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Date : 20040312

Dossier : T-1174-02

Référence : 2004 CF 375

ENTRE :

                                                        ROBERT G. STENHOUSE

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN

[1]                La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision du commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Giuliano Zaccardelli (le Commissaire), datée du 18 juin 2002, confirmant la recommandation du Comité externe d'examen d'ordonner à l'appelant de démissionner de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans les 14 jours et, à défaut de le congédier, suite à son manquement au serment du secret et au serment professionnel, ainsi qu'au Code de déontologie


[2]                L'action disciplinaire fait suite à la divulgation sans autorisation par le demandeur, en 1998 et 1999, de documents confidentiels de la GRC et d'autres corps policiers relatifs aux politiques de lutte contre les bandes de motards hors la loi (BMHL). Ces documents ont été communiqués à M. Yves Lavigne, un auteur canadien, qui les a reproduits dans son ouvrage de 1999 intitulé « Hells Angels at War » .

[3]                Cette demande soulève quatre questions : la prétention qu'il existe une crainte raisonnable de partialité de la part du Commissaire; la défense de « dénonciateur » ; l'impact des violations prétendues des règles de la justice naturelle; et la question de savoir s'il y avait lieu de suspendre l'action disciplinaire pour abus de procédure.

LES FAITS

[4]                Les parties se sont mis d'accord sur l'énoncé des faits suivant :

1)         À l'époque en cause, le demandeur était membre de la GRC;

2)         Le 23 mars 1982, le demandeur a été engagé comme membre régulier de la GRC et il a prêté le serment du secret;

3)         Du 1er janvier 1998 au 1er septembre 1999, le demandeur était sergent affecté à la Section antidrogue à Edmonton;

4)         Le 1er septembre 1999, le demandeur a été promu sergent d'état-major et affecté au bureau administratif de la Division K, à Edmonton;

5)          Entre le 1er janvier 1998 et le 18 octobre 1999, les deux dates étant inclusives, le demandeur a divulgué les documents de la GRC suivants sans l'autorisation d'un gestionnaire ou de leur auteur à Yves Lavigne, un auteur qui n'est ni membre ni employé de la GRC, ni une personne autorisée à recevoir ces documents :

a)         Lettre datée du 98-04-08 du dét. R. Robertson, coordonnateur provincial nord, au serg. Bob Stenhouse;

b)         Note de service datée du 98-03-26 du dét. G. Park, coordonnateur provincial sud BMHL, au serg. Bob Stenhouse;

c)         Lettre datée du 98-04-08 du chef J. Fantino au comm. adj. Donald McDermid, cotée Confidentiel;


d)         Note de service datée du 98-04-24 du serg. R. H. McDonald au comm. adj. D.N. McDermid, cotée Confidentiel;

e)         Note de service datée du 98-04-30 du surint. pr. R.D. MacKay à l'off. resp. suppl. de l'Intendance (Nord), cotée Protégé A;

f)          Document intitulé [traduction] « Service de renseignements criminels Alberta, Bandes de motards hors la loi, Une approche de communication » coté Confidentiel;

g)         Lettre datée du 98-10-09 de Jane Webster, m. c., analyste des bandes de motards hors la loi, et du s.é.-m. suppléant R.H. McDonald au Comité exécutif du SRCA et autres, cotée Protégé A;

h)         Lettre datée du 98-01-05 du chef J. Fantino à tous les membres du SCRC;

i)          Procès-verbal de la réunion du 1er niveau daté du 98-08-23 et coté « Règlement touchant une tierce personne » .

[5]                Au cours d'une carrière de 18 ans, le demandeur a été promu plusieurs fois. Il a été cité pour bravoure. Il a atteint le rang de sergent d'état-major (s.é.-m.). Il a été impliqué dans des opérations d'infiltration et il a travaillé aux sections antidrogue, meurtres, collecte de renseignements et enquêtes sur le crime organisé. Il a infiltré les Hells Angels pendant environ une année. Les motifs de la décision du Comité d'arbitrage de la GRC décrivent le demandeur comme un policier remarquable et courageux, dont le dossier disciplinaire était vierge jusqu'aux événements en question. Le demandeur ayant développé un intérêt particulier pour les BMHL et pour les politiques de lutte les visant, il a été transféré en 1996 au groupe du renseignement sur les BMHL. Suite à son travail dans ce secteur, il a été choisi en 1998 pour représenter la GRC au Comité de travail sur le crime organisé (Comité de travail).


[6]                À l'époque où le demandeur participait au Comité de travail, il a rédigé plusieurs notes de service et de breffage aux responsables du secteur des opérations criminelles à la GRC, pour indiquer qu'il y avait des lacunes dans l'approche policière aux BMHL. Il proposait des améliorations et des stratégies de remplacement.

[7]                Le demandeur déclare qu'il a divulgué les documents confidentiels suite à un sentiment de frustration, dû au fait qu'il considérait que la GRC limitait au minimum ses enquêtes au sujet de l'activité criminelle de la bande de motards Hells Angels, alors qu'au même moment elle animait une campagne dans les médias pour obtenir que le public exerce des pressions sur le gouvernement afin qu'on accorde plus de ressources aux corps policiers. Il soutient que les BMHL ne faisaient pas l'objet d'enquêtes appropriées et qu'il y avait donc un risque sérieux qu'on n'aborde pas de la bonne façon les risques qu'ils posaient pour le public. Le demandeur soutient qu'il a divulgué les documents pour corroborer ses déclarations au sujet de l'approche policière aux BMHL, et seulement après avoir pris en compte ses obligations juridiques, morales et éthiques envers son employeur. Le demandeur soutient aussi que cette divulgation n'a causé aucun tort à la GRC, autre que celui de l'avoir mise dans l'embarras.

Les excuses de Stenhouse


[8]                Le 18 octobre 1999, le demandeur a appris que les documents qu'il avait fournis à M. Lavigne avaient été reproduits dans son livre. Il a alors fait parvenir un courriel à plusieurs de ses collègues de la GRC, y compris à son supérieur hiérarchique immédiat, le surintendant Roberts, et au commandant de sa division, le commissaire adjoint McDermid, leur exprimant ses plus [traduction] « sincères regrets et excuses » pour avoir fourni des documents confidentiels à M. Lavigne. Dans ce courriel, le demandeur explique qu'il a fourni les documents à M. Lavigne parce qu'il ressentait de la frustration face aux méthodes d'enquête de la GRC au sujet des Hells Angels et autres BMHL et qu'il croyait devoir agir pour obliger les corps policiers à changer leur approche au problème des BMHL. Il ajoutait ceci : [traduction] « en me faisant dénonciateur, je pouvais peut-être améliorer la situation » . Le demandeur ajoutait qu'il avait fourni les documents sur la foi d'un engagement qu'ils ne seraient utilisés que pour mieux comprendre la situation. Afin d'expliquer son geste, le demandeur rappelait son effondrement émotif et sa tentative de remettre sa démission par suite de son intense frustration face à la politique de la GRC. Le demandeur concluait son courriel en déclarant ceci : [traduction] « Je ne l'ai pas fait pour des raisons personnelles, et je suis sincèrement désolé que mes actes aient causé de l'embarras ou du stress à quiconque. »

L'action disciplinaire grave et la décision

[9]                En vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 (Loi sur la GRC), un comité d'arbitrage de la GRC (Comité d'arbitrage) a été constitué pour tenir une enquête disciplinaire au sujet de deux allégations :

1)          que le demandeur avait agi « d'une façon scandaleuse qui jetterait le discrédit sur la Gendarmerie » , contrairement au paragraphe 39(1) du Code de déontologie de la GRC; et

2)          que le demandeur avait violé le serment du secret, contrairement à l'article 50 du Code de déontologie de la GRC.

Le Comité d'arbitrage a rejeté la deuxième allégation, au motif qu'elle faisait double emploi et qu'il serait injuste de sanctionner le demandeur deux fois pour les mêmes faits.


[10]            Le Comité d'arbitrage a tenu 10 jours d'audience, en février, mars et avril. Le représentant de l'officier compétent (ROC), un officier de la GRC désigné par le Commissaire pour présenter l'affaire au Comité d'arbitrage, a cité 11 témoins à comparaître. Le demandeur en a cité 13.

