Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20161006


Dossier : T-2338-14

Référence : 2016 CF 1116

Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2016

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

CAMSO INC.

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

et

SOUCY INTERNATIONAL INC.

KIMPEX INC.

défenderesses/

demanderesses reconventionnelles

et

BROUILLETTE ET ASSOCIÉS S.E.N.C.R.L.

Intimée potentielle à la requête pour suspension d’une procédure en réexamen

et

LE COMMISSAIRE AUX BREVETS

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Mis-en-cause potentiels à la requête pour suspension d’une procédure en réexamen

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La requérante, Camso Inc. (ci-après « Camso »), demande à cette Cour de suspendre une demande de réexamen d’un brevet dont elle est titulaire lancée par la firme d’avocats Brouillette et Associés. Cette demande de réexamen est relative à toutes les revendications du brevet canadien 2,822,562 (ci-après le brevet 562) dont Camso est propriétaire. Deux autres brevets, propriété de Camso, font partie du contexte de cette affaire.

[2]               Les brevets dont il est ici question sont tous relatifs à des chenilles utilisées sur des véhicules dits « tout terrain ». Le titre du brevet 562 est d’ailleurs révélateur : « Track Assembly for an All-Terrain Vehicle ». La demande de réexamen prétend que le brevet souffre d’anticipation ou d’évidence à la lumière du dossier d’antériorité au moment pertinent. Il semble que le débat tourne autour de la chenille ayant la propriété, selon la demande, d’être « the endless track is free of stiffening members or stiffening inserts at locations at which a drive projection registers with a traction projection » (demande de réexamen, page 2/90, para 1).

I.                   Contexte

[3]               La demande de réexamen des revendications du brevet 562 s’inscrit dans le cadre d’un litige sensiblement plus large. Camso est aussi la propriétaire du brevet 2,388,294 (ci-après le brevet 294). Dans la même famille de brevets on retrouve aussi le brevet 2,825,509 (ci-après le brevet 509) dont il ne sera pas question en l’espèce. Le brevet 294 a déjà fait l’objet d’une demande de réexamen : une demande en ce sens était faite le 26 février 2014. Le brevet 294 est antérieur aux deux autres et ceux-ci seront émis après que le processus de réexamen du brevet 294 aura été complété.

[4]               Les demandes de réexamen de brevets sont faites en vertu des articles 48.1 à 48.5 de la Loi sur les brevets, LRC (1985) [la Loi], ch. P-4. Des amendements à la Loi à la fin des années ’80 créaient un mécanisme en vertu duquel toute personne peut demander au commissaire aux brevets qu’on procède au réexamen de revendications d’un brevet sur dossier. La Loi indique qu’un dossier d’antériorité (en anglais « prior art ») sera constitué :

                     de brevets;

                     de demandes de brevets accessibles au public;

                     d’imprimés (« printed publication »).

La demande de réexamen traitera aussi de la pertinence du dossier d’antériorité en cherchant à démontrer la correspondance avec les revendications contestées sur réexamen.

[5]               Une fois la demande de réexamen faite, le rôle de qui l’a faite est complété. En effet, un conseil de réexamen est alors formé de trois personnes « qui se saisissent de la demande » (paragraphe 48.2(1) de la Loi). S’entame alors la première étape d’un processus en deux temps. À cette première étape, le conseil de réexamen étudie le dossier de demande et doit décider si le dossier « soulève un nouveau point de fond vis-à-vis de la brevetabilité des revendications » (paragraphe 48.2(2) de la Loi). Une conclusion positive entraînera un avis au titulaire du brevet qui aura alors trois mois pour produire sa réponse au sujet de la brevetabilité des revendications (paragraphe 48.2(5) de la Loi). Le titulaire pourra proposer des modifications à son propre brevet dans la mesure où les modifications n’élargissent pas la portée des revendications. Le conseil de réexamen aura une année à compter de la réponse du titulaire pour compléter son travail.

[6]               À l’issue de son examen, le conseil de réexamen décide du rejet ou de la confirmation des revendications attaquées. L’effet d’un rejet de revendications est que la revendication est nulle ab initio. C’est le paragraphe (3) de l’article 48.4 de la Loi qui dispose de l’effet d’un rejet :

Effet du constat

Effect of certificate

(3) Pour l’application de la présente loi, lorsqu’un constat :

(3) For the purposes of this Act, where a certificate issued in respect of a patent under subsection (1)

a) rejette une revendication du brevet sans en rejeter la totalité, celui-ci est réputé, à compter de la date de sa délivrance, délivré en la forme modifiée;

(a) cancels any claim but not all claims of the patent, the patent shall be deemed to have been issued, from the date of grant, in the corrected form;

b) rejette la totalité de ces revendications, le brevet est réputé n’avoir jamais été délivré;

(b) cancels all claims of the patent, the patent shall be deemed never to have been issued; or

c) modifie une telle revendication ou en inclut une nouvelle, l’une ou l’autre prend effet à compter de la date du constat jusqu’à l’expiration de la durée du brevet.

(c) amends any claim of the patent or incorporates a new claim in the patent, the amended claim or new claim shall be effective, from the date of the certificate, for the unexpired term of the patent.

