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Recueil des arrêts de la Cour fédérale
Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Ministre de la Citoyennté et l'Immigration) (1re inst.) [2001] 3 C.F. 384

Date : 20010322

Dossier : T-1569-99

Référence neutre : 2001 CFPI 231

ENTRE :

LE COMMISSAIRE ÀL'INFORMATION DU CANADA

                                                                                                     demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION DU CANADA

                                                                                                       défendeur

- et -

PHILIP W. PIRIE

                                                                                                    codéfendeur

                                        MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DAWSON


[1]                Le litige, dans la présente demande de contrôle judiciaire, porte sur la question de savoir si la communication des parties de notes d'entrevue ainsi que les noms des personnes qui ont exprimé leurs idées et leurs opinions au sujet du codéfendeur, M. Pirie, dans le cadre d'un examen administratif effectué au Service de traitement centralisé (STC) du défendeur à Vegreville (Alberta), a bon droit été refusée à M. Pirie en vertu des articles 19 et 20 de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1.

LES FAITS

[2]                La présente demande découle de la requête présentée par M. Pirie pour obtenir [TRADUCTION] « tous les documents officiels, notamment les notes des entrevues effectuées dans le cadre de l'examen administratif du STC de Vegreville, préparés par TLS Enterprises » (TLS).


[3]                Des allégations de comportement discriminatoire et de harcèlement au STC du défendeur à Vegreville (Alberta) ont incité le défendeur à demander à TLS, spécialiste de l'extérieur, [TRADUCTION] « de faire l'examen de la culture organisationnelle, ainsi que des valeurs et des infrastructures en place au STC de Vegreville dans une perspective visant à valoriser le respect de tous en milieu de travail » . La façon de procéder, précisée par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), devait être [TRADUCTION] « conçue pour recueillir des renseignements au sujet de la culture organisationnelle, des valeurs et des infrastructures en place, et également pour faire ressortir les idées des employés sur les mesures à prendre afin de valoriser le respect de tous en milieu de travail. Les employés seront appelés à préciser ce qui, à leurs yeux, revêt de l'importance pour que le respect en milieu de travail soit valorisé, et leurs commentaires seront utilisés pour élaborer une définition du respect en milieu de travail au sein du STC » .

[4]                Dans le cadre de son mandat, TLS a effectué des entrevues en avril, en mai et en juin de l'année 1996. Avant la tenue des entrevues, les employés ont été informés que les entrevues seraient confidentielles, et que TLS avait convenu avec le CIC qu'elle rédigerait des notes d'entrevue, mais qu'elle n'en dévoilerait le contenu à personne au sein du CIC. Le rapport de TLS devait être le résumé de ses constatations, et les remarques des participants devaient demeurer anonymes. Cette assurance de confidentialité n'était apparemment pas applicable à M. Pirie ni aux autres directeurs.

[5]                Les employés du STC de Vegreville ont eu la possibilité de se porter volontaire aux entrevues. De plus, quelques personnes ont été sélectionnées au hasard pour des entrevues, et TLS avait convié certaines personnes à des entrevues lorsqu'elle jugeait que certains secteurs, du milieu de travail du STC de Vregreville, étaient sous-représentés. L'examen s'est terminé le 30 juin 1996, et le rapport final de TLS a été remis au CIC le 1er juillet 1996. Le rapport a ensuite été rendu public.


[6]                Le 10 juillet 1996 en avant-midi, M. Pirie, directeur du STC de Vegreville à cette époque, a reçu une copie du rapport de TLS. Plus tard dans l'après-midi, vers 2 heures, lors d'une réunion prévue pour discuter du rapport, M. Pirie a été informé qu'il était démis sur-le-champ de ses fonctions de directeur du STC de Vegreville. M. Pirie affirme avoir été également informé, à la même réunion, qu'en raison des problèmes signalés dans le rapport de TLS, un poste à Winnipeg qui lui avait été proposé antérieurement ne lui était plus offert.

[7]                Dans une requête adressée à CIC en date du 31 juillet 1996, M. Pirie a sollicité l'accès aux notes prises lors des entrevues réalisées par TLS. Cette requête a eu pour résultat que les notes d'entrevues se sont retrouvées entre les mains du CIC, alors que jusque-là elles avaient été en la possession de TLS. Après que deux des documents demandés lui eurent été communiqués, M. Pirie a porté plainte auprès du Commissaire à l'information, alléguant que l'accès aux documents lui avait été refusé indûment. Le CIC a subséquemment communiqué à M. Pirie d'autres documents.

[8]                Le 30 mars 1999, le Commissaire à l'information a fait rapport des résultats de l'enquête menée au sujet de la plainte, et il a recommandé la communication des renseignements suivants :


i)           les idées ou les opinions exprimées au sujet de M. Pirie;

ii)          l'identité de ceux qui avaient exprimé ces idées ou opinions;

iii)          les idées ou opinions, quelles qu'elles soient, émises par des fonctionnaires dans le cadre de leurs fonctions.

[9]                Le 11 juin 1999, le CIC a communiqué d'autres documents dans lesquels figuraient des opinions exprimées au sujet de M. Pirie. Toutefois, le nom des personnes interrogées en entrevue ainsi que les renseignements relatifs aux postes qu'elles occupaient au STC de Vegreville n'ont pas été communiqués. De façon similaire, lorsque la communication des renseignements risquait de révéler l'identité de la personne interrogée, tous les passages dans lesquels des renseignements sur la personne interrogée étaient entremêlés à ses idées ou à ses opinions au sujet de M. Pirie, ont été retranchés des documents communiqués à ce dernier. La non-communication des documents s'appuyait sur les dispositions prévues à l'alinéa 16(1)c), à l'article 17, et aux paragraphes 19(1) et 20(1) de la Loi sur l'accès à l'information.


