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                                                                                                                     Date : 20040216

 

                                                                                                               Dossier : T-1489-99

 

                                                                                                      Référence : 2004 CF 235

 

Ottawa (Ontario), le 16 février 2004

 

 

EN PRÉSENCE DE : MADAME LA JUGE SNIDER

 

 

ENTRE :

 

                                                           ALTICOR INC.

                                     et QUIXTAR CANADA CORPORATION

 

                                                                                                                      demanderesses

                                                                                     (défenderesses reconventionnelles)

 

                                                                       et

 

 

                                   NUTRAVITE PHARMACEUTICALS INC.

 

                                                                                                                          défenderesse

                                                                                       (demanderesse reconventionnelle)

 

 

                          MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

LA JUGE SNIDER

 

 


[1]        Les demanderesses, Alticor Inc. et Quixtar Canada Corporation, par suite de l’historique complexe des sociétés décrit à l’Annexe A aux présents motifs, sont titulaires des droits à la marque de commerce NUTRILITE, enregistrée au Canada le 28 mars 1952. Les demanderesses prétendent que les produits NUTRILITE, qui comprennent une variété de suppléments vitaminiques, minéraux et d’herbes, sont commercialisés et vendus au Canada depuis plus de 50 ans. Ces produits ne sont pas disponibles dans les établissements de détail au Canada, mais par l’entremise d’un programme de commercialisation à paliers multiples qui sera décrit plus loin dans le présent jugement. Depuis 1998, les demanderesses ont vendu un certain nombre de produits NUTRILITE avec la marque de commerce BEST OF NATURE - BEST OF SCIENCE.

 

[2]        La défenderesse, Nutravite Pharmaceuticals Inc., produit et vend des produits portant sur une étiquette le nom NUTRAVITE dans des établissements de détail au Canada depuis environ 1992. De façon générale, la gamme de produits de la défenderesse se compose de suppléments vitaminiques, minéraux et d’herbes. En 1992, la défenderesse a tenté d’enregistrer NUTRAVITE comme marque de commerce. Amway, prédécesseur en titre des demanderesses, a fait opposition à la demande et a eu gain de cause, de sorte que la marque de commerce n’a pas été enregistrée (Amway Corp. c. Nutravite Pharmaceuticals Inc. (1997), 84 C.P.R. (3d) 276 (la  décision sur l’opposition)). Malgré cette décision, la défenderesse a continué à vendre ses produits dans les magasins sous le  nom NUTRAVITE. Durant une certaine période, la défenderesse a aussi employé la marque de commerce A PERFECT BLEND OF SCIENCE AND NATURE en liaison avec ses produits, mais a mis fin à cet emploi par suite de la présente action. 

 


[3]        En 1999, les demanderesses ont intenté la présente action en contrefaçon, prétendant que la marque NUTRAVITE est susceptible d’être confondue avec la marque NUTRILITE de la demanderesse. En outre, les demanderesses ont intenté une action en commercialisation trompeuse, sur le fondement de la vente et de la distribution par la défenderesse de ses produits en liaison avec les deux marques NUTRAVITE et A PERFECT BLEND OF SCIENCE AND NATURE.

 

[4]        La défenderesse, par voie de demande reconventionnelle, allègue que la marque de commerce NUTRILITE n’est pas valide parce qu’à la date de son enregistrement, soit le 28 mars 1952, elle n’était pas enregistrable.

 

Questions en litige

 

[5]        Pour déterminer si la défenderesse viole les droits exclusifs de la demanderesse à la marque de commerce enregistrée NUTRILITE, en contravention des articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, modifiée (la Loi), il faut trancher les questions suivantes :


1.         La marque de commerce NUTRILITE était-elle non enregistrable à la date de l’enregistrement, en contravention de l’alinéa 26c) ou e) de la  Loi sur la concurrence déloyale, L.R.C. 1952, ch. 274 (la Loi sur la concurrence déloyale) parce qu’elle était le nom des marchandises ou donnait une description de la nature ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquelles on devait l’employer, de sorte que l’enregistrement no LCD 425408 de la marque de commerce NUTRILITE, enregistrée au Canada le 28 mars 1952, est invalide, en vertu de l’alinéa 18(1)a) de la Loi?

 

2.         L’emploi par la défenderesse de la marque de commerce NUTRAVITE en liaison avec les suppléments vitaminiques, minéraux et d’herbes crée-t-il de la confusion dans la mesure où cet emploi serait susceptible de faire conclure que les produits NUTRAVITE et les produits NUTRILITE sont fabriqués ou vendus par la même personne, ainsi qu’il est prévu au paragraphe 6(2) de la Loi?

 

[6]        S’agissant de l’action en commercialisation trompeuse, il faut trancher la question suivante :

 

1.         La défenderesse a-t-elle appelé l’attention du public sur ses marchandises et son entreprise de manière à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi, par l’emploi des marques de commerce NUTRAVITE et A PERFECT BLEND OF SCIENCE AND NATURE sur ses produits?


 

[7]        La validité de l’enregistrement NUTRILITE est une question préliminaire. Si la marque de commerce est jugée non enregistrable, il ne peut y avoir de contrefaçon ou de commercialisation trompeuse. Je commencerai donc par cette question.

 

Première question : la validité de la marque de commerce NUTRILITE

 

[8]        La marque de commerce NUTRILITE a été enregistrée au Canada le 28 mars 1952. À l’époque, la Loi sur la concurrence déloyale prévoyait qu’une marque verbale est enregistrable si elle n’est pas le nom dans une langue quelconque de l’une des marchandises en liaison avec lesquelles elle doit être employée (Loi sur la concurrence déloyale, alinéa  26e)) et si elle ne donne pas une description de la nature ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquelles on projette de l’employer (Loi sur la concurrence déloyale, alinéa  26c)).

 


[9]        La défenderesse soutient qu’au moment de l’enregistrement au Canada, la  marque de commerce NUTRILITE ne répondait pas à ces critères parce qu’elle donnait une description de la nature des marchandises produites par le prédécesseur des demanderesses. Donc, selon la défenderesse, la marque de commerce n’était pas enregistrable. Si NUTRILITE n’était pas enregistrable le 28 mars 1952, l’alinéa 18(1)a) de la Loi est applicable et l’enregistrement est invalide. Si l’enregistrement est invalide, il ne peut y avoir d’action en contrefaçon fondée sur la Loi.

 

[10]      Au soutien de cet argument, la défenderesse invoque l’existence du mot anglais « nutrilite » dans des revues scientifiques et dans certains dictionnaires. 

 


[11]      Par voie de témoignage par affidavit, la défenderesse a établi l’emploi du mot « nutrilite » dans plus de 37 articles de revues scientifiques dans une période allant de 1928 à 1952. Selon la définition de l’un des dictionnaires, le mot signifie [traduction] « une des substances, comme certains minéraux, qui, en quantités infimes, servent de nutriments aux microorganismes » [The Random House Dictionary of the English Language: Second Edition Unabridged (1987) New York: Random House]. Les autres significations présentées sont similaires. Le lien entre le mot « nutrilite » et le produit du même nom a été décrit par M. Karl S. (Sam) Rehnborg, président du Nutrilite Health Institute et fils du fondateur des produits NUTRILITE, M. Karl F. Rehnborg. M. Rehnborg a témoigné devant moi que le premier produit de son père, un supplément multivitaminique et multiminéral distribué à l’origine en Californie en 1934, visait à compléter ce qui manquait dans l’alimentation de l’Ouest à l’époque. M. Rehnborg a trouvé le premier emploi du mot « nutrilite » dans un article d’une revue scientifique de 1928 où le terme désignait [traduction] « toutes ces substances similaires à des vitamines qui interviennent en petites quantités dans la nutrition des organismes en général » (Williams, « The Pathology of Certain Virus Diseases » (15 juin 1928) 1746 Science 607). M. Rehnborg s’est approprié le mot. Il n’est pas établi clairement de quelle manière cela a été fait; on ne sait pas avec certitude de quelle manière il est entré en rapport avec l’auteur pour obtenir sa permission, ou même s’il l’a fait. Quoi qu’il en soit, la marque de commerce NUTRILITE a été enregistrée par la suite aux États-Unis et, en 1952, au Canada.

 

[12]      Cette preuve donne à penser que NUTRILITE est un mot qui donne une description de la nature des marchandises portant ce nom. Les suppléments vitaminiques, minéraux et d’herbes entreraient, à mon avis, dans les [traduction] « substances, comme certains minéraux, qui, en quantités infimes, servent de nutriments aux microorganismes » (The Random House Dictionary, précité) ou seraient des exemples de [traduction] « composé nutritif » (McGraw-Hill Dictionary of Scientific and Technical Terms, 6th ed. (Toronto: The McGraw-Hill Companies, Inc., 2003)). C’est d’ailleurs la raison même pour laquelle M. Rehnborg a adopté le nom pour commencer. À première vue, cet argument semble favoriser la demande reconventionnelle de la défenderesse.

 

[13]      Les demanderesses  rétorquent que la défenderesse doit établir que le consommateur canadien moyen connaissait ou comprenait la signification de « nutrilite ». Il ne suffit pas, selon elles, d’établir que le mot était employé dans quelques revues scientifiques obscures. 