[11]            Le 3 avril 2001, le Comité d'arbitrage a conclu que le demandeur était coupable de conduite jetant le discrédit sur la Gendarmerie et lui a ordonné de démissionner dans les 14 jours, à défaut de quoi il serait congédié. Il a conclu que le demandeur n'avait démontré que peu de remords pour ses actions et que son inconduite allait au coeur de la relation employeur-employé et des attentes du public face aux membres des corps policiers. Les motifs de la décision comportent 52 pages, et on trouve la conclusion suivante à la page 51 :

Le s.é.-m. Stenhouse s'est excusé et a exprimé du remords. Il jugeait que sa conduite était morale, éthique et légale. Même s'il reconnaît avoir fait preuve de mauvais jugement, le s.é.-m. Stenhouse n'a pas déclaré une seule fois avoir été dans l'erreur dans son évaluation. Dans son témoignage, il a déclaré avoir réfléchi mûrement avant de communiquer les documents. Le s.é.-m. Stenhouse a également déclaré qu'en rétrospective, il aurait dû enlever les noms qui se trouvaient dans les documents pour ne pas causer d'embarras aux intéressés. Il n'y a tout simplement pas de preuve devant nous que ses vues ont changé, qu'il considère que sa conduite était totalement injustifiée et violait le Serment professionnel et le Serment du secret qu'il avait prêtés. Nous avons entendu de nouveaux témoignages sur la peine au sujet du s.é.-m. Stenhouse qui faisait valoir le risque de divulgation publique pour inciter l'officier compétent à accepter le MARC. Il a déclaré que des renseignements embarrassants seraient rendus publics en étant présentés en preuve. De plus, il a mis une condition à son rétablissement dans ses fonctions. Un tel geste ne reflète pas du remords sincère et la volonté de changer, et il n'indique pas que le s.é.-m. Stenhouse est prêt à adopter les valeurs de la Gendarmerie. Il ne montre pas la volonté de respecter le Serment professionnel et le Serment du secret qu'il a prêtés et qui sont des éléments essentiels du contrat d'emploi avec la GRC, contrat d'emploi que le s.é.-m. Stenhouse a accepté de plein gré lorsqu'il s'est joint à la GRC. Le potentiel de réhabilitation n'a pas été prouvé. La violation de la confiance représentée par l'inconduite en l'espèce va au coeur de la relation employeur-employé et aucune peine ne peut la rétablir. La conduite du s.é.-m. Stenhouse et le caractère qu'elle révèle sont tels qu'ils minent et entachent gravement la confiance essentielle que l'employeur est en droit de placer en lui. Le s.é.-m. Stenhouse a répudié son contrat d'emploi, ou l'un de ses éléments essentiels [voir Ennis v. Canadian Imperial Bank of Commerce, (1986) 13 CCEL 25].


[12]            Le demandeur a fait appel de la décision du Comité d'arbitrage au Commissaire. En vertu du paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la GRC, le Commissaire a renvoyé la décision du Comité d'arbitrage devant le Comité externe d'examen pour obtenir un avis indépendant.

[13]            Le 5 juin 2002, le Comité externe d'examen a recommandé le rejet de l'appel. Le Comité externe d'examen a conclu que les actions du demandeur n'étaient pas protégées par la liberté d'expression et qu'il n'avait pas droit à la défense de « dénonciateur » . Il a convenu que le demandeur avait violé son obligation de loyauté et jeté le discrédit sur la GRC.

[14]            S'agissant de la décision sur la peine, le Comité externe d'examen a examiné de façon approfondie toutes les circonstances, y compris les excuses du demandeur. Voici ce qu'on trouve à ce sujet dans les motifs de décision, au paragraphe 80 :

80 Dans des circonstances différentes, l'inconduite de l'appelant n'aurait peut-être pas justifié la peine imposée par le Comité d'arbitrage. Même si cette inconduite correspond à un abus de confiance, l'appelant aurait pu rester à l'emploi de la GRC si la preuve avait montré que sa conduite ne lui ressemblait pas, qu'il comprenait non seulement que ses actes reposaient sur une erreur de jugement, mais aussi qu'ils constituaient un manquement à son obligation de loyauté envers son employeur, et que le risque de récidive était minime [...]

81 Même si l'appelant a reconnu que la divulgation avait été une erreur de jugement, la seule erreur qu'il admet avoir commise est d'avoir fait confiance à M. Lavigne et pensé que celui-ci utiliserait les documents comme référence seulement. Il a affirmé qu'à l'avenir, il ne s'adresserait plus à un auteur ou à un journaliste lorsqu'il remet en question la politique ou les pratiques de la GRC, mais il y a quelque chose de fort troublant et de très peu rassurant dans l'ensemble de son témoignage devant le Comité d'arbitrage. De toute évidence, il n'a pas donné au Comité d'arbitrage l'impression d'être quelqu'un en qui on pouvait faire confiance dorénavant pour ce qui est de son obligation de loyauté envers son employeur [...]


[15]            Le Comité externe d'examen a conclu que la GRC avait des raisons légitimes de douter qu'elle pourrait dorénavant faire confiance au demandeur en présence de renseignements confidentiels, et que le congédiement dans de telles circonstances avait été considéré comme la peine pertinente par des arbitres du travail dans des affaires n'impliquant pas la GRC.

[16]            Le 18 juin 2002, le Commissaire s'est rangé à la recommandation du Comité externe d'examen et il a rejeté l'appel du demandeur.

[17]            Le 24 juillet 2002, le demandeur a présenté sa demande de contrôle judiciaire.

LA LÉGISLATION PERTINENTE

[18]            On trouve les dispositions législatives pertinentes dans la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10, le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-361, et la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Ces dispositions sont reproduites à l'annexe A aux présents motifs.

LA NORME DE CONTRÔLE

[19]            Le demandeur soutient que la norme de contrôle est celle de la décision correcte, alors que le défendeur soutient qu'il s'agit plutôt de la décision manifestement déraisonnable.

L'analyse pragmatique et fonctionnelle


[20]            Dans l'arrêt Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, (2003), 223 D.L.R. (4th) 599, la Cour suprême du Canada a conclu qu'il peut y avoir des normes de contrôle différentes dans une même affaire, selon les questions en cause. La Cour exige qu'on procède à une analyse pragmatique et fonctionnelle afin de décider de la norme de contrôle applicable dans une demande de contrôle judiciaire donnée. Au paragraphe 26 de l'arrêt Dr Q., la Cour déclare ceci :

Selon l'analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle est déterminée en fonction de quatre facteurs contextuels - la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel; l'expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur la question en litige; l'objet de la loi et de la disposition particulière; la nature de la question - de droit, de fait ou mixte de fait et de droit [...]

[21]            En utilisant la méthode pragmatique et fonctionnelle dans la présente affaire, j'arrive aux conclusions suivantes :

1) La clause privative - Au paragraphe 45.16(7) de la Loi sur la GRC, on trouve la clause privative restreinte suivante :

La décision du commissaire portant sur un appel interjeté en vertu de l'article 45.14 est définitive et exécutoire et, sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur les Cours fédérales, n'est pas susceptible d'appel ou de révision en justice.

Cette clause privative « restreinte » fait qu'il y a lieu d'exercer une certaine retenue face à la décision du Commissaire, tout comme face à d'autres décisions soumises au contrôle judiciaire de la Cour fédérale en vertu du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Le niveau de retenue à exercer est déterminé en utilisant les étapes suivantes dans le cadre de la méthode pragmatique et fonctionnelle;

2) L'expertise du tribunal - Le Commissaire a de toute évidence une expertise au sujet de la GRC, ce qui va dans le sens d'une certaine retenue;


3) L'objet de la loi - La législation reconnaît que la GRC doit avoir le contrôle de sa discipline, ce qui se reflète dans le processus disciplinaire en trois étapes que l'on trouve dans la Loi sur la GRC. De plus, les membres de la GRC ne sont pas soumis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33. Ceci va dans le sens d'une certaine retenue face à une décision du Commissaire en matière de discipline; et

4) La nature de la question - de droit, de fait ou mixte de fait et de droit - Le processus disciplinaire de la GRC est essentiellement fondé sur des faits. Le Commissaire a l'expertise requise pour examiner les conclusions quant aux faits et, en conséquence, il y a lieu d'exercer une grande retenue à son égard lorsqu'il s'agit des questions de fait. Sur les questions de droit toutefois, la Cour a une plus grande expertise que le Commissaire et n'exercera donc pas de retenue à son égard pour ces questions en examinant ses décisions au vu de la norme de la décision correcte. S'agissant des questions mixtes de fait et de droit, la Cour exercera une certaine retenue et soumettra la décision à la norme de la décision raisonnable simpliciter, savoir si la décision est raisonnable et peut résister à un « examen assez poussé » .