[10]            Par conséquent, les renseignements toujours en litige ont trait aux noms des personnes interrogées par TLS et à leurs opinions, dans la mesure où la communication de ces renseignements a été refusée parce qu'ils permettraient d'identifier les personnes interrogées.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[11]            Le défendeur n'invoque plus les articles 16 et 17 de la Loi sur l'accès à l'information. En conséquence, le demandeur soulève trois questions se rapportant à la décision du Ministre défendeur de refuser la communication :

(1)         Le défendeur s'est-il acquitté de son fardeau d'établir qu'il était bien fondé de refuser la communication, totale ou partielle, des documents demandés, en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi sur l'accès à l'information ?

(2)         Le défendeur a-t-il tenu compte, de manière adéquate, du paragraphe 19(2) de la Loi sur l'accès à l'information et du sous-alinéa 8(2)m)(ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21 ?

(3)         Le défendeur était-il bien fondé de refuser la communication en vertu des alinéas 20(1)c) et d) de la Loi sur l'accès à l'information ?


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[12]            Les articles 19 et 20 de la Loi sur l'accès à l'information sont ainsi libellés :



19(1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant les renseignements personnels visés à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

(2) Le responsable d'une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où_:

a) l'individu qu'ils concernent y consent;

b) le public y a accès;

c) la communication est conforme à l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

20(1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant_:

a) des secrets industriels de tiers;

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.

(2) Le paragraphe (1) n'autorise pas le responsable d'une institution fédérale à refuser la communication de la partie d'un document qui donne les résultats d'essais de produits ou d'essais d'environnement effectués par une institution fédérale ou pour son compte, sauf si les essais constituent une prestation de services fournis à titre onéreux mais non destinés à une institution fédérale.

(3) Dans les cas où, à la suite d'une demande, il communique, en tout ou en partie, un document qui donne les résultats d'essais de produits ou d'essais d'environnement, le responsable d'une institution fédérale est tenu d'y joindre une note explicative des méthodes utilisées pour effectuer les essais.

(4) Pour l'application du présent article, les résultats d'essais de produits ou d'essais d'environnement ne comprennent pas les résultats d'essais préliminaires qui ont pour objet la mise au point de méthodes d'essais.

(5) Le responsable d'une institution fédérale peut communiquer tout document contenant les renseignements visés au paragraphe (1) si le tiers que les renseignements concernent y consent.

(6) Le responsable d'une institution fédérale peut communiquer, en tout ou en partie, tout document contenant les renseignements visés aux alinéas (1)b), c) et d) pour des raisons d'intérêt public concernant la santé et la sécurité publiques ainsi que la protection de l'environnement; les raisons d'intérêt public doivent de plus justifier nettement les conséquences éventuelles de la communication pour un tiers_: pertes ou profits financiers, atteintes à sa compétitivité ou entraves aux négociations qu'il mène en vue de contrats ou à d'autres fins.

19(1) Subject to subsection (2), the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains personal information as defined in section 3 of the Privacy Act.

(2) The head of a government institution may disclose any record requested under this Act that contains personal information if

(a) the individual to whom it relates consents to the disclosure;

(b) the information is publicly available; or

(c) the disclosure is in accordance with section 8 of the Privacy Act.

20(1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains

(a) trade secrets of a third party;

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.

(2) The head of a government institution shall not, pursuant to subsection (1), refuse to disclose a part of a record if that part contains the results of product or environmental testing carried out by or on behalf of a government institution unless the testing was done as a service to a person, a group of persons or an organization other than a government institution and for a fee.

(3) Where the head of a government institution discloses a record requested under this Act, or a part thereof, that contains the results of product or environmental testing, the head of the institution shall at the same time as the record or part thereof is disclosed provide the person who requested the record with a written explanation of the methods used in conducting the tests.

(4) For the purposes of this section, the results of product or environmental testing do not include the results of preliminary testing conducted for the purpose of developing methods of testing.

(5) The head of a government institution may disclose any record that contains information described in subsection (1) with the consent of the third party to whom the information relates.

(6) The head of a government institution may disclose any record requested under this Act, or any part thereof, that contains information described in paragraph (1)(b), (c) or (d) if that disclosure would be in the public interest as it relates to public health, public safety or protection of the environment and, if the public interest in disclosure clearly outweighs in importance any financial loss or gain to, prejudice to the competitive position of or interference with contractual or other negotiations of a third party.