[14]      Les demanderesses ont invoqué la décision de la Cour dans l’affaire ITV Technologies, Inc. c. WIC Television Ltd., [2003] A.C.F. n° 1335 (C.F.) (QL). Cette affaire a sa source dans l’emploi par la demanderesse des lettres ITV en dépit des objections de la défenderesse, qui détient plusieurs marques de commerce déposées comprenant les initiales ITV. ITV a demandé la radiation des marques de commerce de WIC au motif, notamment, qu’elles n’étaient pas enregistrables. On a présenté à la Cour une preuve documentaire sous forme de copies d’articles de revues et de dictionnaires, ainsi que de sorties imprimées de dictionnaires en ligne et de recherches dans des bibliothèques. Les observations de Madame la juge Tremblay-Lamer dans son jugement sur cette affaire s’appliquent tout à fait à la présente espèce. En refusant d’appliquer la preuve documentaire à la question de l’invalidité des marques de commerce, la juge Tremblay-Lamer a fait observer les points suivants :

 

·           il n’y avait guère de preuve que les Canadiens connaissaient ou lisaient ces documents, dont un grand nombre étaient tirés de publications spécialisées, en principe inconnues du consommateur canadien moyen (au paragraphe 106);

 

·           « La consultabilité au Canada de documents étrangers ... n’a pas pour effet d’invalider l’enregistrement d’une marque de commerce au Canada. » (au paragraphe 107).


  

[15]      Je me trouve devant une situation similaire ici. La défenderesse n’a pas présenté de preuve établissant que le mot « nutrilite » était connu du consommateur canadien moyen en 1952. Les divers articles de revues scientifiques de cette époque qui m’ont été présentés étaient surtout d’origine étrangère et il n’y pas eu de preuve concernant l’étendue de leur diffusion au Canada. Je ne puis donc conclure raisonnablement que même la communauté scientifique canadienne connaissait le mot « nutrilite ». Sur cette question, il incombe à la défenderesse de prouver, suivant la prépondérance de la preuve, que la marque de commerce NUTRILITE n’était pas enregistrable en mars 1952. À mon avis, la preuve n’est pas suffisante pour satisfaire au fardeau de persuasion dont il faut s’acquitter pour invalider la marque de commerce.  Par conséquent, la demande reconventionnelle de la défenderesse est rejetée.

 

Deuxième question : la confusion

 

1.         Généralités

 

a)         Le cadre législatif

 


[16]      Après avoir décidé que l’enregistrement de la marque de commerce NUTRILITE n’est pas invalide, je passe maintenant à l’examen de la question de la confusion. La Loi définit un régime détaillé pour cet examen. Le point de départ est l’article 19 de la Loi, qui dispose que l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de certaines marchandises donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci dans tout le Canada en liaison avec ses marchandises. Les droits du propriétaire sont décrits plus amplement au paragraphe 20(1) de la Loi, qui dispose que le droit à l’emploi exclusif de la marque de commerce est violé si une autre personne vend, distribue ou annonce des marchandises en liaison avec une marque de commerce créant de la confusion. En l’espèce, les demanderesses prétendent qu’avec ses produits NUTRAVITE, la défenderesse vend ou distribue des marchandises en liaison avec une marque de commerce créant de la confusion.

 

[17]      À l’article 6, la Loi expose, de façon assez détaillée, les éléments dont il faut tenir compte pour décider si une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce. Les paragraphes pertinents sont reproduits ci-dessous :     

 



6 (2) L’emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris_:

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

 

c) le genre de marchandises, services ou

entreprises;

 

d) la nature du commerce;

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

 

 6(2) The use of a trade‑mark causes confusion with another trade‑mark if the use of both trade‑marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade‑marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

 

 

 

 

(5) In determining whether trade‑marks or trade‑names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

 

 

(a) the inherent distinctiveness of the trade‑marks or trade‑names and the extent to which they have become known;

 

(b) the length of time the trade‑marks or trade‑names have been in use;

 

 

(c) the nature of the wares, services or business;

 

 

(d) the nature of the trade; and

 

(e) the degree of resemblance between the trade‑marks or trade‑names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

 

 

 


 

b)         Principes généraux

 

[18]      Voici quelques-uns des grands principes qui s’appliquent à la présente affaire :

 

i)          Dans une action en contrefaçon, il incombe aux demanderesses d’établir la confusion (Canadian Memorial Services c. Personal Alternative Funeral Services Ltd. (2000), 4 C.P.R. (4th) 440 (C.F. 1re inst.)).

 


ii)         Le critère général de la confusion consiste, comme on l’a dit, « à se demander si, comme première impression dans l’esprit d’un consommateur ordinaire ayant un souvenir vague et imparfait de l’autre marque, l’emploi des deux marques, dans la même région et de la même façon, est susceptible de donner l’impression que les marchandises reliées à ces marques sont produites ou commercialisées par la même société. » (Polo Ralph Lauren Corp. c. United States Polo Assn. (2000), 9 C.P.R. (4th) 51 au paragraphe 3 (C.A.F.). En d’autres termes, je dois me placer dans la position d’un consommateur moyen qui a un certain souvenir de la marque NUTRILITE. La question est alors de savoir si cette personne, placée devant les produits NUTRAVITE, en conclurait que les marchandises NUTRAVITE sont liées de quelque manière aux marchandises NUTRILITE. Si la réponse à cette question est affirmative, il me faudra conclure qu’il y a eu confusion.

 

iii)         Pour apprécier le risque de confusion, je dois tenir compte des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) et des circonstances de l’espèce. Il ne faut pas nécessairement attribuer un poids égal à ces facteurs; les faits particuliers d’une affaire peuvent justifier qu’on accorde plus d’importance à l’un de ces critères (Polo Ralph Lauren, précité, au paragraphe 18).

 


c)         La date pertinente

 

[19]      Les demanderesses soutiennent que la date pertinente pour apprécier le risque de confusion devrait être la date à laquelle la défenderesse a commencé à vendre ses produits NUTRAVITE au Canada, soit à un moment en 1992. La défenderesse oppose que la date pertinente est la date de l’instruction. Il existe une décision de la Cour qui suggère que la date de l’instruction est la date pertinente (Cartier Inc. c. Cartier Optical Ltd./Lunettes Cartier Ltée (1988), 20 C.P.R. (3d)  68 aux pages 80 et 81 (C.F. 1re inst.)). Dans cette décision, le raisonnement du juge Dubé tient que l’article 20 de la Loi parle au présent. C’est une interprétation logique de la Loi. Aussi, en vue de décider la question de la confusion, je conclus que la date pertinente pour apprécier s’il existe une confusion est la date de la présente procédure.

 

[20]      Quand je considère le dossier dont je suis saisie, une conséquence de cette décision touche la question de la coexistence; si je considérais comme la date pertinente la date de la première vente des produits NUTRAVITE, je n’aurais pas à considérer l’effet de la coexistence des gammes de produits depuis cette date. Un autre élément à propos duquel cette décision a une incidence, c’est l’état du marché canadien. La preuve qu’on a présentée devant moi portait sur l’état du marché et sur le registre des marques de commerce au moment de l’instruction et non en 1992.

 


2.         Les facteurs du paragraphe 6(5)

 

a)         Le caractère distinctif inhérent et la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues (alinéa 6(5)a))

 

[21]      Le premier facteur à examiner est le caractère distinctif des marques de commerce en question. Dans le cadre de cet examen, je considère que le caractère distinctif équivaut à l’originalité. Une marque de commerce originale sera distinctive à compter du début et recevra une protection plus forte de la Cour.

 

[22]      Par contre, lorsque la marque de commerce manque d’originalité, elle est moins distinctive et [traduction] « [l]’étendue de la protection accordée. . . est beaucoup moindre que dans le cas d’une marque forte et l’enregistrement d’autres marques comportant des différences relativement petites peut être permis » (Cochrane-Dunlop Hardware Ltd. c. Capital Diversified Industries (1976), 30 C.P.R. (2d) 176 à la page 182 (C.A. Ont.)).

 

[23]      La défenderesse reconnaît que sa marque de commerce NUTRAVITE est dépourvue de caractère distinctif inhérent.

 


[24]      En l’espèce, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, la marque NUTRILITE a été choisie parce que le fondateur considérait que le mot donnait une description des produits. À part la signification du mot dans son ensemble, le préfixe « nutri », qui fait partie du mot nutrition », contribue au manque de caractère distinctif de la marque de commerce. Je suis convaincue que la marque est dépourvue de caractère distinctif inhérent.

 

[25]      Je dois aussi examiner si la marque a acquis un caractère distinctif en devenant bien connue en liaison avec les marchandises qui en sont revêtues. Il se peut que le produit soit devenu si étroitement lié aux suppléments vitaminiques, minéraux et d’herbes que la marque ait acquis un caractère distinctif. Puisque la période pendant laquelle les marques ont été en usage constitue un facteur distinct, l’élément à apprécier doit être autre chose que simplement le fait d’avoir été dans le domaine public pendant une longue période.

 


[26]      La preuve présentée par les demanderesses sur cet aspect du premier facteur se résumait à deux points : a) les demanderesses on abondamment utilisé, promu et annoncé la marque au Canada pendant plus de vingt ans avant que la défenderesse ne commence à employer sa marque; b) le volume des ventes des produits NUTRILITE à une date antérieure aux ventes de la défenderesse indique que la marque est bien connue des consommateurs. J’estime qu’aucun de ces deux points n’est persuasif à l’égard du premier facteur. 

 

[1]        La période pendant laquelle la marque a été en usage est traitée dans la section suivante et, de toute manière, ne constitue pas une preuve que la marque est bien connue. C’est assez courant, me semble-t-il, que des produits existent sans être bien connus. De plus, je note le témoignage de M. Kent Macleod, propriétaire de la Nutri-Chem Pharmacy, pharmacie d’Ottawa spécialisée en produits de santé. Malgré le fait qu’il s’occupe de suppléments nutritionnels depuis plus de 20 ans, M. Macleod n’avait jamais entendu parler de NUTRILITE avant le début de la présente affaire. De même, la preuve de ventes au Canada ne me persuade pas, à elle seule, que la marque est bien connue. Les demanderesses soulèvent la question de la publicité, mais n’ont fourni qu’une preuve très restreinte de publicité au-delà des limites du réseau de propriétaires de commerce indépendants (PCI) qui commercialisent les produits NUTRILITE.