[22]            En l'espèce, toutes les questions soulevées par le demandeur sont des questions mixtes de fait et de droit. Par conséquent, la norme de contrôle applicable à chacune est celle de la décision raisonnable simpliciter. Bien sûr, si les décisions soumises au contrôle se fondent sur une interprétation erronée du droit, la Cour utilisera la norme de la décision correcte.                       

LES QUESTIONS EN LITIGE

[23]            Le demandeur soulève les questions suivantes :


1)         Le fait que c'est le Commissaire qui a entendu l'appel démontre-t-il l'existence de partialité, ou d'une crainte raisonnable de partialité?

2)         Le Commissaire a-t-il enfreint les principes de l'équité procédurale et de justice naturelle?

a)          Le Commissaire n'a pas tenu compte d'une preuve nouvelle et pertinente;

b)          Le demandeur n'a pas reçu une divulgation complète de toute la preuve relative à son cas;

c)          Le ROC et les enquêteurs chargés de l'affaire ont fait preuve de partialité envers le demandeur.

3)         La conduite de la GRC dans le processus disciplinaire constitue-t-elle un abus de procédure justifiant une suspension définitive de la procédure?

4)          Le Commissaire a-t-il commis une erreur en appliquant le droit sur les « dénonciateurs » ?

ANALYSE

Action disciplinaire grave en vertu de la Loi sur la GRC

[24]            La Loi sur la GRC contient un processus complet et équitable en matière d'action disciplinaire grave contre les membres de la GRC. Le législateur a prévu un régime équilibré en trois étapes, qui protège les droits du membre de la GRC accusé d'avoir contrevenu au Code de déontologie de la GRC. Lorsque la procédure en trois étapes est terminée, la Cour fédérale a compétence pour assurer le contrôle judiciaire de la décision et du processus. Voici les trois étapes en cause :

1re étape - une audience devant un Comité d'arbitrage formé de trois officiers de la GRC, dont un au moins est un avocat (paragraphe 43(1) de la Loi sur la GRC);


2e étape - en cas d'appel de la décision du Comité d'arbitrage, le Comité externe d'examen, un organisme indépendant constitué de civils, examine la décision du Comité d'arbitrage portant sur les mesures disciplinaires applicables aux membres de la GRC et fait rapport (paragraphe 45.15(1)); et

3e étape - après le rapport du Comité externe d'examen, le Commissaire étudie l'appel portant sur la mesure disciplinaire proposée et il en dispose (paragraphes 45.16(1) et (2)).

Question no 1 : Crainte de partialité

[25]            La preuve démontre que le Commissaire, alors sous-commissaire chargé de la lutte contre le crime organisé et de la politique opérationnelle, a été chargé dès le 24 janvier 2000 d'assurer un suivi de l'enquête visant le demandeur, soit près de cinq mois avant qu'il ne soit question d'action disciplinaire grave. La preuve porte que le sous-commissaire Zaccardelli (tel était alors son titre) recevait des comptes rendus durant l'enquête, ainsi que chaque jour au cours des audiences du Comité d'arbitrage. En conséquence, la Cour conclut que le Commissaire avait un intérêt particulier à la poursuite et qu'il a reçu des comptes rendus à la fois des personnes chargées de la poursuite et de l'enquête. Donc, il était en contact avec l'une des parties pendant toute l'enquête et l'audience sur les mesures disciplinaires.

[26]            Le Comité externe d'examen a admis qu'une personne raisonnable aurait une crainte raisonnable de partialité de la part du Commissaire, mais il a ajouté que rien dans la Loi sur la GRC n'exige que le Commissaire soit un décideur indépendant et impartial. Voici ce que dit le Comité externe d'examen au paragraphe 93 de ses motifs de décision :

De plus, bien que je puisse certainement comprendre pourquoi le Commissaire pourrait ne pas être perçu par l'appelant comme un décideur indépendant, rien dans la loi n'exige que l'appel soit tranché par un arbitre indépendant. [...]

Je ne partage pas cet avis.


[27]            Les tribunaux ne devraient pas intervenir lorsqu'il est clair que le législateur a voulu conférer au Commissaire des compétences qui se recoupent, ce dernier pouvant être autorisé à la fois à faire enquête et à rendre jugement sur une question, même s'il faut pour cela mettre de côté la justice naturelle prévue dans la common law. En l'espèce, le Commissaire a pleine autorité de gérer la GRC en vertu de l'article 5 de la Loi sur la GRC, ce qui suppose qu'on le tient au courant de toute procédure disciplinaire importante. Toutefois, rien dans la Loi sur la GRC n'indique que le législateur avait l'intention que le demandeur soit privé de ses droits à la justice naturelle dans le processus d'appel devant le Commissaire. Voir Griffin c. Summerside (City) Police Force, (1998) 9 Admin. L.R. (3d) 295, _1998_ P.E.I.J. no 30, le juge Jenkins, aux paragraphes 39, 40 et 41.

[28]            Je veux dire clairement qu'on ne peut déduire l'existence de partialité simplement du fait que le Commissaire avait une certaine connaissance de la procédure qui a mené à l'appel devant lui. En l'absence d'une preuve de participation directe dans l'affaire, le fait d'être au courant ne suffit pas en soi pour qu'un observateur raisonnable, au fait des circonstances de l'affaire, arrive à la conclusion que le Commissaire ne pouvait rendre une décision juste. Voir Hawco c. Canada (Procureur général), (1998) 150 F.T.R. 106, _1998_ A.C.F. no 838, le juge MacKay, au paragraphe 35.

[29]            Depuis le 18 juin 2002, date à laquelle le Commissaire a rendu sa décision en l'espèce, il a décidé, dans le cadre de l'appel d'une mesure disciplinaire impliquant le caporal Robert A. Read, qu'il devait se récuser étant donné qu'il était intervenu personnellement dans l'affaire à une étape antérieure. Voici ce que le Commissaire déclare à la page 6 de sa décision :


[traduction]

Comme on doit présumer que le législateur ne parle pas sans raison, il est raisonnable de conclure qu'il avait l'intention d'interdire au Commissaire de déléguer son autorité en matière d'appels disciplinaires dans des circonstances normales. Mais, dans certaines situations particulières où le Commissaire ne peut agir par suite d'un empêchement majeur, comme une crainte de partialité, il y a lieu d'appliquer l'article 15 (l'article 15 autorise le commissaire adjoint le plus ancien en poste au quartier général de la Gendarmerie à exercer les pouvoirs et fonctions attribués au commissaire en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier).

Dans cette affaire, le Commissaire n'a pas à trancher l'appel disciplinaire parce qu'il avait précédemment joué un rôle qui allait plus loin que [traduction] « la gestion courante de la Gendarmerie » . Le Commissaire conclut ainsi :

[traduction]

Comme je ne peux trancher l'appel du caporal Read au vu de ma participation antérieure à l'enquête portant sur les infractions qui lui sont reprochées, l'article 15 de la Loi sur la GRC s'applique.

Selon moi, le même raisonnement s'applique en l'espèce.

[30]            Après un « examen assez poussé » de la décision du Comité externe d'examen et du Commissaire au sujet de la partialité, la Cour a conclu que l'implication antérieure du Commissaire dans la procédure disciplinaire visant le demandeur ne peut faire autrement que donner naissance à une crainte raisonnable de partialité chez une personne raisonnablement bien informée, donnant lieu à une évaluation et un jugement sur les questions à trancher qui seraient teintés de partialité. Pour ce motif, la décision du Commissaire au sujet de la partialité est déraisonnable et elle doit être annulée.


[31]            Pour paraphraser le juge de Grandpré dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394, puisqu'il s'agit d'assurer qu'il n'existe aucun préjugé, la participation du Commissaire aux discussions et au suivi de l'enquête et de la poursuite sur les infractions reprochées au demandeur ne peut que susciter, chez une personne raisonnablement bien renseignée, ce qui est le cas du demandeur, une crainte raisonnable d'une évaluation et d'un jugement sur les questions à trancher qui seraient teintés de partialité. Dans Griffin, M. le juge Jenkins déclare ceci, au paragraphe 38 :

[traduction]

38 Il semble clair que le directeur Arsenault est partial, par suite de l'accumulation de ses gestes et des instances où il a participé. Si je me trompe à ce sujet, il est quand même disqualifié par le fait que dans les circonstances il existe une crainte claire et raisonnable de partialité. Dans ces circonstances, le sous-directeur Griffin ne pouvait obtenir une audition juste. Il ne pouvait avoir l'occasion de présenter son point de vue et d'être entendu par un décideur impartial, puisqu'il ne pouvait s'adresser qu'à la personne dont il contestait directement les décisions, les gestes et la poursuite.