[13]            La définition de « renseignements personnels » contenue à l'article 3 de laLoi sur la protection des renseignements personnels est la suivante :



« renseignements personnels » Les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment_:a) les renseignements relatifs à sa race, à son origine nationale ou ethnique, à sa couleur, à sa religion, à son âge ou à sa situation de famille;

b) les renseignements relatifs à son éducation, à son dossier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents professionnels ou à des opérations financières auxquelles il a participé;

c) tout numéro ou symbole, ou toute autre indication identificatrice, qui lui est propre;

d) son adresse, ses empreintes digitales ou son groupe sanguin;

e) ses opinions ou ses idées personnelles, à l'exclusion de celles qui portent sur un autre individu ou sur une proposition de subvention, de récompense ou de prix à octroyer à un autre individu par une institution fédérale, ou subdivision de celle-ci visée par règlement;

f) toute correspondance de nature, implicitement ou explicitement, privée ou confidentielle envoyée par lui à une institution fédérale, ainsi que les réponses de l'institution dans la mesure où elles révèlent le contenu de la correspondance de l'expéditeur;

g) les idées ou opinions d'autrui sur lui;

h) les idées ou opinions d'un autre individu qui portent sur une proposition de subvention, de récompense ou de prix à lui octroyer par une institution, ou subdivision de celle-ci, visée à l'alinéa e), à l'exclusion du nom de cet autre individu si ce nom est mentionné avec les idées ou opinions;

i) son nom lorsque celui-ci est mentionné avec d'autres renseignements personnels le concernant ou lorsque la seule divulgation du nom révélerait des renseignements à son sujet;

toutefois, il demeure entendu que, pour l'application des articles 7, 8 et 26, et de l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information, les renseignements personnels ne comprennent pas les renseignements concernant_:

j) un cadre ou employé, actuel ou ancien, d'une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions, notamment_:

(i) le fait même qu'il est ou a été employé par l'institution,

(ii) son titre et les adresse et numéro de téléphone de son lieu de travail,

(iii) la classification, l'éventail des salaires et les attributions de son poste,

(iv) son nom lorsque celui-ci figure sur un document qu'il a établi au cours de son emploi,

(v) les idées et opinions personnelles qu'il a exprimées au cours de son emploi;

k) un individu qui, au titre d'un contrat, assure ou a assuré la prestation de services à une institution fédérale et portant sur la nature de la prestation, notamment les conditions du contrat, le nom de l'individu ainsi que les idées et opinions personnelles qu'il a exprimées au cours de la prestation;

l) des avantages financiers facultatifs, notamment la délivrance d'un permis ou d'une licence accordés à un individu, y compris le nom de celui-ci et la nature précise de ces avantages;

m) un individu décédé depuis plus de vingt ans.

"personal information" means information about an identifiable individual that is recorded in any form including, without restricting the generality of the foregoing,

(a) information relating to the race, national or ethnic origin, colour, religion, age or marital status of the individual,

(b) information relating to the education or the medical, criminal or employment history of the individual or information relating to financial transactions in which the individual has been involved,

(c) any identifying number, symbol or other particular assigned to the individual,

(d) the address, fingerprints or blood type of the individual,

(e) the personal opinions or views of the individual except where they are about another individual or about a proposal for a grant, an award or a prize to be made to another individual by a government institution or a part of a government institution specified in the regulations,

(f) correspondence sent to a government institution by the individual that is implicitly or explicitly of a private or confidential nature, and replies to such correspondence that would reveal the contents of the original correspondence,

(g) the views or opinions of another individual about the individual,

(h) the views or opinions of another individual about a proposal for a grant, an award or a prize to be made to the individual by an institution or a part of an institution referred to in paragraph (e), but excluding the name of the other individual where it appears with the views or opinions of the other individual, and

(i) the name of the individual where it appears with other personal information relating to the individual or where the disclosure of the name itself would reveal information about the individual,

but, for the purposes of sections 7, 8 and 26 and section 19 of the Access to Information Act, does not include

(j) information about an individual who is or was an officer or employee of a government institution that relates to the position or functions of the individual including,

(i) the fact that the individual is or was an officer or employee of the government institution,

(ii) the title, business address and telephone number of the individual,

(iii) the classification, salary range and responsibilities of the position held by the individual,

(iv) the name of the individual on a document prepared by the individual in the course of employment, and

(v) the personal opinions or views of the individual given in the course of employment,

(k) information about an individual who is or was performing services under contract for a government institution that relates to the services performed, including the terms of the contract, the name of the individual and the opinions or views of the individual given in the course of the performance of those services,

(l) information relating to any discretionary benefit of a financial nature, including the granting of a licence or permit, conferred on an individual, including the name of the individual and the exact nature of the benefit, and

(m) information about an individual who has been dead for more than twenty years.



ANALYSE

(i) Le défendeur s'est-il acquittéde son fardeau d'établir qu'il était bien fondéde refuser la communication, totale ou partielle, des documents demandés en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi sur l'acc ès à l'information ?

[14]            L'article 48 de la Loi sur l'accès à l'information indique clairement qu'il incombe au Ministre défendeur d'établir que son refus de communiquer les documents est justifié dans le cadre de cette Loi.

[15]            Pour décider si le refus du Ministre était justifié, je me reporte dès le départ à l'arrêt Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403, où la Cour suprême du Canada s'est penchée sur les grands principes généraux d'interprétation applicables à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, et sur l'interprétation à donner à la définition de « renseignements personnels » prévue à l'article 3 de la Loi sur la protection de renseignements personnels.


[16]            Tous les membres de cette Cour se sont entendus sur la façon d'aborder l'interprétation de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et ils ont convenu que, selon les faits de l'espèce, les noms sur les feuilles de présence étaient des « renseignements personnels » au sens de l'expression définie à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Toutefois, les membres de la Cour ne partageaient pas le même avis sur la question de savoir s'il y avait une obligation de communiquer les renseignements visés à l'alinéa 3j) de cette Loi.

