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Date : 20170818


Dossier : T-935-17

Référence : 2017 CF 776

Ottawa (Ontario), le 18 août 2017

En présence de madame la juge Roussel

ENTRE :

JEAN-FRANÇOIS ST-LAURENT

9105-2829 QUÉBEC INC.

9105-2761 QUÉBEC INC.

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Le demandeur, monsieur Jean-François St-Laurent, est citoyen canadien. Il allègue être accusé devant le tribunal espagnol Juzgado Central de Instrucción No. 5 Audiencia Nacional [tribunal espagnol], d’avoir commis, personnellement et par l’intermédiaire des sociétés demanderesses, 9105-2829 Québec Inc. et 9105-2761 Québec Inc., des crimes de blanchiment d’argent à partir du Canada. Le procès doit débuter le 17 septembre prochain.

[2]               Selon monsieur St-Laurent, les accusations dont il fait l’objet en Espagne reposent sur des informations inexactes illégalement communiquées et transmises par les autorités canadiennes au tribunal espagnol ainsi qu’au ministère de la Justice de l’Espagne.

[3]               Il sollicite, en son nom personnel et en tant qu’administrateur et actionnaire unique des deux (2) sociétés demanderesses, une ordonnance de la nature d’un mandamus visant à faire rectifier les informations inexactes et à faire transmettre les rectifications aux autorités espagnoles. Il demande aussi à la Cour de déclarer illégales la communication et la transmission de certains documents à diverses autorités canadiennes et espagnoles.

[4]               Le Procureur général du Canada [PGC] soutient que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée pour trois (3) motifs. Premièrement, la doctrine de la préclusion s’applique à l’égard de certaines questions déjà tranchées par la Cour dans le cadre d’une décision rendue le 30 novembre 2016 dans le dossier T-1918-16. Deuxièmement, les conditions établies pour l’obtention d’un mandamus n’ont pas été démontrées. Troisièmement, les demandeurs n’ont pas démontré en quoi la communication de renseignements et les échanges de lettres ont été faits « illégalement ».

[5]               Pour les raisons qui suivent, la Cour est d’avis que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

II.                Contexte

[6]               La preuve présentée au dossier de la Cour est lacunaire, de telle sorte qu’il est difficile d’établir avec certitude l’ensemble des faits pertinents en l’instance. Toutefois, il ne fait aucun doute que les faits s’échelonnent sur plusieurs années et impliquent plusieurs intervenants, au Canada et en Espagne. Ils comportent également un volet fiscal et un volet d’enquête criminelle.

Volet fiscal

[7]               À la suite d’une vérification fiscale visant Monsieur St-Laurent, la société 9105-2829 Québec Inc. ainsi que sept (7) autres personnes et sociétés, le ministre du Revenu national du Canada émet des avis de nouvelles cotisations en janvier 2008. Ceux visant monsieur St-Laurent et les deux (2) sociétés demanderesses visent les années d’imposition 2004, 2005 et 2006. La vérification fiscale est basée en partie sur de l’information reçue de l’Agencia Tributaria, Officina Nacional de Investigatciòn del Firande Equipo Central de Informacion [Agencia Tributaria]. Les demandeurs s’opposent aux avis de nouvelles cotisations et les portent en appel devant la Cour canadienne de l’impôt (Dossiers 2010-1955(IT)G, 2010-1958(IT) et 2010-1961(IT)G).

[8]               Le 1er février 2008, le ministre du Revenu national du Canada dépose des avis de requête pour autorisation d’exécution immédiate conformément aux paragraphes 225.1(1) et 225.2(2) de la Loi sur l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl) afin de saisir les biens, entre autres, de monsieur St-Laurent et de la société 9105-2829 Québec Inc. (Dossiers T-190-08 et T-194-08). Les requêtes s’appuient notamment sur les affidavits de deux (2) individus, dont celui de monsieur Éric Fortin, employé de l’Agence du revenu du Canada et daté du 29 janvier 2008. Les requêtes ex parte sont accordées le 4 février 2008 par le juge Michel M.J. Shore de cette Cour.

[9]               Le 2 novembre 2009, Me Daniel Beauchamp, l’avocat du ministère de la Justice du Canada qui représente le ministre du Revenu national du Canada dans les dossiers fiscaux des demandeurs, écrit au juge Baltasar Garzón Real. Selon les demandeurs, ce dernier est chargé de l’enquête portant sur des soupçons d’activités illégales qui auraient été menées par la société espagnole Forum Filatélico. Dans sa lettre, Me Beauchamp fournit au magistrat espagnol certaines informations concernant les démarches prises par l’Agence du revenu du Canada et l’état des dossiers fiscaux au Canada. Notamment, il l’informe que les défendeurs dans les dossiers fiscaux soulèvent un moyen de défense qui découlerait de deux (2) jugements qui auraient été rendus par le magistrat espagnol dans le cadre de son enquête. Me Beauchamp lui demande des renseignements concernant une demande de comparaître qui aurait été présentée au magistrat espagnol par une des sociétés canadiennes visées par la vérification fiscale. Me Beauchamp lui demande également de confirmer si l’Agencia Tributaria et une autre personne travaillent pour et avec lui dans le cadre de cette enquête. Enfin, Me Beauchamp mentionne également dans sa lettre au magistrat espagnol que l’une des sociétés défenderesses dans les dossiers fiscaux aurait reçu sur une période de trois (3) ans et demi la somme de 68 millions de dollars de sources douteuses.

