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Date : 20010601

Dossier : T-238-00

Référence neutre : 2001 CFPI 578

Entre :

                              WEIGHT WATCHERS INTERNATIONAL, INC.

                                                                                                                       Demanderesse

                                                                      ET

                                               VALE PRINTING LIMITED

                                                                       et

THE CANADIAN INSTITUTE OF CULTURAL AFFAIRS

(faisant affaires sous le nom ICA CANADA)

et

ONTARIOSTAR AIRCRAFT COMPANY INCORPORATED

et

MANFRED HUMPHRIES

                                                                                                                             Défendeurs

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:


[1]                Il s'agit d'une requête des défendeurs aux fins essentiellement d'obtenir soit le retrait du dossier des procureurs de la demanderesse, soit l'interrogatoire d'un des procureurs de la demanderesse (Me Robbins), soit la radiation de paragraphes se trouvant à la déclaration amendée du 27 septembre 2000 (la déclaration) ou à un affidavit déposé par Me Robbins dans le cadre d'une demande d'injonction interlocutoire. Il est apparent toutefois que c'est le retrait du dossier de Me Robbins ou de son étude qui est au centre de la requête des défendeurs.

[2]                Il m'apparaît opportun de citer en début d'analyse quel est l'état du droit sur l'aspect de forcer le retrait de procureurs agissant dans un dossier.

[3]                Voici ce qui fut dit à cet effet dans l'arrêt Imperial Oil Ltd. v. Lubrizol Corp. (1999), 86 C.P.R. (3d) 331, en page 336, où le juge Nadon de cette Cour s'en remet aux propos de la Cour divisionnaire de l'Ontario dans l'arrêt Heck v. Royal Bank (1993), 52 C.P.R. (3d) 372:

I believe courts should be reluctant to make what may be premature orders preventing solicitors from continuing to act. In view of the expense of litigation and the enormous waste of time and money and the substantial delay which can result from an order removing solicitors, courts should do so only in clear cases. I adopt the approach taken on this point in Carlson v. Loraas Disposal Services Ltd. (1988), 30 C.P.C. (2d) 181 (Sask. Q.B.), at p. 188.

As discussed in the Carlson decision, an application to remove counsel can be made to the trial judge when it is certain there is a problem. In this case Mr. Green may, or may not be, subpoenaed to testify. Concessions or admissions may be made which will obviate the need to call him as a witness. The evidence he could give may be readily obtainable from other witnesses. As issues are developed, or resolved during trial, his evidence may not be required at all. A trial judge will be in a much better position to determine if his firm should be disqualified.

I do not accept the argument that when a lawyer is compelled to testify against the "other" side in a lawsuit the lawyer's firm must always be prevented from acting in the lawsuit. There are a variety of scenarios which might develop at, or during, trial.

(Mes soulignés)


[4]                Cet arrêt fait également appel à l'application d'un test flexible pour déterminer toute requête en retrait. Auparavant dans l'arrêt International Business Machines Corp. v. Printech Ribbons Inc. (1993), 52 C.P.R. (3d) 48, en page 59, le juge Nadon avait déclaré ceci:

In my view, the grounds alleged by an applicant who is seeking, at an early stage in the proceedings, to have an entire law firm removed as counsel of record will not be "serious" unless the court is satisfied that the attorney from that firm is certain to testify or is very likely to testify. Failing that, it is my view that such an application should not be granted.

[5]                En l'instance, malgré les prétentions des défendeurs, je considère que pour les fins de la présente requête, le dossier en est encore à un stade préliminaire; les interrogatoires au préalable n'étant point commencés.

[6]                Pour les raisons qui suivent, je ne suis pas convaincu que je suis saisi d'un cas où il est clair qu'il doit y avoir retrait de procureurs ou qu'il doit y avoir radiation de paragraphes soit dans la déclaration, soit dans l'affidavit de Me Robbins.