[17]            Les principes suivants, énoncés par la Cour suprême dans l'arrêt Dagg, sont pertinents eu égard aux questions soulevées dans la présente demande :

i)           Il faut mettre à exécution également les objets qui sous-tendent la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels (au par. 51);

ii)          Bien que le droit d'accès à l'information constitue la règle générale, l'exception touchant aux renseignements personnels ne doit pas recevoir une interprétation restreinte, et « dans la mesure où il est visé par la définition de ‘‘renseignements personnels'' contenue à l'art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le droit à la vie privée l'emporte sur le droit d'accès à l'information » (au par. 48);

iii)          Pour décider si des renseignements sont des « renseignements personnels » , il faut tenir compte des objets des deux lois (au par. 55);

iv)         La définition de « renseignements personnels » a un sens large et la disposition liminaire de la définition « les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable » doit servir de principale source d'interprétation (au par. 68);


v)          Une fois qu'il a été jugé qu'un document relève de la disposition liminaire de la définition de l'expression « renseignements personnels » , il n'est pas nécessaire qu'il corresponde à l'un des exemples précis donnés aux alinéas a) à i) de la définition (au par. 77);

(vi)        L'alinéa i) de la définition prévoit que le nom d'une personne est un renseignement personnel si la seule divulgation du nom révélerait des renseignements au sujet de la personne concernée. Il n'y a aucune exigence voulant que les renseignements révélés soient « personnels » (au par. 85).

[18]            Appliquant ces principes, je fais remarquer que la Loi sur l'accès à l'information a pour objet, suivant son paragraphe 2(1), d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, et les exceptions indispensables à ce droit sont précises et limitées. La Loi sur la protection des renseignements personnels a pour objet, suivant son article 2, de compléter la législation canadienne en matière de protection de renseignements personnels relevant des institutions fédérales et de droit d'accès des individus aux renseignements personnels qui les concernent.


[19]            Je me tourne à présent vers la disposition liminaire générale de la définition de l'expression « renseignements personnels » qui figure à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. À mon avis, par le seul sens large de la définition, les idées et les opinions d'un individu au sujet de M. Pirie, ainsi que le fait que l'idée ou l'opinion appartienne à cet individu, constitueraient des renseignements personnels concernant M. Pirie. De plus, le fait d'avoir une opinion, et l'opinion en soi, constitueraient également des renseignements personnels touchant l'individu concerné, si celui-ci était identifiable.

[20]            Cependant, comme il est signalé dans l'ouvrage de E. A. Driedger, The Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto, Butterworths, 1983) à la page 87 :

[TRADUCTION] De nos jours, il n'y a qu'un seul principe ou méthode [d'interprétation de la loi]; il faut interpréter les termes d'une loi dans leur contexte global selon le sens grammatical et ordinaire qui s'harmonise avec l'économie et l'objet de la loi et l'intention du législateur.

[21]            Il est donc nécessaire d'examiner le reste de la définition de l'expression « renseignements personnels » , soit la liste des exemples, afin d'assurer que la conclusion susmentionnée, laquelle est strictement fonction de la disposition liminaire de la définition, cadre bien avec le reste de la définition.

[22]            D'emblée, trois alinéas sont pertinents : il s'agit des alinéas e), f) et i).

[23]            À l'alinéa e), le législateur a clairement dit que si les opinions ou idées personnelles d'un individu identifiable constituent, dans le cadre la disposition liminaire générale, des renseignements personnels concernant cet individu, il en va tout autrement lorsque les opinions ou les idées portent sur un autre individu.


[24]            Quant à l'alinéa g), il confirme à nouveau l'intention du législateur, et il est la réciproque de l'alinéa e). L'alinéa g) stipule clairement que l'opinion d'un individu au sujet de quelqu'un, en l'espèce M. Pirie, devient ou constitue un renseignement personnel concernant M. Pirie.

[25]            Bien qu'ils traitent de la teneur des opinions ou des idées d'un individu, les alinéas e) et g) ne parlent pas du fait qu'il s'agit de l'idée ou de l'opinion d'un individu identifiable. Toutefois, le fait que ni l'alinéa e) ni l'alinéa g) ne traite du nom ou de l'identité de la personne qui a émis l'idée ou l'opinion, ne signifie pas que de tels renseignements ne sont pas des renseignements personnels. Comme l'a signalé la Cour suprême dans l'arrêt Dagg, le fait que les renseignements ne soient pas visés par les exemples donnés à la définition n'a pas d'importance si les renseignements sont autrement visés par la disposition liminaire générale de la définition.


[26]            L'un des alinéas de la définition de « renseignements personnels » traite expressément du nom d'un individu. Il s'agit de l'alinéa i). Il en découle que le nom d'un individu identifiable est un renseignement personnel le concernant dans au moins l'une des deux situations suivantes : premièrement, lorsque le nom est mentionné avec d'autres renseignements personnels concernant l'individu; et deuxièmement, lorsque la divulgation du nom révélerait des renseignements (sans que ces renseignements soient nécessairement des renseignements personnels) au sujet de cet individu.

[27]            Si l'on applique l'alinéa i) de la définition de renseignements personnels, le nom d'une personne qui a émis une opinion ou une idée constituera un renseignement personnel à son sujet, au sens de l'alinéa i), s'il est mentionné avec d'autres renseignements personnels le concernant. Puisque l'opinion de cette personne au sujet de M. Pirie n'est pas un renseignement personnel rattaché à cette autre personne, le nom de la personne qui a émis l'idée ou l'opinion n'est pas en soi un renseignement personnel qui la concerne, compte tenu de la première partie de l'alinéa i).

