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Date : 20170911


Dossier : T-758-17

Référence : 2017 CF 817

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2017

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

GRANT R. WILSON

demandeur

et

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Contexte

[1]  En 1991, l’Agence du revenu du Canada (Agence), a annulé et saisi un remboursement d’impôt d’environ 500 000 $ (la saisie) qui avait été versé antérieurement au demandeur, Grant Wilson.

[2]  Au cours des années qui ont suivi, M. Wilson a demandé réparation en lien avec la saisie au moyen de diverses instances, en débutant par une action intentée contre l’Agence en 1999 (l’action de 1999). L’action de 1999 a été rejetée, tout comme l’ont été une série d’autres contestations judiciaires sous forme de divers appels infructueux, de réexamens, et de procédures connexes introduits devant notre Cour et la Cour d’appel fédérale, ainsi que devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, la Cour canadienne de l’impôt et la Cour suprême du Canada, lesquels sont résumés ci-dessous.

[3]  M. Wilson a introduit une deuxième action contre l’Agence en 2005 (l’action de 2005), sollicitant encore une fois un recouvrement en lien avec la saisie. Cette action a également été rejetée. Lorsque M. Wilson a demandé une ordonnance lui accordant une prorogation du délai pour interjeter appel du rejet de son action de 2005, l’Agence a demandé une ordonnance, aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 (la Loi), afin d’empêcher M. Wilson de continuer l’action de 2005 ou d’engager toute autre instance sans l’autorisation de la Cour.

[4]  M. Wilson a été reconnu plaideur quérulent par le juge Barnes, aux termes du paragraphe 40(1). Il lui est donc interdit d’engager ou de continuer une instance devant notre Cour sans autorisation, ce qui amène M. Wilson à comparaître de nouveau devant la Cour, cette fois-ci avec une demande déposée aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi, qui permet à un plaideur quérulent de demander soit la levée de l’interdiction qui le frappe, soit l’autorisation d’engager ou de continuer une instance devant le tribunal.

[5]  Je souligne à titre de question préliminaire que même si la présente instance a été engagée au moyen de l’avis de demande introductif d’instance de M. Wilson, elle semble avoir été parfois traitée comme une requête aux fins d’inscription au rôle et de dépôt, et a notamment été mise au rôle de séances générales, et entendue par voie de requête le 18 juillet 2017. L’irrégularité procédurale n’a aucune conséquence. L’affaire a été entendue au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier et ma décision tranche de façon définitive l’instance engagée au moyen de l’avis de demande de M. Wilson, et inclut des directives futures au cas où M. Wilson déciderait de continuer à engager des instances devant la Cour.

[6]  Les présents documents de demande de M. Wilson visent à obtenir une réparation au titre du paragraphe 40(3) de la Loi (même si dans ses observations, il a demandé par erreur une réparation au titre de l’alinéa 40c) de la Loi). Ses documents écrits ne sont pas très clairs en ce qui concerne l’instance qu’il souhaite engager ou continuer.

[7]  Pendant sa plaidoirie, M. Wilson a indiqué rechercher les issues suivantes :

  1. un examen de la taxation des dépens faite en septembre 2016 par l’agent Bruce Preston, qui a trait à l’action de 1999;

  2. une contestation de la saisie au moyen d’une « demande reconventionnelle » à l’action de 1999.

[8]  Comme nous en discuterons ci-dessous, il existe trois obstacles sur le plan procédural que M. Wilson doit surmonter afin d’obtenir aujourd’hui une réparation concernant ces questions.

[9]  En premier lieu, avant que M. Wilson puisse obtenir l’une ou l’autre des deux issues recherchées, il doit, aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi, obtenir soit la levée de l’interdiction qui le frappe, soit l’autorisation d’engager ou de continuer les instances proposées. Pour les motifs qui suivent, il ne m’a pas convaincu de lui accorder une telle réparation.

[10]  En deuxième lieu, en ce qui concerne la taxation des dépens, M. Wilson n’a pas respecté le délai pour déposer ses documents de requête et il doit donc demander d’abord une prorogation du délai aux termes de l’article 8 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles).

[11]  En troisième lieu, l’action de 1999 a suivi son cours et a pris fin il y a environ 15 ans. Cela mis à part, M. Wilson était le demandeur dans cette action de 1999. Il n’y a et il n’y avait rien ni personne contre qui déposer une « demande reconventionnelle », puisque c’est lui qui a engagé l’action.

[12]  Puisque M. Wilson continue de tenter de débattre à nouveau de questions qui ont été tranchées de manière définitive, les lignes qui suivent fournissent un aperçu de haut niveau des antécédents de M. Wilson dans ses tentatives en vue d’obtenir un recours juridique concernant la saisie.

II.  Historique du litige

[13]  Afin de remettre les choses en contexte, je commencerai par un aperçu du différend entre M. Wilson et l’Agence et des circonstances ayant mené à l’ordonnance rendue par le juge Barnes dans Wilson c Canada (Agence du revenu), 2006 CF 1535 [Wilson 2006]. Dans la décision Wilson 2006, le juge Barnes a présenté un historique détaillé des différends entre M. Wilson et l’Agence jusqu’à ce jour; je m’en suis remis aux faits présentés, du moins en ce qui concerne les premières années du litige.

[14]  L’Agence a toujours maintenu que la saisie découlait d’un paiement de remboursement d’impôt fait par erreur, parce que M. Wilson devait une somme plus élevée en impôts impayés. M. Wilson a intenté l’action de 1999 contre l’Agence en vue de recouvrir ledit remboursement, et d’obtenir des dommages-intérêts de plus de 60 millions de dollars.