[10]           Les dossiers de contestation des avis de cotisations sont réglés hors cour le 26 octobre 2012.

Volet d’enquête criminelle

[11]           En 2009, la Gendarmerie royale du Canada [GRC] reçoit du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada [CANAFE] une communication qui comprend, entre autres, des fiches de renseignements (Pièce P-9). Le CANAFE est un organisme autonome et indépendant créé en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17 [Loi] qui recueille, analyse et communique des renseignements utiles pour la détection, la prévention et la dissuasion en matière de recyclage des produits de la criminalité ou de financement des activités terroristes (Loi, art 40-41). Notamment, il reçoit les rapports, déclarations ou renseignements des institutions et des intermédiaires financiers qui lui sont transmis aux termes de la Loi. Lorsque le CANAFE a des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements seraient utiles aux fins d’enquêtes ou de poursuites relativement à une infraction de recyclage des produits de la criminalité ou à une infraction de financement des activités terroristes, il communique certains renseignements désignés aux autorités policières compétentes (Loi, para 54(1) et alinéa 55(3)a)).

[12]           Un rapport d’enquête menée par le caporal Jean Harrisson de l’Unité mixte des produits de la criminalité de la GRC est dressé et transmis à un agent de liaison de la GRC alors basé à Madrid en Espagne. Le rapport d’enquête est accompagné de fiches de renseignements émanant du CANAFE, de tableaux, d’organigrammes et documents d’incorporation. Le rapport d’enquête n’est pas daté.

[13]           Le 31 mars 2010, Me Sacha Palladino, avocate au Service d’entraide internationale du ministère de la Justice du Canada, fait parvenir une lettre au ministère de la Justice de l’Espagne dans laquelle elle indique y joindre plusieurs documents qui résultent d’une enquête menée par la GRC concernant des activités financières douteuses de monsieur St-Laurent. Elle envoie une copie de la lettre au magistrat espagnol Baltasar Garzón Real.

[14]           Cette communication s’inscrit dans le cadre d’une demande d’entraide présentée en 2007 par le ministère de la Justice de l’Espagne conformément au Traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Canada et le Royaume d’Espagne, F101633 – RTC 1995 No 47 relativement aux allégations visant la société espagnole Forum Filatélico.

[15]           Les autorités judiciaires espagnoles mettent monsieur St-Laurent sous examen. Elles lui communiquent en juin 2012 une copie du rapport du caporal Harrisson, des tableaux ainsi que des fiches de renseignements.

[16]           Le 23 juillet 2012, monsieur St-Laurent met la GRC en demeure de rectifier le contenu du rapport du caporal Harrisson et des pièces qui y sont jointes. Le 25 octobre 2012, la GRC informe les procureurs de monsieur St-Laurent qu’après avoir fait les vérifications qui s’imposent, elle maintient le contenu du rapport sauf pour l’ajout de deux (2) modifications aux paragraphes 3 et 8 du rapport. La GRC souligne également qu’elle considère pertinents et fiables les renseignements liés au CANAFE en raison de leur nature et de leur source.

[17]           Le 7 décembre 2015, monsieur Daniel Duchesne, directeur exécutif de Performance et expérience client de la Caisse Desjardins du centre-ville de Québec [Caisse], confirme par écrit aux procureurs de monsieur St-Laurent que ce dernier n’a jamais été titulaire ou signataire de comptes de banque qui lui ont été attribués dans les tableaux joints au rapport du caporal Harrisson. Cette lettre est reçue dans le cadre d’un règlement hors cour dans un dossier opposant les demandeurs à la Caisse en Cour supérieure et portant le numéro 200-05-020095-159. Le 9 février 2016, monsieur Duchesne modifie sa lettre du mois de décembre 2015 pour y apporter une correction.

[18]           Le 10 novembre 2016, les demandeurs déposent au greffe de cette Cour une demande de contrôle judiciaire (T-1918-16) visant à obtenir une injonction interlocutoire et une ordonnance de la nature d’un mandamus afin d’ordonner au CANAFE de procéder à la rectification des renseignements inexacts et préjudiciables contenus aux fiches de renseignements et d’en aviser la GRC ainsi que le tribunal espagnol. Les demandeurs déposent une requête urgente au même effet six (6) jours plus tard.