[28]            Cependant, le nom de la personne qui a émis l'idée ou l'opinion est un renseignement personnel qui la concerne lorsque, suivant la deuxième partie de l'alinéa i), la seule divulgation de son nom révélerait des renseignements à son sujet.

[29]            Sans tenir compte, pour le moment, de l'incidence de l'alinéa j) de l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il découle de l'analyse faite précédemment que la décision de ne pas divulguer à M. Pirie le nom de la personne qui a émis l'idée ou l'opinion, serait bien fondée si la divulgation de son nom révélait des renseignements à son sujet.


[30]            En l'espèce, le Ministre défendeur soutient que la divulgation du nom des personnes qui ont exprimé leurs idées et opinions au sujet de M. Pirie aurait pour effet de révéler des renseignements personnels à leur sujet, à savoir leur participation à l'examen administratif.

[31]            Le Commissaire à l'information répond que cette interprétation permettrait à un ministère de refuser de divulguer le nom des témoins dans le cadre d'un examen ou d'une enquête administratifs auxquels n'auraient pas participé tous les employés. Cela serait contraire à l'objet de la loi, particulièrement dans le contexte du sous-alinéa 16(1)c)(ii) de la Loi sur l'accès à l'information, qui prévoit une exception à la communication de l'identité d'une source de renseignements confidentielle. Le Commissaire à l'information fait également valoir que la divulgation du nom de la personne interrogée ne révèle pas de renseignements personnels à son sujet.


[32]            À mon avis, on peut répondre de la façon suivante aux préoccupations du Commissaire à l'information sur ces points. Premièrement, quant à savoir si cette interprétation, sur le plan des principes, permet à juste titre à un ministère de taire le nom des témoins, cela dépendra de l'interprétation qui sera donnée à l'alinéa j) de la définition de renseignements personnels, où le Parlement a exprimé son intention quant aux renseignements personnels concernant les cadres et les employés des institutions fédérales. Deuxièmement, la dernière partie de l'alinéa 3 i) n'exige pas que la divulgation du nom d'un individu révèle des renseignements personnels le concernant. Elle exige simplement que la divulgation du nom d'un individu révèle des renseignements à son sujet.

[33]            Par conséquent, la question est de savoir si le seul fait de divulguer les noms des personnes interrogées révèle des renseignements à leur sujet. Dans l'arrêt Dagg, l'opinion minoritaire, à laquelle les juges majoritaires ont souscrit, a conclu que la divulgation des noms figurant sur une feuille de présence révélerait des renseignements et à n'en pas douter, des renseignements personnels sur des individus identifiables. Il s'agissait de renseignements concernant la présence de certains employés sur leur lieu de travail certains jours en particulier.

[34]            Par analogie, j'estime qu'en l'espèce la divulgation des noms des personnes interrogées révéleraient des renseignements à leur sujet de la façon prévue dans la deuxième partie de l'alinéa 3 i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Étant donné que les employés du STC n'ont pas tous participé à cet examen administratif, les renseignements ainsi divulgués permettraient d'identifier ceux qui y ont participé.


[35]            Cette question étant réglée, il reste à déterminer dans le cadre du paragraphe19(1), si l'exception prévue à l'alinéa 3 j) de la définition de renseignements personnels de la Loi sur la protection des renseignements personnels s'applique en l'espèce.

[36]            Avant d'examiner cette question, la Cour doit se pencher sur deux arguments présentés par le Commissaire à l'information, selon lesquels la divulgation des noms des personnes interrogées ne révélerait pas de renseignements personnels à leur sujet. Le premier argument est qu'étant donné l'exclusion spécifique du nom de l'arbitre à l'alinéa h) de la définition, l'absence de toute mention de l'exclusion du nom d'un individu à l'alinéa g) de la définition devrait être considérée comme exprimant l'intention du Parlement de faire en sorte qu'un individu identifiable ne puisse pas anonymement exprimer ses idées ou ses opinions sur un autre individu. Même si cet argument paraît convaincant à première vue, à mon avis, cette façon d'interpréter la loi ne s'applique pas dans un cas où le préambule de la définition est censé constituer la source première de son interprétation, et l'énumération qui suit, ne constitue qu'une liste d'exemples.

[37]            Deuxièmement, le Commissaire à l'information fait valoir que conformément à l'alinéa 71 (1)c) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le Conseil du Trésor a publié un manuel sur la protection des renseignements personnels et des données qui prévoit ceci :


L'article 26 de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit qu'une institution fédérale peut refuser la communication de renseignements personnels qui portent sur un autre individu que celui qui fait la demande.

[...]

Cette exception ne vise pas le nom d'une troisième source de renseignements au sujet d'un individu (par exemple, la source d'une opinion ou d'une critique sur le travail d'un individu) sauf celui d'un arbitre ou d'un juge dans le cas d'une subvention, d'une récompense ou d'un prix, conformément aux alinéas 3e) et h), octroyé aux institutions énumérées à l'article 3 du Règlement (annexe I). Sauf dans les dispositions prévues aux alinéas 3e) et h) de la Loi, le nom de la source et les renseignements ou l'opinion au sujet de l'individu fournis par la source ne peuvent faire l'objet d'une exception en vertu de cette disposition.