De la même façon, en l'espèce l'accumulation des diverses participations du Commissaire à l'affaire, depuis le 24 janvier 2000, culminant dans sa décision du 18 juin 2002, ne peut que donner naissance à une crainte claire et raisonnable de partialité.

Question no 2 : La défense de « dénonciateur »

a)          La défense


[32]            La possibilité qu'un fonctionnaire, y compris un officier de police, puisse s'exprimer à l'encontre des intérêts de son supérieur hiérarchique ou de son employeur lorsqu'il s'agit d'actes illégaux ou de pratiques ou politiques contraires à la sécurité est protégée par la common law et la Charte. C'est ce qu'on appelle ordinairement la défense de « dénonciateur » . Un dénonciateur fait preuve d'un grand courage. La défense de « dénonciateur » trouve son origine dans l'arrêt Fraser c. La Commission des relations de travail dans la fonction publique, [1985] 2 R.C.S. 455, où la Cour suprême du Canada a défini les paramètres qui gouvernent ce qui est acceptable comme critiques publiques de politiques gouvernementales par les fonctionnaires. Le juge en chef Dickson, à la page 470 de l'arrêt, a identifié deux situations où la liberté d'expression prime l'obligation de loyauté, savoir, lorsque le gouvernement accomplit des actes illégaux ou qu'il adopte des politiques mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité du public, ou si les critiques n'ont aucun effet sur l'aptitude du fonctionnaire à accomplir d'une manière efficace ses fonctions ni sur la façon dont le public perçoit cette aptitude.

[33]            Dans Haydon c. Canada (1re inst.), [2001] 2 C.F. 82, la juge Tremblay-Lamer déclare ceci, aux paragraphes 82 et 83 :

82           Dans l'arrêt Fraser, le juge en chef Dickson a conclu que l'obligation de loyauté ne réduit pas complètement les fonctionnaires au silence. Il montre que l'obligation de loyauté en common law souffre certaines exceptions :

En fait, dans certaines circonstances, un fonctionnaire peut activement et publiquement exprimer son opposition à l'égard des politiques d'un gouvernement. Ce serait le cas si, par exemple, le gouvernement accomplissait des actes illégaux ou si ses politiques mettaient en danger la vie, la santé ou la sécurité des fonctionnaires ou d'autres personnes, ou si les critiques du fonctionnaire n'avaient aucun effet sur son aptitude à accomplir d'une manière efficace ses fonctions ni sur la façon dont le public perçoit cette aptitude. Toutefois, ayant énoncé ces qualités (et il peut y en avoir d'autres), je suis d'avis qu'un fonctionnaire ne doit pas, comme l'a fait l'appelant en l'espèce, attaquer de manière soutenue et très visible des politiques importantes du gouvernement.

83            Selon moi, ces exceptions s'appliquent aux questions d'intérêt public. Elles font en sorte que l'obligation de loyauté porte le moins possible atteinte, dans des limites raisonnables, à la liberté d'expression dans la réalisation de l'objectif d'une fonction publique impartiale et efficace. Lorsqu'une question suscite un intérêt public légitime et doit être débattue ouvertement, l'obligation de loyauté ne peut pas interdire toute divulgation par un fonctionnaire. L'obligation de loyauté en common law n'impose pas le silence sans réserve. Comme on l'a expliqué dans l'arrêt Fraser, l'obligation de loyauté est tempérée : « il est permis aux fonctionnaires de s'exprimer dans une certaine limite sur des questions d'intérêt public » . Mon interprétation de ces exceptions à la règle de common law est qu'elles sont justifiées chaque fois qu'il en va de l'intérêt public. L'importance de l'intérêt public lorsqu'il s'agit de divulguer des méfaits, que l'on appelle « la défense de dénonciation » , a été reconnue dans d'autres ressorts comme constituant une exception à l'obligation de loyauté en common law. _Renvois omis.]


[34]            Ainsi, un fonctionnaire ou un membre de la GRC qui s'exprime publiquement sur une question d'importance publique ne peut être licencié si l'affaire en cause tombe sous les exceptions identifiées par la Cour suprême. Dans de telles situations, l'intérêt public prime les objectifs visés par l'obligation de loyauté et le serment du secret. L'importance pour la démocratie de la défense de « dénonciateur » , savoir le maintien d'une fonction publique impartiale et efficace et de la foi du public dans cette institution, a été résumée de façon succincte par la juge Tremblay-Lamer dans Haydon, au paragraphe 120 :

Lorsqu'une affaire constitue une question légitime d'intérêt public et exige un débat public, l'obligation de loyauté n'est pas si absolue qu'elle viendrait interdire toute divulgation publique par un fonctionnaire. L'obligation de loyauté en common law n'impose pas le silence total.

b)          La décision du Comité externe d'examen au sujet de la défense de « dénonciateur »

[35]            Au paragraphe 71 de ses motifs, le Comité externe d'examen reconnaît que la divulgation de pratiques malhonnêtes ou irresponsables de la part de la GRC se situerait sous l'exception du « dénonciateur » . Toutefois, le Comité externe d'examen et le Commissaire ont décidé que la divulgation publique par le demandeur de documents confidentiels ne l'autorisait pas à invoquer la défense de « dénonciateur » . Le demandeur a violé son serment du secret, ce qui est analogue au manquement par un fonctionnaire à son obligation de loyauté en common law. L'obligation de loyauté des fonctionnaires a pour but de promouvoir une fonction publique impartiale et efficace. Le demandeur a la même obligation de loyauté en common law envers la GRC, en plus de son serment du secret mandaté par la loi. Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, les rares exceptions permettant aux membres de la GRC d'échapper à ces contraintes ne sont justifiées que lorsqu'il en va de l'intérêt public.


[36]            Le Comité externe d'examen a conclu ceci, au paragraphe 71 de ses motifs de décision :

Cependant, en l'espèce, il ne semble pas que la divulgation par l'appelant ait présenté des avantages discernables pour la société canadienne et, même si ce dernier a conclu que la politique et les pratiques divulguées étaient « non conformes à l'éthique » , cette conclusion ne semble pas fondée sur une parfaite compréhension des objectifs des stratégies nationale et provinciale. Tout avantage que la société canadienne aurait pu retirer de cette divulgation était de loin inférieur au préjudice qu'elle aurait pu causer. Je fais allusion ici aux témoignages du serg. McDonald et de l'insp. Zelmer quant aux répercussions éventuelles d'une telle divulgation sur la volonté des organismes d'application de la loi de s'échanger entre eux des renseignements, notamment des renseignements sur les BMHL, échange essentiel au maintien de l'ordre.

[37]            Au paragraphe 73, le Comité externe d'examen a conclu que le demandeur n'avait aucune justification pour déclarer que la GRC complotait en vue de compromettre la sécurité du public canadien afin de mieux étayer sa demande de fonds supplémentaires pour lutter contre les BMHL. Au paragraphe 77, le Comité externe d'examen a conclu qu'en divulguant des documents confidentiels, le demandeur ne soulevait pas une question d'intérêt public, mais qu'il réagissait au rejet par ses supérieurs hiérarchiques de sa proposition concernant le transfert de ressources existantes pour les consacrer à la lutte aux BMHL. De plus, le Comité externe d'examen a conclu, au paragraphe 79, que la divulgation illégale avait un impact sur l'aptitude de l'appelant à remplir ses fonctions à titre de membre de la GRC à l'avenir. En conséquence, le Comité externe d'examen a conclu que la divulgation par le demandeur de documents confidentiels ne correspondait pas à une des exceptions justifiant la défense de « dénonciateur » .

c)          Conclusion au sujet de la défense de « dénonciateur »


[38]            Selon moi, le Comité externe d'examen a appliqué de façon correcte et raisonnable la jurisprudence, qui prévoit deux situations où la liberté d'expression prime l'obligation de loyauté et le serment du secret, et c'est de façon correcte et raisonnable qu'il est arrivé à la conclusion que la divulgation de documents confidentiels par le demandeur ne l'autorisait pas à se prévaloir de la défense de « dénonciateur » . En fait, le demandeur a lui-même réalisé que cette divulgation n'était pas justifiée dès la publication des documents confidentiels en cause. En l'espèce, le Comité externe d'examen est arrivé aux conclusions raisonnables suivantes :

1)          la divulgation de documents confidentiels par le demandeur n'avait pas pour objectif de dénoncer un acte illégal par la GRC, ou une politique qui aurait mis en cause la vie, la santé ou la sécurité du public;

2)          la divulgation a un impact négatif sur l'aptitude du demandeur à remplir ses fonctions à titre de membre de la GRC à l'avenir, ainsi que sur la perception par la GRC de cette aptitude;

3)          le demandeur a manqué à son obligation de confidentialité par suite de son insatisfaction et de son désaccord avec la politique interne de la GRC au sujet des ressources à consacrer à la lutte aux BMHL; et

4)          rien dans la preuve ne démontre que cette politique comportait des risques pour la sécurité du public.