[19]           Le 30 novembre 2016, le juge Luc Martineau rejette la requête des demandeurs. Il considère notamment que : (1) il n’appartient pas au CANAFE, mais plutôt aux entités déclarantes de modifier des déclarations antérieures si elles contiennent des erreurs; (2) les fiches de renseignements sont conformes aux déclarations reçues par le CANAFE, celles-ci n’ayant pas été modifiées par les entités déclarantes; (3) la lettre de monsieur Duchesne datée du 7 décembre 2015 ne constitue pas une modification aux déclarations antérieures de la Caisse faites en vertu de la Loi, le PGC et le CANAFE n’étant pas parties aux procédures intentées par les demandeurs en Cour supérieure du Québec contre la Caisse, ni au règlement intervenu entre les parties; (4) la requête en injonction interlocutoire équivaut à un règlement final de la demande de mandamus et, en l’absence d’une obligation légale de caractère public envers les demandeurs de modifier les fiches de renseignements, le recours est voué à l’échec donc il y a absence de question sérieuse; (5) il est loisible à monsieur St-Laurent de démontrer au tribunal espagnol l’inexactitude et/ou l’absence de fiabilité des fiches de renseignements et du rapport du caporal Harrisson et le fait de tenir un débat devant le tribunal espagnol à cet égard ne constitue pas un préjudice irréparable; et (6) la balance des inconvénients favorise le statu quo puisque les demandeurs sont au courant de la décision du CANAFE de communiquer les fiches de renseignements depuis 2012 et il serait contraire à l’esprit de la Loi et à l’intérêt public d’ordonner la correction sans l’intervention des entités déclarantes. Les demandeurs ne portent pas cette décision en appel et ils déposent un avis de désistement au dossier de la Cour le 2 juin 2017.

Procédures actuelles

[20]           Le 4 mai 2017, les demandeurs mettent le ministère de la Justice du Canada ainsi que la GRC en demeure de corriger les informations erronées communiquées aux autorités judiciaires espagnoles contenues dans la lettre de Me Beauchamp datée du 2 novembre 2009, la lettre de Me Palladino datée du 31 mars 2010 ainsi que dans le rapport du caporal Harrisson, les tableaux et les fiches de renseignements qui y étaient joints. Les demandeurs insistent notamment sur les ententes de règlement hors cour conclues avec l’Agence de revenu du Canada par lesquelles elle émettait de nouveaux avis de cotisations pour les années d’imposition 2004, 2005 et 2006 réduisant les sommes dues par les demandeurs. Les demandeurs allèguent que l’émission de nouveaux avis de cotisations à la suite des règlements hors cour confirme l’absence de fondement aux allégations que les demandeurs se soient livrés à des détournements d’argent illicites et aient bénéficié de ceux-ci.

[21]           Le 31 mai 2017, le ministère de la Justice du Canada rappelle aux demandeurs qu’ils ont connaissance de la lettre de Me Beauchamp depuis au moins le mois de juillet 2010 et des informations transmises par la lettre de Me Palladino depuis au moins le mois de juin 2012. Le ministère de la Justice du Canada informe également les demandeurs que monsieur St-Laurent pourra déposer lui-même en preuve les documents qu’il considère pertinents pour les fins des procédures en Espagne.

[22]           Le 27 juin 2017, les demandeurs déposent la présente demande de contrôle judiciaire et le lendemain, une requête visant l’obtention d’une injonction interlocutoire, d’une ordonnance de la nature d’un mandamus et d’un certiorari.

[23]           Dans leur avis de demande, les demandeurs sollicitent une ordonnance contraignant le ministère de la Justice du Canada et la GRC à modifier les informations inexactes concernant monsieur St-Laurent et les deux (2) sociétés demanderesses contenues dans les six (6) documents suivants :

a)                  La lettre de Me Beauchamp datée du 2 novembre 2009;

b)                  La lettre de Me Palladino datée du 31 mars 2010;

c)                  Le rapport d’enquête non daté du caporal Harrisson de la GRC;

d)                 Les tableaux confectionnés par le caporal Harrisson de la GRC;

e)                  Les tableaux préparés par monsieur Fortin de l’Agence du revenu du Canada;

f)                   Les fiches de renseignements émanant du CANAFE.

[24]           Les demandeurs demandent à la Cour de contraindre le ministère de la Justice du Canada à transmettre dans les plus brefs délais la rectification de telles informations inexactes au tribunal espagnol ainsi qu’au ministère de la Justice de l’Espagne.

[25]           Enfin, les demandeurs recherchent également une ordonnance déclarant illégales :

a)                  La transmission des fiches de renseignements dressées par le CANAFE au caporal Harrisson;

b)                  La communication du rapport du caporal Harrisson et de ses annexes au ministère de la Justice du Canada;

c)                  La transmission des lettres de Me Beauchamp et Me Palladino au tribunal espagnol ainsi qu’au ministère de la Justice de l’Espagne; et,

d)                 La transmission du rapport d’enquête du caporal Harrisson, des annexes à celui-ci, des tableaux dressés par monsieur Fortin et des fiches de renseignements de CANAFE au ministère de la Justice de l’Espagne et au tribunal espagnol.

