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Date : 20170818


Dossier : T-81-17

Référence : 2017 CF 778

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 août 2017

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

ELIZABETH BERNARD

demanderesse

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le défendeur a saisi la Cour d’une requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire au principal, pour le motif que des modifications législatives la rendent désormais théorique. Le défendeur soutient qu’il ne demeure aucune question litigieuse entre les parties et qu’une décision rendue par la Cour dans l’affaire ne servirait aucune fin utile.

[2]  La demanderesse conteste une décision du ministre, laquelle libère les organisations syndicales et les fiducies de syndicat de l’obligation de produire une déclaration de renseignements à compter de l’exercice débutant en 2017, en application de l’ancien article 149.01 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC, 1985, c 1 (5e suppl.). Le défaut de respecter les exigences de déclaration constituait, à ce moment-là, une infraction passible d’une sanction en application du paragraphe 239(2.31) de la Loi de l’impôt sur le revenu. L’article 149.01 et le paragraphe 239(2.31) de la Loi de l’impôt sur le revenu ont été abrogés le 18 juin 2017.

[3]  Le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire lui permettant de renoncer aux exigences de production applicables aux organisations syndicales et aux fiducies de syndicat en application de l’article 149.01 de la Loi de l’impôt sur le revenu, à compter de l’exercice débutant en 2017.

[4]  Le ministre confirme l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par l’autorité expresse l’autorisant à renoncer à l’obligation de production de tout formulaire ou de toute déclaration, en application du paragraphe 220(2.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[5]  Une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire ne peut être accueillie que si ladite demande est manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie (Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, au paragraphe 47).

[6]  Il faut répondre à deux exigences pour que la radiation d’un appel pour absence d’objet soit accordée (Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342, à la page 353 [Borowski]). Premièrement, la Cour doit trancher s’il y existe un litige actuel. Deuxièmement, la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour examiner la question litigieuse, en tenant compte des facteurs pertinents qui suivent :

a) la compétence de la Cour de trancher des litiges reposant sur le système accusatoire;

b) le souci d’économie des ressources judiciaires;

c) l’obligation de la Cour de prendre en considération sa fonction véritable dans l’élaboration du droit.

[7]  Je suis d’accord qu’il n’existe aucun litige actuel. Il n’existe aucune obligation de production que le ministre pourrait mettre en application pour les exercices concernés, tandis que les organisations syndicales ou les fiducies de syndicat ne peuvent se voir imposer une sanction si elles n’ont commis aucune infraction. Même si des déclarations de renseignements étaient produites, il est interdit à l’Agence du revenu du Canada de les afficher sur son site Web, maintenant que l’exemption aux interdictions du paragraphe 241(1), contenue à l’article 149.01, est abrogée. Par conséquent, l’annulation de la renonciation ne peut absolument pas servir une fin pratique.

[8]  La demanderesse affirme que les questions soulevées dans la demande concernent l’examen des paramètres du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre en application du paragraphe 220(2.1), lequel est rédigé ainsi :

(2.1) Le ministre peut renoncer à exiger qu’une personne produise un formulaire prescrit, un reçu ou autre document ou fournisse des renseignements prescrits, aux termes d’une disposition de la présente loi ou de son règlement d’application. La personne est néanmoins tenue de fournir le document ou les renseignements à la demande du ministre.

[9]  Elle fait valoir que l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour renoncer à l’exigence de conserver des registres comptables est une question qui transcende les dispositions abrogées. Je ne suis pas d’accord.

[10]  L’existence d’un litige ne suffit pas à la première étape de l’analyse du critère du caractère théorique. Le règlement du litige doit avoir un effet pratique, comme on l’a énoncé dans l’arrêt Borowski, à la page 353, de la manière suivante :

« Le principe général s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l’affaire. »

[11]  La demanderesse prétend également que, même s’il n’existe aucun litige actuel, la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire afin de permettre le contrôle judiciaire de la décision du ministre. Elle affirme d’abord qu’un litige existe toujours compte tenu de l’absence d’un fondement original pour invoquer les dispositions en question. Toutefois, la demande ne permettra pas de trancher un litige actuel ayant un effet sur les droits des parties ou toute question connexe, étant donné que les organisations syndicales et les fiducies de syndicat n’ont plus aucune obligation de produire des déclarations de renseignements et que l’on ne peut plus appliquer les dispositions.

[12]  En outre, le souci d’économie des ressources judiciaires soutient le refus d’exercer le pouvoir discrétionnaire pour trancher ces questions, tandis que le prononcé d’un jugement en l’absence d’un litige pourrait être jugé comme une intrusion dans le rôle du pouvoir législatif (Borowski, précité, aux pages 362 et 365).

[13]  Enfin, on note que la demanderesse n’allègue plus avoir un intérêt privé dans cette affaire. En conséquence, elle ne peut pas défendre sa demande et invoquer de nouveaux motifs à l’appui de son intérêt authentique, qu’elle n’avait pas allégués au départ dans sa demande, de sorte qu’elle n’a vraisemblablement pas la qualité pour agir dans l’intérêt public.

[14]  Pour tous les motifs exposés ci-dessus, la requête en radiation est accueillie avec dépens. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur un montant raisonnable relatif aux dépens, ils seront fixés en conformité de la colonne III du tableau du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles).

[15]  En outre, une ordonnance intérimaire est aussi accordée à la défenderesse afin de lui consentir une prorogation pour lui permettre de se conformer à toutes les autres étapes du litige, y compris aux articles 317 et 318 des Règles, jusqu’à ce que la présente requête ait été tranchée de manière définitive.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-81-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT : la demande de contrôle judiciaire est radiée, les dépens sont adjugés au défendeur et une ordonnance intérimaire en prorogation est accordée pour assurer le respect de toutes les autres étapes du présent litige, jusqu’à ce que la présente requête soit tranchée de manière définitive.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-81-17

INTITULÉ :

ELIZABETH BERNARD c LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) AUX TERMES DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

DATE DES MOTIFS :

LE 18 AOÛT 2017

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Elizabeth Bernard

POUR LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Charles Camirand

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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