[7]                En présentation de sa requête, le procureur des défendeurs a insisté sur trois aspects du dossier qui impliquent des documents et qui feraient que sa requête, en tout ou en partie, devrait être accordée.


[8]                Il a fait référence premièrement à un courriel daté du 30 juin 2000 qu'il aurait fait parvenir à Me Robbins dans lequel il indique que sa cliente s'apprêtait à poser un geste en date du 4 juillet 2000. Ce courriel devrait servir en preuve à établir que les défendeurs ont de tout temps agi avec transparence et honnêteté à l'égard de la demanderesse.

[9]                Le problème se pose selon le procureur des défendeurs en raison du fait que les procureurs de la demanderesse, de par leurs procédures, ne reconnaissent pas avoir reçu ce courriel.

[10]            Les défendeurs veulent donc interroger Me Robbins à cet effet et pour cela - comme pour les autres motifs pour lesquels on veut l'interroger - on demande son retrait comme procureur au dossier.

[11]            Il m'apparaît qu'il est loin d'être sûr que l'on doive interroger Me Robbins soit en préalable, soit au mérite, pour établir si la demanderesse a eu vent de l'intention annoncée par le procureur des défendeurs dans ce courriel. D'autres moyens peuvent être entrepris par les défendeurs pour découvrir cette information qui m'apparaît du reste, compte tenu du libellé du paragraphe 31 de la déclaration, avoir une valeur toute relative dans le débat plus général qui se tiendra au mérite.


[12]            Premièrement, en vertu de la règle 255 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles), les défendeurs pourraient envoyer à la demanderesse une mise en demeure de reconnaître l'authenticité du courriel et la véracité de faits entourant la connaissance par la demanderesse de ce courriel.

[13]            Deuxièmement, l'interrogatoire de la demanderesse n'a pas eu lieu. En théorie, bien des spéculations peuvent être tenues relativement à ce à quoi pourra s'objecter la demanderesse à cet égard. Toutefois, en pratique il est possible que bien des "concessions ou admissions", tel qu'indiqué dans l'arrêt Imperial Oil, supra, pourront être faites qui feront que les défendeurs seront satisfaits.

[14]            De plus, le site Web visé par le courriel est apparemment accessible par le grand public. Ceci fait que la demanderesse elle-même peut répondre à des questions à cet égard.

[15]            Les deux autres aspects du dossier touchent à des documents qui sont soulevés dans la déclaration ou la défense. Comme toutefois ces documents n'apparaissent pas être listés dans l'affidavit de documents de la demanderesse, les défendeurs y voient une difficulté et voudraient interroger Me Robbins sur ceux-ci puisque ce dernier les a joints à un affidavit.

[16]            Il faut premièrement établir que cet affidavit fut souscrit à l'appui d'une demande d'injonction interlocutoire présentée par la demanderesse.


[17]            Le fait que Me Robbins ait souscrit un affidavit et que lui ou un collègue de la même étude ait plaidé sur la requête en injonction sont des faits qui pouvaient uniquement avoir une pertinence dans le cadre de cette requête qui mena à une décision de cette Cour en date du 2 juin 2000. De fait, il appert que cette situation fut portée alors à l'attention de la Cour. Toutefois, en les circonstances, la Cour ne semble pas avoir retenu quelque difficulté soulevée à cet égard. Il ressort même que la Cour dans sa décision s'en remet à plus d'une reprise à l'affidavit de Me Robbins.

[18]            Tout ce qui entoure cette demande d'injonction est maintenant frappé du caractère de chose jugée. De plus, l'affidavit de Me Robbins ne peut être vu comme étant souscrit à l'appui du mérite à venir de l'action puisque la preuve de la demanderesse devra se faire par témoins entendus de vive voix. Le procureur de la demanderesse a de plus confirmé en Cour qu'à ce stade-ci, il n'entend pas faire appel au témoignage ou à l'affidavit de Me Robbins au stade du mérite. Il est donc pour le moins incertain que ce dernier témoignera à l'audition au mérite.