[26]           Le 7 juillet 2017, le juge Yvan Roy ordonne que la demande de contrôle judiciaire soit entendue le 27 juillet 2017 vu que le procès de monsieur St-Laurent doit débuter en septembre 2017.

III.             Analyse

A.                Questions préliminaires

[27]           Les demandeurs ont présenté en début d’audience une demande visant à obtenir la permission de produire, au plus tard le 15 août 2017, une contre-expertise en réponse à celle présentée par le PGC dans son dossier de réponse. Celle-ci porte notamment sur la possibilité pour monsieur St-Laurent de contester l’exactitude, la valeur probante ou la fiabilité des documents canadiens devant le tribunal espagnol dans le cadre de son procès en Espagne. Le PGC s’est opposé à la demande au motif que les demandeurs sont au courant depuis le 30 novembre 2016 que la preuve du droit espagnol doit être faite par un expert compétent, le juge Martineau en ayant fait état dans sa décision.

[28]           La Cour a informé le procureur des demandeurs de ses préoccupations quant à l’impact d’une telle demande sur le déroulement des procédures. La production d’une telle contre-expertise nécessiterait des observations additionnelles de la part des parties et aurait pour effet de scinder l’audience de la demande de contrôle judiciaire en deux (2) séances. De plus, le PGC chercherait possiblement à contre-interroger l’affiant sur l’expertise, occasionnant ainsi un retard additionnel dans la détermination de la demande de contrôle judiciaire. La Cour a rappelé aux demandeurs qu’ils ont le fardeau de prouver leurs allégations et qu’en effet, ils sont au courant depuis novembre 2016 que le droit espagnol devait être prouvé. La Cour a néanmoins offert aux demandeurs de s’entendre avec le PGC pour remettre l’audience à une date ultérieure. En l’absence d’une demande de remise par les demandeurs et pour les motifs qui leurs ont été soulignés, la Cour a refusé la demande présentée par les demandeurs. La Cour considère d’ailleurs que l’ordonnance du juge Roy, rendue le 7 juillet 2017, prévoyait que le dossier complet soit déposé à la Cour au plus tard le 21 juillet 2017. Lorsque les demandeurs ont reçu l’expertise produite par le PGC le 14 juillet 2017 conformément à l’échéancier, ils auraient pu présenter une requête pour directives afin de modifier l’échéancier et solliciter l’autorisation de produire une contre-expertise. Toutefois, ils ne se sont pas prévalus de cette procédure.

[29]           Les demandeurs cherchent également à introduire une déclaration de Me Michelyne Chénard St-Laurent, conjointe du procureur de monsieur St-Laurent, assermentée le matin de l’audience. Dans sa déclaration, elle fait état du bilan de santé de son conjoint et du sien depuis 2012 dans le but de justifier le délai à introduire la présente instance. Le PGC s’oppose à la production de la déclaration assermentée au motif qu’elle est tardive. En réponse, les demandeurs expliquent que la production tardive de la déclaration est attribuable à un simple oubli de la part du procureur.

[30]           La Cour a examiné la déclaration assermentée et estime qu’il serait contraire aux intérêts de la justice et à ceux du PGC, qui a été pris par surprise, de permettre aux demandeurs de déposer la déclaration assermentée à ce stade des procédures sans explication satisfaisante. Pour ces motifs, la Cour conclut que la déclaration assermentée le 27 juillet 2017 est irrecevable.

B.                 Demande d’une ordonnance de mandamus

[31]           Les conditions qui doivent être respectées pour qu’une ordonnance de mandamus puisse être accordée ont été énoncées par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Apotex Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 CF 742 (CAF) (QL) au paragraphe 45, confirmé par [1994] 3 RCS 1100 (QL) [Apotex]. Ces conditions doivent toutes être réunies pour que la Cour puisse accorder ce remède extraordinaire (Coderre c Canada (Commissariat à l’information), 2015 CF 776 au para 27; Rocky Mountain Ecosystem Coalition c Canada (Office national de l’énergie), (1999) ACF no 1223 (QL) au para 30). Notamment, il doit exister une obligation légale d’agir à caractère public à l’égard du demandeur et celui-ci doit avoir un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation. De plus, le demandeur ne doit avoir aucun autre recours et l’ordonnance sollicitée doit avoir une incidence sur le plan pratique.

[32]           La Cour estime que ces conditions ne sont pas remplies.

[33]           Dans un premier temps, les demandeurs n’ont pas établi l’existence d’une obligation légale à leur égard, n’ayant pas identifié la source de l’obligation du ministère de la Justice du Canada et de la GRC à corriger les informations qu’ils prétendent inexactes et à les transmettre aux autorités espagnoles.