[15]  L’action de 1999 a été rejetée en 2003 par le juge Hugessen, au motif que M. Wilson n’avait pas répondu convenablement aux questions ni respecté les engagements qu’il avait pris à l’interrogatoire préalable. Dans son ordonnance, le juge Hugessen a affirmé que les ordonnances de la Cour semblaient « ne pas avoir d’effet » sur M. Wilson, lequel a également omis de comparaître à l’audience devant le juge Hugessen, même si les documents concernant la requête lui avaient été dûment signifiés.

[16]  Quatorze mois plus tard, en 2004, M. Wilson a déposé une requête devant la juge Mactavish en vue du réexamen de l’ordonnance rendue par le juge Hugessen. La juge Mactavish a estimé que M. Wilson n’avait pas réussi à établir prima facie que l’ordonnance du juge Hugessen devait être annulée, et a affirmé que l’examen du dossier révélait un historique de retards, d’obstruction et de non-respect des directives de la part de M. Wilson.

[17]  En 2005, M. Wilson a présenté une requête en réexamen de l’ordonnance de la juge Mactavish, fondée sur un « élément de preuve prétendument nouveau ». Encore une fois, la juge Mactavish a rejeté la requête de M. Wilson et conclu que le soi-disant « nouvel élément de preuve » n’aurait pas changé sa décision concernant la requête en réexamen rendue en 2004.

[18]  M. Wilson a ensuite demandé une prorogation du délai pour porter en appel la décision relative à l’action de 1999. Cette requête a été rejetée avec dépens en décembre 2005 par le juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale (CAF), qui a conclu que la conduite de M. Wilson constituait un abus de la procédure de la Cour qui ne devrait pas être toléré.

[19]  M. Wilson a ensuite intenté l’action de 2005 contre l’Agence, demandant encore une fois le recouvrement des fonds saisis. L’Agence a répondu en déposant une requête en radiation de la déclaration de 2005, au motif que l’acte de procédure était frivole et vexatoire, qu’il constituait un abus de procédure et qu’il soulevait des questions déjà tranchées. La protonotaire Milczynski a accueilli la requête de l’Agence et a rejeté l’action de 2005, estimant que le fond de l’action de 1999 avait été repris dans la déclaration de 2005, et que la réparation demandée – une ordonnance de mandamus en vue du paiement d’un remboursement d’impôt – ne pouvait être sollicitée que par voie de demande de contrôle judiciaire.

[20]  M. Wilson a ensuite cherché à interjeter appel de la décision de la protonotaire Milczynski, mais il n’a pas déposé son appel à temps. En conséquence, il a présenté devant le juge Barnes une requête en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer ses documents d’appel. L’Agence s’est opposée à la requête de M. Wilson et a sollicité une ordonnance aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi visant à l’empêcher de continuer son action de 2005 ou d’engager d’autres instances.

[21]  Dans la décision Wilson 2006, la décision qui en a découlé, le juge Barnes a conclu ce qui suit, après avoir examiné le droit applicable au paragraphe 40(1) de la Loi, y compris les caractéristiques du comportement vexatoire :

[32]  À divers degrés, le comportement de M. Wilson devant la Cour peut être associé à chacune des caractéristiques du comportement vexatoire énoncées précédemment. M. Wilson est également extrêmement procédurier, et je n’ai aucun doute que, en l’absence d’une ordonnance lui interdisant d’instituer de nouvelles actions contre la Couronne, il continuera de faire avancer sa cause sans fondement devant la Cour. En conséquence, M. Wilson se verra interdire d’engager d’autres instances devant la Cour, sauf avec l’autorisation de cette dernière. La Couronne aura droit aux dépens dans les deux requêtes, pour un montant total de 1 000 $ payable immédiatement.

[22]   En 2007, M. Wilson a tenté d’interjeter appel devant la CAF de la décision du juge Barnes aux termes du paragraphe 40(1), mais, encore une fois, il n’a pas respecté le délai requis. Sa requête en prorogation du délai a été rejetée, ainsi que sa demande de réexamen subséquente de ce refus (ordonnances du juge Sharlow, en date du 27 juillet 2007 et du 20 novembre 2007 dans le dossier 07-A-25, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, aux onglets 5 et 6).

[23]  En 2008, M. Wilson a demandé l’autorisation d’interjeter appel des deux ordonnances de la CAF devant la Cour suprême du Canada (CSC), qui a rejeté sa demande d’autorisation.

[24]  M. Wilson a ensuite demandé, sans succès, un réexamen de la décision de la CSC (ordonnance de la CSC, en date du 1er mai 2008 dans le dossier 32437, et lettre de la CSC, en date du 15 décembre 2008 dans le dossier 32437, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 7).

[25]  Cela n’a pas mis fin aux tentatives de M. Wilson en vue de défendre son grief se rapportant à la saisie. Il a demandé réparation devant la Cour canadienne de l’impôt dans le contexte d’un appel à l’encontre d’une cotisation d’impôt sur le revenu, qui a été rejeté en 2010 (ordonnance du juge Hershfield, en date du 23 août 2010 dans le dossier 2009-3157 (IT)I, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 8).

[26]  M. Wilson a également intenté une nouvelle action devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario (l’action à la Cour de l’Ontario). Dans l’arrêt Grant R. Wilson v Revenue Canada Agency, 2011 ONSC 5253, le juge Carey a rejeté l’action de M. Wilson et a déclaré qu’il était un plaideur quérulent aux termes de l’article 140 de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario, LRO 1990, c C43, en expliquant ce qui suit :

[traduction]

[2] Au cours des deux dernières décennies, M. Wilson a passé plus de temps devant les tribunaux que bon nombre d’avocats plaideurs. L’Agence a elle-même vu trois actions et appels se rendre jusqu’à la Cour suprême du Canada. Aucun de ces appels et actions n’a obtenu gain de cause et la Cour fédérale l’a précédemment déclaré plaideur quérulent. Le ministère de la Justice soutient que, sans se décourager, il a simplement changé de tribunal pour débattre à nouveau de questions ayant fait l’objet d’une décision définitive.