 


[2]        Sur le fondement de l’absence de caractère distinctif de la marque de commerce NUTRILITE et de l’absence de preuve des demanderesses établissant que la marque est devenue bien connue, je conclus que ce facteur ne joue pas en faveur des demanderesses. Toutes autres choses étant égales, la marque de commerce NUTRILITE est une marque pour laquelle « [l]’étendue de la protection accordée. . . est beaucoup moindre que dans le cas d’une marque forte et l’enregistrement d’autres marques comportant des différences relativement petites peut être permis » (Cochrane-Dunlop, précité).

 

 

b)         La période pendant laquelle la marque a été en usage

 

[3]        Le facteur suivant est la période pendant laquelle la marque de commerce a été en usage. Cette période est manifestement un facteur qui peut contribuer à la confusion. Voici ce qu’en a dit le juge Linden dans l’arrêt United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247 aux pages 259 et 260 (C.A.F.) :

 

La période pendant laquelle une marque a été en usage est manifestement un facteur susceptible de faire naître la confusion chez le consommateur quant à l’origine des marchandises ou des services. Par rapport à une marque qui fait son apparition, une marque qui est employée depuis longtemps est présumée avoir fait une certaine impression à laquelle il faut accorder un certain poids.

 

[4]        S’agissant de l’usage des produits NUTRILITE au Canada, les demanderesses soutiennent que la preuve établit que les produits sont vendus au Canada depuis 1948. Voici un résumé de la preuve de cet usage:

 

·           une lettre datée du 4 mars 1952 provenant du distributeur des produits à l’époque, indiquant que la [traduction] « date probable de premier emploi » au Canada serait février 1948 par un « distributeur » éventuel;


·           une lettre datée du 6_mars 1952, provenant de Nutrilite Products Inc. et indiquant le Canada comme un pays où la « date de première émission » était février  1948;

 

·           le témoignage de M. Karl S. Rehnborg portant que, pour maintenir la marque de commerce, des quantités du produit ont été expédiées vers les pays où la marque était enregistrée;

 

·           le témoignage de M. Gregory Anthoine, qui est un PCI ou distributeur des produits des demanderesses depuis 1978, portant que les produits NUTRILITE étaient inclus dans son stock de départ initial.

 

[27]      Contredisant cette preuve d’emploi à compter de 1948, un document interne de commercialisation des produits NUTRILITE intitulé [traduction] « Guide des marques » indique qu’en 1974, [traduction] « les produits de marque NUTRILITE sont introduits au Canada ». Un article daté du 14 septembre 1972 dans un bulletin produit en preuve dit que [traduction] « les distributeurs canadiens Amway n’introduiront la gamme des suppléments alimentaires Nutrilite sur leurs marchés qu’un peu plus tard, en 1973 ».  M. Burt Crandell, vice-président d’Alticor Inc. et employé du prédécesseur en titre de celle-ci depuis 1978, a témoigné qu’il n’avait pas eu connaissance de produits NUTRILITE au Canada avant 1974. 


[28]      La meilleure preuve de l’emploi du produit de marque sur un marché donné, c’est la preuve des ventes. Le premier exercice pour lequel on dispose de chiffres sur les ventes est 1994. Dans cette année, les ventes de vitamines et de minéraux NUTRILITE et d’herbes NUTRILITE se sont chiffrées à 12 786 000 $. La défenderesse fait valoir qu’il n’y a pas de preuve antérieure à 1994 sur laquelle je pourrais m’appuyer pour conclure que la marque de commerce était employée avant 1994. 

 


[29]      Sur le fondement des documents relatifs aux ventes, je suis convaincue que le produit s’est vendu de manière continue au Canada depuis 1994. Toutefois, la preuve des ventes antérieures à cette date est moins utile, dans la mesure où elle se compose de témoignages anecdotiques et de quelques références dans des documents à des ventes au Canada. Je puis comprendre pour quelle raison on ne dispose pas de document indiquant les ventes exactes. Néanmoins, si les produits ont été en usage comme le prétendent les demanderesses, il me semble qu’on aurait pu produire une meilleure preuve. Sur le fondement de la preuve qu’on m’a présentée, je ne puis conclure que les produits étaient utilisés au Canada avant 1974. La preuve donne à penser que la première distribution au Canada en vue de la vente est intervenue en 1973 ou 1974. Il y a toutefois deux motifs de conclure que les produits sont vendus au Canada depuis 1978. D’abord, le témoignage de M. Anthoine portant que des échantillons du produit se trouvaient dans son stock de départ en 1978 constitue une preuve que les produits étaient disponibles en vue de la vente à ce moment-là. Ensuite, il est illogique de supposer qu’il n’y a pas eu de ventes avant 1994, étant donné que les ventes cette année-là se sont chiffrées à plus de 12 000 000 $. Il faut du temps pour atteindre des ventes de cette importance. Je suis donc convaincue que la marque de commerce NUTRILITE est en usage au Canada depuis 1978. La preuve sur l’emploi antérieur de la marque n’est pas persuasive.

 

[30]      Puisque les produits de la défenderesse ne sont vendus au Canada que depuis 1992, cet avantage sur le marché de 14 ans joue en faveur des demanderesses.

 

c)         Le genre de marchandises (alinéa 6(5)c))

 

[31]      L’alinéa 6(5)c) dispose qu’il faut tenir compte du « genre de marchandises, services ou entreprises ». L’un des objectifs de cette disposition est d’évaluer les possibilités de confusion. Il tombe sous le sens que les possibilités de confusion sont moindres si les produits sont différents. Si la société A produit des tablettes de crème glacée et la société B du détergent à vaisselle, il n’y a guère de consommateurs qui vont chercher les produits de la société A dans l’allée des produits ménagers au magasin. Il n’y a pas de possibilité de confusion. Par contre, si les établissements Mr. Submarine et Mr. Subs & Pizza vendent tous deux des sous-marins, on imagine sans difficulté qu’un consommateur qui se cherche un repas rapide entre dans l’un ou l’autre de ces établissements. Il existe alors des possibilités de confusion (Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)) .


[32]      En l’espèce, il n’y a guère de débats au sujet de ce facteur. La défenderesse admet que les produits des deux parties sont identiques à cette exception que la défenderesse ne vend pas de tablettes ou de boissons alimentaires. Cela joue en faveur des demanderesses. Tous les autres facteurs étant laissés de côté pour l’instant et sans prendre en compte les circonstances de l’espèce, il serait plus vraisemblable que cela crée de la confusion dans l’esprit de notre consommateur hypothétique, sorti acheter un flacon de vitamines des demanderesses, puisque la défenderesse vend aussi des flacons de vitamines. Toutefois, ainsi qu’il est exposé dans plusieurs des sections suivantes des présents motifs, en raison de la nature du commerce et des autres circonstances de l’espèce, les effets de cette conclusion sont atténués.

 

d)         La nature du commerce (alinéa 6(5)d))

 

[33]      Le quatrième facteur à prendre en compte est la nature du commerce. Le consommateur peut-il obtenir les produits par les mêmes canaux de distribution? Comme dans le cas du genre de marchandises, ce facteur semble être axé sur les possibilités de confusion. Si nous revenons à notre consommateur hypothétique, il est plus probable que la confusion soit créée dans son esprit si le produit concurrent se vend de la même manière. La question à poser au bout du compte est de savoir où et de quelle manière un consommateur achète chacun des produits.

 


[34]      Pour l’essentiel, les canaux de distribution des parties n’ont pas été débattus. Les produits de la défenderesse ont été disponibles pour les consommateurs de la manière suivante :

·           jusqu’à 1994, les produits NUTRAVITE ont été vendus dans la Nutrition Plus Pharmacy, pharmacie d’Edmonton (Alberta) et dans deux autres petites pharmacies indépendantes;

 

            ·           en 1995, les produits sont devenus disponibles dans plusieurs établissements de détail en Alberta, au Manitoba et en Colombie‑Britannique;

 

·           en janvier 1996, les produits sont devenus disponibles dans les magasins de la chaîne Shoppers Drug Mart, seulement dans les provinces de l’Ouest pour commencer;

 

            ·           à l’heure actuelle, les produits NUTRAVITE sont vendus dans des magasins choisis des chaînes Shoppers Drug Mart, PharmaPlus Drug Store et Walmart.

 

Un consommateur peut également obtenir les produits de la défenderesse par le moyen d’un site Web exploité par l’un des établissements de détail.


[35]      Les circuits de distribution des produits des demanderesses ne sont pas aussi simples. Alticor (auparavant Amway) fabrique et vend les produits NUTRILITE par l’entremise de ses filiales (on trouvera un exposé détaillé à l’Annexe A). Quixtar est le distributeur exclusif des produits NUTRILITE au Canada et elle fait partie du groupe de sociétés d’Alticor. Quixtar exploite un programme de commercialisation à paliers multiples faisant intervenir trois catégories de personnes : les PCI, les membres et les clients. 

 

[36]      Quixtar vend les produits NUTRILITE aux PCI qui, à leur tour, les vendent aux membres et aux clients. Les PCI sont essentiellement des gens ordinaires qui conservent leur emploi à temps plein tout en vendant les produits de Quixtar « en à-côté ». Ils sont généralement parrainés par d’autres PCI, qui jouent le rôle de mentors à leur endroit. Le PCI qui parraine d’autres PCI reçoit une rétribution financière de Quixtar. Selon les règles de Quixtar, il est strictement interdit aux PCI de vendre ou d’exposer les produits de Quixtar, dont le NUTRILITE, dans des magasins de détail. Les PCI doivent plutôt vendre les produits de Quixtar à des membres et à des clients. Un membre est une personne qui paye des frais d’adhésion et peut ensuite acheter les produits NUTRILITE et les autres produits de Quixtar à rabais. Un client est une personne qui achète les produits à leur prix ordinaire. Les membres et les clients ne peuvent acheter les produits qu’auprès de PCI. Ils peuvent effectuer leurs achats en s’adressant directement à un PCI.