[34]           Bien que dans leur avis de demande de contrôle judiciaire les demandeurs invoquent les articles 1, 7, 8  et 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [Charte], l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne, LRQ c C-12, les articles 35 et 36 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, 1985 LRC c C-50, ainsi que les articles 37 et suivants du Code civil du Québec ainsi que le paragraphe 373(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, les représentations des demandeurs se limitent à affirmer au paragraphe 12 de leur avis de requête qu’il « va de l’intérêt de la justice et de la protection des droits fondamentaux » de monsieur St-Laurent que les informations soient rectifiées et, aux paragraphes 54, 56 et 97 de leur mémoire de faits et de droit, que « les droits et libertés fondamentaux » de monsieur St-Laurent ont été brimés ou que « les droits des demandeurs en vertu de la [Charte] n’ont pas été respectés ».

[35]           Il ne suffit pas d’alléguer de façon générale la violation d’un droit constitutionnel pour établir l’existence d’une obligation légale. N’ayant pas démontré le fondement légal de l’obligation réclamée, les demandeurs ne rencontrent pas la première condition mentionnée dans la décision Apotex.

[36]           Par ailleurs, même si les demandeurs avaient établi l’existence d’une obligation d’agir à caractère public de la part du ministère de la Justice du Canada et de la GRC, la Cour est d’avis que les demandeurs n’ont pas établi qu’ils ont un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation.

[37]           Tel que mentionné d’entrée de jeu, la preuve présentée par les demandeurs est lacunaire et ne permet pas à la Cour de conclure que les demandeurs ont un droit clair à la rectification des informations qu’ils prétendent erronées.

[38]           À titre d’exemple, les demandeurs soutiennent que la lettre de Me Palladino indique erronément que monsieur St-Laurent est administrateur de deux (2) sociétés nommées. Bien que la lettre de Me Palladino ne mentionne pas à quelle date monsieur St-Laurent aurait été inscrit comme administrateur des sociétés, les demandeurs n’ont produit que la déclaration initiale de chacune des deux (2) sociétés datant de 2003 (Pièce P-16) et de 2005 (Pièce P-15) déposées au Registraire des entreprises du Québec pour démontrer que monsieur St-Laurent n’a jamais été dirigeant desdites sociétés. À défaut d’avoir les déclarations qui ont suivi les déclarations initiales, la Cour ne peut tirer des conclusions quant à l’historique des administrateurs ou des actionnaires des deux (2) sociétés.

[39]           Me Palladino indique également dans sa lettre qu’elle y joint plusieurs documents provenant de l’enquête de la GRC, sans les préciser. Ne pouvant affirmer avec certitude quels documents étaient joints à la lettre du 31 mars 2010, la Cour ne peut raisonnablement conclure que les informations transmises au ministère de la Justice de l’Espagne sont inexactes.

[40]           Les demandeurs prétendent que les annexes à la lettre de Me Palladino étaient constituées du rapport d’enquête du caporal Harrisson, de tableaux « relevés de transactions » confectionnés par ce dernier, des fiches de renseignements émanant du CANAFE et de tableaux préparés par monsieur Fortin de l’Agence du revenu du Canada (Mémoire des demandeurs au para 29). Toutefois, les tableaux préparés par monsieur Fortin ne sont pas au dossier de la Cour. La Cour ne peut donc conclure que ces tableaux contiennent de l’information inexacte ou erronée. Quant aux autres documents qui auraient été joints à la lettre de Me Palladino, quelques commentaires s’imposent.

[41]           Concernant le rapport du caporal Harrisson, la Cour note qu’il y est mentionné que « [l]a fiche de renseignements, les organigrammes et les documents d’incorporation des compagnies sont joints afin de mieux comprendre les relations entre les diverses compagnies ». Or, ni les organigrammes ni les documents d’incorporation n’ont été produits au dossier de la Cour. Sans les pièces jointes au rapport, la Cour ne peut savoir quelles sociétés sont visées, les liens entre elles, le rôle et l’implication de monsieur St-Laurent et des sociétés demanderesses. La Cour note par ailleurs que les deux (2) sociétés identifiées dans la lettre de Me Palladino ne sont pas mentionnées dans le rapport du caporal Harrisson.

[42]           Le rapport du caporal Harrisson réfère également aux informations reçues du CANAFE. L’auteur rapporte que « le CANAFE a enregistré les transactions relatives aux comptes ouverts par [monsieur St-Laurent] et ceux-ci sont en format EXCEL. Ceux se rapportant à des transferts de ou vers l’Espagne sont : 9a, 12, 14a, 16, 17a, et 17c ». Les demandeurs n’ont pas été en mesure de faire le lien entre ces numéros et les tableaux produits au dossier de la Cour.

[43]           Les demandeurs soutiennent que le rapport du caporal Harrisson indique erronément que monsieur St-Laurent a créé un site internet faisant référence à l’utilisation de paradis fiscaux. Ils prétendent que monsieur St-Laurent ne peut l’avoir créé puisqu’il n’était ni administrateur ni actionnaire de la société propriétaire du domaine internet. Toutefois, aucune preuve n’a été présentée pour démontrer qu’il faille être dirigeant, actionnaire ou administrateur d’une société afin de créer un site internet pour cette société. Au soutien de leurs prétentions, les demandeurs produisent un document (Pièce P-27) tiré du site internet « whois.cira.ca » et qui indique que le site internet en question aurait été créé en 2002 par une autre société qui n’a pas de lien avec monsieur St-Laurent. La Cour ne peut toutefois y accorder de poids considérant que l’origine et l’intégralité du document n’ont pas été établies.