[38]            Le Commissaire à l'information allègue que l'interprétation d'une loi faite par l'organisme administratif responsable de sa mise en oeuvre et de son application constitue une source convaincante quant à l'objet ou au sens de la loi, et peut ainsi aider la Cour dans son interprétation. Il fait référence à la décision du juge Rothstein dans Société canadienne des Postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] 3 C.F. 320 (1re inst.), à la page 341.

[39]            La Cour ne s'estime pas liée par une interprétation qui, aussi convaincante soit-elle, ne constitue que l'opinion non contraignante du Conseil du Trésor ou de ses cadres. En l'espèce, je conclus que l'approche interprétative de la Loi sur la Protection des renseignements personnels et de la Loi sur l'accès à l'information adoptée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Dagg n'est pas compatible avec celle du manuel du Conseil du Trésor cité précédemment.


[40]            J'examinerai maintenant la question de savoir si la divulgation est obligatoire en vertu de l'alinéa 3 j) de la définition de renseignements personnels, ici reproduit par souci de commodité, et qui prévoit que les renseignements personnels ne comprennent pas les renseignements concernant :


j) un cadre ou employé, actuel ou ancien, d'une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions, notamment_:

(i) le fait même qu'il est ou a été employé par l'institution,

(ii) son titre et les adresse et numéro de téléphone de son lieu de travail,

(iii) la classification, l'éventail des salaires et les attributions de son poste,

(iv) son nom lorsque celui-ci figure sur un document qu'il a établi au cours de son emploi,

(v) les idées et opinions personnelles qu'il a exprimées au cours de son emploi.

j) information about an individual who is or was an officer or employee of a government institution that relates to the position or functions of the individual including

(i) the fact that the individual is or was an officer or employee of the government institution.

(ii) the title, business address and telephone number of the individual,

(iii) the classification, salary range and responsibilities of the position held by the individual,

(iv) the name of the individual on a document prepared by the individual in the course of employment, and

(v) the personal opinions or views of the individual given in the course of employment


[41]            En l'espèce, il s'agit de savoir si les renseignements en litige peuvent être considérés comme les idées et les opinions personnelles qu'un individu a exprimées au cours de son emploi, et si ces renseignements tombent sous la définition du préambule de l'alinéa 3 j).


[42]            Dans l'arrêt Dagg au paragraphe 94, les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada ont examiné l'objet de l'alinéa 3 j) et du sous-alinéa 3 j)(iii) de la Loi sur la Protection des renseignements personnels, et ils ont souscrit à l'opinion des juges minoritaires selon laquelle l'objet est :

[...] d'exempter seulement les renseignements relatifs aux postes et non ceux concernant telle ou telle personne. Les renseignements relatifs au poste ne sont donc pas des « renseignements personnels » , bien qu'ils puissent incidemment révéler quelque chose au sujet des personnes nommées. Par contre, les renseignements qui concernent principalement des personnes elle-mêmes ou la manière dont elles choisissent d'accomplir les tâches qui leur sont confiées sont des « renseignements personnels » .

Les juges majoritaires ont conclu que les feuilles de présences fournissaient des renseignements qui permettaient de faire une évaluation générale du temps requis pour un poste ou une fonction en particulier, de telle sorte qu'il s'agissait de renseignements « qui sont relatifs » au poste ou à la fonction de l'individu et par conséquent, que ces renseignements tombaient sous la définition du préambule de l'alinéa 3 j).

[43]            En l'espèce, considérant les conditions d'application de l'alinéa 3 j), j'estime qu'il faut faire une distinction entre les employés qui occupent des postes de cadre avec certaines responsabilités et fonctions, et les autres employés.


[44]            En ce qui concerne les cadres, les avocats du Commissaire à l'information ont fait remarquer que les noms de plusieurs personnes interrogées ont été communiqués à M. Pirie, de même que les notes prises lors de ces entrevues. Cette communication était justifiée, de l'avis du Ministre parce que dans tous les cas, les noms et les informations communiqués ne concernaient que des « cadres » ayant la responsabilité de prévenir le harcèlement en milieu de travail ou d'assurer l'application de la politique en matière de harcèlement. Les renseignements ont donc été considérés comme étant des idées et opinions personnelles exprimées au cours de l'emploi. Le bien-fondé de cette opinion n'a pas été contesté dans la présente instance.

[45]            La représentante du Ministre a reconnu en contre-interrogatoire que sept cadres supérieurs du CTD de Vegreville ont été interrogés dans le cadre de l'examen administratif, mais qu'elle ignorait qui ils étaient, quel poste ils occupaient ou quel était leur rôle. Elle ne savait pas qui a remplacé M. Pirie pendant son absence. Plus précisément, elle a affirmé que [TRADUCTION] « dès qu'il apparaissait clair que le rôle d'un individu et ce, particulièrement à la direction générale, était de prévenir le harcèlement en milieu de travail, son identité était dévoilée » . La représentante du Ministre a répondu par la négative à la question suivante : [TRADUCTION] « Et vous dites que vous n'êtes pas au courant de la structure de gestion, que vous ne savez pas qui à cette époque, faisait partie des cadres, qui n'en faisait pas partie et qui parmi ces personnes a été interrogé? » .

[46]            Il incombe au Ministre d'établir qu'un document ne relève pas de l'exception prévue à l'alinéa 3 j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels (voir Dagg au paragraphe 90).