 


[37]      On peut également acheter les produits NUTRILITE en passant par le site Web de Quixtar. Si l’acheteur éventuel est déjà inscrit, il peut acheter les produits en entrant son numéro Quixtar et son mot de passe. Ceux qui visitent le site Web pour la première fois ne peuvent s’inscrire et acheter des produits que s’ils sont référés par un PCI et qu’ils connaissent le numéro et le nom de celui-ci. S’il n’est pas référé, le client éventuel doit remplir un formulaire et attendre qu’un PCI communique avec lui pour le parrainer.

 

[38]      Dans une année donnée, on compte environ 70 000 PCI au Canada. Les PCI sont liés par des contrats qui leur interdisent de vendre les produits autrement que conformément aux règles de Quixtar. En particulier, il n’est pas permis de vendre au détail ou de faire de la publicité.

 

[39]      Jusqu’à maintenant, les produits NUTRILITE ne se sont jamais vendus dans des magasins de détail au Canada.

 

[40]      Les éléments essentiels de la méthode de vente de NUTRILITE n’ont jamais changé. M. Rehnborg a dit, dans son témoignage, que, dès les débuts de l’histoire de ces produits, les clients de son père ont commencé à vendre les produits NUTRILITE. En fait, cela a créé la première distribution du produit par le moyen de la commercialisation à paliers multiples.

 


[41]      Dans le cadre de poursuites aux États-Unis qui ont abouti devant la Cour suprême des États-Unis, voici comment la commercialisation de NUTRILITE, en 1950 et vers cette période, a été décrite :

[traduction] La drogue n’est pas commercialisée par les circuits de détail habituels, elle est plutôt vendue par des distributeurs qui démarchent directement des consommateurs pour obtenir des contrats écrits (appelés programmes) en vue de la livraison d’un paquet de Nutrilite chaque mois. Ces distributeurs, qui sont les acheteurs de Nutrilite, sont parrainés par d’autres distributeurs, dans l’organisation de la défenderesse Mytinger & Casselberry, Inc., qui sont « potentat », « haut potentat » ou « éminent potentat » en fonction du volume de ventes généré par le groupe parrainé (États-Unis, Notices of Judgment under the Federal Food, Drug, and Cosmetic Act. Drugs and Devices; D.D.N.L., F.D.C. 3381 - 3383 (publié en août 1951), à la page 356).

 

[42]      M. Gregory Anthoine, témoin dans la présente procédure, a débuté comme distributeur (maintenant PCI) en 1978. Il a connu une grande réussite. En 1951, il aurait probablement été classé comme « éminent potentat »; aujourd’hui, il est un PCI de niveau « platine » et parraine 200 PCI. Il possède une excellente connaissance de l’entreprise et a témoigné de manière directe et enthousiaste. Il a décrit l’entreprise de Quixtar comme « la construction de réseaux de propriétaires de commerce, de membres et de consommateurs ». Il a souligné l’importance de l’« approche personnelle », en décrivant sa méthode de vente comme [traduction] « haute technologie/bon contact ». Lorsqu’on lui a demandé quelle incidence les ventes au détail de NUTRILITE auraient sur son entreprise, il a répondu sans équivoque : « Je ne vous croirais pas, parce nous ne permettons pas aux magasins de vendre nos produits ». Il s’est déclaré en accord avec la proposition qu’« il est absolument impossible qu’Alticor s’amène et ouvre un magasin de vitamines NUTRILITE ».


[43]      Que faut-il tirer de cette preuve en ce qui concerne les circuits de distribution? À mon avis, la preuve démontre non seulement que les produits NUTRILITE ne sont pas vendus dans les établissements de détail, mais aussi qu’il est peu probable qu’ils soient vendus autrement que par l’entremise du système de commercialisation à paliers multiples en place à l’heure actuelle. En effet, les produits NUTRILITE ont été et sont inextricablement liés à leur méthode de vente. Les ventes au détail seraient incompatibles avec la façon dont les produits sont vendus à l’heure actuelle. En ce qui concerne l’avenir, on ne m’a pas fourni de preuve que les demanderesses prévoient changer leur méthode de vente actuelle ou la compléter par autre chose. Je n’ai pas vu de plan d’entreprise ou d’autre initiative consignée par écrit. Et aucun des témoins du groupe de sociétés n’a décrit de plans visant à diversifier ou à changer l’entreprise.

 

[44]      Les demanderesses ont signalé la disponibilité des deux lignes de produit sur des sites Web comme une preuve d’un chevauchement des circuits de distribution. Toutefois, l’achat des produits NUTRILITE en ligne n’est possible qu’avec l’intervention d’un PCI. Il s’agit simplement d’une extension du programme de commercialisation à paliers multiples, non d’un circuit de distribution différent. De même, je ne tiens pas compte de la preuve de ventes de produits NUTRILITE dans des boutiques en Chine. Les ventes en Chine, marché éloigné de l’Amérique du Nord, sont très différentes de la situation dans laquelle les produits sont vendus au Canada.

 


[45]      Les demanderesses ont raison de dire qu’il n’y a pas de restriction dans l’enregistrement de la marque de commerce qui les empêche d’étendre leurs activités à un marché quelconque, notamment au commerce de détail. Sur ce fondement, elles font valoir que je dois examiner la question de la confusion en tenant compte du risque de confusion si les demanderesses devaient « exercer [leurs] activités ... de toute manière qui [leur] est permise » (Mr. Submarine Ltd., précité, à la page 12). Je pense que cette position est erronée. Je dois certainement envisager la situation réelle, à savoir qu’aucune preuve n’établit que les produits NUTRILITE seront vendus un jour dans des établissements de détail. S’il n’existe pas d’empêchement du côté de l’enregistrement de la marque de commerce, il semble y avoir des obstacles importants à l’entrée sur le marché du détail. Ces obstacles sont ceux qui tiennent à la relation entre les demanderesses et les PCI dans le système de commercialisation à paliers multiples. L’entrée des demanderesses sur le marché du détail est purement hypothétique. Par conséquent, je conclus que la nature du commerce des produits NUTRILITE présente des différences importantes avec celle des produits NUTRIVITE.

 


[46]      L’élément important qui ressort de cette analyse, c’est la façon dont la commercialisation des demanderesses définit et décrit effectivement notre acheteur hypothétique. Il est quasi certain qu’un tel acheteur serait au courant que les produits NUTRILITE ne se vendent que dans le cadre du programme de commercialisation à paliers multiples des demanderesses, et non dans des magasins. Étant donné le lien entre la méthode de vente et les produits, même un souvenir imparfait de la marque NUTRILITE retiendrait l’élément que les ventes ne se font que par l’entremise des PCI. Notre consommateur hypothétique des produits NUTRILITE sera au courant de la façon d’acheter les produits et ça n’est pas dans un établissement de détail. La possibilité de confusion est ténue.

 

e)         Le degré de ressemblance (alinéa 6(5)e))

 


[47]      L’alinéa 6(5)e) de la Loi prévoit qu’en décidant si les marques de commerce ou les noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal tient compte du « degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent ». Pour aider la Cour dans cet examen, les demanderesses et la défenderesse ont présenté des linguistes experts. M. Peter A. Reich a témoigné dans la présente procédure pour le compte des demanderesses et M. John K. Chambers a témoigné pour le compte de la défenderesse. MM. Reich et Chambers sont tous deux professeurs de linguistique à l’Université de Toronto et anciens chefs du Département de linguistique. On a demandé à ces experts de fournir leur opinion sur le degré de ressemblance entre les mots NUTRILITE et NUTRAVITE. Dans ce but, MM. Reich et Chambers ont analysé la prononciation (linguistique-phonologie), la présentation (psychologie) et la formation interne (morphologie) de ces mots et sont parvenus à des conclusions différentes. Je résume brièvement leurs opinions.

 

i)          Prononciation

 

Monsieur Reich a noté que les deux mots ont le même nombre de syllabes, ils sont accentués de la même manière (syllabe sur laquelle tombe l’accent); les premières et les deuxièmes syllabes ont un son identique et les syllabes finales sont presque identiques, si ce n’est de la première consonne (« l » par rapport à « v »). Étant donné ce degré de similitude, M. Reich était d’avis qu’il y avait un risque de lapsus entre ces deux mots.

 

Monsieur Chambers n’était pas d’accord pour dire qu’il y avait un risque de lapsus entre ces deux mots. Il n’y a guère de chances, selon lui, que quelqu’un dise par erreur « nutrilite » alors qu’il voulait dire « nutravite », ou l’inverse, tout comme il n’y a guère de chances que la personne ne se corrige pas dans le cas où elle aurait commis l’erreur.

 


ii)        La présentation

 

Monsieur Reich a dit qu’il y a également des similarités importantes dans la forme visuelle de ces mots. Il estimait donc que le degré de similarité visuelle entre ces mots créerait de la confusion.

 

Au contraire, M. Chambers a témoigné que les lettres qui diffèrent entre les deux mots ont une apparence tout à fait distincte et ne se ressemblent aucunement.

 

 

iii)       La formation et la composition interne

 


Selon les deux experts, les mots en question seraient décomposés dans les éléments signifiants suivants : « nutri-lite » et « nutra-vite ». M. Reich a dit que la première partie des deux mots se rattache à des mots comme [traduction] « nutriment » et « nutrition ». À son avis, la partie finale « lite » sert à indiquer une quantité moindre de quelque chose (p. ex. du gras, des calories, de la nicotine), tandis que la partie finale « vite » tendrait à être associée à des mots comme [traduction] « vitamines », « vitalité » et « vital ». Étant donné que la syllabe initiale et la plus accentuée donnerait la même connotation et que les dernières syllabes évoqueraient des notions similaires de santé ou de bien-être, M. Reich a conclu que des Canadiens anglophones penseraient probablement que les produits portant ces noms sont les mêmes.

