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Date : 20040331

Dossier : T-957-03

Référence : 2004 CF 503

Ottawa (Ontario), le 31 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                            MARY CHADWICK

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Mary Chadwick demande le contrôle judiciaire de la décision d'un arbitre (l'arbitre) de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la CRTFP), datée du 9 mai 2003. Dans cette décision, la CRTFP a rejeté, pour des raisons de compétence, le grief de la demanderesse selon lequel elle avait exécuté en grande partie les fonctions d'un employé d'un niveau de classification supérieur entre le 31 mars 1998 et le 30 juillet 2001. Mme Chadwick sollicite une ordonnance annulant la décision de la CRTFP et renvoyant l'affaire à un autre membre de la CRTFP pour nouvel examen.


LES FAITS

[2]                Le Dr Mary Chadwick a travaillé comme vétérinaire au bureau de St. Thomas (Ontario) de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) jusqu'à ce que ce qu'il soit fermé le 30 septembre 2001. Elle a d'abord travaillé pour l'organisme qui a éventuellement été remplacé par l'ACIA en 1986. Elle travaille présentement au bureau de London de l'ACIA.

[3]                Jusqu'au 31 mars 1998, quatre employés travaillaient au bureau de St. Thomas. Le Dr Ted Gough était le vétérinaire de district pour le Elgin County, un poste classé au niveau VM-02. Le poste de la demanderesse était classé comme un poste de vétérinaire de niveau VM-01 et elle était sous la responsabilité du Dr Gough comme l'étaient également un inspecteur de produits primaires et un commis.


[4]                Le Dr Gough a pris une retraite anticipée le 31 mars 1998. L'ACIA a décidé de ne pas le remplacer et de transférer la responsabilité du Elgin County à un autre vétérinaire de district, le Dr Bruce Green, qui travaillait au bureau de London. Le Dr Green est devenu le supérieur immédiat de la demanderesse. Le Dr Chadwick a témoigné que le Dr Green ne lui donnait pas vraiment de directives mais qu'il s'attendait à ce qu'elle fasse ce qui était nécessaire pour continuer à faire fonctionner le bureau de St. Thomas. Le bureau de St. Thomas a été transformé en bureau satellite du bureau de London tout en conservant, toutefois, le même niveau de service car la demanderesse s'est occupée d'une partie, et non pas de l'ensemble des tâches autrefois effectuées par le Dr Gough.

[5]                Les tâches d'un poste de niveau VM-02 comportent un contrôle de gestion plus important quant à la prestation du programme d'hygiène vétérinaire. Le Dr Chadwick croyait que, en raison des responsabilités plus importantes qu'elle avait assumées et dont elle s'était acquittée après le départ à la retraite du Dr Gough, elle devrait recevoir une rémunération provisoire correspondant au niveau de classification d'un poste de niveau VM-02 plutôt qu'une rémunération correspondant au niveau VM-01.

[6]                La demanderesse a donc déposé un grief, daté du 20 août 2001, alléguant qu'elle avait [traduction] « exécuté en grande partie les fonctions d'un employé d'un niveau de classification supérieur entre le 31 mars 1998 et le 30 juillet 2001 [...] » et, selon sa convention collective, elle devrait recevoir une rémunération provisoire correspondant au niveau VM-02 pour cette période de temps. Elle a porté ce grief jusqu'au palier final, puis jusqu'à la CRTFP. L'audience de la CRTFP a eu lieu le 15 janvier 2003.

La décision de la CRTFP


[7]                L'arbitre a conclu qu'il n'avait pas compétence pour juger le grief de la demanderesse car l'article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35 (LRTFP) lui interdisait de prendre une décision qui aurait pour effet de reclasser le poste de la demanderesse et occasionnerait une réorganisation de la fonction publique. L'arbitre a conclu que l'accueil du grief de la demanderesse aurait pour effet d'infirmer la décision de la direction d'éliminer le poste de niveau VM-02 au bureau de St. Thomas par le biais de la réorganisation et, de ce fait, il se trouverait à outrepasser la compétence que lui confère le paragraphe 92(1).

[8]                L'article 7 de la LRTFP limite le pouvoir d'un arbitre prévu au paragraphe 92(1) de la LRTFP lorsqu'il entend un grief de telle sorte que les questions de classification et d'organisation de la fonction publique ne relèvent pas de la compétence d'un arbitre lorsqu'il entend un grief en vertu du paragraphe 92(1). Pour les fins du présent contrôle judiciaire, seul l'alinéa 92(1)a) est pertinent. L'article 7 et l'alinéa 92(1)a) prévoient ce qui suit :


7. La présente loi n'a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l'autorité de l'employeur quant à l'organisation de la fonction publique, à l'attribution des fonctions aux postes et à la classification de ces derniers.