[39]            Bien que la liberté d'expression des fonctionnaires et, en l'espèce, des membres de la GRC, est protégée en common law et par la Charte, la défense de « dénonciateur » doit être utilisée de manière responsable. Elle n'autorise pas un employé mécontent à violer son obligation de loyauté en common law ou son serment du secret. En l'espèce, les documents confidentiels divulgués par le demandeur font état de son insatisfaction par rapport à une politique confidentielle de la GRC au sujet de la répartition des ressources pour lutter contre la criminalité. Les documents en cause ne font état d'aucun geste illégal qui aurait été commis par la GRC, non plus que d'une pratique ou politique qui mettrait en cause la vie, la santé ou la sécurité du public. La politique contestée de la GRC porte sur la répartition de ses ressources dans le cadre de la lutte aux divers types de criminalité, politique avec laquelle le demandeur n'était pas d'accord. Il s'agissait toutefois d'une politique confidentielle à laquelle les dirigeants de la GRC, qui connaissent et comprennent le contexte plus large de la criminalité au Canada, étaient arrivés de façon appropriée. En conséquence, bien que la Cour reconnaisse l'importance des objectifs visés par la défense de « dénonciateur » , elle ne considère pas que cette défense s'applique en l'espèce.

[40]            Je veux aussi faire remarquer ici que la note de service du commissaire adjoint Leatherdale (dont je ferai état plus loin), qui aurait dû être transmise au demandeur, n'a pas d'impact sur la défense de « dénonciateur » .

Question no 3 : Les règles de la justice naturelle

[41]            Le demandeur soutient que le Comité d'arbitrage, le Comité externe d'examen et le Commissaire ont violé les règles de la justice naturelle comme suit :

1)          le Comité a refusé d'ajourner son audition et d'exiger la divulgation appropriée de documents pertinents, afin que le demandeur puisse préparer sa défense;

2)         le Comité et le Commissaire n'ont pas autorisé le demandeur à déposer une nouvelle preuve documentaire pertinente, obtenue après l'audition; et

3)          l'enquête et la poursuite disciplinaire de la GRC était teintées de partialité, l'objectif étant de régler son compte au demandeur.

1.          La divulgation de documents avant l'audition par le Comité d'arbitrage

[42]            Le 18 janvier 2001, soit à peu près un mois avant l'audition par le Comité d'arbitrage, le demandeur a présenté une requête pour obtenir un ajournement, se fondant sur le fait que le ROC n'avait pas divulgué des documents pertinents à l'affaire, nonobstant plusieurs demandes présentées en septembre, octobre, novembre et décembre 2000. Le ROC a soutenu que ces documents n'étaient pas pertinents ou essentiels. Voici ce que dit le Comité d'arbitrage à ce sujet à la page 1 de ses motifs de décision :


[...] Le Comité d'arbitrage n'est pas en position d'arrêter une décision sur cette question. Cependant, nous avons constaté que le ROC s'était efforcé de répondre aux demandes de la RM; en fait, il n'y a aucune plainte à cet égard. Le problème était plutôt que la demande de communication a été fragmentée au fil du temps et, il a semblé sans grande précision quant à la nature de la documentation voulue [...]

[43]            La documentation soumise à la Cour démontre que la représentante du demandeur a cherché à plusieurs reprises à obtenir la divulgation de documents, alors que le représentant de la GRC n'a pas divulgué certains documents comme il l'aurait dû. La Cour a l'avantage de maintenant connaître clairement la situation, puisque ces documents ont été communiqués au demandeur après l'audition, suite à sa requête en vertu de la Loi sur les renseignements personnels et la protection de la vie privée.

[44]            Je vais examiner les documents que la Cour considère significatifs.

(i)          Note de service du commissaire adjoint de la GRC R.K. Leatherdale à l'inspecteur de la GRC B.J. Roberts, datée du 10 janvier 2000 et intitulée [traduction] Enquête Stenhouse (note de service Leatherdale)

[45]            Ce document n'a pas été communiqué au demandeur avant l'audition du Comité d'arbitrage, non plus que durant celle-ci. Il a été déposé après l'audition, suite à une requête du demandeur en vertu de la Loi sur les renseignements personnels et la protection de la vie privée.

[46]            Dans ce document, le commissaire adjoint Leatherdale examine le courriel envoyé par le demandeur (courriel Stenhouse), où ce dernier admet qu'il a divulgué des documents confidentiels à M. Lavigne, explique ses raisons et présente ses excuses. M. Leatherdale présente les questions et commentaires suivants au sujet du courriel Stenhouse :


1)          d'autres membres de la GRC étaient au courant du « dilemme » Stenhouse, savoir ses inquiétudes quant à la politique de la GRC face aux BMHL. Que savaient-ils des « activités » de Stenhouse? Bien que les actions de Stenhouse soient inexcusables, il faudrait tenir compte du fait qu'il avait démontré un certain [traduction] « sentiment de responsabilité » ;

2)          la gestion de la GRC était-elle au courant des plaintes de Stenhouse et qu'a-t-on fait à ce sujet? Quels gestionnaires de la GRC étaient au courant de cette affaire;

3)         Stenhouse déclare qu'il allait être retiré des « contrôles routiers » . Leatherdale déclare qu'il faut examiner cette assertion;

4)          Stenhouse déclare s'être « effondré émotivement » . Qu'a-t-on fait au sujet de cet effondrement et sait-on si la situation de Stenhouse est stabilisée; et

5)          il existe des éléments démontrant que Stenhouse était frustré et que personne ne l'a écouté. Dans sa plainte, Stenhouse déclare être un « dénonciateur » . Il faut examiner cette question.

[47]            La note de service Leatherdale était pertinente et elle aurait dû être communiquée au demandeur avant l'audition devant le Comité d'arbitrage. De plus, le Comité externe d'examen aurait dû examiner ce document. Toutefois, le Comité externe d'examen ne connaissait pas l'existence de ce document puisque le demandeur n'en a pas fait état dans son dossier présenté au Comité. Le demandeur voulait que le Comité externe d'examen l'autorise à présenter une nouvelle preuve relative à la partialité, à l'abus de procédure, au manquement à la justice naturelle, et au fait que son avocat nommé par la GRC ne le représentait pas adéquatement. Le demandeur n'a fait état d'aucun document lié à sa défense de « dénonciateur » , non plus qu'à la sanction appropriée pour son inconduite.


[48]            Je suis arrivé à la conclusion que la note de service Leatherdale n'aurait rien changé à la décision du Comité d'arbitrage ou du Comité externe d'examen au sujet de la défense de « dénonciateur » . Toutefois, on trouve dans cette note de service une certaine empathie pour le demandeur et de l'inquiétude face à l'inaction de ses supérieurs de la GRC au sujet de ses frustrations et de ses plaintes, ainsi que de son effondrement émotif. En ce sens, ce document et son auteur, qu'on aurait probablement dû citer comme témoin, pourraient avoir eu un impact sur la nature de la sanction recommandée par le Comité d'arbitrage et le Comité externe d'examen. Il se peut que la note de service Leatherdale indique que la GRC n'a pas tenu compte comme elle l'aurait dû des plaintes et de la frustration du demandeur, ainsi que de son effondrement émotif ou de sa tentative de présenter sa démission. Il est possible que le Comité externe d'examen puisse conclure que la GRC aurait dû reconnaître que le demandeur avait des problèmes dans son travail et qu'elle avait une certaine responsabilité de l'aider, au vu de ses 18 ans de carrière exemplaire dans la GRC. Si le Comité externe d'examen avait conclu que la GRC a failli à ses responsabilités à ce sujet, il pourrait avoir convenu à l'existence de circonstances atténuantes pertinentes à la détermination de la sanction appropriée. Pour ce motif, l'affaire sera renvoyée au Comité externe d'examen avec instruction de tenir compte de ce document et de tout témoignage pertinent s'y rapportant, et de revoir son rapport du 5 juin 2002 en conséquence. C'est là une partie essentielle du droit du demandeur à une audition équitable, comme je l'ai mentionné dans Haydon c. Canada (Procureur général) 2003 CFPI 740, _2003_ A.C.F. no 957, au paragraphe 25 :

[...] Lorsque la communication d'un document important et utile est refusée illégalement, et lorsqu'il y a tout lieu de croire que ce document intéressait la position des appelants, alors les appelants ont le droit à un ajournement et le droit de vérifier ce document en convoquant des témoins et en procédant à un contre-interrogatoire. C'est là une partie essentielle d'une audience équitable, à laquelle les appelants avaient droit. Voir l'affaire Savoie, précitée, et l'affaire Sorobey c. Canada, [1987] 1 C.F. 219, à la page 221, le juge Hugessen (sa fonction à l'époque).