[7]               Il n’y a que le titulaire du brevet qui peut en appeler de la décision du conseil de réexamen (article 48.5 de la Loi). Comme indiqué plus tôt, celui qui fait la demande de réexamen a un rôle limité et la décision initiale négative quant à la demande est elle-même sans appel (paragraphe 48.2(3) de la Loi). Lorsque la seconde étape est complétée, ce demandeur initial n’a pas davantage de rôle à jouer. Il n’en a pas non plus en appel devant la Cour fédérale si tant est que le titulaire du brevet voulait porter une décision qui le défavorise en appel. Dans Novozymes A/S c Canada (Commissaire aux brevets), 2007 CAF 129, 55 CPR (4th) 378, la Cour d’appel fédérale s’exprimait ainsi :

[7]        Le mécanisme de réexamen prévu par les articles 48.1 à 48.5 de la Loi prévoit deux étapes. Les deux étapes ne concernent pas les mêmes parties. La première étape comprend le dépôt d’une demande par le demandeur (article 48.1), la constitution d’un conseil de réexamen par le commissaire en réponse à la demande (paragraphe 48.2(1)) et la décision préliminaire du conseil de réexamen sur la question de savoir si la demande soulève un nouveau point de fond vis-à-vis de la brevetabilité (paragraphes 48.2(2) à (4)).

[8]        La deuxième étape vient après la décision du conseil au sujet de l’existence d’un nouveau point de fond vis-à-vis de la brevetabilité (paragraphe 48.2(4)). L’auteur de la demande de réexamen n’est pas partie à la deuxième étape du processus. Seul le conseil de réexamen et le titulaire du brevet participent à cette étape. Seul le titulaire du brevet est informé de cette décision (paragraphe 48.2(4)) et a le droit de présenter des observations (paragraphe 48.2(5)), de proposer des modifications au brevet (paragraphe 48.3(2)) et de recevoir une copie du constat (paragraphe 48.4(2)). Seul le titulaire du brevet bénéficie d’un droit d’appel (article 48.5).

[9]        Novozymes a déclenché, en qualité d’auteur de la demande, le processus de réexamen mais elle n’a pas participé à la deuxième étape du processus de réexamen et n’était pas autorisée à le faire.

[10]      Le juge Pinard n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle lorsqu’il a conclu que Novozymes n’avait pas la qualité d’intimée, étant donné qu’elle n’était pas « une partie dans la première instance » au sens de l’alinéa 338(1)a) des Règles.

[8]               Le seul appel sera celui de l’article 48.5 et il est lancé par le titulaire du brevet. La Loi prévoit un sursis statutaire d’une décision rendue par le conseil de réexamen qui ferait l’objet d’un appel jusqu’au jugement final (paragraphe 48.4(4)).

[9]               La demande de réexamen du brevet 294 n’a pas produit une réponse de la part de la propriétaire du brevet, Camso. C’est ainsi que le réexamen a été conclu plus tôt que ce à quoi on aurait pu s’attendre. Un grand nombre de revendications ont été annulées à la suite du réexamen. Pour ce qui est des revendications qui restaient, Camso a commencé son action en contrefaçon de son brevet contre les défenderesses dès le lendemain de la décision du conseil de réexamen, le 19 novembre 2014.

[10]           La déclaration originale a été amendée pour inclure des violations des brevets 509 et 562 qui ne seront émis qu’après la déclaration initiale qui ne traitait évidemment que du brevet 294. Le brevet 562 avait déjà été ajouté à la déclaration le 30 juin 2015. Une nouvelle déclaration incluant les violations au brevet 562 était présentée le 14 décembre 2015.

[11]           Le 23 décembre 2015, la firme Brouillette et Associés déposait une requête en réexamen du brevet 562 auprès du Commissaire aux brevets (toutes les revendications sont contestées). Il apparaît que la requête compte quelques 90 pages. L’avis prévu au paragraphe 48.1(3) au titulaire du brevet attaqué (sauf si le titulaire est aussi le demandeur du réexamen) était envoyé le 19 février 2016. Ce n’est que le 25 juillet 2016 que le conseil de réexamen a conclu que 143/147 revendications du brevet 562 passaient à la deuxième étape de l’examen parce qu’elles soulèvent un nouveau point de fond vis-à-vis de la brevetabilité des revendications. C’est donc dire que Camso aura jusqu’au 25 octobre 2016 pour répondre à la décision positive du conseil (article 48.3). À compter de la date de la réponse, qui ne saurait être plus tard que le 25 octobre 2016, un délai de pas plus que douze mois ne pourra s’écouler sans que le conseil ne décide de façon finale.

[12]           En même temps qu’avance en parallèle la demande de réexamen de 143 des 147 revendications du brevet 562, l’action en contrefaçon de Camso suit son cours. Une ordonnance de monsieur le protonotaire Morneau du 2 août 2016 nous apprend que d’ici au 29 septembre 2017 les étapes suivantes auront été conclues :

                     deuxième ronde des interrogatoires au préalable;

                     les parties auront répondu aux questions restées en suspens ou auront indiqué des refus;

                     les rapports d’experts auront été déposés.

Il va sans dire que ces étapes incluront toutes les revendications du brevet 562. Je note d’ailleurs que l’échéancier prévoit la date du 10 mars 2017 comme étant celle où le demandeur pourrait amender sa déclaration, étant invité à réduire le nombre de revendications alléguées comme étant l’objet de contrefaçon.