[44]           Les demandeurs reprochent également au caporal Harrisson d’insinuer dans son rapport que monsieur St-Laurent donne une adresse en Suisse alors qu’il demeurait au Québec. La Cour ne lit pas la même intention au rapport. La Cour note d’ailleurs que le caporal Harrisson indique dans son rapport : « N.B. Nous n’avons pas identifié de crime au Canada ».

[45]           Quant aux tableaux qui ont été produits par les demandeurs comme Pièce P-8, les parties ne s’entendent pas sur leur provenance. Les demandeurs prétendent que les tableaux ont été préparés par le caporal Harrisson à même les fiches de renseignements du CANAFE (Pièce P-9) alors que le PGC soutient que ces tableaux émanent du CANAFE.

[46]           Le PGC soutient que la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’applique en l’instance puisque la question de l’exactitude du rapport du caporal Harrisson, des tableaux et des fiches de renseignements du CANAFE a déjà été tranchée par le juge Martineau en 2016. Ce dernier a statué que les fiches de renseignements étaient conformes aux déclarations reçues par le CANAFE, que ces déclarations n’avaient pas été modifiées par les entités déclarantes et que la lettre de monsieur Duchesne ne constituait pas une modification aux déclarations antérieures de la Caisse faites en vertu de la Loi. Selon le PGC, rien ne justifie que les demandeurs puissent réitérer les mêmes arguments en dirigeant leur demande contre le ministère de la Justice du Canada et la GRC plutôt que contre le CANAFE.

[47]           Comme elle est d’avis que les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils rencontrent les critères pour l’émission d’un mandamus, la Cour ne juge pas nécessaire de se prononcer sur l’application des principes énoncés dans l’affaire Danyluk c Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44.

[48]           Un autre exemple du caractère lacunaire de la preuve au dossier concerne la lettre de Me Beauchamp au magistrat espagnol datée du 2 novembre 2009. Les demandeurs allèguent dans leur mémoire que les requêtes accordées par le juge Shore le 4 février 2008 s’appuyaient sur une déclaration solennelle de monsieur Fortin, datée du 29 janvier 2008 (Mémoire des demandeurs au para 5). Cette déclaration n’est toutefois pas au dossier et la Cour ne peut donc apprécier la teneur de la preuve qui a mené aux ordonnances du juge Shore ni déterminer si cette preuve appuyait l’information contenue dans la lettre, y incluant l’affirmation que l’une des sociétés défenderesses dans les dossiers fiscaux aurait reçu la somme de 68 millions de dollars de sources douteuses sur une période de trois (3) ans et demi.

[49]           Les demandeurs reprochent notamment à Me Beauchamp de laisser sous-entendre que monsieur St-Laurent « aurait participé, par l’intermédiaire de cette société, à des activités de blanchiment d’argent totalisant 68 millions de dollars » (Mémoire des demandeurs au para 14). La Cour ne peut souscrire à cet argument. La lettre indique clairement que la vérification fiscale entamée par l’Agence du revenu du Canada visait neuf (9) personnes et sociétés, dont la société en question. L’on peut également y lire qu’au moins six (6) des neuf (9) personnes et sociétés mentionnées ont fait l’objet des ordonnances du 4 février 2008.

[50]           La Cour note également que Me Beauchamp indique dans sa lettre vouloir clarifier certaines informations découlant d’un des motifs soulevés par les défendeurs dans le cadre de leur contestation des ordonnances du 4 février 2008. S’appuyant sur deux (2) jugements rendus par le magistrat espagnol le 22 octobre 2008 et le 26 janvier 2009, les défendeurs dans les dossiers fiscaux alléguaient que les informations reçues par l’Agencia Tributaria devraient être rejetées par la Cour fédérale puisqu’aucune accusation n’avait été portée contre une des sociétés ou ses dirigeants dans le cadre du dossier criminel en Espagne. Dans ce contexte, Me Beauchamp écrit au magistrat espagnol pour obtenir des renseignements concernant une demande d’intervention au dossier espagnol d’une autre société visée par la vérification fiscale. Ces jugements, qui permettraient possiblement de mieux comprendre le contexte du dossier espagnol, ne sont pas au dossier de la Cour.

[51]           À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils remplissent la troisième condition pour l’émission d’une ordonnance de mandamus, soit l’existence d’un droit clair à l’exécution de l’obligation réclamée. Même si cela suffit pour rejeter la demande d’ordonnance de mandamus présentée par les demandeurs, la Cour entend également dire quelques mots sur deux (2) autres conditions que doivent satisfaire les demandeurs pour l’émission d’une telle ordonnance, soit l’absence d’aucun autre recours et l’incidence sur le plan pratique de l’ordonnance sollicitée.