[...]

[5] Je ne peux ajouter guère plus aux remarques des juges Barnes et Little. Je suis du même avis qu’eux. En plus de maintenir le même comportement en l’espèce, M. Wilson n’a payé aucune des ordonnances de dépens en souffrance et a continué de mener chaque appel à la plus haute instance humainement possible.

[27]  L’appel interjeté par M. Wilson à l’encontre de l’ordonnance rendue par le juge Carey a été rejeté par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Wilson v Canada Revenue Agency, 2013 ONCA 31, où la Cour a indiqué ce qui suit :

[traduction]

[1] […] Le dossier étaye pleinement la conclusion selon laquelle M. Wilson est un plaideur quérulent. La Cour fédérale est parvenue à la même conclusion en 2006. Nous sommes d’avis que la déclaration a été radiée à bon droit vu la conclusion selon laquelle il est un plaideur quérulent.

[28]  M. Wilson a ensuite tenté de déposer une demande d’autorisation d’appel du jugement de la Cour d’appel de l’Ontario devant la CSC, mais il a une fois de plus raté le délai prescrit pour ce faire. La CSC a rejeté la requête en prorogation de délai déposée par M. Wilson, en soulignant que « même si la requête avait été accueillie, la demande d’autorisation d’appel aurait été rejetée avec dépens » (Grant R. Wilson c Agence du revenu du Canada, 2015 CanLII 1296 (CSC)).

[29]  M. Wilson a aussi précédemment tenté, devant notre Cour, de réfuter les contraintes qui lui ont été imposées au titre du paragraphe 40(1) et de reprendre d’anciens litiges liés à l’action de 1999. Par exemple, en 2012, M. Wilson a déposé une requête devant notre Cour en vue d’obtenir « une prorogation du délai pour déposer une demande d’autorisation “modifiée” de l’appelant », afin de demander l’autorisation d’engager ou de continuer une instance, une exigence découlant de l’ordonnance du juge Barnes. La juge Bédard a rejeté la requête de M. Wilson (Wilson c Canada (Revenu national), 2013 CF 39 [Wilson 2013]).

[30]  M. Wilson a ensuite tenté d’interjeter appel de la décision Wilson 2013 devant la CAF, qui a refusé d’entendre sa demande (directive de la juge Gauthier, en date du 21 février 2013, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 12). La juge Bédard a également refusé d’entendre une demande de réexamen subséquente, puisque M. Wilson n’avait ni signifié ni déposé ses documents dans le délai de 10 jours suivant son ordonnance (directive de la juge Bédard, en date du 14 mars 2013, dans le dossier 12-T- 81, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 13).

[31]  M. Wilson a ensuite tenté de déposer une autre requête en prorogation de délai devant notre Cour, laquelle a été rejetée par le juge Harrington (directive dans le dossier 12-T-81, en date du 4 avril 2013, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 14).

[32]  M. Wilson a également déposé une requête en révision du certificat de taxation délivré à l’égard des dossiers mentionnés ci-dessus. Sa requête a été rejetée par le juge Hughes (ordonnance, en date du 22 avril 2013, dans le dossier T-1677-79, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 16).

[33]  M. Wilson a ensuite tenté d’en appeler de la décision du juge Hughes devant la CAF, mais, encore une fois, il n’a pas respecté le délai prescrit. Sa requête en prorogation du délai a été rejetée par la juge Sharlow, dont l’ordonnance indiquait que [traduction] « l’appel n’[était] aucunement fondé » (ordonnance, en date du 14 juin 2013, dans le dossier 13-A-20, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 17).

[34]  La demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision de la juge Sharlow présentée par M. Wilson à la CSC a été rejetée avec dépens (ordonnance de la CSC, en date du 26 février 2015, dans le dossier 36139, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 18).

[35]  Plus tard, en 2016, à la demande du greffier de la SCC, la juge Karakatsanis a rendu une ordonnance aux termes de l’article 67 des Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/2002-156, estimant que le dépôt d’autres documents serait vexatoire et interdisant ainsi à M. Wilson de déposer des documents en lien avec l’action à la Cour de l’Ontario ou le dossier no T-1677-79 (ordonnance de la juge Karakatsanis, en date du 18 août 2016, dans les dossiers 36065 et 36139, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 20).

III.  Discussion

[36]  Je commencerai par le souhait apparent de M. Wilson de demander la levée de l’interdiction qui le frappe en raison de l’ordonnance rendue par le juge Barnes; si l’interdiction est levée, M. Wilson ne sera plus tenu de demander l’autorisation d’engager ou de continuer une instance aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi. (Bien sûr, les deux autres demandes de réparation présentées par M. Wilson en l’espèce seraient quand même assujetties aux critères à appliquer.) Même si M. Wilson n’a pas demandé expressément la levée de l’interdiction qui le frappe en raison de l’ordonnance du juge Barnes dans ses documents écrits, M. Wilson en a discuté quelque peu pendant sa plaidoirie.