 

Monsieur Chambers a dit que NUTRILITE semble composé de parties qui ont des significations familières ou ordinaires, tandis que NUTRAVITE est composé de parties moins familières. Il a fait observer que « nutri » se rattache au mot [traduction] « nutrition » et à ses dérivés. Pour cette raison, « nutri » serait très probablement compris comme se rattachant à des articles du domaine de la santé. Quant à « lite », M. Chambers suggère l’association avec une chose faible en calories. NUTRILITE serait probablement interprété comme signifiant une forme relativement légère d’un article lié à la santé.

 


S’agissant du mot NUTRAVITE, M. Chambers a noté que « nutra » ne se rencontre dans aucun mot anglais et qu’il serait probablement associé de la façon la plus étroite avec [traduction] « nutrition ». Donc, cette partie évoquera la signification d’un article d’alimentation sain, mais certainement moins que « nutri ». Quant à la partie « vite », elle est associée au mot « vital », signifiant « essentiel au maintien de la vie », mais aussi important ou fondamental. Elle forme aussi le commencement du mot [traduction] « vitamines ». Compte tenu de ces connotations différentes, M. Chambers a considéré que la signification qui se dégageait de NUTRAVITE était moins claire que celle de NUTRILITE. Pour ces raisons, il est d’avis que les mots sont distincts.

 

[48]      Les deux experts ont donné des explications plausibles et claires de leurs conclusions. Il est difficile de choisir entre les deux. 

 

[49]      S’agissant de la prononciation, j’accepte qu’il n’y a pas de différence discernable entre la première syllabe de chacun des deux mots; au milieu d’un mot, les voyelles « a » et « i » se prononcent de la même manière. Toutefois, les différences entre « v » et « l » dans le contexte du mot tout entier me semblent importantes. C’était la position de M. Chambers. Je conclus donc que la prononciation, bien qu’elle soit très proche, ne sera pas un facteur créant de la confusion dans la plupart des cas.

 

[50]      S’agissant de la présentation, la combinaison des lettres différentes crée, à mon avis, des différences entre les deux mots. Je préfère le témoignage de M. Chambers sur ce point, mais je considère que la différence est légère.

 


[51]      En ce qui concerne la composition interne du mot, je préfère l’analyse de M. Reich. Si la signification qu’on peut dégager de NUTRAVITE est moins claire que celle de NUTRILITE, une fois qu’on voit le mot en liaison avec les produits de la défenderesse ou des demanderesses, suppléments vitaminiques, minéraux et d’herbes, l’interprétation de NUTRAVITE devient plus facile. Il est donc probable que les deux mots seront interprétés de façon similaire.

 

[52]      À mon avis, la morphologie des mots semble la méthode la plus holistique d’analyse du degré de ressemblance. Donc, dans l’analyse de ce facteur, je lui accorderais plus de poids. Je conclus que les marques présentent une certaine ressemblance entre elles. Les différences qui existent, considérées dans le cadre abstrait d’un exercice linguistique, sont relativement mineures. Certes, cela pourrait jouer en faveur des demanderesses dans la mesure où le consommateur qui possède un souvenir imparfait pourrait confondre les deux marques. Toutefois, ainsi qu’il est exposé plus loin, il y des circonstances atténuantes à prendre en compte à l’égard de la ressemblance des marques.

 

 

3.         Les autres circonstances de l’espèce

 

[53]      Ainsi qu’il a été indiqué plus tôt, il arrive souvent que l’examen des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi n’épuise pas la question dans une situation particulière. Aussi, pour m’aider à dégager une conclusion sur la question de la confusion, je vais examiner un certain nombre d’autres circonstances de l’espèce qui ont été soulevées par les faits de l’affaire.

 


a)         La décision de la Commission des oppositions des marques de commerce

 

[54]      La Commission des oppositions a prononcé la décision sur l’opposition, précitée,  le 1er octobre 1997. Les parties à la procédure et les marques de commerce en cause étaient les mêmes que dans la présente affaire. Dans sa décision, la Commission des oppositions a repoussé la demande d’enregistrement de la marque de commerce NUTRAVITE produite par la défenderesse pour le motif que celle-ci n’avait pas établi qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre sa marque de commerce et la marque de commerce NUTRILITE d’Amway (le prédécesseur en titre d’Alticor à l’égard de la marque de commerce). Dans la présente affaire, les demanderesses font valoir que la Cour devrait accorder un poids considérable à la décision sur l’opposition pour l’examen du risque de confusion. À leur avis, la Commission des oppositions ayant décidé qu’il y avait un risque de confusion entre les marques de commerce, la Cour devrait juger de même. Je ne puis souscrire à cet argument pour diverses raisons.

 


[55]      D’abord, la charge de la preuve dans la présente action incombe aux demanderesses (Canadian Memorial Services, précitée). La Commission des oppositions avait imposé à la défenderesse la charge de prouver, suivant la prépondérance de la preuve, qu’il n’y avait pas de risque raisonnable de confusion, mais, dans la présente affaire, il incombe entièrement aux demanderesses de me convaincre, suivant la prépondérance de la preuve, qu’il existe un risque raisonnable de confusion. Compte tenu des motifs de la Commission des oppositions, il s’agit d’une différence fondamentale. Après avoir considéré l’ensemble de la preuve qu’on lui a présentée, la Commission des oppositions est arrivée à la conclusion suivante :

 

[traduction] Considérant tout ce qui précède, je conclus que je suis dans un état de doute sur le point de savoir si la marque visée par la demande NUTRAVITE créerait de la confusion avec la marque de l’opposante NUTRILITE. Étant donné que le fardeau de persuasion incombe à la requérante qui doit établir, suivant la prépondérance de la preuve, qu’il n’existe pas de risque raisonnable de confusion, ce doute doit jouer contre la requérante. (Décision sur l’opposition, précitée, à la page 285) [Non souligné dans l’original]

[56]      On peut présumer, d’après cette formulation, que si la Commission des oppositions avait été d’avis que c’était l’opposante à qui incombait le fardeau de la preuve, le doute aurait joué contre l’opposante plutôt que contre la requérante. Donc, si j’étais face à une situation où le fardeau incombait incontestablement aux demanderesses, un état de doute conduirait à une décision en faveur de la défenderesse. Aussi, si je devais accorder du poids à la décision sur l’opposition, cela jouerait en faveur la défenderesse.

 


[57]      Toutefois, j’estime qu’il faut accorder peu de poids à la décision définitive de la Commission des oppositions. Celle-ci, bien qu’elle ait à appliquer les mêmes dispositions du paragraphe 6(5) de la Loi concernant la confusion, avait en main un dossier différent et prenait une décision différente, pour laquelle le fardeau de preuve était différent. On ne peut, à mon avis, invoquer cette décision dans la présente procédure. En outre, je ne suis pas en mesure de réviser la décision de ce tribunal administratif. Dans la présente action, j’ai à faire mes constatations et à tirer mes conclusions sur le fondement de la preuve qu’on m’a présentée et de mon analyse du droit applicable. Aussi, malgré l’identité des parties et de la question de la confusion, je n’entends pas faire preuve de déférence à l’égard de la Commission des oppositions en arrivant à mes conclusions dans la présente affaire.

 

[58]      Pour résumer sur ce point, la décision de la Commission des oppositions ne constitue pas, à mon avis, une circonstance de l’espèce pertinente ou, si elle l’est, elle ne joue pas en faveur des demanderesses.

 

b)         L’emploi de NUTR

 


[59]      La présence d’un élément commun dans les marques de commerce revêt une grande importance à l’égard de la question de la confusion. Dans l’arrêt Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.), la Cour d’appel a accueilli un appel d’une décision de première instance qui avait confirmé des décisions de la Commission des oppositions. Ces décisions initiales avaient accueilli les oppositions à l’emploi de la marque de commerce NUTRI-VITE qui avaient été formulées par les titulaires des marques de commerce déposées NUTRI-MAX et NUTRI‑FIBRE. Après avoir décidé qu’aucune des marques ne possédait de caractère distinctif inhérent, la Cour a conclu que, « [l]orsque les marques n’ont que peu ou pas de caractère distinctif inhérent, comme cela est mentionné dans l'ouvrage de Fox [The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 3rd ed. (Toronto: Carswell, 1972), aux pages 152 et 153, [traduction] « de petites différences permettent de les distinguer » (Kellogg, précité, à la page 359). En outre, la Cour a indiqué :

 

. . .  les consommateurs de ces produits sont habitués à établir de fines distinctions entre les diverses marques de commerce « Nutri » dans le marché, en portant une plus grande attention aux moindres petites différences entre les marques (Kellogg, précité, à la page 360).

 

[60]      D’autres décisions appuient cette décision (voir par exemple, Office Cleaning Services, Ltd. c. Westminster Window and General Cleaners, Ltd., (1946) 63 R.P.C. 39 à la page 43 (H.L.)). La preuve d’un emploi très répandu de tout ou partie d’une marque a été acceptée comme « affaiblissant l’importance de la ressemblance prévue à l’alinéa 6(5)e) sur la base qu’un usage largement répandu implique que le marché est en mesure de faire la distinction entre des marques concurrentes » (Polo Ralph Lauren, précité au paragraphe 23). On a dit que « lorsqu’une partie choisit d’employer un nom évocateur non distinctif indépendamment de tout caractère distinctif acquis, elle doit accepter une certaine confusion sans sanction » (Man and His Home Ltd. (Alarme Sentinelle) c. Mansoor Electronics Ltd. (1999), 87 C.P.R. (3d) 218 à la page 224 (C.F. 1re inst.)).

 


[61]      Si j’applique ces notions à l’affaire dont je suis saisie, je dois considérer la preuve sur l’existence d’autres produits portant une marque commençant par NUTR. Si je puis conclure qu’il y a un emploi très répandu de NUTR sur le marché pertinent, cela entraîne des conséquences pour notre consommateur hypothétique – celui qui a un souvenir imparfait de la marque NUTRILITE. Logiquement, ce consommateur voit de nombreuses marques commençant par NUTR et examinerait de plus près le contenant de NUTRAVITE pour discerner les petites différences entre les deux marques. 