[47]            Me fondant sur le témoignage évoqué précédemment, je conclus qu'en ce qui concerne les noms et les opinions des individus qui étaient chargés d'empêcher le harcèlement en milieu de travail ou à tout le moins d'appliquer la politique de harcèlement au STC de Vegreville, le Ministre ne s'est pas acquitté de son fardeau d'établir que ces renseignements ne relevaient pas des exceptions prévues à l'alinéa 3 j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[48]            En ce qui concerne les employés du STC à Vegreville n'ayant pas comme responsabilité d'empêcher le harcèlement en milieu de travail, je conclus que leurs noms ne sont pas des renseignements reliés à leur poste ou à leur fonction, mais constituent plutôt des renseignements reliés essentiellement aux individus eux-mêmes. Il s'ensuit qu'en ce qui concerne cette catégorie d'employés non-cadres, les renseignements demandés ne relèvent pas de l'alinéa 3 j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je suis arrivé à cette conclusion en me basant sur les considérations suivantes :


(i)          un examen du rapport de TLS montre qu'il a aussi été question de racisme dans la communauté de Vegreville (on y trouve par exemple des détails sur les agissements racistes à l'endroit des enfants des employés à l'école ou à bord de l'autobus scolaire). Cela dépasse les questions concernant le lieu de travail;

(ii)         d'anciens employés ont été interrogés;

(iii)        la participation à l'examen administratif était facultative même si certains employés ont été invités à participer;

(iv)        les noms des personnes interrogées n'ont été transmis au STC qu'après la plainte de M. Pirie. Cela démontre, je crois, que les noms n'ont pas été demandés pour des fins professionnelles.

(ii) Le défendeur a-t-il tenu compte, de manière adéquate, du paragraphe 19(2) de la Loi sur l'accès à l'information et du sous-alinéa 8(2)m)(ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels?

[49]            Par souci de commodité, l'alinéa 19(2)c) de la Loi sur l'accès à l'information et le sous-alinéa 8(2)m)(ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels sont ici retranscrits :      



19(2) Le responsable d'une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où_:

[...]

c) la communication est conforme à l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[...]

8(2) Sous réserve d'autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d'une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants_:

[...]

m) communication à toute autre fin dans les cas où, de l'avis du responsable de l'institution_:

[...]

(ii) l'individu concerné en tirerait un avantage certain.

19(2) The head of a government institution may disclose any record requested under this Act that contains personal information if

...

(c) the disclosure is in accordance with section 8 of the Privacy Act.

...

8(2) Subject to any other Act of Parliament, personal information under the control of a government institution may be disclosed

...

(m) for any purpose where, in the opinion of the head of the institution,

...

(ii) disclosure would clearly benefit the individual to whom the information relates.


[50]            La détermination de la norme de contrôle appropriée est essentielle à tout examen de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire.

[51]            À ce sujet, dans l'arrêt Dagg, les juges majoritaires de la Cour suprême ont fait le commentaire suivant au paragraphe 16 :


Deuxièmement, compte tenu de la conclusion que les renseignements doivent être communiqués, il n'est pas nécessaire que j'examine si le Ministre a commis une erreur en exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré en vertu du par. 19(2) de la Loi sur l'accès à l'information et de l'art. 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En général, je souscris à la conclusion du juge La Forest qu'une décision discrétionnaire du Ministre, fondée sur le sous-al. 8(2)m)(i), ne doit pas être examinée selon une norme de révision de novo. Il suffit peut-être de faire remarquer que le Ministre n'est pas tenu d'examiner s'il est dans l'intérêt public de divulguer des renseignements personnels. Toutefois, lorsqu'une demande de divulgation lui est faite, il doit exercer ce pouvoir discrétionnaire au moins en examinant l'affaire. S'il refuse ou omet de le faire, le Ministre se trouve à refuser d'exercer la compétence dont lui seul est investi.

[52]            Le juge La Forest, au nom des juges minoritaires, a dit ceci au paragraphe 111 :

Le fait qu'un pouvoir prévu par la loi soit discrétionnaire ne signifie pas, évidemment, qu'une décision fondée sur ce pouvoir échappe à la surveillance des tribunaux. On peut toujours alléguer qu'il y a eu abus du pouvoir discrétionnaire. La norme de contrôle à appliquer a étéénoncée par le juge McIntyre dans Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pp. 7 et 8:

C'est [...] une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désignépar la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a étéexercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

[53]            Ni le demandeur ni M. Pirie n'ont présenté une preuve de mauvaise foi, d'injustice ou de prise en compte de considérations inappropriées.

[54]            Le décideur a déclaré sous serment avoir pris en considération les exceptions prévues au paragraphe 19(1) de la Loi sur l'accès à l'information et décidé qu'aucune des dispositions de l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s'appliquait.


[55]            La seule lacune signalée par le Commissaire à l'information est que le décideur n'était pas au courant de la façon dont le rapport de TLS avait été utilisé contre M. Pirie.    On a fait valoir que la possibilité que M. Pirie a eue de réfuter les commentaires faits à son sujet dans ce rapport a été [TRADUCTION] « limitée par la façon dont le défendeur a choisi de le lui fournir » .

[56]            Le rapport de TLS a été transmis à M. Pirie. Celui-ci a eu l'occasion d'y répondre en présentant des observations écrites au sous-ministre. De plus, la personne qui a rendu la décision a déclaré sous serment, dans la partie publique de son contre-interrogatoire, qu'au moment d'exercer son pouvoir discrétionnaire, elle savait que les notes non divulguées n'avaient pas été utilisées contre M. Pirie puisque ces notes n'ont été en la possession du ministère qu'après le dépôt de la plainte de M. Pirie.