II.                Le remède recherché

[13]           La requête de Camso vise à obtenir que le réexamen des revendications du brevet 562 soit suspendu. On invoque l’article 50 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), ch F-7. Le texte du paragraphe 1, celui qui peut s’appliquer en l’espèce, se lit ainsi :

Suspension d’instance

Stay of proceedings authorized

50 (1) La Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale ont le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :

50 (1) The Federal Court of Appeal or the Federal Court may, in its discretion, stay proceedings in any cause or matter

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

(a) on the ground that the claim is being proceeded with in another court or jurisdiction; or

b) lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige.

(b) where for any other reason it is in the interest of justice that the proceedings be stayed.

[14]           Les parties sont d’accord que cette Cour a juridiction pour surseoir aux procédures devant une instance administrative en vertu de l’article 50. Les parties ne peuvent évidemment pas donner juridiction de consentement à une cour qui ne l’aurait par ailleurs pas. La position des parties reflète en fait la décision de notre collègue d’alors, le juge DeMontigny, qui avait conclu en ce sens dans Prenbec Equipment Inc v Timberblade Inc, 2010 FC 23, 2010 80 CPR (4th) 373 [Prenbec], face à une requête semblable à celle devant cette Cour.

[15]           Ayant noté que ni le texte français ni le texte anglais ne limite la portée de l’article, la Cour dans Prenbec constatait que la Cour d’appel fédérale avait référé à l’article 50 de la Loi sur les Cours fédérales pour asseoir sa suspension des travaux du Tribunal canadien de commerce extérieur dans Canada (Procureur général) c Canada (Tribunal du Commerce extérieur), 2006 CAF 395, donnant à l’alinéa 50(1)b) sa plus entière plénitude. La Cour dans Prenbec déclarait sans ambages avoir juridiction en vertu de l’article 50 pour imposer une suspension au réexamen mené par le conseil de réexamen lorsqu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire. Je ne vois aucune raison de décider autrement.

[16]           Camso prétend, et personne ne l’a contredite, que la demande de réexamen soulève essentiellement les mêmes arguments sur l’invalidité des revendications du brevet 562 soulevées dans la demande reconventionnelle de Soucy International Inc. et Kimpex Inc. (ci-après « Soucy ») dans l’action en contrefaçon. Dans l’un et l’autre cas, il est prétendu que le brevet 562 pêche par anticipation et évidence. La demande de réexamen inclut même des affidavits d’un ingénieur chez Soucy qui est aussi mis à contribution dans les procédures en contrefaçon.

[17]           Il importe à ce stade de rappeler la séquence des évènements :

(1)               Le brevet 294 est émis le 1er octobre 2013.

(2)               La demande de réexamen des revendications du brevet 294 vient le 26 février 2014. Elle ne sera pas contestée par Camso.

(3)               La déclaration au présent dossier prétendant à contrefaçon par les défenderesses vient le 19 novembre 2014, le lendemain de la décision du conseil de réexamen sur le brevet 294.

(4)               Le brevet 509, qui fait maintenant aussi l’objet de l’action en contrefaçon, est émis le 25 novembre 2014 alors que le brevet 562 ne sera émis que le 26 mai 2015. Ces brevets sont donc émis après que le brevet 294 ait vu un certain nombre de ses revendications être annulées par le conseil de réexamen.

(5)               La déclaration pour inclure des violations alléguées de ces deux brevets sera amendée à quelques reprises après juin 2015.

(6)               Ce ne sera qu’en décembre 2015 que Brouillette et Associés demandait le réexamen, bien après que l’action sur la base du brevet 562 n’ait été lancée. Ce n’était pas le cas pour le brevet 294 qui a fait l’objet d’une forme d’attaque peu après son émission, mais bien avant que Camso n’enclenche des procédures en contrefaçon.

[18]           On peut résumer les faits de la façon suivante. Après avoir obtenu le brevet 294, Camso n’a pas contesté le réexamen des revendications. Dès ce processus complété, il a intenté une action en contrefaçon sur la base des revendications non annulées à la suite du réexamen. Par la suite, deux autres brevets ont été émis au profit de Camso et l’action en contrefaçon a été amendée pour y ajouter ces nouvelles revendications. Ce n’est qu’une fois l’action intentée qu’une demande de réexamen relatif au brevet 562 a été lancée. Contrairement au réexamen du brevet 294, le réexamen du brevet 562 est contesté. Dans les deux cas, la demande de réexamen du brevet 294 et la demande de réexamen du brevet 562, c’est la firme Brouillette et Associés qui a fait les demandes. Ce sont par ailleurs les avocats de Soucy qui défendent la demande de suspension de la demande de réexamen devant cette Cour.

III.             La position des parties

[19]           Camso argue qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice que les procédures en réexamen continuent alors qu’une action en contrefaçon est déjà lancée et suit son cours. Camso s’en prend à la demande de réexamen faite par une firme d’avocats qui n’est pas celle qui agit pour Soucy dans l’action en contrefaçon. Camso semble prétendre en filigrane qu’il y a là quelque chose d’inapproprié. Pourtant, la Loi sur les brevets permet à quiconque de demander le réexamen. En fait, la Loi sur les brevets prévoit explicitement que le titulaire d’un brevet pourrait même en demander le réexamen puisque le paragraphe 3 de l’article 48.1 spécifie que la demande de réexamen est expédiée « au titulaire du brevet attaqué, sauf si celui-ci est également le demandeur. » Il n’a pas été démontré ce qui est inconvenant à ce que Soucy, ou un autre, mandate des avocats pour demander réexamen. Quoiqu’il en soit, les avocats du Soucy dans l’action en contrefaçon sont venus agir devant cette Cour au nom de Soucy, mais aussi au nom de la firme d’avocats qui a fait la demande en réexamen, pour contester la demande de suspension. À n’en pas douter, Soucy voit son intérêt à ce que la demande de suspension soit rejetée et que le processus de réexamen continue. Les intérêts de Soucy et de l’intimée convergent.