(ii)         Note de service adressée au surintendant Roberts (le supérieur hiérarchique immédiat du demandeur) par Daniel Dutchin (l'avocat de la GRC à l'audition du Comité d'arbitrage), datée du 26 janvier 2001 et intitulée « S.é.-m. Stenhouse »


[49]            Cette note de service porte sur un document daté du 24 juin 2000, qui fait état de l'implication du sous-commissaire Zaccardelli (tel était alors son titre). Cette note de service constitue une admission de l'avocat de la GRC que le document en cause est pertinent et que la GRC ne l'a pas divulgué.

[50]            Je suis convaincu qu'il s'agit là d'un manquement aux règles de la justice naturelle, et que cette action démontre que c'est intentionnellement que l'avocat de la GRC n'a pas communiqué des documents pertinents. Je dois toutefois conclure que le fait de rectifier ce manquement à la justice naturelle n'aurait rien changé au résultat en l'espèce.

(iii)        Note de service de l'inspecteur Roberts (le supérieur hiérarchique immédiat de Stenhouse) au siège social, datée du 24 janvier 2000 et intitulée [traduction] « Stenhouse - Révocation de l'autorisation de sécurité »

[51]            Voici ce qu'on trouve dans cette note de service :

[traduction]

Cette question est traitée de façon très sérieuse par le Commissaire, qui s'est impliqué plusieurs fois jusqu'ici. Présentement, c'est le S.-COMM. ZACCARDELLI qui est chargé de faire le suivi de cette enquête.

[52]            Ce document n'a pas été divulgué avant l'audition. On n'en a fait la communication que l'avant-dernier jour de l'audition, après le témoignage de son auteur. J'arrive à la conclusion que le fait de ne pas avoir divulgué ce document en temps utile constitue un manquement à la justice naturelle. Je suis toutefois convaincu que la divulgation de ce document en temps utile n'aurait rien changé au résultat en l'espèce.


[53]            D'autres documents qui n'ont pas été divulgués démontrent que le Commissaire recevait une mise à jour quotidienne de l'avocat de la GRC à l'audition du Comité d'arbitrage. Ces documents démontrent que le Commissaire était d'une certaine façon impliqué dans l'enquête et dans la poursuite de l'affaire. Ces documents sont pertinents dans le cadre de l'argument du demandeur qui veut que la procédure disciplinaire était partiale et constituait un abus de procédure.

[54]            Je suis convaincu que le Comité d'arbitrage a commis une erreur en ne faisant pas droit à la requête en ajournement et en ne s'assurant pas que le demandeur recevait pleine communication en temps utile avant le début de l'audition. Ceci constitue une partie essentielle des règles de la justice naturelle et du droit à une audition équitable.

[55]            Toutefois, dans l'arrêt Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, la Cour suprême du Canada a déclaré qu'il existe des cas où la Cour peut ignorer un manquement à la justice naturelle lorsque le fait d'y pallier n'aurait aucun impact sur le résultat. Voici ce que le juge Iacobucci dit à ce sujet, aux paragraphes 51 à 53 :

[51]       Compte tenu de ces observations, Mobil Oil aurait normalement droit à un redressement pour les manquements à l'équité et à la justice naturelle que j'ai décrits. Cependant, vu la façon dont je statue sur le pourvoi incident, les redressements que demande Mobil Oil dans le pourvoi lui-même sont peu réalistes. Bien qu'il puisse sembler indiqué d'annuler la décision du président pour le motif qu'elle résulte d'une subdélégation irrégulière, il serait absurde de le faire et de forcer l'Office à examiner maintenant la demande présentée par Mobil Oil en 1990 étant donné que, suivant le résultat du pourvoi incident, l'Office serait juridiquement tenu de rejeter cette demande, en raison de l'arrêt de notre Cour.


[52]       Le résultat de ce pourvoi est donc exceptionnel puisque, habituellement, la futilité apparente d'un redressement ne constituera pas une fin de non-recevoir : Cardinal, précité. Cependant, il est parfois arrivé que notre Cour examine les circonstances dans lesquelles aucun redressement ne sera accordé face à la violation de principes de droit administratif : voir, par exemple, Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561. Comme je l'ai affirmé dans le contexte de la question soulevée dans le pourvoi incident, les circonstances de la présente affaire soulèvent un type particulier de question de droit, savoir une question pour laquelle il existe une réponse inéluctable.

[53]       Dans Administrative Law (6e éd. 1988), à la p. 535, le professeur Wade examine la notion selon laquelle l'équité procédurale devrait avoir préséance et la faiblesse d'une cause ne devrait pas normalement amener les tribunaux à ignorer les manquements à l'équité ou à la justice naturelle. Il ajoute toutefois ceci :

[traduction] On pourrait peut-être faire une distinction fondée sur la nature de la décision. Dans le cas d'un tribunal qui doit trancher selon le droit, il peut être justifiable d'ignorer un manquement à la justice naturelle lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir. [Non souligné dans l'original.]

Dans ce pourvoi, la distinction que propose le professeur Wade est pertinente.

[56]            En l'espèce, je suis arrivé à la conclusion que les manquements aux règles de la justice naturelle n'auraient rien changé au résultat, à l'exception de la note de service Leatherdale.

[57]            La note de service Leatherdale est le document pertinent non divulgué qui aurait pu avoir (ou ne pas avoir) un impact sur la détermination de la sanction appropriée. Étant donné que la décision du Commissaire est annulée par suite d'une crainte raisonnable de partialité, je vais renvoyer l'affaire au Comité externe d'examen pour qu'il réexamine le cas et tienne compte de cette note de service, ainsi que de tout témoignage pertinent. Le Comité externe d'examen reverra ses recommandations et son rapport en conséquence.

2.          Le fait de ne pas avoir autorisé le dépôt de nouveaux documents devant le Comité externe d'examen et le Commissaire

[58]            Le fait que le Comité et le Commissaire n'aient pas autorisé le demandeur à déposer une nouvelle preuve obtenue après l'audition constitue un manquement aux règles de la justice naturelle. Toutefois, je suis convaincu que seule la note de service Leatherdale aurait pu changer quelque chose au résultat, et ceci simplement lorsqu'il s'agit de la sanction.


3.          L'enquête et la poursuite étaient partiales

[59]            Je vais traiter de cette question de justice naturelle sous l'intitulé suivant : « Abus de procédure » .

Question no 4 : Abus de procédure

[60]       Le demandeur soutient que le processus disciplinaire constitue un abus de procédure, puisque l'enquête et la poursuite ont été conduites de façon oppressive et partiale.

[61]            Le demandeur soutient que le processus disciplinaire aurait dû être suspendu pour abus de procédure. Le demandeur soutient que la GRC, qu'il s'agisse de l'enquête, des poursuites ou des actions de la haute direction, avait l'intention de licencier le demandeur pour avoir divulgué des documents confidentiels. Le demandeur soutient aussi que le fait de ne pas avoir divulgué des documents pertinents avant et durant l'audition constitue un abus.

[62]            Le traitement injuste ou oppressif d'une partie prive la Couronne du droit de continuer les poursuites relatives à l'accusation, parce que le préjudice causé à l'intérêt du public dans l'équité du processus excède celui qui serait causé s'il était mis fin à la procédure. Voir l'arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, aux paragraphes 119 et 120.


[63]            Je ne partage pas l'avis du demandeur sur cette question. Le fait que l'enquêteur, la poursuite et la haute direction ont mené cette affaire avec vigueur n'est pas de nature telle que le public considérerait le processus injuste ou oppressif. Dès le départ, le demandeur a admis qu'il avait communiqué des documents confidentiels des services de police à un journaliste, c'est-à-dire à une personne qui allait probablement les publier. Cette façon d'agir constitue un manquement sérieux à son obligation de loyauté et à son serment du secret. Dans de telles circonstances il n'est pas déraisonnable, oppressif ou injuste que l'enquêteur, la personne chargée des poursuites et la haute direction traitent les poursuites de façon dynamique.