[37]  Une demande d’annulation d’une ordonnance rendue aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi constitue essentiellement une contestation de la validité de l’ordonnance. Une telle demande se distingue a) d’un appel ou b) d’une requête en réexamen – recours qu’a tenté d’utiliser M. Wilson par le passé, comme je l’ai expliqué ci-dessus, à maintes reprises. Le demandeur peut faire valoir que la levée de l’interdiction est justifiée parce que l’ordonnance le qualifiant de plaideur quérulent a été obtenue, par exemple, par fraude, ou qu’elle devrait être modifiée vu des faits nouvellement découverts (voir Duterville c Glen, 2016 CF 455 [Duterville], aux paragraphes 6 à 9). Les améliorations dans le comportement du demandeur, ou l’absence d’améliorations, sont également pertinentes (Duterville, au paragraphe 8).

[38]  M. Wilson semble faire valoir que l’ordonnance du juge Barnes a été rendue à tort parce qu’elle a été demandée par voie de requête plutôt que par voie de demande. Même si le paragraphe 40(1) de la Loi énonce que la Cour peut accorder une ordonnance en application de ce paragraphe « par suite d’une requête », le terme « requête » a été jugé suffisamment large pour englober tant les demandes introductives d’instance que les requêtes (Nelson c Canada, 2003 CAF 127, au paragraphe 22; Mazhero c Fox, 2011 CF 392, au paragraphe 6). Une partie peut donc demander une ordonnance au titre du paragraphe 40(1) par voie de demande indépendante, ou de requête incidente à une instance (Olumide c Canada, 2016 CAF 287, au paragraphe 34).

[39]  Je suis conscient des ordonnances et des directives indiquant que M. Wilson ne peut contester une décision définitive, y compris celle du juge Barnes (voir, par exemple, la directive de la juge Gauthier, en date du 21 février 2013, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 12). En outre, je conviens que M. Wilson a en fait épuisé toutes les voies d’appel et de réexamen de l’ordonnance du juge Barnes, et de l’instance concernant la saisie à laquelle elle se rapporte.

[40]  Dans la mesure où M. Wilson demande maintenant la levée de l’interdiction qui le frappe à la suite de l’ordonnance du juge Barnes, je conclus qu’il n’a pas fourni des éléments de preuve suffisants sur lesquels fonder une telle contestation.

[41]  Je passe donc à la question de savoir si une autorisation devrait être accordée à M. Wilson aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi. En premier lieu, conformément au paragraphe 40(4), la Cour ne peut accorder une autorisation que si elle est convaincue que :

  • a) l’instance que l’on cherche à engager ou à continuer ne constitue pas un abus de procédure;

  • b) elle est fondée sur des motifs valables.

[42]  Il incombe à M. Wilson de démontrer que les exigences pour lui accorder une autorisation sont respectées (Hainsworth v Attorney General of Canada, 2011 ONSC 2642, au paragraphe 11; voir également, dans le contexte de la Cour fédérale, la décision Duterville, au paragraphe 11).

[43]  Comme je l’ai expliqué plus haut, même si les documents écrits de M. Wilson à l’appui de la présente demande ne sont pas clairs, dans sa plaidoirie, M. Wilson semble demander une autorisation, aux termes du paragraphe 40(3), afin que notre Cour réexamine la taxation des dépens établie par l’agent Preston; il souhaite également faire renaître son litige contre l’Agence par voie d’une « demande reconventionnelle » à l’action de 1999. Pour les motifs qui suivent, la Cour n’accordera pas à M. Wilson l’autorisation, aux termes du paragraphe 40(3), de continuer l’une ou l’autre de ces instances.

A.  Contestation par M. Wilson de la taxation des dépens établie par l’agent Preston

[44]  Même si l’action de 1999 a été rejetée avec dépens en 2003, ce n’est qu’en 2016 que l’Agence a déposé un mémoire de frais pour taxation. La taxation a été établie par l’agent Preston, qui a accueilli le mémoire de frais de l’Agence s’élevant à 39 512,78 $. Dans ses motifs, l’agent Preston a examiné et traité les « nombreuses observations » déposées par M. Wilson en réponse à la taxation (certificat de taxation des dépens et motifs de la taxation des dépens, en date du 28 septembre 2016, dans le dossier T-745-99, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 21, au paragraphe 4).

[45]  M. Wilson a ensuite demandé à la Cour de réexaminer la taxation établie par l’agent Preston en 2016. Le 6 janvier 2017, la protonotaire Milczynski a délivré une directive selon laquelle les documents de M. Wilson étaient irrecevables au motif que [traduction] « la réparation demandée semble aller au-delà de l’autorisation de demander le contrôle de la taxation des dépens établie par l’agent, la réparation demandée n’est pas claire, et la manière avec laquelle la requête doit être tranchée n’est pas claire non plus » (dossier T-745-99, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 22).

[46]  M. Wilson a ensuite demandé le réexamen de la directive de la protonotaire Milczynski, et le 7 février 2017, le juge Gleeson de notre Cour a délivré une directive selon laquelle les documents de M. Wilson ne devaient pas être acceptés (dossier T-745-99, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 23).

[47]  Le 8 mars 2017, le juge Mosley a accueilli la requête de l’Agence en vue d’obtenir une ordonnance, conformément à l’article 150 des Règles, pour que la somme de 3 000 $ versée à la Cour par M. Wilson à titre de cautionnement pour les dépens de l’action de 1999 soit versée à l’Agence par la Cour (dossier T-745-99, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 24). Plus particulièrement, le juge Mosley a indiqué ce qui suit aux pages 2 et 3 de son ordonnance :

[traduction]

ET VU que je suis convaincu que le demandeur a versé à la Cour la somme de 3 000 $ à titre de cautionnement pour les dépens des défendeurs dans cette action, que l’action a été rejetée avec dépens en faveur des défendeurs en 2003, que des dépens ont été adjugés aux défendeurs dans d’autres requêtes en plus de la présente action, lesquels devaient faire l’objet d’une taxation, et que les ordonnances relatives à la taxation de ces dépens ont été rendues le 28 septembre 2016;

ET compte tenu que des dépens ont été adjugés aux défendeurs contre le demandeur, pour un total de 41 262,78 $, et que je suis convaincu que le demandeur n’a payé aucun des dépens en souffrance dans le dossier de la Cour T-745-99;

[...]