 

[62]      On a produit devant moi une preuve abondante de la disponibilité au Canada de produits portant une marque commençant par les lettres NUTR. Au moins 81 produits associés à la catégorie générale des suppléments et autres produits de santé et comportant le préfixe NUTR sont disponibles sur le marché. De ces 81 produits, 38 seraient considérés comme des suppléments vitaminiques, minéraux ou d’herbes. La plupart de ces produits ont été identifiés par les témoins de la défenderesse à qui on a demandé d’aller visiter des magasins. Dans la plupart de leurs visites, le magasin tenait une gamme de produits NUTR à proximité les uns des autres (par exemple, dans la section pharmacie d’un magasin Walmart, ou dans un petit magasin de produits de santé).

 


[63]      Les demanderesses soutiennent qu’il faut considérer l’état du marché de manière restreinte. Elles plaident que je devrais exclure de l’analyse tous les produits NUTR autres que les suppléments vitaminiques, minéraux et d’herbes en comprimés ou en gélules. Selon elles, je ne devrais pas tenir compte des produits NUTR qui ne sont pas directement associés aux mêmes marchandises. Si j’adopte cette position, il ne reste plus que quelques produits. Je ne puis souscrire à cette limitation étroite. Selon la description donnée par M. Kent Macleod, propriétaire de la Nutri-Chem Pharmacy, les produits NUTR sur le marché ne sont pas séparés par une grande distance sur les tablettes des magasins où ils se trouvent. Chaque fois qu’il se rend acheter des vitamines, le consommateur se trouve face à une diversité de produits NUTR en comprimés, en gélules ou sous d’autres formes.

 

[64]      De plus, je pense que l’argument des demanderesses passe à côté de la conclusion à tirer. Ce qui importe, c’est que les consommateurs, inondés de produits NUTR de tous genres, ont appris qu’ils doivent lire les noms de marque soigneusement pour déterminer ce qu’ils achètent. Que le produit soit un flacon de pilules de vitamines, une tablette nutritive ou un produit de soin capillaire, le consommateur s’est habitué à faire attention aux différences mineures. Si le flacon qu’il tient dans ses mains est associé directement à la nutrition, par exemple des suppléments vitaminiques, minéraux ou d’herbes, je pense que le consommateur sera encore plus vigilant à l’égard des différences. Je conclus donc sans difficulté que, vu le grand nombre de produits NUTR sur le marché, les consommateurs sont en mesure de distinguer les produits sur la base de petites différences. Cela diminue par conséquent l’importance de la ressemblance entre les marques de commerce NUTRILITE et NUTRAVITE pour l’application de l’alinéa 6(5)e).

 


[65]      Les défenderesses ont aussi présenté le témoignage par affidavit de Mme Linda Elford comme preuve de l’état du marché. Mme Elford est propriétaire de Trade Mark Reflections Ltd., société qui effectue régulièrement des recherches dans les dossiers du Bureau des marques de commerce. La défenderesse lui a demandé d’effectuer des recherches sur les marques de commerce en vue de la présente procédure. Selon les résultats de ses recherches, tels qu’ils sont exposés dans son affidavit, on dénombre 34 enregistrements de marques de commerce comportant le préfixe NUTR en vue de l’emploi en liaison avec les suppléments vitaminiques, minéraux et d’herbes. On trouve 52 autres enregistrements dans la catégorie des produits de santé et 82 dans la catégorie générale des produits alimentaires, y compris les suppléments nutritionnels. Ce témoignage renforce ou corrobore la conclusion que le préfixe NUTR est extrêmement courant.

 

[66]      Les demanderesses s’opposent à l’admission de cette preuve par affidavit sur le fondement que cette preuve ne serait pas « la meilleure preuve ». À leur avis, seules des copies certifiées conformes de chaque enregistrement NUTR seraient admissibles. Cet argument, à mon avis, privilégie la forme sur le fond.

 


[67]      La juge Tremblay-Lamer a examiné la même question de l’admissibilité de copies non certifiées conformes dans l’affaire ITV Technologies, précitée. En rejetant l’argument que les copies non certifiées conformes de certains documents ne devraient pas être admises, elle a indiqué au paragraphe 20 :

[traduction] L’état contemporain de la common law, des lois, des règles de pratique et de la technologie a rendu cette règle désuète dans la plupart des cas, et la question qui se pose à ce propos est maintenant celle du poids et non de l’admissibilité.

 

Je souscris à cette position.

 

[68]      En l’espèce, le respect d’une règle stricte aurait pour conséquence que la défenderesse a engagé de grands frais sans guère d’avantages pour la Cour. Le témoignage par affidavit de Mme Elford n’est pas fourni comme preuve d’un enregistrement particulier, mais comme preuve de la prolifération de NUTR dans les marques de commerce. Je suis disposée à admettre le témoignage comme preuve du fait qu’on trouve de nombreux enregistrements de marques de commerce qui comportent le préfixe NUTR.

 

c)         La coexistence des marques de commerce

 


[69]      En dépit d’une coexistence de 10 ans, on n’a pas présenté de preuve, ne serait-ce que d’un seul cas, de confusion des deux marques de commerce. Le dossier ne fait pas seulement état du fait que les demanderesses n’ont pas présenté un seul cas de confusion; il contient également une preuve positive réelle à cet égard. M. Farid Ibrahim, président et chef de la direction de la défenderesse, a témoigné qu’à sa connaissance, il ne s’est jamais présenté à sa société de personnes voulant acheter d’autres produits dont le nom commence par NUTR. Les commentaires de M. Kent Macleod, propriétaire de la Nutri‑Chem Pharmacy où les produits NUTRAVITE sont vendus, revêtent une importance plus grande encore. M. Macleod travaille dans le domaine de la pharmacie depuis 1980. Il a témoigné que, jusqu’à la présente affaire, il n’avait pas entendu parler de la marque NUTRILITE. Des déclarations de M. Macleod et de M. Ibrahim, je déduis fermement qu’il n’y a pas eu de cas de confusion effective des deux marques de commerce.

 

[70]      J’accorde aux demanderesses que la preuve que les marques ont coexisté pendant un certain temps sans confusion apparente n’établit pas de manière concluante que les marques ne sont pas susceptibles d’être confondues (Mr. Submarine, précité aux pages 9 et 14). Toutefois, en l’espèce, le témoignage de M. Macleod et de M. Ibrahim indique l’absence de risque de confusion. Cette preuve ayant été présentée, les observations du juge Décary dans l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 au paragraphe 164 sont particulièrement pertinentes :

 


Bien que la question à laquelle il faut répondre soit celle de savoir s’il existe un « risque de confusion » et non une « confusion effective » ou « des cas concrets de confusion », l’absence de « confusion effective » est un facteur auquel les tribunaux accordent de l'importance lorsqu’ils se prononcent sur le « risque de confusion ». Une inférence négative peut être tirée lorsque la preuve démontre que l’utilisation simultanée des deux marques est significative et que l’opposant n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence d’une confusion. [Références omises]

 

[71]      La seule preuve qu’on a présentée dans la présente affaire qui pourrait contrer les déductions que j’ai tirées est la preuve provenant des sondages. Cette preuve de confusion effective a été présentée par Mme Ruth M. Corbin. Mme Corbin est une experte en sondages possédant des compétences exemplaires et une expérience considérable en étude et analyse de marché. Cette preuve est-elle suffisante? Je ne le pense pas. Je passe maintenant à l’analyse de la preuve provenant des sondages qu’ont présentée les demanderesses.

 

[72]      On a demandé à Mme Corbin d’évaluer dans quelle mesure, le cas échéant, les PCI qui disaient être au courant d’un produit de supplément vitaminique portant le nom de marque NUTRAVITE y verraient à tort ou le percevraient comme un produit d’Alticor (c’est-à-dire NUTRILITE). Deux sondages ont été effectués :

 

1.         Le premier sondage consistait en des entrevues téléphoniques avec 201 PCI choisis au hasard dans tout le Canada (à l’exclusion du Québec). Il mesurait la perception auditive et, dans une mesure limitée, la perception visuelle du nom de marque NUTRAVITE avec épellation de la marque de commerce.

 


2.         Le second sondage consistait en 606 entrevues téléphoniques avec des PCI choisis au hasard et ne mesurait que la perception auditive.

 

[73]      Dans les deux sondages, quatre séries identiques de questions étaient posées au sujet de quatre noms de marque différents de supplément vitaminiques, minéraux ou d’herbes : NUTRAVITE, Vitalife, Nutrisport et Holista. Les questions au sujet de noms de marque de supplément autres que NUTRAVITE servaient de conditions de contrôle pour mesure la possibilité que les répondants les identifient comme des produits Alticor pour des raisons sans rapport avec le nom NUTRAVITE. Mme Corbin a conclu qu’il y a une compréhension erronée, statistiquement significative, selon laquelle les produits de marque NUTRAVITE proviennent d’Alticor. Les PCI confondaient le produit NUTRAVITE avec le produit NUTRILITE d’Alticor. Elle a présenté ses résultats sous la forme suivante :

 

·           14 % des PCI ont dit être au courant de NUTRAVITE;

 

·           36 % des PCI qui ont dit être au courant de NUTRAVITE dans le second sondage pensaient que c’était un produit d’Alticor;

 

·           22 % des PCI qui ont dit reconnaître le produit dans le premier sondage pensaient qu’il s’agissait d’un produit d’Alticor;


·           97 % de ceux qui ont dit connaître la source de NUTRAVITE (32 sur 33 PCI) dans les deux sondages l’ont identifié comme un produit d’Alticor.