[64]            S'agissant du fait que la GRC n'a pas divulgué certains documents, la Cour arrive à la conclusion qu'il ne s'agit pas là d'un traitement injuste ou oppressif. C'est plutôt parce que le demandeur soulevait plusieurs questions que l'avocat de la GRC ne considérait pas pertinentes, parce que non liées aux circonstances entourant la divulgation de documents confidentiels par le demandeur.

[65]            Le demandeur a obtenu des milliers de documents après l'audition du Comité d'arbitrage, suite à sa demande en vertu de la Loi sur les renseignements personnels et la protection de la vie privée. J'ai examiné les documents que le demandeur considère les plus pertinents dans le cadre de l'abus de procédure et je suis convaincu qu'ils ne démontrent pas l'existence d'un traitement injuste ou oppressif du demandeur.

[66]            Les documents démontrent que le siège social de la GRC assurait un suivi rapproché de l'enquête et de l'audition disciplinaire. La Cour considère qu'il s'agit là d'une activité normale de gestion. Il s'agit du traitement d'un manquement à la sécurité par un sergent d'état-major de la GRC, situation qui a été hautement médiatisée. Cet intérêt actif ne constitue pas le fondement d'une réclamation pour abus de procédure ou partialité.


[67]            Les courriels entre l'avocat de la GRC et les témoins constituent une forme normale de communication entre un avocat et les témoins de son client. Les avocats deviennent familiers avec leurs témoins et ils entretiennent avec eux des relations informelles. Le travail de l'avocat de la poursuite est de présenter les faits qui constituent des motifs raisonnables d'avoir porté l'accusation. Cette démarche fait partie de notre régime de débats contradictoires.

[68]            La note de service au sujet de la suppression de l'autorisation de sécurité du demandeur avant que le Comité d'arbitrage ait terminé ses travaux n'indique pas l'existence de partialité ou d'un abus de procédure. Le demandeur a admis qu'il avait divulgué des documents confidentiels. La GRC a fait preuve d'une prudence raisonnable en s'assurant que le demandeur ne recevrait pas d'autres documents confidentiels avant la fin de la procédure disciplinaire, dans la mesure où elle croyait que le demandeur pouvait récidiver.

CONCLUSION

[69]            La Cour conclut comme suit :

1.          l'implication antérieure du Commissaire dans l'affaire disciplinaire du demandeur ne peut que donner lieu à une crainte raisonnable, dans l'esprit de toute personne raisonnablement bien renseignée, d'une évaluation et d'un jugement partial de sa part. Pour ce motif, la décision du Commissaire doit être annulée;


2.          la défense de « dénonciateur » n'est pas pertinente en l'espèce puisque le demandeur n'a pas divulgué les documents confidentiels dans le but de faire connaître la commission d'un acte illégal par la GRC, ou l'existence d'une politique qui mettrait en cause la vie, la santé ou la sécurité du public;

3.          la GRC n'a pas divulgué au demandeur tous les documents pertinents avant l'audition du Comité d'arbitrage et ce dernier a commis une erreur en n'accueillant pas la requête en ajournement et en n'exigeant pas qu'on divulgue pleinement et en temps utile les documents pertinents avant le début de l'audition. Ceci est une partie essentielle des règles de la justice naturelle et du droit à une audition équitable. Toutefois, ce manquement aux règles de la justice naturelle n'aurait rien changé au résultat, à l'exception de la note de service Leatherdale, qui aurait pu avoir (ou ne pas avoir) un impact sur le résultat quant à la sanction appropriée. La Cour renvoie donc la question au Comité externe d'examen pour qu'il reprenne son étude de l'affaire en tenant compte de la note de service Leatherdale, ainsi que de tout témoignage pertinent à ce sujet; et

4.          contrairement aux allégations du demandeur, l'enquêteur, la personne chargée de la poursuite et la haute direction de la GRC ont procédé à cette affaire disciplinaire d'une façon qui n'était pas oppressante, injuste ou partiale, ou qui aurait constitué un abus de procédure.

DISPOSITIF


[70]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie, avec dépens, et la décision du Commissaire datée du 18 juin 2002 est annulée et renvoyée conformément aux instructions suivantes, en vertu du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 :

1.          l'action disciplinaire visant le demandeur est renvoyée au même Comité externe d'examen pour qu'il examine la note de service Leatherdale au vu des motifs de la Cour, et qu'il entende tous les témoignages pertinents à la note de service Leatherdale, ainsi que les prétentions additionnelles des parties;

2.          le Comité externe d'examen réexaminera ensuite son rapport et ses recommandations; et

3.          le Commissaire déléguera son pouvoir de décision dans l'appel à l'officier de la GRC du grade le plus élevé qui n'a pas été impliqué dans le dossier, pour qu'il le tranche après avoir donné l'occasion aux parties de présenter leurs points de vue.

[71]            À la demande des parties, la Cour examinera leurs prétentions sur la question de savoir si le demandeur devrait obtenir ses frais de déplacement à Ottawa. Les parties ont une semaine pour déposer leurs prétentions et une semaine par la suite pour répondre aux prétentions de la partie adverse.

                                                                                                                            « Michael A. Kelen »             

                                                                                                                                                     Juge                           

Ottawa (Ontario)

Le 12 mars 2004


Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


ANNEXE A

LA LÉGISLATION PERTINENTE

1.          Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10


Définitions

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[...]

Definitions

2. (1) In this Act,

[...]

« Comité » "Committee"

« Comité » Le Comité externe d'examen de la Gendarmerie royale du Canada constitué par l'article 25.

[...]

"Committee" « Comité »

"Committee" means the Royal Canadian Mounted Police External Review Committee established by section 25

[...]

Commissaire

Nomination

5. (1) Le gouverneur en conseil peut nommer un officier, appelé commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, qui, sous la direction du ministre, a pleine autorité sur la Gendarmerie et tout ce qui s'y rapporte.

Commissioner

Appointment

5. (1) The Governor in Council may appoint an officer, to be known as the Commissioner of the Royal Canadian Mounted Police, who, under the direction of the Minister, has the control and management of the Force and all matters connected therewith.

Délégation

(2) Le commissaire peut déléguer à tout membre les pouvoirs ou fonctions que lui attribue la présente loi, à l'exception du pouvoir de délégation que lui accorde le présent paragraphe, du pouvoir que lui accorde la présente loi d'établir des règles et des pouvoirs et fonctions visés à l'article 32 (relativement à toute catégorie de griefs visée dans un règlement pris en application du paragraphe 33(4)), aux paragraphes 42(4) et 43(1), à l'article 45.16, au paragraphe 45.19(5), à l'article 45.26 et aux paragraphes 45.46(1) et (2).

Delegation

(2) The Commissioner may delegate to any member any of the Commissioner's powers, duties or functions under this Act, except the power to delegate under this subsection, the power to make rules under this Act and the powers, duties or functions under section 32 (in relation to any type of grievance prescribed pursuant to subsection 33(4)), subsections 42(4) and 43(1), section 45.16, subsection 45.19(5), section 45.26 and subsections 45.46(1) and (2).


Serments

14. (1) Avant d'entrer en fonctions, les membres prêtent le serment d'allégeance de même que les serments figurant à l'annexe.

Oaths

14. (1) Every member shall, before entering on the duties of the member's office, take the oath of allegiance and the oaths set out in the schedule.Constitution et organisation du Comité

Constitution du Comité

25. (1) Est constitué le Comité externe d'examen de la Gendarmerie royale du Canada, composé d'au plus cinq membres, dont le président et un vice-président, nommés par décret du gouverneur en conseil.

[...]

Establishment and Organization of Committee

Committee established

25. (1) There is hereby established a committee, to be known as the Royal Canadian Mounted Police External Review Committee, consisting of a Chairman, a Vice-Chairman and not more than three other members, to be appointed by order of the Governor in Council.

[...]

Admissibilité

(5) Un membre de la Gendarmerie ne peut faire partie du Comité.

Eligibility

(5) No member of the Force is eligible to be appointed or to continue as a member of the Committee.

Code de déontologie

38. Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements, appelés code de déontologie, pour régir la conduite des membres.

Code of Conduct

38. The Governor in Council may make regulations, to be known as the Code of Conduct, governing the conduct of members.

Contravention au code de déontologie

39. (1) Tout membre à qui l'on impute une contravention au code de déontologie peut être jugé selon la présente loi au Canada ou à l'extérieur du Canada

[...]

Contravention of Code of Conduct

39. (1) Every member alleged to have contravened the Code of Conduct may be dealt with under this Act either in or outside Canada,

[...]

Enquête

40. (1) Lorsqu'il apparaît à un officier ou à un membre commandant un détachement qu'un membre sous ses ordres a contrevenu au code de déontologie, il tient ou fait tenir l'enquête qu'il estime nécessaire pour lui permettre d'établir s'il y a réellement contravention.

