas exercer le pouvoir discrétionnaire de communication prévu par le paragraphe 20(6) et de ne pas procéder à un prélèvement en application de l'article 25 n'était pas raisonnable.


[54]            À mon avis, un raisonnement semblable peut être appliqué en l'espèce. Le défendeur a le pouvoir discrétionnaire, en vertu du paragraphe 20(6) de la Loi, de communiquer des renseignements si l'intérêt public le demande. Toutefois, il n'a pas l'obligation ni le devoir de le faire. Je retiens l'affirmation du défendeur selon laquelle la Cour doit examiner la question de savoir si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi, et non d'examiner l'affaire de novo. Mme Parent révèle dans son affidavit que le paragraphe 20(6) de la Loi a été pris en compte. En l'absence de preuve contraire et de preuve de mauvaise foi de la part du défendeur, j'estime que le défendeur a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en décidant de ne pas communiquer les renseignements en vertu du paragraphe 20(6) de la Loi.

L'alinéa 13(1)a)

[55]            L'alinéa 13(1)a) de la Loi permet au responsable d'une institution fédérale de refuser de communiquer un document contenant des renseignements obtenus à titre confidentiel des gouvernements des États étrangers ou de leurs organismes.


[56]            Le demandeur conteste l'application de cette disposition au motif que le défendeur n'a invoqué cette exemption, apparemment omise lorsque la version 2 du Rapport a été communiquée au demandeur, que dans une lettre en date du 12 janvier 1999, après le rapport du Commissaire à l'information. Selon l'alinéa 10(1)b) de la Loi, en cas de refus de communication totale ou partielle d'un document demandé, le responsable de l'institution fédérale doit mentionner dans l'avis donné à l'auteur de la demande la disposition précise de la Loi sur laquelle se fonde le refus. Bien que cette disposition ne précise pas que l'application d'une disposition particulière doit être révélée dans un délai défini, l'article 10 indique que l'avis envoyé à l'auteur de la demande doit aussi lui mentionner son droit de déposer une plainte auprès du Commissaire à l'information. Cette exigence laisse croire que la disposition sur laquelle se fonde le refus de l'institution doit être révélée à l'auteur de la demande avant que la plainte soit déposée auprès du Commissaire à l'information.

[57]            Dans Davidson, précité, l'une des questions en litige consistait à savoir si le responsable de l'institution fédérale était lié par les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.C. 1980-81-82-83, ch. 111 invoquées à l'origine dans l'avis de refus. L'alinéa 16(1)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels est presque identique à l'alinéa 13(1)a) de la Loi et se lit comme suit :


16(1) En cas de refus de communication de renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1), l'avis prévu à l'alinéa 14a) doit mentionner, d'une part, le droit de la personne qui a fait la demande de déposer une plainte auprès du Commissaire à la protection de la vie privée et, d'autre part :

a) soit le fait que le dossier n'existe pas;

b) soit la disposition précise de la présente loi sur laquelle se fonde le refus ou sur laquelle il pourrait vraisemblablement se fonder si les renseignements existaient.

16. (1) Where the head of a government institution refuses to give access to any personal information requested under subsection 12(1), the head of the institution shall state in the notice given under paragraph 14(a)

(a) that the personal information does not exist, or

(b) the specific provision of this Act on which the refusal was based or the provision on which a refusal could reasonably be expected to be based if the information existed,

and shall state in the notice that the individual who made the request has a right to make a complaint to the Privacy Commissioner about the refusal.


[58]            Le juge MacGuigan, de la Cour d'appel fédérale, a conclu que les motifs énumérés dans l'avis envoyé à l'auteur de la demande ne pouvaient pas être remplacés après coup. Il a dit, aux pages 347 à 349 :

Il me semble que cet argument [de l'appelant portant qu'il devrait pouvoir remplacer un motif d'exemption par un autre] ne tient pas compte de la mesure dans laquelle une personne qui demande à avoir accès à des renseignements personnels est autorisée à se prévaloir du mécanisme de plainte par l'entremise du Commissaire. Le plaignant peut déposer une plainte de refus de donner communication de renseignements personnels auprès du Commissaire (alinéa 29(1)b)), qui va procéder à une enquête (article 31 et suiv.), laquelle va permettre tant au plaignant qu'au responsable de l'institution fédérale en cause de faire des observations (paragraphe 33(2) et peut amener le Commissaire à pénétrer dans les locaux occupés par une institution fédérale, à examiner des documents de l'institution et à obtenir des dépositions sous la foi du serment (article 34). À la suite de l'enquête, le Commissaire peut, en plus de faire rapport au plaignant, faire des recommandations au responsable de l'institution fédérale, et demander qu'il soit avisé de la mise en oeuvre de ses recommandations (article 35).