7. Nothing in this Act shall be construed to affect the right or authority of the employer to determine the organization of the Public Service and to assign duties to and classify positions therein.

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

92. (1) Where an employee has presented a grievance, up to and including the final level in the grievance process, with respect to

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

[...]

[Je souligne]

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award,

...

and the grievance has not been dealt with to the satisfaction of the employee, the employee may, subject to subsection (2), refer the grievance to adjudication.

[Emphasis added]



LES QUESTIONS EN LITIGE

[9]                1. Quelle est la norme de contrôle applicable en l'espèce à la décision de l'arbitre?

2. L'arbitre a-t-il commis une erreur lorsqu'il a décidé qu'il n'avait pas compétence pour accueillir le grief de la demanderesse?

L'ANALYSE

La norme de contrôle

[10]            La demanderesse prétend que la norme de contrôle applicable en l'espèce est celle de la décision correcte car, étant donné que la question en litige en est une de compétence, la décision en litige n'est pas protégée par une clause privative et la décision est une décision qui affecte les droits d'un employé à titre individuel plutôt qu'une décision qui comporte l'établissement d'un équilibre entre des intérêts opposés. La demanderesse invoque les arrêts Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84 et Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226. La demanderesse affirme que les facteurs susmentionnés l'emportent sur le facteur de l'expertise de l'arbitre.

[11]            Le défendeur prétend que la norme applicable devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter. Invoquant l'arrêt Dr Q., précité, le défendeur affirme que la Cour suprême du Canada a reconnu que, comme un tribunal administratif peut être appelé d'ordinaire à trancher sur les faits et le droit dans un contexte législatif spécifique, on peut considérer qu'il a acquis un certain degré d'expertise institutionnelle quant à la décision en litige.

[12]            Selon moi, après avoir appliqué la bien établie approche pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle applicable devrait être celle de la décision correcte. Le problème en litige dans le présent contrôle judiciaire touche à la compétence et, comme l'a conclu la Cour suprême du Canada au paragraphe 24 de l'arrêt Chieu, précité : « En règle générale, les organismes administratifs doivent déterminer correctement la portée de leur mandat délégué puisqu'ils sont entièrement créés par la loi » .


[13]            Bien qu'un arbitre de la CRTFP soit considéré comme possédant une vaste expertise quant aux décisions en matière de grief, la Cour, comparativement, possède une expertise plus vaste quant à l'analyse des questions de droit, comme, en l'espèce, la question de savoir si un arbitre a compétence à l'égard d'une question particulière. La décision de l'arbitre n'est pas protégée par une clause privative et l'un des objets de la LRTFP ainsi que l'objet de l'alinéa 92(1)a) en particulier, consiste à mettre sur pied un mécanisme efficace de redressement des griefs des employés de la fonction publique, lesquels griefs découlent de l'interprétation de leurs conventions collectives. Ces autres facteurs de l'approche pragmatique et fonctionnelle signalent une retenue moindre et, conjugués avec le fait que la question en litige touche à la compétence, qu'elle implique une question mixte de fait et de droit, la décision correcte est la norme de contrôle que j'appliquerai.

Erreur quant à l'interprétation de la compétence

[14]            La demanderesse prétend que l'arbitre a commis une erreur lorsqu'il a conclu qu'il n'avait pas compétence pour trancher son grief. Le Dr Chadwick ne demandait pas une reclassification de son poste ou une réorganisation du milieu de travail de la part de son employeur mais plutôt une rémunération rétroactive en vertu de la clause G1.08 de sa convention collective. Comme elle demandait une réparation en vertu de la convention collective, l'arbitre aurait dû accepter la compétence quant à l'affaire.

[15]            La clause G1.08 de la convention collective conclue entre l'IPFPC et l'ACIA prévoit ce qui suit :

G1.08      Rémunération provisoire

Lorsqu'un employé est tenu par l'Employeur d'exercer à titre intérimaire les fonctions de base d'une classification supérieure, pendant :

a)      dix (10) jours ouvrables consécutifs pour les niveaux VM-01 à VM-03;

il touche une indemnité provisoire à compter de la date à laquelle il commence à remplir ces fonctions comme s'il avait été nommé à ce niveau de classification supérieure pour la durée de la période.