[20]           Camso argumente la très proche parenté entre la demande de réexamen et la demande reconventionnelle de Soucy : les deux, utilisant pour ainsi dire le même « prior art », prétendent que le brevet 562 pêche par anticipation et évidence. Il a été fait grand état d’affidavits, soumis par Brouillette et Associés, de celui qui sera le représentant corporatif de Soucy dans l’action en contrefaçon. Mais contrairement à ce qu’on semblait croire originellement, ces affidavits ne sont pas importants pour Camso dans son argument éventuel sur la demande de réexamen : il est admis que ces affidavits ne sont pas admissibles devant le conseil de réexamen puisque la Loi sur les brevets définit ce qui peut être utilisé sur réexamen (article 48.1).

[21]           Camso utilise plutôt les affidavits pour argumenter que les questions relatives à l’anticipation et l’évidence sont effectivement les mêmes et doivent être examinées avec contexte pour avoir le portrait complet. Les questions de crédibilité et de contexte doivent être devant le juge du procès (para 47, mémoire des faits et du droit). Il en est de même de la preuve d’expert qui est présentée sur les questions d’anticipation et d’évidence (para 49, mémoire des faits et du droit). Pour Camso, il faut favoriser le processus le plus complet. Elle en souffrirait un préjudice irréparable, la preuve étant amputée. Le préjudice souffert par Soucy et Brouillette et Associés serait bien moindre si la demande de suspension était accordée.

[22]           Brouillette et Associés, et possiblement Soucy, s’est plutôt attaché à arguer que le conseil de réexamen n’a pas indiqué prendre en compte les trois affidavits. L’analyse ne sera que sur dossier, et encore, sur le dossier décrit à l’article 48.1.

[23]           Considérant le réexamen du brevet 294 comme ayant été fructueux puisqu’il aura permis de diminuer sensiblement le nombre de revendications pouvant être débattues au procès, il y a ainsi une économie potentielle de ressources judiciaires si le conseil de réexamen réduit le nombre de revendications du brevet 562. De plus, le législateur a prévu un recours plus expéditif et moins coûteux pour examiner les questions d’anticipation et d’évidence et Camso cherche à en priver ces demanderesses reconventionnelles. Je note que l’argument, tel que présenté, accepte que Brouillette et Associés et Soucy ont des intérêts identiques. Aucun effort n’a été fait pour suggérer que les deux agissent indépendamment l’un de l’autre.

[24]           Enfin, Brouillette et Associés s’est employé à distinguer la situation dans Prenbec de celle sous étude. On prétend que Prenbec se limite aux faits particuliers de cette affaire où la crédibilité était pertinente quant à la seule « pièce d’art » qui était en jeu. Le préjudice auquel avait conclu la Cour dans Prenbec était fonction de la crédibilité, et il était donc approprié de favoriser le procès en suspendant la demande de réexamen. Ici, ce ne serait pas le cas puisque les trois affidavits ne sont pas admissibles devant le conseil de réexamen.

IV.             Analyse

[25]           À mon avis, l’intérêt de la justice favorise dans notre cas que la suspension du processus de réexamen du brevet 562 soit ordonnée.

[26]           En matière de suspensions, ordonnées par différentes cours, comme d’ailleurs pour les injonctions interlocutoires, le test consacré est à l’arrêt RJR-Macdonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [RJR-Macdonald]. Le test tripartite veut que ses trois éléments soient satisfaits : il faut qu’il y ait une question sérieuse, qu’un préjudice irréparable affecte le demandeur de suspension et que la balance des inconvénients favorise qui veut obtenir une suspension. Quant au premier élément du test, on ne cherche pas à faire un examen scrupuleux des mérites de l’affaire. Il suffit que l’affaire ne soit pas frivole ou vexatoire. Personne ne prétend ici à vexatoire ou frivole. L’examen portera sur les deux autres branches du test tripartite.

[27]           On aura vu dans Prenbec, après avoir noté le test de RJR-Macdonald une référence à Kent v Universal Studios Canada Inc, 2008 FC 906 [Kent] où monsieur le Protonotaire Aalto parlait d’un test en deux parties au paragraphe 15 :

(a)        that the continuation of the action will cause prejudice or injustice (not merely inconvenience or extra expenses) to the defendant [plaintiff]; and

(b)        that the stay will not work an injustice to the plaintiff [defendant].

En toute franchise, je ne vois pas de différence de fond entre cette formulation et les deux derniers éléments du test en trois parties de RJR-MacDonald. Y a-t-il préjudice irréparable (et non des inconvénients et dépenses) et où se situe la balance des inconvénients?