2. Aucuns dépens ne sont adjugés dans la présente requête. Toutefois, le solde des dépens adjugés contre le demandeur demeure en souffrance et doit être payé aux défendeurs.

[48]  M. Wilson demande maintenant encore une fois que la Cour examine la taxation établie par l’agent Preston. Il était tenu, aux termes de l’article 414 des Règles, de signifier et de déposer son avis de requête dans les dix jours suivant la taxation. Parce que M. Wilson n’a pas respecté ce délai, il demande une ordonnance en prorogation du délai pour déposer ses documents de requête, aux termes du paragraphe 8(1) des Règles.

[49]  Lorsqu’il demande une prorogation de délai discrétionnaire et, conformément au critère établi dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Hennelly, 1999, 244 NR 399 (CAF) [Hennelly] et confirmé dans l’arrêt Marshall c Canada, 2002 CAF 172, au paragraphe 1, M. Wilson doit démontrer :

  • a) une intention constante de poursuivre sa demande;

  • b) que la demande est bien fondée;

  • c) que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai; et

  • d) qu’il existe une explication raisonnable justifiant le délai.

[50]  La CAF a également jugé que l’intérêt de la justice peut l’emporter sur le défaut d’un demandeur de respecter les critères mentionnés ci-dessus (Canada (Développement des Ressources humaines) c Hogervorst, 2007 CAF 41, au paragraphe 33; voir également Canada (Procureur général) c Larkman, 2012 CAF 204, au paragraphe 62 [Larkman]).

[51]  Après avoir examiné les éléments de preuve écrits présentés à la Cour et après avoir entendu la plaidoirie de M. Wilson, j’estime qu’il ne satisfait pas au critère établi dans l’arrêt Hennelly et que l’intérêt de la justice entre les parties ne joue pas en sa faveur. En fait, tel que cela a été discuté, M. Wilson a déjà tenté de contester la taxation établie par l’agent Preston. Ses requêtes ont été rejetées, d’abord par la protonotaire Milczynski et ensuite par le juge Gleeson. Même si M. Wilson a démontré, au mieux, une intention constante de poursuivre sa requête, rien n’indique qu’elle est bien fondée. Il n’y a aucune explication de la raison pour laquelle la même contestation est lancée de nouveau, presque un an après la taxation établie par l’agent Preston. Je suis convaincu que l’Agence subirait un préjudice si M. Wilson était autorisé à aller de l’avant après un tel délai.

[52]  Pendant sa plaidoirie, M. Wilson a également mentionné l’ordonnance du juge Mosley, qui a affecté le cautionnement pour les dépens de 3 000 $ versé lors de l’action de 1999, et qui était resté latent à la Cour depuis, pour compenser les dépens que l’agent Preston l’a obligé à verser et qui n’avaient pas été versés à l’Agence.

[53]  Dans la mesure où M. Wilson cherche maintenant à obtenir également l’autorisation de contester l’ordonnance du juge Mosley, je ne vois aucun fondement à cette procédure, pour tous les motifs indiqués dans l’ordonnance du juge Mosley. En outre, M. Wilson n’a fourni aucune explication de la raison pour laquelle il a attendu presque six mois avant de demander l’autorisation d’interjeter appel de l’ordonnance du juge Mosley, si c’est bien ce qu’il conteste.

[54]  Peu importe quel aspect de la décision relative aux dépens est attaqué (c.-à-d., la décision de l’agent Preston ou celle du juge Mosley), M. Wilson n’a fourni aucune explication pour justifier le dépôt tardif de sa demande. Comme le souligne la CAF au paragraphe 87 de l’arrêt Larkman, la Cour doit tenir compte du principe du caractère définitif des décisions lorsqu’on cherche à déterminer en quoi consiste l’intérêt de la justice dans un cas déterminé.

B.  Remise en cause de l’action de 1999

[55]  M. Wilson demande également l’autorisation de continuer l’action de 1999 au moyen d’une « demande reconventionnelle ». À la lumière des problèmes procéduraux évidents découlant de cette requête – M. Wilson était lui-même le demandeur dans l’action de 1999, pour laquelle les actes de procédure sont clos depuis longtemps – j’interprète la requête de M. Wilson comme indiquant qu’il souhaite reprendre sa plainte de longue date contre l’Agence, peu importe de quelle manière.

[56]  Notre Cour a indiqué clairement qu’il n’est pas loisible à M. Wilson de continuer de contester le rejet de l’action de 1999 ou de débattre à nouveau de questions concernant la saisie. Au paragraphe 22 de la décision Wilson 2006, le juge Barnes a confirmé le rejet par la protonotaire Milczynski de l’action de 2005, laquelle constitue une tentative de la part de M. Wilson de « débattre à nouveau de questions qui ont été tranchées de manière définitive par le rejet de l’action de 1999 ». Je mentionne en outre les trois autres ordonnances de notre Cour, qui soulignent toutes cet aspect de l’ordonnance du juge Barnes dans la décision Wilson 2006.

[57]  En premier lieu, la juge Bédard a conclu ce qui suit dans la décision Wilson 2013, à la page 7 :

L’ordonnance du juge Barnes ne peut être modifiée, puisqu’il s’agit d’une ordonnance définitive et exécutoire. Le demandeur a épuisé tous les moyens pour contester l’ordonnance du juge Barnes.