[16]            La demanderesse prétend que la Cour a conclu que lorsqu'un fonctionnaire s'estimant lésé exécutent les fonctions d'un poste d'un niveau de classification supérieur à celui pour lequel il est rémunéré, le fonctionnaire s'estimant lésé a droit à une rémunération provisoire pour son travail et de tels griefs ne sont pas interdits par l'article 7 de la LRTFP. La demanderesse invoque les décisions Blais c. Canada (Commission des relations de travail dans la fonction publique) (14 mai 1986), A-846-85 (C.A.F.) (non publiée), Stagg c. Canada (Conseil du Trésor), [1993] A.C.F. no 1393 (1re inst.)(QL) et la décision rendue par la CRTFP dans Shearer c. L'Agence canadienne d'inspection des aliments, [2002] C.P.S.S.R.B. no 65 (CRTFP) (QL).

[17]            La demanderesse prétend que ces décisions étayent sa position selon laquelle un arbitre a compétence pour trancher un grief dans lequel la réparation demandée est une rémunération provisoire pour une période durant laquelle un employé a dû exécuter en grande partie les fonctions d'un employé d'un niveau de classification supérieur et que la demande est à juste titre considérée comme ayant trait à une rémunération provisoire pour une période de temps déterminée plutôt qu'ayant trait à une reclassification ou à une réorganisation du milieu de travail.


[18]            À l'audience, l'avocat de la demanderesse a avancé un nouvel argument dont l'arbitre n'a pas tenu compte ou traité dans une argumentation écrite. La demanderesse a prétendu que le pouvoir attribué au président de l'ACIA par le paragraphe 13(2) de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments, L.C. 1997, ch. 6 (Loi sur l'ACIA), de fixer les conditions d'emploi de ses employés est différent des pouvoirs attribués au Conseil du Trésor par le paragraphe 7, et plus particulièrement par l'alinéa 7(1)b), de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11 (LGFP). Il est notamment moins large. L'ACIA est définie comme étant un employeur distinct : voir l'annexe I, partie II de la LRTFP et le paragraphe 12 de la Loi sur l'ACIA.

[19]            La demanderesse a prétendu que l'attribution au président de l'ACIA d'un pouvoir plus large de fixer les conditions d'emploi des employés et de leur assigner leurs fonctions ne comprend pas le pouvoir « de déterminer l'organisation de l'administration publique fédérale » , car ce pouvoir est attribué au Conseil du Trésor par l'alinéa 7(1)b) de la LGFP, et par conséquent, l'applicabilité du paragraphe 7 de la LRTFP en l'espèce doit être interprétée en fonction de cette différence.


[20]            Selon moi, bien qu'il s'agisse d'un argument intéressant, le présent contrôle judiciaire ne porte pas sur cette question car je conclus que, en bout de ligne, cette différence ne fait pas en sorte que le paragraphe 7 de la LRTFP ne s'applique pas aux employés de l'ACIA qui déposent des griefs en vertu de la LRTFP. Le mot « employeur » est défini dans la LRTFP comme étant le Conseil du Trésor ou l'employeur distinct en cause. De même, la définition de « fonction publique » au sens de la LRTFP s'applique également à l'ACIA car elle renvoie à l' « Ensemble des postes qui sont compris dans les ministères ou autres secteurs de l'administration publique fédérale spécifiés à l'annexe I, ou qui en relèvent » . L'ACIA est mentionnée à l'annexe I. Le vaste pouvoir attribué à l'ACIA par le paragraphe 13(2) de la Loi sur l'ACIA doit être interprété comme l'autorisant à organiser son milieu de travail et le fait que le mot « organisation » ne soit pas utilisé n'est pas fatal car l'ACIA s'est vu attribuer le pouvoir de fixer les conditions d'emploi des employés et de leur assigner leurs fonctions. La question qu'il faut trancher dans le présent contrôle judiciaire est de savoir si l'arbitre a décidé à tort que le paragraphe 7 s'appliquait au grief en question et écartait la compétence qui lui est attribuée par l'alinéa 92(1)a) de la LRTFP.     