[52]           Les demandeurs soutiennent que les faits erronés contenus aux lettres de Me Beauchamp et de Me Palladino, ainsi que dans les documents qui ont été transmis aux autorités espagnoles font preuve de leur véracité et de leur contenu dans le système juridique espagnol. Pour appuyer leur argument, ils réfèrent la Cour à une déclaration à cet effet de l’avocat qui représente monsieur St-Laurent devant le tribunal espagnol et assermentée le 23 mai 2017. Ils affirment également que sans l’intervention de la Cour, monsieur St-Laurent « risque très sérieusement d’être condamné par un tribunal espagnol sur la seule base d’informations fausses émanant du Ministère (sic) de la Justice du Canada, de la Gendarmerie royale du Canada, de monsieur Fortin et du [CANAFE] » (Mémoire des demandeurs au para 80).

[53]           Le PGC soutient au contraire que les demandeurs disposent d’un autre recours qui est plus approprié que le recours en mandamus. Les demandeurs pourront contester l’exactitude, la valeur probante ou la fiabilité des documents devant le tribunal espagnol dans le cadre du procès pour blanchiment d’argent. À cet effet, le PGC produit en guise d’expertise l’affidavit de monsieur Jacobo Rios Rodriguez pour démontrer que le droit pénal espagnol permet aux accusés de contredire la preuve déposée par la poursuite en déposant eux-mêmes une preuve contraire.

[54]           Selon monsieur Rodriguez, la procédure criminelle espagnole comprend trois (3) étapes : (1) l’enquête (instrucción), à la charge du Procureur, qui a pour objectif de réunir les indices de criminalité contre une personne et à laquelle participe un juge d’instruction; (2) la période intermédiaire pendant laquelle les parties préparent successivement leurs mémoires d’accusation et de défense dans lesquels elles proposent les preuves qu’elles entendent utiliser lors du procès et où le poursuivant fait une divulgation complète des moyens de preuve pertinents; et (3) la phase orale de jugement, avec un juge différent de celui de l’enquête, au cours de laquelle les preuves proposées antérieurement sont présentées devant le juge et les parties peuvent modifier ou maintenir les conclusions. Il affirme que le fait que des preuves émanent d’employés ou d’organismes d’un État étranger ne supprime pas le droit d’un accusé d’en contredire le contenu. Un accusé dispose d’un droit très large de présenter des preuves et de contredire celles de la poursuite, que ce soit des documents publics ou privés, pourvu que ces moyens de preuve soient présentés lors de la présentation du mémoire de défense dans la période intermédiaire. Si le juge n’accepte pas la preuve proposée dans le mémoire de défense, l’accusé a le droit de présenter un recours en cassation une fois la phase orale du jugement terminée. L’accusé peut également affirmer lors de la phase orale qu’un fait n’est pas prouvé et demander au juge d’utiliser sa faculté de demander des preuves d’office.

[55]           Quant à l’incidence de l’ordonnance sollicitée, le PGC soutient que les demandeurs n’ont pas démontré que l’ordonnance de mandamus aurait un impact sur les risques de condamnation de monsieur St-Laurent. Ils devaient prouver au minimum la théorie de cause de la poursuite espagnole et la preuve qu’elle a proposée contre monsieur St-Laurent ainsi qu’établir en quoi les erreurs alléguées dans les documents sont déterminantes pour l’issue du procès.

[56]           Même si les demandeurs allèguent que ce n’est que depuis le 20 octobre 2016 qu’ils ont la confirmation que le ministère de la Justice du Canada est l’auteur de la transmission des documents, la Cour note que le procureur espagnol des demandeurs a pris connaissance du rapport du caporal Harrisson et des documents qui y étaient joints en juin 2012 à l’étape de l’enquête du dossier espagnol. Bien que la Cour possède très peu d’informations concernant les procédures criminelles en Espagne, il est fort à croire que les demandeurs ont eu l’occasion depuis 2012 de présenter tous les moyens de preuve pour contredire la preuve dont disposait le poursuivant en Espagne. Advenant le cas où les demandeurs auraient raison concernant la possibilité de contredire le contenu d’une preuve qui émane d’une autorité étrangère, la Cour est d’avis, comme le juge Martineau en 2016, que les demandeurs avaient l’obligation de faire la preuve du droit espagnol par une autorité compétente. Outre le paragraphe 7 de la déclaration assermentée du procureur espagnol datée du 23 mai 2017 qui affirme que « [t]els documents, émanent d’organismes officiels du Canada, font preuve, dans le système juridique espagnol, de la véracité de leur contenu », la seule preuve du droit espagnol en l’instance est celle présentée par le PGC.