[28]           Brouillette et Associés plaide pour l’application de ce qui a été appelé les neuf critères dégagés par le juge Dubé dans White c EBF Manufacturing Ltd, 2001 CFPI 713 [White] :

[5]        L'alinéa 50(1)a) de la Loi prévoit que la Cour a le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal. La jurisprudence à ce sujet a établi plusieurs critères utiles pour décider de l'opportunité d'accorder une telle suspension (voir la décision Discreet Logic Inc. c. Canada (Registraire des droits d'auteur) 1993 CarswellNat 1930, 51 C.P.R. (3d) 191, confirmée par (1994), 55 C.P.R. (3d) 167 (C.A.F.); la décision Plibrico (Canada) Limited c. Combustion Engineering Canada Inc., 30 C.P.R. (3d) 312, à la page 315; la décision Ass'n of Parents Support Groups c. York, 14 C.P.R. (3d) 263; la décision Compulife Software Inc. c. Compuoffice Software Inc., 1997 CarswellNat 2482, 77 C.P.R. (3d) 451, 143 F.T.R. 19; la décision 94272 Canada Ltd. c. Moffatt, 31 C.P.R. (3d) 95 et l'arrêt General Foods c. Struthers, [1974] R.C.S. 98). Ces critères sont résumés et réunis de la manière suivante pour plus de commodité.

1. La poursuite de l'action causerait-elle un préjudice ou une injustice (non seulement des inconvénients et des frais additionnels) au défendeur?

2. La suspension créerait-elle une injustice envers le demandeur?

3. Il incombe à la partie qui demande la suspension d'établir que ces deux conditions sont réunies.

4. L'octroi ou le refus de la suspension relèvent de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge.

5. Le pouvoir d'accorder une suspension peut seulement être exercé avec modération et dans les cas les plus évidents.

6. Les faits allégués, les questions de droit soulevées et la réparation demandée sont-ils les mêmes dans les deux actions?

7. Quelles sont les possibilités que les deux tribunaux tirent des conclusions contradictoires?

8. À moins qu'il y ait un risque que deux tribunaux différents rendent prochainement une décision sur la même question, la Cour devrait répugner fortement à limiter le droit d'accès d'une partie en litige à un autre tribunal.

9. La priorité ne doit pas nécessairement être accordée à la première instance par rapport à la deuxième ou vice versa.

[29]           Ceci dit avec égard, je vois mal où la controverse pourrait apparaître. Les neuf critères n’en sont pas vraiment. Que l’exercice de pouvoir soit discrétionnaire (élément 4) et qu’il doive être exercé avec modération (élément 5) ne sont pas des critères permettant de décider dans un sens ou l’autre. Il en est de même de ne pas donner priorité au premier arrivé ou au recours le plus récent (élément 9). Quant à l’élément 3, il ne fait que requérir que les deux premiers, qui ressemblent aux critères de Kent, qui eux-mêmes ne sont pas dissemblables aux deux derniers éléments de RJR-MacDonald, soient considérés ensemble, comme dans Kent et RJR-MacDonald. Les éléments 6, 7 et 8 me semblent se retrouver dans l’analyse proposée par le juge DeMontigny dans Prenbec. Au paragraphe 27 de sa décision, il dit que dans l’exercice de la discrétion où le juge cherche à peser les avantages et les inconvénients d’accorder la suspension devrait être pris en compte (1) la possibilité de jugements contradictoires, (2) la similarité des questions juridiques qui se posent, (3) le fait que les procédures dans l’un des recours soient plus larges que dans l’autre (« one proceeding is broader than the other ») et (4) l’existence d’une prescription. Je suis conscient que l’élément 8 ne se trouve pas expressément dans le schéma d’analyse de Prenbec. Cela ne me semble aucunement troublant parce que, en fait, le vrai risque consiste en l’obtention de jugements contradictoires, ce qui a été traité expressément dans Prenbec : si les deux instances en viennent à la même conclusion, on verrait mal en quoi cela pourrait être un facteur pour refuser une suspension. Je n’accorderais que peu de poids à cet élément.

[30]           Ainsi, il ne saurait y avoir controverse au sujet du test à appliquer en notre espèce : ceux répertoriées convergent. Je note d’ailleurs ce passage tiré de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Tractor Supply Co of Texas, LP c TSC Stores LP, 2011 CAF 46, 90 CPR (4th) 223 qui est loin de désavouer le test de RJR-MacDonald :

[2]        La juge des requêtes a rejeté la demande de sursis pour divers motifs. Après une longue analyse, elle a conclu que les appelantes ne l’avaient pas convaincue qu’il était dans l’intérêt de la justice de suspendre les procédures devant la Commission (article 50 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R. 1985, ch. F7). Pour tirer cette conclusion, elle s’est fondée sur le test énoncé dans White c. E.B.F. Manufacturing Ltd., [2001] A.C.F. no 1073 au para. 5. Elle a par ailleurs précisé qu’elle serait arrivée à la même conclusion en se fondant sur le critère énoncé dans RJR-MacDonald c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.

En Cour fédérale, la juge MacTavish avait préféré les neuf facteurs de White au test tripartite de RJR-MacDonald (2010 FC 883), mais aurait conclu à l’absence de préjudice irréparable si elle avait appliqué directement RJR-MacDonald (paras 47-48).