 

[74]      M. Chuck Chakrapani a témoigné pour le compte de la défenderesse et on lui a demandé d’évaluer les sondages de Mme Corbin pour déterminer s’ils appuient sa conclusion qu’il existe une confusion. À son avis, ils ne l’appuient pas. Sa première objection se rapporte à la population cible de Mme Corbin. De plus, M. Chakrapani pense que, si la Cour s’appuie sur les études de Mme Corbin, elles ne justifient pas de conclure qu’il existe un degré important de confusion.

 

[75]      Les deux experts conviennent que, dans un litige de marques de commerce sur le risque de confusion, la population pertinente se définit de la façon suivante :

 

[traduction] Le segment pertinent de la population doit présenter un certain degré d’exposition à la marque du demandeur et il faut l’évaluer en fonction du risque de confusion sur la base de la première impression de personnes qui pourraient acheter (ou influer sur la décision d’acheter) les biens et services des deux parties. (Corbin, R. R.S. Jolliffe & A.K. Gill, Trial by Survey: Survey Evidence and the Law. (Toronto: Carswell Thomson Professional Publishing, 2000) à la page 17)

 


Sur le fondement de cette définition, malgré les réserves de M. Chakrapani, je suis convaincue que les sondages de Mme Corbin portaient sur une population pertinente. Du fait de l’information qu’ils reçoivent au moment de l’inscription, il serait très peu probable que les PCI ne soient pas au courant de la marque NUTRILITE. Une question pour confirmer ce point n’était pas nécessaire.

 

[76]      Une autre critique de M.  Chakrapani est plus fondamentale et plus valable : c’est que les résultats de Mme Corbin ne tiennent pas compte de la première impression de la majorité des répondants. Cela tient au fait qu’on ne posait les autres questions qu’aux répondants qui disaient être au courant du nom de marque NUTRAVITE. On ne posait pas d’autres questions à ceux qui ne disaient pas être au courant du nom de marque et, ce qui est plus sérieux, ils n’ont pas été pris en compte dans la conclusion statistique finale. M. Chakrapani a dit qu’on aurait dû compter ces répondants, puisque leur première impression de la marque de commerce NUTRAVITE était qu’ils ne la connaissaient pas, ce qui signifiait qu’ils ne la confondaient sûrement pas avec NUTRILITE.

 

[77]      À l’égard des sondages de Mme Corbin, ce raisonnement semble inattaquable. Tous les répondants qui ont répondu « non » aux questions suivantes devraient être comptés comme des répondants qui ne confondaient pas les marques NUTRAVITE et NUTRILITE :

 

1.         Êtes-vous au courant ou non de suppléments vitaminiques, minéraux ou d’herbes portant le nom de marque Nutravite, qui s’épelle N-U-T-R-A-V-I-T-E? (premier sondage)


 

2.         Êtes-vous au courant ou non de suppléments vitaminiques, minéraux ou d’herbes portant le nom de marque Nutravite? (second sondage)

 

[78]      Lorsque l’on compte les répondants qui ont répondu « non » à ces questions, les résultats de Mme Corbin deviennent les suivants :

 

  Premier sondage       Second sondage

Nombre total de personnes interrogées                         201                              606

Personnes faisant la confusion                               6                                30

 

Pourcentage de personnes faisant la confusion   3,0 %                          5,0 %

 

Marge d’erreur                                                  2,4 %                         1,7 %

 


[79]      Compte tenu de ces faibles pourcentages et de ces grandes marges d’erreur, les sondages de Mme Corbin établissent qu’une bien petite partie de la population interrogée, encore qu’elle soit statistiquement significative, « confondait » les deux marques de commerce. Une partie petite, mais statistiquement significative, de la population pertinente pourrait, dans certaines circonstances, suffire à étayer une conclusion de confusion. Ici, toutefois, il existe deux autres facteurs qui indiquent, à mon avis, qu’il faut accorder moins de poids à ces sondages. 

 

2.         Les sondages excluaient tous les PCI au Québec. Il se peut que les résultats du sondage soient les mêmes si l’on effectuait un sondage dans la deuxième langue. Mais je n’en sais rien.

 

3.         Les sondages, effectués exclusivement par téléphone, avaient une portée très limitée. On ne montrait pas aux répondants le mot NUTRAVITE. En situation réelle, le consommateur qui a un souvenir imparfait serait placé devant une représentation visuelle de la marque de commerce. Les sondages, bien qu’ils soient probablement valides pour leurs buts limités, n’ont pas mesuré le risque de confusion chez le consommateur qui voit le mot NUTRAVITE.

 

[84]      En résumé, sur ce point, je conclus que, malgré dix ans de coexistence, il n’y a pas eu de cas de confusion effective. En outre, les sondages des demanderesses n’étayent pas la conclusion qu’il existe un risque de confusion entre les deux marques de commerce. Ces conclusions jouent en faveur de la défenderesse.

 


e)         Acquiescement à l’emploi de la marque de commerce                   

 

[85]      La défenderesse plaide que les demanderesses, par leurs actes, ont acquiescé à l’emploi de la marque de commerce par la défenderesse et une fin de non-recevoir devrait les empêcher de faire valoir leurs droits dans la présente action. En particulier, la défenderesse signale le fait que les demanderesses n’ont pas demandé à la défenderesse de cesser d’employer la marque de commerce NUTRAVITE et ont attendu jusqu’en 1999 avant d’intenter la présente action. Je ne puis souscrire à cette position.

 

[86]      Les tribunaux ont jugé que la doctrine de la fin de non-recevoir pour acquiescement s’applique dans certaines situations où une partie, par son inaction, n’a pas fait valoir ses droits et a permis à une autre personne d’utiliser ces droits. Toutefois, la jurisprudence établit clairement que le simple retard ne suffit pas à justifier une telle demande (Canadian Memorial Services, précitée, au paragraphe 50 (C.F. 1re inst.)).

 


[87]      Il ne s’agit pas ici d’un cas où le titulaire de droits est resté sans rien faire pendant une longue période. Les demanderesses ont eu connaissance de l’emploi par la défenderesse de sa marque de commerce NUTRAVITE lorsque la demande d’enregistrement a été annoncée dans le Journal des marques de commerce en 1994. Par la suite, elles ont fait valoir leur droit sur la marque de commerce NUTRILITE par la voie d’une opposition vigoureuse à l’enregistrement de la marque de commerce par la défenderesse. Leur intervention devant la Commission des oppositions a commencé le 8 février 1994 et n’a pris fin qu’avec la décision de la Commission des oppositions vers la fin de 1997. Donc, s’il y a eu retard à faire valoir leurs droits à la marque de commerce, il a été d’une durée inférieure à deux ans. À mon avis, ce retard est insuffisant pour donner lieu à une fin de non-recevoir pour acquiescement.

 

f)          La position des demanderesses sur le marché de détail

 

[88]      Mme Ida Berger a témoigné à titre d’experte en marketing pour le compte des demanderesses. On a demandé à Mme Berger, professeur de marketing à l’Université Ryerson à Toronto, de déterminer si les demanderesses seraient particulièrement désavantagées par une entrée tardive sur le marché de détail des suppléments alimentaires  après NUTRAVITE. Elle a conclu que les demanderesses seront particulièrement désavantagées sur le marché, à moins qu’elles ne puissent miser sur leur réputation pour obtenir un avantage concurrentiel. Mme Berger a reconnu qu’il n’est pas toujours possible de prédire le sort de celui qui entre tardivement sur un marché, qu’il existe des exceptions et que l’entrée tardive peut être une décision de stratégie commerciale.

 


[89]      Trois questions importantes ont été soulevées à l’égard du témoignage de Mme Berger. D’abord, son étude suppose que les produits des demanderesses peuvent être vendus et seront vendus par les circuits de détail. C’est là une question qui a déjà été traitée de façon plus détaillée et qui porte sur la pertinence du témoignage de Mme Berger. En deuxième lieu, je mets en doute que le témoignage de Mme Berger se rapporte directement à la question de la confusion, qui est la question à trancher. Troisièmement, Mme Berger a convenu, en contre-interrogatoire, que les demanderesses pourraient surmonter le désavantage découlant de l’entrée tardive en misant sur leur réputation. Les demanderesses disent qu’elles vendent des suppléments depuis plus de 50 ans et qu’elles vendent la marque de suppléments la plus prisée sur le marché. Pour cette raison, même si le témoignage de Mme Berger est pertinent, il ne faut lui accorder au mieux que peu de poids.

 

4.         Conclusion

 


[90]      Ainsi qu’il a été déjà indiqué, il n’est pas nécessaire d’attribuer le même poids aux facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi. À mon avis, le facteur auquel il faut accorder la plus grande importance en l’espèce, c’est la nature du commerce. Si l’on ajoute à ce facteur les éléments tenant aux circonstances de l’espèce, soit la présence du préfixe d’usage courant NUTRI au début de la marque de commerce et la coexistence des deux marques de commerce pendant plus de dix ans sans confusion, on arrive à la conclusion que les demanderesses ne se sont pas acquittées du fardeau qui leur incombait d’établir le risque de confusion entre les deux marques de commerce. Autrement dit, le consommateur moyen n’ayant qu’un souvenir vague ou imparfait de la marque de commerce NUTRILITE, placé devant un produit NUTRAVITE, ne conclurait pas que le produit NUTRAVITE est lié aux produits de marque NUTRILITE.

 

[91]      Compte tenu de toutes les circonstances, y compris celles qui sont énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, je conclus que l’emploi de la marque de commerce NUTRAVITE n’est pas susceptible de faire conclure que les produits NUTRAVITE et les produits NUTRILITE sont vendus par la même personne. NUTRAVITE n’est donc pas une marque de commerce qui crée de la confusion et il n’y a pas eu contrefaçon de la marque de commerce NUTRILITE.