[21]            La défenderesse prétend que, selon les décisions redues par la CRTFP dans Charpentier c. Conseil du Trésor (Environnement Canada) (1997), 31 résumés de la CRTFP 15 et Gvildys c. Conseil du Trésor (Santé Canada), [2002] C.R.T.F.P.C. no 69 (CRTFP) (QL), l'arbitre a eu raison de conclure qu'il n'avait pas compétence pour entendre le grief de la demanderesse. Le fait qu'un grief soit libellé comme étant un « grief portant sur une rémunération provisoire » et qu'il soit déposé comme tel n'est pas déterminant et l'effet occasionné par l'accueil de ce grief doit être évalué. Si l'accueil du grief occasionne une reclassification du poste ou une réorganisation du milieu de travail, l'arbitre n'a pas compétence pour trancher le grief.


[22]            Le défendeur prétend que l'arbitre a affirmé à juste titre dans ses motifs qu'il avait dû examiner attentivement les faits et les circonstances entourant le grief du Dr Chadwick afin de décider si l'essence du litige portait sur une question de rémunération provisoire ou plutôt sur une question de classification. Le défendeur prétend ensuite que la demanderesse n'a pas exécuté l'ensemble des tâches de gestion du poste de niveau VM-02. Si l'arbitre avait conclu qu'elle avait droit à une rémunération provisoire, cette décision aurait eu pour effet de reclasser son poste à un poste de niveau VM-02.

[23]            Selon moi, l'arbitre a conclu à tort que le grief avait trait à la reclassification du poste de la demanderesse ou à l'organisation de la fonction publique. Le grief de la demanderesse était fondé sur sa croyance que la clause G1.08 de sa convention collective lui donnait droit à une rémunération provisoire pour la durée de la période pendant laquelle elle a exécuté en grande partie les fonctions d'un poste de niveau VM-02 au bureau de St. Thomas. Je suis d'accord avec la demanderesse que l'arbitre a commis une erreur en refusant d'accepter et d'exercer sa compétence quant à son grief.


[24]            Le Dr Chadwick a présenté un grief reposant sur sa prétention que son employeur n'a pas appliqué la convention collective. La clause G1.08 de cette convention renvoie à la situation dans laquelle un employé est tenu par l'employeur d'exercer à titre intérimaire les fonctions de base d'une classification supérieure pendant au moins dix jours ouvrables consécutifs. Il est nécessaire de faire une comparaison entre les différents niveaux de classification afin de déterminer si la tâche de la fonctionnaire s'estimant lésée est visée par la clause G1.08. Cette clause comprend également un élément temporel en ce qu'un employé qui demande une rémunération provisoire en application de la clause ne recevra cette rémunération que pour la période de temps précise pendant laquelle il a exécuté en grande partie les fonctions d'un poste de niveau plus élevé. Si elle avait demandé à recevoir indéfiniment la rémunération plus élevée, je serais peut-être arrivé à une autre conclusion. Toutefois, ce n'est pas ce que je constate en l'espèce. La demanderesse prétend qu'elle a dû exécuter en grande partie les fonctions d'un poste de niveau VM-02 entre le 31 mars 1998 et le 30 juillet 2001 et devrait recevoir une rémunération provisoire pour cette période de temps précise. Le présent litige a trait à la rémunération plutôt qu'à la classification.

[25]            Dans la décision Stagg, précitée, le juge Muldoon a conclu que le grief présenté par un employé en rapport avec une rémunération provisoire, lequel grief était fondé sur une clause d'une convention collective libellée de la même manière que celle en l'espèce, avait trait à la rémunération et non pas à la classification. Pour ce qui est de l'argument que l'article 7 de la LRTFP empêchait l'arbitre d'exercer sa compétence quant au grief, le juge Muldoon a déclaré ce qui suit au paragraphe 20 :

L'arbitre a appuyé sa décision qu'il n'avait pas la compétence pour donner droit au grief de la requérante sur des conclusions de droit et de fait erronées en déterminant qu'accorder la rémunération rétroactive demandée pour la période allant du 1er janvier 1989 au 3 juillet 1990 constituerait une reclassification rétroactive du poste de la requérante. La réparation recherchée par le grief tombait, au contraire, dans le champ d'application de la clause M-27 de la convention cadre. L'arbitre a aussi commis une erreur de droit en décidant qu'accorder la réparation recherchée par la requérante contreviendrait à l'article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Cette disposition, correctement édictée quant à sa teneur et à sa portée, n'était tout simplement pas pertinente dans la présente affaire. La position de l'employeur ne peut ici mener qu'à la situation infâme où après avoir imposé des responsabilités plus lourdes aux employés et leur avoir accordé à l'avenant une reclassification de leurs postes - prérogative de l'employeur, il pourrait, en se traînant les pieds en ce qui concerne la rémunération, obtenir de ses employés qu'ils accomplissent des tâches supplémentaires gratuitement pendant un certain temps, en retardant tout simplement le moment où il leur versera l'augmentation de rémunération appropriée. Dans le fond, cette situation voisine celle de l'esclavage ou des travaux forcés en ce qu'elle est une exploitation du travail (accru) d'employés auxquels on ne verse pas de rémunération.