Il est indubitablement vrai, comme le soutient l'appelant, qu'un juge de première instance de la Cour fédérale a des pouvoirs de révision appropriés sur le refus du responsable d'une institution fédérale, appuyé comme en l'espèce par le Commissaire, de donner communication de renseignements personnels, bien qu'on doive dire qu'un juge siégeant à la Cour n'a pas le personnel investigateur et la flexibilité du Commissaire. Il y a plus important encore, si on permettait que de nouveaux motifs d'exemption soient présentés devant le juge après l'achèvement de l'enquête du Commissaire sur des motifs tout autres, comme c'est le cas en l'espèce, le plaignant se verrait refuser l'avantage des procédures du Commissaire. Il aurait ainsi droit à un seul niveau de protection au lieu de deux. [...]

Mais j'estime que la raison définitive pour laquelle un plaignant ne saurait se voir refuser l'instance devant le Commissaire est que, si ce dernier conclut en sa faveur mais que le responsable de l'institution demeure inflexible, le plaignant peut bénéficier de la comparution, à la discrétion du Commissaire, de ce dernier devant la Cour à sa place ou en tant que partie à l'instance (article 42).

[...]

Toutes ces considérations me convainquent de la sagesse avec laquelle le juge de première instance a statué que le responsable de l'institution était lié par les motifs initialement exposés dans l'avis de refus, sans qu'il y ait possibilité de modification ultérieure.

[59]            Il est vrai qu'en l'espèce, le défendeur ne désire pas remplacer tous les motifs d'exemption et veut seulement en ajouter un relativement à une partie du Rapport. Toutefois, l'exemption prévue par l'alinéa 13(1)a) de la Loi n'a pas été invoquée devant le Commissaire à l'information lorsqu'il a procédé à son enquête. Le rapport du Commissaire dit ce qui suit relativement à l'article 13 :


[traduction] Dans mon rapport, je traiterai des questions irrésolues non tranchées par les conclusions de mon prédécesseur concernant votre plainte pour le retard #3100-10400/001 ni par le rapport provisoire de mon commissaire adjoint en date du 8 juillet 1998. Par ailleurs, comme Santé Canada s'est désisté de ses prétentions fondées sur les alinéas 13(1)a) et b) et sur l'article 68 de la Loi, il n'est pas nécessaire que je commente ces dispositions. (Non souligné dans l'original.)    

[60]            Selon moi, comme le défendeur s'était désisté de ses prétentions fondées sur l'article 13 de la Loi au moment de l'enquête du Commissaire, il ne pouvait pas, quelques mois plus tard, avoir soudainement recours à nouveau à cette disposition. Le défendeur prétend qu'il devrait être autorisé à invoquer l'alinéa 13(1)a) parce qu'il en est fait mention dans les éléments fournis au demandeur, bien qu'il ait été omis dans l'avis original. J'estime toutefois que cela ne suffit pas. La Loi précise clairement que les dispositions sur lesquelles se fonde le refus du défendeur doivent être mentionnées dans l'avis. Par conséquent, je ne peux qu'être d'accord avec le demandeur pour dire que le défendeur n'est pas autorisé à invoquer l'article 13 de la Loi devant notre Cour.

CONCLUSION

[61]            Comme j'ai conclu que le refus du défendeur de communiquer les renseignements était justifié, par application de l'alinéa 20(1)b) de la Loi, la demande du demandeur doit être rejetée. Le défendeur aura donc droit à ses dépens.

                                                                                                                                           « Marc Nadon »          

                                                                                                                                                                 Juge

O T T A W A (Ontario)

le 21 août 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                              T-2408-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :    KEN RUBIN c. LE MINISTRE DE LA SANTÉ         

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 12 février 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

DATE DES MOTIFS :              le 21 août 2001            

ONT COMPARU :

KEN RUBIN                                                                     EN SON PROPRE NOM

Me Chris Rupar                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ken Rubin                                                                          EN SON PROPRE NOM

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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