 

 

 

Troisième question : la commercialisation trompeuse

 


[92]      Les demanderesses font valoir que la défenderesse, par la vente et la distribution de ses suppléments vitaminiques, minéraux et d’herbes, a appelé l’attention du public sur ses marchandises ou son entreprise de manière à causer ou vraisemblablement causer de la confusion entre ses marchandises ou son entreprise et celles de l’une ou l’autre des demanderesses, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi. L’alinéa 7b) constitue la codification du délit de commercialisation trompeuse de la common law. En particulier, la prétention des demanderesses a trait à l’emploi par la défenderesse de la marque de commerce A PERFECT BLEND OF SCIENCE AND NATURE sur ses produits. Sur les étiquettes de leurs produits, les demanderesses emploient la marque de commerce NUTRILITE avec la marque de commerce THE BEST OF NATURE - THE BEST OF SCIENCE.

 

[93]      La défenderesse a admis avoir employé la marque de commerce A PERFECT BLEND OF SCIENCE AND NATURE à l’égard de certains de ses suppléments vitaminiques, minéraux et d’herbes en décembre 1998 ou vers cette période. L’emploi a été plutôt limité. En décembre 1998, la formule a été incluse dans une annonce télévisée des produits de la défenderesse. La marque n’a jamais été imprimée sur un flacon ou un contenant des produits. Toutefois, elle figurait sur une étiquette volante ou un coupon qui était, je suppose, attaché au contenant NUTRAVITE au cours d’une période allant de décembre 1998 à décembre 1999. Au début de 1999, la marque a également été employée dans une annonce parue dans le magasine « Healthy Living ».

 


[94]      La défenderesse a cessé d’employer la formule A PERFECT BLEND OF SCIENCE AND NATURE vers la fin de 1999. Quand on a demandé pour quelle raison la société n’utilise plus la marque de commerce, on a reçu comme réponse : [traduction] « Parce que la demanderesse a fait valoir ses droits sur celle-ci et nous ne voulons pas violer les droits de la demanderesse. » Les demanderesses misent beaucoup sur cet aveu de la défenderesse au soutien de leur demande en commercialisation trompeuse. Elles soutiennent également que cet emploi visait manifestement à faire croire au public que les produits offerts par la défenderesse étaient les produits offerts par les demanderesses. De cet aveu de la défenderesse, il faut une grande audace pour tirer la conclusion que la défenderesse [traduction] « avait manifestement l’intention » de tromper le public. En outre, je ne suis pas persuadée que la demande en commercialisation trompeuse ait un bien-fondé quelconque en l’espèce.

 

[95]      La règle en matière de commercialisation trompeuse peut s’énoncer sous une forme succincte : « il est interdit à quiconque de faire passer ses produits pour ceux d’une autre personne » (Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 289 à la page 297 (C.S.C.), citant lord Oliver dans l’arrêt Reckitt & Colman Products Ltd. c. Borden Inc., [1990] 1 All E.R. 873 à la page 880 (H.L.)). Ainsi que l’expose la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ciba-Geigy, précité, les trois éléments nécessaires à une action en commercialisation trompeuse sont :

 

96.              l’existence d’un achalandage;

 

97.              la tromperie du public par l’effet d’une fausse indication;

 

98.              un dommage actuel ou possible causé au demandeur.


 

[96]      L’emploi de la marque de commerce BEST OF NATURE - BEST OF SCIENCE n’a pas été une partie importante de la commercialisation des produits NUTRILITE. Par exemple, un emballage du produit le plus vendu des demanderesses, le NUTRILITE Double X, présenté en preuve dans la présente procédure, ne contient pas cette formule. On n’a indiqué que deux produits portant la marque de commerce, NUTRILITE Sal Palmetto and Nettle Root et NUTRILITE Glucosamine Complex. Lorsque la formule est employée pour un produit, elle figure en petits caractères sur le côté des flacons ou de l’emballage. De plus, elle ne reprend pas toujours exactement la marque de commerce. Sur le site Web, la formule est utilisée d’au moins deux façons : premièrement, sous la forme BEST OF NATURE, BEST OF SCIENCE; et deuxièmement, sous la forme NUTRILITE: THE BEST OF NATURE. THE BEST OF SCIENCE. Sur le site Web, c’est cette deuxième forme qui est présentée comme la marque de commerce déposée. Dans le matériel promotionnel où elle figure, la formule est employée avec un point entre les deux éléments, sous la forme BEST OF NATURE. BEST OF SCIENCE. Sans doute, ce sont là des variations mineures, mais, compte tenu du droit des marques de commerce et des droits puissants qui sont conférés au propriétaire d’une marque de commerce déposée, il me semble que l’emploi de configurations différentes constitue un écart important. Si le titulaire des droits ne se donne pas la peine de reproduire la marque de commerce de manière uniforme et bien en vue, pourquoi la Cour devrait-elle intervenir?

 


[97]      Quoi qu’il en soit, lorsque j’applique le critère, je conclus que les demanderesses n’ont pas établi les éléments de l’action en commercialisation trompeuse. Je mets en doute premièrement que l’on puisse établir un achalandage pour une marque employée de manière non uniforme et sans promotion active. Deuxièmement, je ne puis accepter que la reconnaissance par la défenderesse du fait qu’elle a arrêté d’employer la marque de commerce [traduction] « parce que la demanderesse a fait valoir ses droits sur celle-ci et nous ne voulons pas violer les droits de la demanderesse » puisse s’interpréter comme une reconnaissance du fait que la défenderesse employait la marque en vue d’amener les consommateurs à penser qu’elle vend un produit NUTRILITE. Troisièmement, il n’y avait pas de preuve d’un dommage réel causé aux demanderesses et, la défenderesse ayant cessé d’employer la marque il y a plus de trois ans et n’ayant pas l’intention de l’employer de nouveau, il n’y a pas de possibilité de dommage.

 

[98]      Pour ces motifs, je conclus que la défenderesse n’a pas appelé l’attention du public sur ses marchandises ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’elle a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses marchandises ou son entreprise et celles des demanderesses. Il n’y a pas eu violation de l’alinéa 7b) de la Loi et les demanderesses sont déboutées.

 


Résumé

 

[99]      Par suite de ma conclusion sur ce point, les réparations demandées tant par les demanderesses que par la défenderesse sont refusées.

 

[100]    Aux termes d’une ordonnance de disjonction datée du 26 novembre 2001, les questions de l’étendue de la contrefaçon, des dommages et des bénéfices devaient être tranchées après l’instruction. Compte tenu du fait que les demanderesses sont déboutées, il ne sera pas nécessaire de traiter plus amplement ces questions.

 

[101]    Comme on n’a pas présenté d’observations au sujet des dépens, la question des dépens sera examinée sur le fondement d’observations écrites. Dans le cas où les parties ne peuvent s’entendre sur les dépens dans la présente affaire, elles auront jusqu’au 3 mars 2004 pour présenter des observations sur les dépens et jusqu’au 17 mars 2004 pour répondre.

 

                                                          ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande des demanderesses est rejetée;


2.         la demande reconventionnelle de la défenderesse est rejetée;

 

3.         les parties auront jusqu’au 3 mars 2004 pour présenter des observations au sujet des dépens et jusqu’au 17 mars 2004 pour répondre.

 

 

      « Judith A. Snider »

                                                                                                                                                                                                  

       Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                                Annexe A

 

                        Prédécesseurs des demanderesses et entités apparentées

 

 

Mytinger & Casselberry, Inc. (M & C) - distributeur exclusif des produits NUTRILITE de 1948 à 1963. En 1960, M & C a changé sa dénomination pour Mytinger Corporation.

 

Nutrilite Pharmaceuticals Inc. (NPI) - a acquis Mytinger Corporation et est devenue le distributeur exclusif des produits NUTRILITE. NPI est devenue une division d’Amway en 1976.

 

Amway Global, Inc. (Amway) - société américaine qui a acquis une participation majoritaire dans NPI en 1972 et est devenue le distributeur exclusif des produits NUTRILITE. Amway est devenue la titulaire de la marque NUTRILITE en 1976.

 

Amway of Canada, Ltd. (Amway of Canada) - société constituée en Ontario en 1962 et qui a commencé à distribuer les produits NUTRILITE au Canada quelque temps après 1972. Amway Global était l’actionnaire unique.  

 

Alticor Inc. (Alticor) - Amway a changé sa dénomination pour Alticor en octobre 2000. Il s’agit d’une société américaine qui, par l’entremise de ses filiales, vend notamment les produits NUTRILITE qui sont fabriqués pour son compte. Alticor est la titulaire de la marque NUTRILITE.

 

Groupe actuel d’Alticor

 

Quixtar Canada Corporation (Quixtar) - Amway du Canada a été absorbée dans Quixtar, société ontarienne qui est le distributeur exclusif des produits NUTRILITE au Canada.

 

Access Business Group LLC (ABG) - société à responsabilité limitée américaine qui a été créée en novembre 2000. Elle fabrique les produits NUTRILITE pour Alticor.

 


Access Business Group International LLC (ABGIL) - filiale en propriété exclusive d’ABG.

 

Nutrilite Health Institute - division d’ABG.

 

Quixtar Investments, Inc. (Quixtar Investments) - société américaine créée en juillet 1999 et dont Quixtar est une filiale en propriété exclusive.


                                                       COUR FÉDÉRALE

 

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-1489-99

 

 

INTITULÉ :                                       ALTICOR INC. et al.

c. NUTRAVITE PHARMACEUTICALS INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               12 janvier 2004 au 23 janvier 2004

 

 

MOTIFS :                                         Madame la juge Snider

 

 

DATE DES MOTIFS :

 

COMPARUTIONS :

 

D. Cornish

J. A. Ross Carrière                               POUR LES DEMANDERESSES

 

M. Gallie

M. B. Charness

J. Lucien                                               POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

OSLER HOSKIN HARCOURT

Ottawa (Ontario)                                  POUR LES DEMANDERESSES

 

 

RIDOUT & MAYBEE s.r.l.

Ottawa (Ontario)                                  POUR LA DÉFENDERESSE


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