[26]            Comme l'a conclu le juge Muldoon l'article 7 de la LRTFP « n'était tout simplement pas pertinent dans [cette] affaire » . L'article 7 ne peut pas être utilisé pour dégager les employeurs des engagements financiers qui sont inscrits dans une convention collective et contractés librement grâce au processus de la négociation collective : Alliance de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (1987), 76 N.R. 229 (A.C.F.).

[27]            Les décisions de la CRTFP invoquées par le défendeur ont trait à des situations différentes de celle en l'espèce. Dans la décision Gvildys, précitée, l'employé demandait à recevoir une rémunération provisoire à un certain niveau de classification, de façon permanente, à compter d'une date précise et les différents niveaux de classification en litige étaient le résultat d'une situation factuelle unique impliquant des modifications à l'organisation du milieu de travail et à la convention collective. De plus, dans la décision Gvildys, précitée, la classification des postes des fonctionnaires s'estimant lésés avait déjà fait l'objet d'un grief de classification distinct qui avait été rejeté, et ce, avant la présentation des griefs de rémunération provisoire. Les employés dans la décision Gvildys, précitée, n'ont pas eu à exécuter de nouvelles tâches ou des tâches élargies, comme le Dr Chadwick prétend avoir dû faire en l'espèce, mais ont plutôt exécuté les mêmes tâches qu'ils ont toujours exécutées lorsqu'une modification au milieu de travail a occasionné des modifications aux niveaux de classification. La situation est également différente à cet égard.

[28]            De même, dans la décision Charpentier, précitée, le grief de l'employé a été présenté après le rejet d'un grief de classification et l'employé demandait depuis longtemps que l'on modifie le niveau de classification de son poste en raison de la décision de l'employeur de modifier son niveau de classification et la croyance de l'employé que des postes semblables dans d'autres provinces étaient classés à un niveau différent. L'employé a également demandé de recevoir une rémunération provisoire sur une base variable, c'est-à-dire à un niveau de classification supérieur à compter d'une date précise. Une telle situation a été considérée à juste titre comme ne relevant pas de la compétence de l'arbitre.


[29]            En l'espèce, la Cour n'a été saisie d'aucune preuve que la demanderesse avait demandé antérieurement une reclassification de son poste, soit par des demandes non officielles, soit par un grief de classification. Il ne semble donc pas que son grief de rémunération provisoire qui a été transmis à la CRTFP en conformité avec l'alinéa 92(1)a) était une tentative détournée de faire indirectement par le biais de l'arbitrage ce qui ne pouvait être fait que par une procédure de grief différente portant sur la classification, et ce, en conformité avec l'article 91 de la LRTFP. De plus, la demanderesse ne demande pas une rémunération provisoire pour une période de temps qui va jusqu'à la date des présentes mais une rémunération provisoire pour une période de temps précise pendant laquelle elle a dû, selon elle, exécuter en grande partie les fonctions d'un poste de niveau VM-02 pendant au moins dix jours consécutifs. Cette demande est manifestement une demande de rémunération et elle est fondée sur la clause G1.08 de sa convention collective. La présente affaire relève à juste titre de la compétence d'un arbitre de la CRTFP et l'arbitre en l'espèce a commis une erreur en décidant que ce n'était pas le cas.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie avec dépens en faveur de la demanderesse. La décision de l'arbitre datée du 9 mai 2003 est annulée et un autre arbitre de la CRTFP réexaminera le grief de la demanderesse en conformité avec les présents motifs.

                                                                         _ Richard G. Mosley _            

                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             T-957-03

INTITULÉ :                            MARY CHADWICK

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :      OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 30 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :           LE 31 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Dougald Brown                         POUR LA DEMANDERESSE            

John Jaworski                            POUR LE DÉFENDEUR        

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dougald Brown                         POUR LA DEMANDERESSE

Nelligan O'Brien Payne LLP

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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