[31]           Qu’en est-il de notre affaire? Il m’apparaît clair que les questions juridiques dans la demande de réexamen sont les mêmes que les attaques contre la validité du brevet 562 au titre de l’anticipation et de l’évidence. Les allégations sont tellement semblables que Soucy utiliserait le même témoin, un de ses employés, que celui qui a produit les affidavits au soutien de la demande de réexamen. La question n’est pas de prétendre que ces affidavits ne seront pas admissibles devant le conseil de réexamen, mais plutôt de constater que ce genre de preuve est pertinente à l’examen de l’évidence et de l’anticipation qui aura lieu dans le cadre de l’action en contrefaçon et constitue la preuve plus complète pour démontrer anticipation et évidence. Cela démontre aussi la convergence des intérêts de Brouillette et Associés et Soucy.

[32]           L’argument de Brouillette et Associés aurait eu plus de poids s’il avait concédé qu’au procès on n’avait aucune intention de présenter des témoins idoines ou experts pour établir anticipation et évidence. Qu’on ferait fi de « claims charts » présentés par des experts. Au contraire, ces témoignages sont déjà prévus. Pourtant, on voudrait que cette même question soit décidée par un conseil de réexamen sans l’assistance du contexte, d’une preuve factuelle pertinente, et de l’apport d’experts. Malgré cela, Brouillette et Associés voudrait que la décision du conseil soit décisive, si elle le favorise.

[33]           À mon sens, le recours déjà devant la Cour fédérale par voie d’action est un recours plus large, qui permet de recevoir une preuve plus considérable qui devrait favoriser les intérêts de la justice. D’ailleurs on comprend mal pourquoi on devrait se priver de la meilleure preuve, celle améliorée de témoignages d’experts dans des domaines où, par définition, l’expérience du commun des mortels ne suffit pas. On ne parle pas alors de seulement l’expertise de lire des brevets, mais plutôt de l’expertise technique qui vient de qui a passé une partie de sa vie professionnelle à examiner ce genre de questions. Le brevet n’est pas l’invention. L’invention est la réalisation, le procédé, la machine, la fabrication ou la composition de matière et leur perfectionnement (définition d’« invention », article 2, Loi des brevets). Pas surprenant que l’examen se fasse à travers les yeux et connaissances de la « personne du métier » ou la « personne de l’art » (« person skilled in the art »).

[34]           Brouillette et Associé a plaidé que l’intérêt de la justice favorise l’économie des ressources judiciaires. Personne ne s’oppose à la vertu. Mais pour faire cette démonstration, encore faut-il que la mesure de justice ne soit pas diminuée et que les économies soient réelles. Ici, on prend appui sur le réexamen du brevet 294 pour argumenter que le réexamen sauve temps et ressources. Or, la comparaison est boiteuse puisque ce réexamen n’a pas fait l’objet de contestation de la part du titulaire, contrairement au réexamen du brevet 562. Après que le réexamen du brevet 294 ait été complété, malgré que près de 60% des revendications de 294 aient été annulées, un nouveau brevet était émis six mois plus tard. Brouillette et Associés prétend que le brevet 562 aura le même sort. Cela m’apparaît une prédiction possiblement ambitieuse qui reste à être démontrée. Les circonstances semblent particulièrement différentes. Mais qui plus est, ces économies, s’il en est, seront amputées à leur tour puisqu’il n’est pas douteux qu’un appel sera lancé en Cour fédérale d’un réexamen dont Camso serait insatisfaite.

[35]           On a alors deux recours parallèles devant la même cour, un en appel d’une décision en réexamen et l’autre sur la validité d’un brevet avec allégation dans les deux cas d’anticipation et d’évidence, mais avec des dossiers de preuve bien différents. Pour compliquer les choses, la décision sous appel se ferait probablement selon une norme de contrôle de raisonnabilité (Newco Tank Corp c Canada (Procureur général), 2014 CF 287, 118 CPR (4th) 424, en appel 2015 CAF 47), avec une preuve inférieure à celle offerte lors de l’action en contrefaçon qui est décidée selon la prépondérance des probabilités.

[36]           Brouillette et Associés a bien tenté de prétendre que se retrouvant les deux en Cour fédérale, il y aura la possibilité d’une forme de jonction. Je ne suis pas convaincu. Ici encore on voit la convergence des intérêts de l’intimé et des demanderesses. D’ailleurs, je vois mal quel serait l’avantage à utiliser deux montures si on arrive au même point. Le principal problème est manifestement la qualité de la preuve qui est si différente entre les deux recours. En plus, les deux recours sont différents de sorte que la même Cour fédérale pourrait devoir faire preuve de déférence dans un et être le décideur dans l’autre sur la base de la balance des probabilités. En fait, il y a un risque réel qu’une collision ait lieu. Pour reprendre les facteurs à considérer en pesant le pour et le contre d’une suspension, les questions juridiques sont les mêmes, un processus est plus large que l’autre et il apporte une preuve supérieure (experts et contexte), sans oublier une possibilité réelle que cela mène à des jugements contradictoires.