[19]            De façon spécifique, le procureur des défenderesses a fait référence à une lettre datée du 29 novembre 1999 qui fut jointe par Me Robbins à son affidavit à titre de pièce "C". Cette lettre fut envoyée par Me Donald B. Gray, procureur alors de ICA Canada, à Me Bereskin, un collègue de Me Robbins.


[20]            Tel que mentionné plus avant, Me Robbins s'associa à la production de cette lettre pour les fins de l'injonction. Cette étape est révolue. Je ne vois pas pourquoi on devrait maintenant forcer Me Robbins ou son étude à se retirer du dossier pour une lettre qu'il n'a pas écrite mais qui le fut par la partie défenderesse. Son introduction éventuelle en preuve ne passera pas nécessairement par le témoignage de Me Robbins ou Me Bereskin.

[21]            Quant au troisième et dernier aspect, soit deux documents auxquels on a référé comme les lettres de Synnott, elles étaient incluses dans l'affidavit de Me Robbins et ce qui fut dit auparavant quant au contexte passé de cet affidavit s'applique ici aussi. Ces deux lettres se divisent en annexes A et B.

[22]            De plus, quant à l'annexe A, celle-ci ne présente aucun lien significatif avec Me Robbins (hormis le fait qu'il l'ait produite dans le cadre de la demande d'injonction).

[23]            Pour ces motifs, il y a lieu de rejeter l'ensemble des remèdes spécifiques soulevés dans la requête des défendeurs, à savoir:

1.             Une Ordonnance de cette Honorable Cour déclarant Me Mark Robbins et son cabinet, Bereskin & Parr, inhabiles à représenter l'Intimée;

2.             Une Ordonnance de cette Honorable Cour ordonnant à Me Mark Robbins de se soumettre à l'interrogatoire par les procureurs des Requérants, le tout suivant les Règles 82, 83, 97 et 238 des Règles de la Cour fédérale;

3.             Subsidiairement, et dans l'alternative, une Ordonnance de cette Honorable Cour déclarant Me Mark L. Robbins inhabile, ordonnant la mise en place d'une muraille de Chine au sein du cabinet Bereskin & Parr, et ordonnant à Me Mark Robbins de se soumettre à l'interrogatoire par les procureurs des Requérants;

4.             Subsidiairement, et dans l'alternative, si les procureurs Mes Robbins et/ou Bereskin & Parr devaient rester au dossier, une Ordonnance de cette Honorable Cour rejetant les affidavits signés par Me Mark Robbins les 7 et 29 février 2000, ainsi que toute annexe y jointe;

5.             Subsidiairement, et dans l'alternative, si les procureurs Mes Robbins et/ou Bereskin & Parr devaient rester au dossier, une Ordonnance de cette Honorable Cour ordonnant que soient rayés les paragraphes 8, 26, 31, 36, 37, 38, 39 et 40 de la Déclaration Amendée datée du 27 septembre 2000, le tout suivant le Règle 221 des Règles de la Cour fédérale;

[24]            Une ordonnance indiquant que cette requête des défendeurs est rejetée avec dépens accompagne les présents motifs.

Richard Morneau                                    

protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC),

le 1er juin 2001


                                           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

        NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:


T-238-00

WEIGHT WATCHERS INTERNATIONAL, INC.

                                                              Demanderesse

ET

VALE PRINTING LIMITED

et

THE CANADIAN INSTITUTE OF CULTURAL AFFAIRS

(faisant affaires sous le nom ICA CANADA)

et

ONTARIOSTAR AIRCRAFT COMPANY INCORPORATED

et

MANFRED HUMPHRIES

                                                                   Défendeurs


LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 3 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 1er juin 2001

ONT COMPARU:


Me Michael E. Charles

pour la demanderesse



Me Ali T. Argun


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Bereskin & Parr

Toronto (Ontario)

pour la demanderesse

Brouillette Charpentier Fortin

Montreal (Québec)

pour les défendeurs


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