[58]  Dans la requête subséquente déposée par M. Wilson en vue d’obtenir une prorogation du délai pour demander le réexamen de la décision de la juge Bédard dans Wilson 2013, le juge Harrington a ordonné ce qui suit :

[traduction]

[…] tout acte de procédure censément déposé par M. Wilson à la suite de ladite ordonnance du juge Barnes doit lui être retourné, et aucune mesure de suivi ne doit par ailleurs être prise, à l’exception d’un avis de requête en vue de l’examen de la taxation des dépens adjugés dans les dossiers de la Cour T-1677-79, T-3488-82, T-2518-89, T-2521-89 et T-2522-89.

Le seul acte de procédure qui peut être accepté pour dépôt est une requête, en bonne et due forme, afin d’obtenir la levée de l’interdiction imposée par l’ordonnance du juge Barnes, ou l’autorisation d’engager ou de continuer une instance, conformément à ce qui est énoncé à l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales.

(Directive du juge Harrington dans le dossier 12-T-81, en date du 4 avril 2013, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 14)

[59]  Enfin, lors de l’échec de la tentative de M. Wilson d’interjeter appel de la décision Wilson 2013 devant la CAF, la juge Gauthier a rédigé ce qui suit, dans le cadre de sa directive :

[traduction]

Il convient de mentionner qu’à l’avenir, même si M. Wilson obtient l’autorisation d’engager une nouvelle instance devant la Cour fédérale, il ne lui sera pas loisible de contester toute décision définitive, y compris, plus particulièrement, celle du juge Barnes mentionnée ci-dessus.

(Directive de la juge Gauthier, en date du 21 février 2013, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 12)

[60]  La requête d’aujourd’hui présentée par M. Wilson ne comporte aucun motif raisonnable – il s’agit de sa dernière d’une longue série de tentatives de débattre à nouveau de questions tranchées par le rejet de l’action de 1999.

[61]  En bref, M. Wilson n’a pas démontré qu’il satisfait aux exigences pour obtenir une ordonnance lui accordant l’autorisation d’engager ou de continuer une instance aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi, à la lumière des arguments soulevés dans ses observations écrites et dans sa plaidoirie.

IV.  Réparation demandée par l’Agence

[62]  L’Agence a demandé la réparation suivante dans ses observations écrites :

  • a) une ordonnance exigeant le rejet de la présente requête ou demande;

  • b) une ordonnance interdisant à M. Wilson d’engager toute instance aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi sur les Cours fédérales jusqu’à ce qu’il ait :

  • i) payé au complet tous les dépens en souffrance découlant de toute instance actuelle ou antérieure, ou

  • ii) obtenu une ordonnance de la Cour fédérale lui accordant l’autorisation de déposer une demande aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi sur les Cours fédérales en vue d’obtenir la levée de l’interdiction qui le frappe ou l’autorisation de continuer une instance;

  • c) les dépens de la présente requête ou demande;

d)  tout autre redressement que l’avocat pourrait demander et que la Cour pourrait accorder.

A.  Analyse de la demande de réparation de l’Agence

[63]  Plus tôt cette année, le juge Stratas de la CAF a souligné au paragraphe 16 de l’arrêt Canada c Olumide, 2017 CAF 42 [Olumide 2017], que l’article 40 est analogue aux dispositions relatives aux plaideurs quérulents figurant dans les lois régissant les cours de justice dans d’autres administrations.

[64]  En examinant la réparation demandée par l’Agence, qui me force à interpréter la Loi, j’estime en fait utile de me pencher sur les réparations qui ont été ordonnées ailleurs. Étant donné que M. Wilson a également été jugé plaideur quérulent par la Cour supérieure de justice de l’Ontario, il est logique d’examiner la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario, qui prévoit des dispositions très semblables à l’article 40 de la Loi :

Poursuites vexatoires

Vexatious proceedings

140 (1) Si un juge de la Cour supérieure de justice est convaincu, sur requête, qu’une personne, de façon persistante et sans motif raisonnable:

140 (1) Where a judge of the Superior Court of Justice is satisfied, on application, that a person has persistently and without reasonable grounds,

a) soit a introduit des instances vexatoires devant un tribunal;

(a) instituted vexatious proceedings in any court; or

b) soit a agi d’une manière vexatoire au cours d’une instance devant un tribunal,

(b) conducted a proceeding in any court in a vexatious manner,

il peut lui interdire, sauf avec l’autorisation d’un juge de la Cour supérieure de justice:

the judge may order that,

c) d’introduire d’autres instances devant un tribunal;

(c) no further proceeding be instituted by the

d) de poursuivre devant un tribunal une instance déjà introduite.

(d) a proceeding previously instituted by the person in any court not be continued,

[EN BLANC]

except by leave of a judge of the Superior Court of Justice.

L.R.O. 1990, chap. C.43, par. 140 (1); 1996, chap. 25, par. 9 (17).

R.S.O. 1990, c. C.43, s. 140 (1); 1996, c. 25, s. 9 (17).

[65]  Les tribunaux de l’Ontario ont rendu des ordonnances interdisant à un plaideur quérulent de déposer une requête en vue d’obtenir la levée de l’interdiction qui le frappe ou l’autorisation d’engager ou de continuer une instance, jusqu’à ce que le demandeur satisfasse à certaines conditions, y compris le paiement de tous les dépens en souffrance ou l’obtention d’une ordonnance autorisant le demandeur à demander la levée de l’interdiction qui le frappe ou l’autorisation d’engager ou de continuer une instance (voir Deep v Canada Revenue Agency (Canada Customs and Revenue Agency), 2011 ONSC 5660 [Deep], aux paragraphes 19 à 21; Chavali v Law Society of Upper Canada, 2006 CarswellOnt 3122 (ONSC) [Chavali]).