[37]           Le moyen d’éviter des jugements contradictoires serait peut-être de laisser les recours progresser pour que le premier à atteindre un résultat prévale. Outre que la course à la justice ne soit certes pas une politique adéquate, il faut bien constater que cette course se ferait sur des bases différentes. De plus, la Loi sur les brevets prévoit un sursis statutaire durant appel, si bien qu’il est incertain quand la première décision sera rendue. J’ajoute que le processus d’appel du réexamen est lui-même insatisfaisant parce qu’il y manque une partie. Cette difficulté a été éloquemment exposée par le juge Gibson dans Genencor International, Inc c Canada (Commissaire aux brevets), 2008 CF 608, [2009] 1 RCF 361. Après avoir constaté que la Cour d’appel fédérale avait disposé de la question de la participation de qui a fait la demande de réexamen, il écrivait :

[18]      […] À la lumière de ce qui précède, particulièrement de la décision du commissaire aux brevets de ne pas jouer un rôle actif dans l’appel, le procureur général du Canada a été ajouté en tant qu’intimé en vertu de l’alinéa 338(1)c) des Règles. Même s’il a choisi de ne pas intervenir sur le fond de la décision faisant l’objet de l’appel, il a toutefois [traduction] « défendu la position que tant la procédure prévue par la loi que les principes de justice naturelle ont été respectés dans la présente instance ». Le fait qu’un intimé n’ait pas présenté d’argumentation sur le fond de la décision frappée d’appel a causé quelques problèmes à la Cour, parce qu’elle n’a, en réalité, entendu qu’« un côté de la médaille » sur le fond. Je reviendrai sur ce point.

[38]           Lorsque l’on examine les préjudices respectifs, Brouillette et Associés n’a pas tort de parler du préjudice de ne pouvoir exercer un recours que la loi reconnaît. Cela constitue un préjudice. Mais il est transparu en cours d’audience que Soucy ne se croyait pas empêchée de plaider à nouveau au procès anticipation et évidence. Ce serait peut-être parce que la préclusion découlant d’une question tranchée ne s’appliquerait pas si Camso prévalait devant le conseil de réexamen. Ainsi, si Camso réussit devant le conseil de réexamen, elle doit recommencer au procès. Si des revendications sont annulées devant le conseil, Camso ne peut qu’en appeler.

[39]           La demande de réexamen de brevet ne semble pas faite à sa face même par Soucy, même si elle semblerait en profiter. Les avocats qui ont demandé le réexamen ne sont pas ceux qui agissent lors de l’action en contrefaçon. Par ailleurs, ce sont les avocats de Soucy dans l’action en contrefaçon qui agissent dans la présente requête en suspension. La différence entre les parties dans les deux recours (réexamen et contrefaçon), probablement plus factice que réelle, serait-elle satisfaisante pour éviter la préclusion (Danyluk c Ainsworth Technologies Inc, 2001 CSC 44, [2001] 2 RCS 460 [Danyluk])? Il ne serait pas approprié d’élaborer et de spéculer sur la préclusion d’instance puisque la question n’a pas été débattue dans notre affaire. Qu’il suffise de dire que Soucy verrait par la seule opération de la loi des revendications annulées (para 48.4(3)) mais continuerait à prétendre que les revendications épargnées pourraient être invalides. Il en est ainsi parce que le résultat d’un réexamen fructueux annule la revendication ab initio sur la seule base d’un dossier. Pris sous cet angle, le préjudice de Brouillette et Associés et Soucy est relativement mineur puisqu’elles auront la possibilité de débattre devant la Cour des questions qui les intéressent quant à la validité des revendications du brevet 562. Dit autrement, elles ne sont pas privées d’être entendues ou que la question soulevée fasse l’objet d’adjudication. Elle fera l’objet d’adjudication à la suite d’un processus plus complet auquel Soucy pourra participer pleinement.

[40]           Au contraire, le préjudice de Camso est irréparable. Elle risquerait de voir les revendications de son brevet être annulées sur la base d’un processus où la preuve offerte ne peut qu’être inférieure à celle du procès en contrefaçon déjà intenté au moment où la demande en réexamen a été faite. Camso a insisté à l’audience pour arguer que les choses pourraient être différentes si une action en contrefaçon était intentée après qu’une demande en réexamen avait été présentée, comme ce fut d’ailleurs le cas pour le brevet 294. L’avocat n’a pas élaboré sur la différence que cela pourrait faire. Ce qui est certain, c’est que des recours parallèles ou consécutifs doivent être évités. C’était le commentaire du juge Binnie, pour la Cour, dans Danyluk :

18        Le droit tend à juste titre à assurer le caractère définitif des instances. Pour favoriser la réalisation de cet objectif, le droit exige des parties qu’elles mettent tout en œuvre pour établir la véracité de leurs allégations dès la première occasion qui leur est donnée de le faire. Autrement dit, un plaideur n’a droit qu’à une seule tentative. L’appelante a décidé de se prévaloir du recours prévu par la LNE. Elle a perdu. Une fois tranché, un différend ne devrait généralement pas être soumis à nouveau aux tribunaux au bénéfice de la partie déboutée et au détriment de la partie qui a eu gain de cause. Une personne ne devrait être tracassée qu’une seule fois à l’égard d’une même cause d’action. Les instances faisant double emploi, les risques de résultats contradictoires, les frais excessifs et les procédures non décisives doivent être évités.

[41]           La balance des inconvénients me semble aussi favoriser Camso. Soucy ne subit aucune injustice. Elle pourra présenter sa panoplie d’experts et de témoins pour se défendre face à l’action en contrefaçon en prétendant que les revendications sont invalides pour anticipation et évidence ; mais il y aura alors eu un débat complet.

[42]           À mon avis, la décision du juge DeMontigny dans Prenbec est utile et pertinente à la résolution de la question devant la Cour. La Cour dans Prenbec concluait :

[48]      Moreover, as stated earlier, when determining whether to grant a stay, preference should be given to the proceedings which are more comprehensive of the two. In this regard, for reasons expressed above, re-examination proceedings are unequivocally less comprehensive as compared to an infringement/invalidity action before this Court.