[57]           La Cour souscrit également à l’argument du PGC selon lequel il n’y a aucune preuve de l’incidence de l’ordonnance sollicitée sur le procès en Espagne. En effet, les demandeurs n’ont pas fait la preuve de la « théorie de la cause » des autorités espagnoles. La preuve des demandeurs se limite à une affirmation du procureur de monsieur St-Laurent en Espagne que les accusations contre monsieur St-Laurent se fondent sur les documents contestés en l’instance. De plus, la Cour note que les demandeurs n’ont pas produit l’acte d’accusation contre monsieur St-Laurent. Le seul document présentement devant la Cour a été produit par les demandeurs lors des procédures devant le juge Martineau en 2016 et a été produit au soutien des affidavits du PGC. Il s’agit d’un document en espagnol de quatre (4) pages qui semble être un extrait d’un acte d’accusation visant plusieurs personnes, dont monsieur St-Laurent. Aucune traduction n’accompagne ce document. Il aurait été opportun pour les demandeurs de produire une traduction du document afin de démontrer la nature des accusations portées contre monsieur St-Laurent.

[58]           Pour les motifs exposés ci-dessus, la Cour conclut que les demandeurs n’ont pas démontré que les conditions pour l’émission d’un mandamus sont remplies.

C.                 Demande d’ordonnance de la nature d’un jugement déclaratoire

[59]           Dans leur mémoire, les demandeurs sollicitent une ordonnance, au moyen d’un « certiorari », déclarant illégales: (1) la transmission faite par le CANAFE à la GRC; (2) la communication faite au caporal Harrisson par monsieur Fortin, des tableaux que ce dernier avait confectionnés pour des fins fiscales; (3) la communication par un agent de la GRC de son rapport et des annexes au ministère de la Justice du Canada; (4) la communication par le ministère de la Justice du Canada au ministère de la Justice d’un pays étranger et à un tribunal étranger d’informations inexactes émanant de la GRC et du ministère de la Justice du Canada même. Les demandeurs demandent également que la Cour réserve tous les recours, dont ceux en réparation pécuniaire.

[60]           Bien que les demandeurs qualifient leur recours de certiorari, la Cour considère que l’ordonnance qu’ils recherchent est plutôt de la nature d’un jugement déclaratoire. Peu importe comment on qualifie l’ordonnance recherchée, la Cour est d’avis qu’il n’y a pas lieu d’y faire droit puisque les demandeurs n’articulent pas le fondement légal de leurs prétentions concernant l’illégalité alléguée, sauf en ce qui concerne la transmission faite par le CANAFE à la GRC où ils font référence à l’article 55 de la Loi. Bien que les demandeurs citent plusieurs articles de lois et de la Charte dans leur avis de demande et qu’ils allèguent dans leur mémoire que les « droits des demandeurs en vertu de la [Charte] n’ont pas été respectés », il leur appartenait de formuler des arguments en faits et en droit avec jurisprudence à l’appui pour étayer leurs prétentions que la communication d’informations et la transmission de documents étaient illégales. En l’absence d’arguments clairs sur l’illégalité et les atteintes alléguées et sans la démonstration d’un lien causal entre les gestes posés par le ministère de la Justice du Canada et par la GRC et la violation des droits des demandeurs, la Cour ne peut se prononcer sur les déclarations recherchées par les demandeurs.

IV.             Conclusion

[61]           En terminant, la Cour comprend que les demandeurs tentent par tous les moyens d’éviter que monsieur St-Laurent soit condamné en Espagne sur la base d’informations inexactes ou erronées en provenance des autorités canadiennes. Malheureusement, le dossier présenté par les demandeurs ne permet pas à la Cour d’arriver aux conclusions qu’ils recherchent. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée avec dépens en faveur du Procureur général du Canada. Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant des dépens, le Procureur général du Canada devra signifier et déposer un mémoire de frais avec pièces justificatives à l’appui et des observations écrites ne dépassant pas trois (3) pages dans les dix (10) jours de la présente décision. Les demandeurs devront signifier et déposer leurs observations écrites dans les cinq (5) jours suivant la réception des observations du Procureur général du Canada.


JUGEMENT dans T-935-17

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens en faveur du Procureur général du Canada. Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant des dépens, le Procureur général du Canada devra signifier et déposer un mémoire de frais avec pièces justificatives à l’appui et des observations écrites ne dépassant pas trois (3) pages dans les dix (10) jours de la présente décision. Les demandeurs devront signifier et déposer leurs observations écrites dans les cinq (5) jours suivant la réception des observations du Procureur général du Canada.

« Sylvie E. Roussel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-935-17

INTITULÉ :

JEAN-FRANÇOIS ST-LAURENT, 9105-2829 QUÉBEC INC., 9105-2761 QUÉBEC INC. c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 juillet 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROUSSEL

DATE DES MOTIFS :

LE 18 AOÛT 2017

COMPARUTIONS :

Gilles St-Laurent

Pour les demandeurs

Lindy Rouillard-Labbé

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocats St-Laurent Chénard Inc.

Québec (Québec)

Pour les demandeurs

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

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