[66]  Il n’y aucune action ni aucun appel en suspens devant la Cour auxquels M. Wilson est partie, et pour lesquels il subsisterait des questions à trancher. De plus, en ce qui concerne son respect des directives de la Cour, comme il est indiqué dans l’ordonnance du juge Mosley en date du 8 mars 2017 – la plus récente décision de notre Cour à l’égard de M. Wilson –, il ne s’est pas conformé aux ordonnances antérieures relatives aux dépens.

[67]  En outre, des questions identiques ou semblables à celles soulevées aujourd’hui ont déjà fait l’objet de nombreuses instances devant notre Cour, la Cour supérieure de justice de l’Ontario, et la Cour canadienne de l’impôt, ainsi que d’appels devant la Cour d’appel de l’Ontario, la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada. J’estime que rien dans le dossier de demande de M. Wilson ne démontre des motifs raisonnables justifiant une ordonnance l’autorisant à engager ou à continuer une instance aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi.

[68]  Comme le souligne l’Agence dans ses observations écrites, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a ordonné, il y a plus d’une décennie, que les instances futures intentées par M. Wilson soient [traduction] « examinées minutieusement » dès le début :

[traduction]

[…] le refus [de M. Wilson] d’accepter les décisions antérieures de la Cour dans d’autres instances, son insistance à vouloir débattre de nouveau de questions déjà tranchées et son aveuglement volontaire face à la vérité contribuent à faire de lui une véritable nuisance pour la Cour.

[...]

Toute instance future ou existante à laquelle M. Wilson est partie devrait être examinée minutieusement avant d’être autorisée.

(Motifs de jugement du juge Little, dossier de la Cour supérieure de l’Ontario 59238-OT, en date du 18 juillet 2007, aux paragraphes 6 et 79, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de la défenderesse, à l’onglet 9)

[69]  Je suis également guidé par les commentaires de la CAF dans l’arrêt Olumide 2017, qui décrit les pressions qu’exercent les plaideurs quérulents sur les ressources limitées des tribunaux :

[17]  L’article 40 traduit le fait que les Cours fédérales sont un bien collectif dont la mission est de servir tout un chacun, et non une ressource privée qui peut être exploitée à tort pour promouvoir les intérêts d’une personne.

[18]  Les cours de justice, à titre de bien collectif, ouvrent par défaut leurs portes à tous, sans restrictions : toute personne ayant qualité pour agir peut engager une instance. Mais les personnes qui abusent de cet accès illimité d’une manière préjudiciable doivent être freinées. Ainsi, les cours de justice ne sont pas différentes d’autres biens collectifs comme les parcs publics, les bibliothèques, les salles communautaires et les musées.

[19]  Les Cours fédérales disposent de ressources limitées qui ne peuvent pas être dilapidées. Chaque moment consacré à un plaideur quérulent n’est pas consacré à un plaideur méritant. L’accès illimité aux tribunaux par ceux qui devraient se voir imposer des restrictions compromet l’accès d’autres personnes qui ont besoin de cet accès et qui le méritent. L’inaction à l’égard des premiers porte préjudice aux seconds.

[20]  Ceci ne se résume pas simplement à un jeu à somme nulle où un seul plaideur quérulent porte préjudice à un seul plaideur innocent. Un seul plaideur quérulent engloutit les maigres ressources du tribunal et du greffe, et entraîne ainsi un préjudice à des dizaines de plaideurs innocents, voire même davantage. Le préjudice se traduit de nombreuses façons, notamment par la réduction de la capacité du greffe à assister les plaideurs bien intentionnés, mais non représentés et qui ont besoin d’aide, par la réduction de la capacité de la Cour à gérer les instances qui doivent être prises en charge, et par les retards que tous les plaideurs doivent subir avant d’obtenir des audiences, des directives, des ordonnances, des jugements et des motifs.

[70]  La CAF a de plus écrit au paragraphe 27 de l’arrêt Olumide 2017 que les ordonnances rendues aux termes de l’article 40 de la Loi ne bloquent pas l’accès aux tribunaux, mais servent plutôt à réglementer un tel accès. J’estime que la conduite de M. Wilson justifie une réglementation plus rigoureuse que celle établie jusqu’à maintenant, même avec la déclaration de plaideur quérulent prévue à l’article 40, et je suis donc convaincu qu’à la lumière des tentatives continues de M. Wilson en vue de contester un large éventail de décisions définitives au cours de la décennie ayant suivi l’ordonnance du juge Barnes rendue aux termes de l’article 40, qu’il devrait être assujetti aux contraintes supplémentaires demandées par l’Agence, et ordonnées par les tribunaux de l’Ontario dans les arrêts Deep et Chavali.

[71]  En ce qui concerne la portée de cette réglementation plus rigoureuse, je suis d’accord avec l’Agence que M. Wilson devrait être tenu de déposer une requête préliminaire comportant des contraintes quant aux documents déposés, conformément à ce qu’ont imposé les tribunaux de l’Ontario dans les arrêts Deep et Chavali. Il s’agit d’un mécanisme de contrôle approprié qui permet quand même à M. Wilson d’accéder aux tribunaux – la caractéristique principale du raisonnement derrière l’article 40 (Olumide 2017, au paragraphe 27).