Je suis du même avis. Les paragraphes 44 à 46 de Prenbec me semblent s’appliquer parfaitement à notre cas d’espèce en ce que les principes qui s’en dégagent me confortent dans mon analyse que le processus le plus complet, qui permette aux questions d’être traitées dans toute leur ampleur, est préféré. Je reproduis le paragraphe 44 de Prenbec parce que, avec les ajustements requis pour traiter pleinement des revendications au lieu de la question de crédibilité au cœur du litige dans Prenbec, le paragraphe s’appliquerait tout autant à notre cas.

[44]      By filing its Re-examination Request after the commencement of the present infringement action before this Court, the defendant is merely attempting to avoid dealing with the issue of credibility surrounding its alleged prior art. This Court can already entertain any and all the invalidity arguments made in support of the defendant’s Re-examination Request, which are already contained in its Statement of Defence and Counterclaim and, in particular, it can address the significant credibility issues, which only this Court is capable of hearing.

Il n’est pas inutile de rappeler que Brouillette et Associés a cru bon de produire dans sa demande de réexamen les affidavits de la personne qui agit comme représentant corporatif de Soucy dans l’action en contrefaçon. Le contexte est pertinent et la preuve d’experts est souvent essentielle.

[43]           À mon avis, que l’on utilise le test de RJR-MacDonald ou la grille d’analyse de White, le résultat est le même. Dans un cas, Camso subirait un préjudice irréparable et la balance des inconvénients la favorise nettement. Dans l’autre, en plus du préjudice à Camso comparé à l’inconvénient subi par Soucy, force est de constater que les mêmes questions se soulèvent dans l’action comme dans la demande de réexamen, qu’il y a une possibilité de jugements contradictoires sur des dossiers factuels de teneur différente et que des décisions seraient probablement rendues en parallèle. Il importe peu qu’un recours ait été lancé avant l’autre; la difficulté que pose la demande de réexamen, avec son dossier limité sur une question qui doit être débattue au mérite dans une action, me fait conclure que l’action lancée en Cour fédérale est le meilleur véhicule pour disposer de cette question complexe. L’économie de ressources judiciaires, et autres, est loin d’être acquise avec deux recours qui continuent d’avancer en parallèle alors même que ces deux recours ont la même finalité. Il me semble que la grille d’analyse de White mène à un seul résultat, qui est conforme au test tripartite de RJR-MacDonald.

[44]           Je ferais donc droit à la requête de faire suspendre la procédure en réexamen.

[45]           La requête contient une conclusion spécifique pour que soient ajoutés comme mis-en-cause à la requête le Commissaire aux brevets et le Procureur général du Canada. Camso cherche à les mettre en cause pour s’assurer qu’une ordonnance de cette Cour de suspendre le réexamen du brevet 562 leur soit opposable. Bien que dûment signifiés, ces mis-en-cause n’ont pas contesté la demande. Il est entendu que Brouillette et Associés est partie à la présente instance à titre d’intimée.

[46]           Camso demande des dépens de 3,000.00 $ à être attribués sur une base immédiate. Brouillette et Associés et Soucy feraient de même.


ORDONNANCE

En conséquence, LA COUR ORDONNE que

a)                  Brouillette et Associés, S.E.N.C.R.L. soit partie à la demande de suspension de la demande de réexamen du brevet 2,822,562;

b)                 Le Commissaire aux brevets et le Procureur général du Canada soient ajoutés à titre de mis-en-cause à cette demande de suspension de la demande de réexamen du brevet 2,822,562;

c)                  Le réexamen du brevet 2,822,562 devant le conseil de réexamen (ref. RX-94/15) soit suspendu jusqu’à jugement final relatif à l’action intentée en cette Cour sous le numéro de dossier T-2338-14;

d)                 Des dépens forfaitaires au montant total de 3,000.00 $, y inclus les déboursés et taxes, soient accordés en faveur de Camso Inc., à être payés sur une base immédiate.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2338-14

 

INTITULÉ :

CAMSO INC. c SOUCY INTERNATIONAL INC., KIMPEX INC. ET BROUILLETTE ET ASSOCIÉS S.E.N.C.R.L., LE COMMISSAIRE AUX BREVETS, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 septembre 2016

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 OCTOBRE 2016

 

COMPARUTIONS :

Me Jean-Sébastien Dupont

 

Pour la demanderesse/
DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Me Éric Ouimet

Me Pascal Lauzon

 

Pour les défenderesses/
DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES

Me Éric Ouimet

Me Pascal Lauzon

 

POUR L’INTIMÉE POTENTIELLE À LA REQUÊTE POUR SUSPENSION D'UNE PROCÉDURE EN RÉEXAMEN

 

Aucune comparution

 

POUR LES MIS-EN-CAUSE POTENTIELS À LA REQUÊTE POUR SUSPENSION D’UNE PROCÉDURE EN RÉEXAMEN

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar

Avocat(e)

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse/
DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

BCF

Avocat(e)s

Montréal (Québec)

 

Pour les défenderesses/
DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES

BCF

Avocat(e)s

Montréal (Québec)

 

pour l’INTIMÉE POTENTIELLE À LA REQUÊTE POUR SUSPENSION D'UNE PROCÉDURE EN RÉEXAMEN

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.