Investigation

40. (1) Where it appears to an officer or to a member in command of a detachment that a member under the command of the officer or member has contravened the Code of Conduct, the officer or member shall make or cause to be made such investigation as the officer or member considers necessary to enable the officer or member to determine whether that member has contravened or is contravening the Code of Conduct.


Obligation du membre de répondre

(2) Au cours d'une enquête tenue en vertu du paragraphe (1), un membre n'est pas dispensé de répondre aux questions portant sur l'objet de l'enquête lorsque l'officier ou l'autre membre menant l'enquête l'exigent, au motif que sa réponse peut l'incriminer ou l'exposer à des poursuites ou à une peine.

Member not excused from answering

(2) In any investigation under subsection (1), no member shall be excused from answering any question relating to the matter being investigated when required to do so by the officer or other member conducting the investigation on the ground that the answer to the question may tend to criminate the member or subject the member to any proceeding or penalty.Mesures disciplinaires graves

Convocation

43. (1) Sous réserve des paragraphes (7) et (8), lorsqu'il apparaît à un officier compétent qu'un membre a contrevenu au code de déontologie et qu'eu égard à la gravité de la contravention et aux circonstances, les mesures disciplinaires simples visées à l'article 41 ne seraient pas suffisantes si la contravention était établie, il convoque une audience pour enquêter sur la contravention présumée et fait part de sa décision à l'officier désigné par le commissaire pour l'application du présent article.

Formal Disciplinary Action

Initiation

43. (1) Subject to subsections (7) and (8), where it appears to an appropriate officer that a member has contravened the Code of Conduct and the appropriate officer is of the opinion that, having regard to the gravity of the contravention and to the surrounding circumstances, informal disciplinary action under section 41 would not be sufficient if the contravention were established, the appropriate officer shall initiate a hearing into the alleged contravention and notify the officer designated by the Commissioner for the purposes of this section of that decision.

Constitution d'un comité d'arbitrage

(2) Dès qu'il est avisé de cette décision, l'officier désigné nomme trois officiers à titre de membres d'un comité d'arbitrage pour tenir l'audience et en avise l'officier compétent.

Adjudication board

(2) On being notified pursuant to subsection (1), the designated officer shall appoint three officers as members of an adjudication board to conduct the hearing and shall notify the appropriate officer of the appointments.

Conditions d'admissibilité

(3) Au moins un des trois officiers du comité d'arbitrage est un diplômé d'une école de droit reconnue par le barreau d'une province.

Qualifications

(3) At least one of the officers appointed as a member of an adjudication board shall be a graduate of a school of law recognized by the law society of any province.

Audience

Parties

45.1 (1) L'officier compétent qui convoque une audience ainsi que le membre dont la conduite fait l'objet de cette audience y sont tous deux parties.

Hearing

Parties

45.1 (1) An appropriate officer who initiates a hearing and the member whose conduct is the subject of the hearing are parties to the hearing.

Appel

Appel interjeté au commissaire

45.14 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, toute partie à une audience tenue devant un comité d'arbitrage peut en appeler de la décision de ce dernier devant le commissaire :

Appeal

Appeal to Commissioner

45.14 (1) Subject to this section, a party to a hearing before an adjudication board may appeal the decision of the board to the Commissioner in respect of

a) soit en ce qui concerne la conclusion selon laquelle est établie ou non, selon le cas, une contravention alléguée au code de déontologie;

(a) any finding by the board that an allegation of contravention of the Code of Conduct by the member is established or not established; or

b) soit en ce qui concerne toute peine ou mesure imposée par le comité après avoir conclu que l'allégation visée à l'alinéa a) est établie.

[...]

(b) any sanction imposed or action taken by the board in consequence of a finding by the board that an allegation referred to in paragraph (a) is established.

[...]


Motifs d'appel(3) Le commissaire entend tout appel, quel qu'en soit le motif; toutefois, l'officier compétent ne peut en appeler devant le commissaire de la peine ou de la mesure visée à l'alinéa (1)b) qu'au motif que la présente loi ne les prévoit pas.

Grounds of appeal

(3) An appeal lies to the Commissioner on any ground of appeal, except that an appeal lies to the Commissioner by an appropriate officer in respect of a sanction or an action referred to in paragraph (1)(b) only on the ground of appeal that the sanction or action is not one provided for by this Act.

Renvoi devant le Comité

45.15 (1) Avant d'étudier l'appel visé à l'article 45.14, le commissaire le renvoie devant le Comité.

Reference to Committee

45.15 (1) Before the Commissioner considers an appeal under section 45.14, the Commissioner shall refer the case to the Committee.

Caractère définitif de la décision

45.16 (7) La décision du commissaire portant sur un appel interjeté en vertu de l'article 45.14 est définitive et exécutoire et, sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur les Cours fédérales, n'est pas susceptible d'appel ou de révision en justice.

Commissioner's decision final

45.16 (7) A decision of the Commissioner on an appeal under section 45.14 is final and binding and, except for judicial review under the Federal Courts Act, is not subject to appeal to or review by any court.



article 14

SERMENT PROFESSIONNEL

Je, ............, jure de bien et fidèlement m'acquitter des devoirs qui m'incombent en ma qualité de membre de la Gendarmerie royale du Canada et d'exécuter, sans craindre ni favoriser qui que ce soit, tous les ordres légitimes reçus à ce titre. Ainsi Dieu me soit en aide.

Schedule pursuant to Section 14

OATH OF OFFICE

I, ............, solemnly swear that I will faithfully, diligently and impartially execute and perform the duties required of me as a member of the Royal Canadian Mounted Police, and will well and truly obey and perform all lawful orders and instructions that I receive as such, without fear, favour or affection of or toward any person. So help me God.

SERMENT DU SECRET

Je, ............, jure de ne révéler ni communiquer à quiconque n'y a pas légitimement droit ce qui est parvenu à ma connaissance ou les renseignements que j'ai obtenus en raison de mon emploi dans la Gendarmerie royale du Canada. Ainsi Dieu me soit en aide.

OATH OF SECRECY

I, ............, solemnly swear that I will not disclose or make known to any person not legally entitled thereto any knowledge or information obtained by me in the course of my employment with the Royal Canadian Mounted Police. So help me God.



2.          Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1998), DORS/88-361


Code de déontologie

37. Les articles 38 à 58.7 constituent le code de déontologie régissant la conduite des membres.

[...]

Code of Conduct

37. Sections 38 to 58.7 constitute the Code of Conduct governing the conduct of members.

[...]

39. (1) Le membre ne peut agir ni se comporter d'une façon scandaleuse ou désordonnée qui jetterait le discrédit sur la Gendarmerie.

39. (1) A member shall not engage in any disgraceful or disorderly act or conduct that could bring discredit on the Force.

(2) Le membre agit ou se comporte de façon scandaleuse lorsque, notamment :

(2) Without restricting the generality of the foregoing, an act or a conduct of a member is a disgraceful act or conduct where the act or conduct

a) ses actes ou son comportement l'empêchent de remplir ses fonctions avec impartialité;

(a) is prejudicial to the impartial performance of the member's duties; or

b) à cause de ses actes ou de son comportement, il est trouvé coupable d'un acte criminel ou d'une infraction punissable par procédure sommaire tombant sous le coup d'une loi fédérale ou provinciale.

(b) results in a finding that the member is guilty of an indictable offence or an offence punishable on summary conviction under an Act of Parliament or of the legislature of a province.

50. Le membre ne peut sciemment transgresser, de quelque manière que ce soit, les serments qu'il a prêtés aux termes de l'article 14 de la Loi.

50. A member shall not knowingly contravene or otherwise breach any oath taken by the member pursuant to section 14 of the Act.


3.          Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7


18.1(3) Pouvoirs de la Cour fédérale

18.1(3) Powers of Federal Court

(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or


b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.



                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                          T-1174-02

INTITULÉ :                                                          ROBERT G. STENHOUSE

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   OTTAWA (ONTARIO)

DATES DE L'AUDIENCE :                          LES 9 ET 10 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                                        LE 12 MARS 2004

COMPARUTIONS :

James Cameron et                                                  POUR LE DEMANDEUR

Paul Champ

Patrick Bendin et                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Michael Roach

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Allen, Cameron & Ballantyne                 POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                         COUR FÉDÉRALE

                                                         Date : 20040312

                                                   Dossier : T-1174-02

ENTRE :

ROBERT G. STENHOUSE

                                                                   demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                     défendeur

                                                                          

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                           

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