[72]  À l’avenir, avant que M. Wilson puisse présenter une demande aux termes du paragraphe 40(3), il devra d’abord déposer une requête préliminaire par écrit devant notre Cour, accompagnée d’un affidavit d’au plus cinq pages soulignant le bien-fondé de l’instance proposée ou de l’étape proposée d’une instance, ainsi que d’une copie du présent jugement et des présents motifs. (Rappelons qu’il est interdit à M. Wilson, en raison de l’ordonnance rendue par le juge Barnes qui l’a déclaré plaideur quérulent, d’engager ou de continuer une instance devant notre Cour sans obtenir une autorisation préalable au titre du paragraphe 40(3) de la Loi – soit au moyen d’une demande, d’une action, d’une requête ou de tout autre acte de procédure.)

[73]  Les documents de requête préliminaire de M. Wilson doivent être conformes aux exigences en matière de formatage prévues par les Règles (et plus particulièrement par les articles 65 à 70 des Règles). Si ces documents ne sont pas conformes, ou s’ils dépassent la limite de cinq pages imposée par mon ordonnance, ils seront jugés irrecevables. Si la Cour est convaincue lors du dépôt de la requête préliminaire que l’instance ou l’étape d’une instance que propose M. Wilson est bien fondée, il lui sera ordonné de signifier et de déposer une demande complète aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi.

[74]  À mon avis, cette étape préliminaire supplémentaire obligeant le dépôt de documents concis afin de demander d’abord l’autorisation de la Cour avant d’engager ou de continuer une instance aux termes du paragraphe 40(3) aidera les parties concernées. D’abord, l’exigence quant au nombre de pages à respecter guidera M. Wilson dans toute requête future qu’il présentera. Ensuite, elle aidera le défendeur à répondre à la question de savoir si M. Wilson a soulevé de nouvelles questions ou s’il tente encore une fois de contester des questions qui ont été tranchées de manière définitive.

[75]  Une mise au point est devenue nécessaire, comme il ressort clairement des documents déposés aux fins de la présente demande, parce que M. Wilson continue d’engager des instances répétitives devant notre Cour, de remettre en cause des questions qui ont déjà été tranchées, de raviver des affaires ayant fait l’objet d’ordonnances définitives, et d’interjeter appel de questions pour lesquelles tous les moyens d’appel disponibles ont été épuisés. Ce faisant, les documents déposés peuvent devenir volumineux et manquer de clarté, comme on l’a souligné dans les présents motifs. Il en résulte l’inévitable et malheureuse réalité observée dans l’arrêt Olumide 2017 : une pression exercée sur le système de justice au détriment d’autres utilisateurs méritants. Grâce à une requête préliminaire formulée de manière concise, la Cour peut décider de manière efficace si les motifs invoqués par M. Wilson pour demander une autorisation d’engager ou de poursuivre une instance aux termes du paragraphe 40(3) semblent fondés, ou s’il tente simplement de rouvrir des questions déjà tranchées.

[76]  Enfin, je souligne que dans sa plaidoirie devant la Cour, l’Agence a également demandé que M. Wilson soit tenu d’obtenir l’autorisation de la Cour avant de présenter une demande ex parte aux termes du paragraphe 40(3), conformément à ce qui a été ordonné par le juge Nordheimer dans l’arrêt Chavali. Même si c’est là une approche que pourrait envisager la Cour à l’avenir, l’Agence a droit à toutes les réparations demandées dans ses observations écrites, lesquelles me semblent suffisantes pour l’instant. Ces réparations incluent des dépens de 500 $, que M. Wilson doit payer immédiatement à l’Agence.

V.  Conclusion

[77]  La demande de M. Wilson est rejetée puisqu’il ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 40(4) de la Loi. Vu les tentatives répétées de M. Wilson de débattre de nouveau les mêmes questions depuis l’action de 1999, M. Wilson ne pourra engager toute autre instance aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi avant d’avoir payé tous les dépens adjugés en souffrance ou d’avoir obtenu une ordonnance de la Cour l’autorisant à déposer une demande aux termes du paragraphe 40(3), conformément à la procédure établie dans les présents motifs.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-758-17

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La présente demande est rejetée.

  2. Il est interdit à M. Wilson d’engager toute instance aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi sur les Cours fédérales jusqu’à ce qu’il ait :

  1. payé au complet tous les dépens en souffrance découlant de toute instance actuelle ou antérieure; ou

  2. obtenu une ordonnance de la Cour fédérale lui accordant l’autorisation de déposer une demande aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi sur les Cours fédérales en vue d’obtenir la levée de l’interdiction qui le frappe ou l’autorisation de continuer une instance, ordonnance qui devra être obtenue au moyen d’une requête préliminaire par écrit accompagnée d’un affidavit d’au plus cinq pages soulignant le bien-fondé de l’instance proposée ou de l’étape proposée d’une instance, ainsi que d’une copie du présent jugement et des présents motifs. Les documents de requête de M. Wilson doivent être conformes aux exigences en matière de formatage prévues par les Règles. Si ces documents ne sont pas conformes, ou s’ils dépassent la limite de cinq pages imposée par les présents motifs, ils seront jugés irrecevables. Si la Cour est convaincue que l’instance ou l’étape d’une instance que propose M. Wilson est bien fondée, il lui sera ordonné de signifier et de déposer une demande complète aux termes du paragraphe 40(3) de la Loi sur les Cours fédérales.

  1. M. Wilson doit payer immédiatement à l’Agence les dépens de 500 $ de la présente demande.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 27e jour de février 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

T-758-17

 

INTITULÉ :

GRANT R. WILSON c L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 juillet 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

DATE DES MOTIFS :

Le 11 septembre 2017

COMPARUTIONS :

Grant R. Wilson

Le demandeur, POUR SON PROPRE COMPTE

Maria Vujnovic

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

 

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