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Date : 20170908


Dossier : IMM-728-17

Référence : 2017 CF 811

Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2017

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

ELIO LEBLANC

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 26 janvier 2017 de la Section d’appel de l’immigration (SAI) qui a rejeté un appel du refus d’un agent d’immigration de délivrer un visa de résidence permanente à une fille haïtienne que le demandeur cherchait à parrainer comme sa fille. Suite à un test d’empreintes génétiques (ADN), l’agent a conclu que le demandeur n’était pas le père biologique de la fille, et donc qu’elle n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial pour être admissible à l’obtention du visa visé.

[2]               La SAI a noté dans une lettre au demandeur datée du 1er novembre 2016 que, « selon l’article 65 de la [Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR)], la SAI ne peut pas prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire si elle a statué que [la fille en question] ne fait pas partie du regroupement familial du fait de sa relation avec le répondant. » L’enfant devait satisfaire à la définition d’une « enfant à charge » aux termes de l’article 2 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR]. Pour ce faire, elle devait être soit l’enfant biologique soit l’enfant adoptive du demandeur. La SAI a noté que cela ne semblait pas être le cas, et que l’appel risquait d’être rejeté.

[3]               En réponse, le demandeur a soumis que l’enfant en question a toujours été considérée comme sa fille, et que la révélation du fait que le demandeur n’est pas son père biologique lui causerait un choc émotionnel. Le demandeur a soumis que la SAI devrait statuer que l’enfant appartient à la catégorie du regroupement familial et prendre en considération les motifs humanitaires.

[4]               La SAI a subséquemment refusé l’appel (sans audition) puisque l’enfant ne satisfaisait pas à la définition d’une « enfant à charge », et donc l’agent d’immigration n’avait pas compétence pour prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire. Ce refus est la décision contestée.

[5]               Le demandeur vise à obtenir une ordonnance lui permettant d’avoir une audience devant la SAI. Dans son mémoire, le demandeur répète certains des arguments qu’il avait soulevé devant la SAI et soumet que la SAI avait créé chez le demandeur une attente légitime d’être entendu de vive voix et en personne, et ce en dépit de l’article 65 de la LIPR. Dans ses soumissions orales, le demandeur introduit un nouvel argument. Il note que l’acte de naissance de l’enfant indique que le demandeur est le père, tel qu’établi par un tribunal Haïtien. Le demandeur demande à la Cour de conclure que l’acte de naissance crée une présomption de validité quant à son contenu.

[6]               En ce qui concerne l’acte de naissance, même si je reconnais la présomption exhortée par le demandeur, je dois aussi reconnaître que le résultat du test ADN (qui n’a pas été mis en doute) réfute cette présomption. Il n’y a aucun doute dans la preuve que la fille en question n’est ni l’enfant biologique ni l’enfant adoptive du demandeur.

[7]               Il ne semble y avoir aucun doute que la fille ne satisfait pas à la définition d’une « enfant à charge ». Il ne semble également y avoir aucun doute que la fille n’appartient pas à la catégorie du regroupement familial définie à l’article 117 du RIPR, et donc que la SAI avait raison de ne pas prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire.

[8]               Je passe maintenant à la question d’attente légitime du demandeur d’être entendu de vive voix et en personne devant la SAI. Comme a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt SCFP c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29 au para 131 :

La règle de l’expectative légitime est « le prolongement des règles de justice naturelle et de l’équité procédurale » : Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.‑B.), [1991] 2 R.C.S. 525, p. 557.  Elle s’attache à la conduite d’un ministre ou d’une autre autorité publique dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire — y compris les pratiques établies, la conduite ou les affirmations qui peuvent être qualifiées de claires, nettes et explicites — qui a fait naître chez les plaignants (en l’espèce, les syndicats) l’expectative raisonnable qu’ils conserveront un avantage ou qu’ils seront consultés avant que soit rendue une décision contraire.  Pour être « légitime », une telle expectative ne doit pas être incompatible avec une obligation imposée par la loi.  Voir : Assoc. des résidents du Vieux St‑Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170; Baker, précité; Mont‑Sinaï, précité, par. 29; Brown et Evans, op. cit., par. 7:2431.  Lorsque les conditions d’application de la règle sont remplies, la cour peut accorder une réparation procédurale convenable pour répondre à l’expectative « légitime ».

[9]               Je suis en accord avec l’argument du défendeur selon lequel l’issue du présent contrôle judiciaire est inévitable, et donc il serait inutile de tenir une audience : Phung c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 585 aux paras 20 et 21. Je suis aussi en accord avec le défendeur sur le fait que la SAI n’a jamais indiqué qu’elle tiendra nécessairement une audience. Le demandeur n’avait donc aucune expectative légitime à cet égard.

[10]           De plus, il est important de noter que le paragraphe 25(1) des Règles de la section d'appel de l'immigration, DORS/2002-230, envisage expressément la possibilité qu’une audition n’ait pas lieu devant la SAI, « à condition que cette façon de faire ne cause pas d’injustice et qu’il ne soit pas nécessaire d’entendre des témoins. » Pour les raisons qui précèdent, je suis satisfait que l’absence d’une audition orale devant la SAI n’a pas causé d’injustice, ni qu’il était nécessaire d’entendre des témoins.


JUGEMENT au dossier IMM-728-17

LA COUR STATUE que :

1.      L’intitulé de la cause est modifié afin de refléter le bon défendeur, soit le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration;

2.      La demande est rejetée;

3.      Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« George R. Locke »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-728-17

 

INTITULÉ :

ELIO LEBLANC c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 août 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 SEPTEMBRE 2017

 

COMPARUTIONS :

Me Anthony Karkar

 

Pour le demandeur

 

Me Suzanne Trudel

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anthony Karkar

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Procureur(e) général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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