[57]            Vu ce témoignage, et avec toute la retenue dont la Cour doit faire preuve à l'égard de la décision, je ne peux conclure que le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 19(2) de la Loi sur l'accès à l'information a été exercé de façon inappropriée.

(iii) Le défendeur était-t-il bien-fondé de refuser la communication en vertu des alinéas 20(1)c) et d) de la Loi sur l'accès à l'information ?

[58]            Par souci de commodité, ces paragraphes sont retranscrits :



20(1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant_:

[...]

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.

20(1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains

...

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.


[59]            Dans l'arrêt Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre de l'approvisionnement et des services) (1990), 107 N.R. 89 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a examiné les alinéas c) et d) du paragraphe 20(1) de la Loi sur l'accès à l'information et a conclu qu'un partie cherchant à éviter la communication de renseignements en se fondant sur ces dispositions doit faire la preuve « d'un risque vraisemblable de préjudice probable » . Ce risque d'un préjudice probable ne peut pas être fondé sur des conjectures ou sur une simple possibilité.


[60]            La seule preuve pertinente présentée à la Cour consiste en une lettre provenant d'un directeur de TLS jointe comme pièce à l'affidavit du décideur. TLS a écrit cette lettre dans le but d'exprimer ses inquiétudes : sa principale préoccupation était envers les membres du personnel [TRADUCTION] « qui nous ont parlé avec honnêteté avec l'assurance que leurs commentaires seraient confidentiels » . La deuxième préoccupation de TLS avait trait à l'entreprise elle-même. Sa directrice affirmait que la perspective de nouveaux contrats pour TLS [TRADUCTION] « sera compromise si, alors que nous assurons aux individus la confidentialité de leurs commentaires, qu'ils nous confient en toute honnêteté leur perception des événements contre l'assurance que cela restera confidentiel, cet accord est ensuite rompu » . La directrice a aussi exprimé sa crainte que la violation de la promesse de confidentialité compromette gravement la capacité de TLS à enquêter sur des questions systémiques. En conclusion de sa lettre, la directrice demande que [TRADUCTION] « dans l'intérêt des employés du STC de même que pour permettre aux organisations de combattre le harcèlement systémique, les notes d'entrevue demeurent confidentielles » .

[61]            J'accepte la prétention des avocats du Commissaire à l'information selon laquelle cette lettre constitue une preuve par oui-dire irrecevable qui contrevient à la règle 81(1) des Règles de la Cour fédérale (1998).

[62]            La preuve d'un risque vraisemblable de préjudice probable est donc insuffisante pour que la communication soit refusée sur la base des alinéas c) et d) de la Loi sur l'accès à l'information.


CONCLUSION

[63]            Pour les motifs précédemment exposés, je ne suis pas convaincue que la demande de contrôle judiciaire doive être accueillie, sauf dans la mesure où j'ai conclu que l'identité de tous les cadres ayant comme responsabilité d'empêcher le harcèlement sur le lieu de travail ou comme fonction d'appliquer la politique de harcèlement qui ont été interrogés, devrait être communiquée à M. Pirie, de même que toutes leurs opinions ou idées consignées qui ne lui ont pas encore été divulguées.                                

[64]            Dans la mesure où la demande du demandeur est accueillie sur ce point, j'ordonne, conformément à la règle 394(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), que le demandeur rédige un projet d'ordonnance donnant effet à ma décision. Ce projet devra être approuvé quant à sa forme, par l'avocat du défendeur. Dans le cas où les parties n'arrivent pas à s'entendre sur la forme de l'ordonnance, une requête pour jugement selon la règle 369 devra être présentée.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                                                   J.C.F.C.                       

Toronto (Ontario)

Le 22 mars 2001

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

No DU GREFFE :                                              T-1569-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                             LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA

                                                                                                               demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA

                                                                                                                défendeur

- et -

PHILIP W. PIRIE         

codéfendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                               LE LUNDI 22 JANVIER 2001   

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 EDMONTON (ALBERTA)

MOTIFS DU JUGEMENT :                            MADAME LE JUGE DAWSON

DATE :                                                             LE JEUDI 22 MARS 2001

ONT COMPARU :                                         Daniel Brunet et

Emily McCarthy

pour le demandeur

Christopher Rupar


                                                                             

pour le défendeur

Philip W. Pirie

codéfendeur, en son nom personnel

AVOCATS AU DOSSIER :               Le Commissaire à l'information du Canada

112, rue Kent, 22ème étage

Ottawa (Ontario)

K1A 0H3

Pour le demandeur

Morris Rosenberg

Procureur général adjoint du Canada

Pour le défendeur

Philip W. Pirie

5810, 55ème rue

Vegreville (Alberta)

T9C 1J6                                                                       

Pour le codéfendeur, en son nom personnel


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                             Date : 20010322

                                                                                                               Dossier : T-1569-99

Entre :

LE COMMISSAIRE ÀL'INFORMATION DU CANADA

                                                                                                               demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION DU CANADA

                                                                                                                défendeur

- et -

PHILIP W. PIRIE    

                                                                                                             codéfendeur

                                                 

MOTIFS DU JUGEMENT

                                                 

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