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Date : 20170106


Dossier : T-1160-16

Référence : 2017 CF 21

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

ALEXION PHARMACEUTICALS INC.

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE en date du 28 décembre 2016

La juge SIMPSON

[1]               Alexion Pharmaceuticals Inc. [Alexion] a déposé un avis de requête, conformément à la Règle 51 des Cours fédérales, dans lequel elle en appelle de deux ordonnances rendues par la protonotaire Aylen en date du 1er septembre 2016.

[2]               Dans sa première ordonnance, la protonotaire a rejeté, au motif qu’elle était prématurée, la demande de contrôle judiciaire d’Alexion d’une décision du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés [le Conseil], qui autorisait des modifications à l’avis d’allégation émis par le Conseil. L’appel visant cette ordonnance sera désigné comme le « premier appel ».

[3]               Dans sa deuxième ordonnance, la protonotaire a rejeté, au motif de son caractère théorique, la demande d’Alexion pour obtenir une ordonnance de consentement visant à protéger certains renseignements jugés confidentiels. L’appel visant cette ordonnance sera désigné comme le « deuxième appel ».

I.                    Premier appel

[4]               Alexion est une entreprise du Delaware dont le siège social est situé à New Haven, au Connecticut. Depuis 2009, elle commercialise Soliris (éculizumab) au Canada par l’intermédiaire de sa société affiliée au Canada. Soliris est utilisé pour traiter des troubles hématologiques et génétiques rares et invalidants.

[5]               Le 15 janvier 2015, le personnel du Conseil a émis un avis d’allégation selon lequel, entre 2012 et 2014, Soliris avait été vendu à un prix excessif [les allégations]. Les allégations comportaient une demande pour obtenir les réparations suivantes :

                         i)          une ordonnance enjoignant à Alexion de [traduction] « réduire le prix de Soliris dans les 30 jours suivant la date de l’ordonnance du Conseil à un prix n’excédant pas la médiane internationale des pays comparateurs »;

                       ii)          une ordonnance enjoignant à Alexion de [traduction] « compenser les revenus cumulatifs gagnés en trop au cours de la période du 1er janvier 2012 au 30 juin 2014 en versant à Sa Majesté la Reine du chef du Canada, dans les 30 jours suivant la date de l’ordonnance du Conseil, la somme de xxxxxxx »; et

                      iii)          [traduction] « toute autre réparation que le personnel du Conseil pourrait demander et que le Conseil pourrait autoriser ».

[6]               Le prix international mentionné au point i), ci-dessus, est connu sous le nom de comparaison de la médiane des prix internationaux, et le critère fondé sur ce prix est appelé critère de comparaison de la médiane des prix internationaux.

[7]               Un avis d’audition a été émis le 20 janvier 2015 pour indiquer que le Conseil tiendrait une audience publique afin de déterminer si le produit avait été vendu à des prix excessifs. En décembre 2015, les parties ont convenu de la tenue d’une audience d’une durée de 11 jours, qui devait commencer le 27 juin 2016.

[8]               Toutefois, le 20 mai 2016, le personnel du Conseil a présenté une requête en vue d’obtenir l’autorisation de modifier les allégations afin d’ajouter d’autres réparations [les modifications], dont une demande visant à enjoindre à Alexion de ramener le prix de Soliris à un prix n’excédant pas le prix international le plus bas parmi les pays comparateurs [le critère de comparaison du prix international le plus bas]. Ces deux critères seront collectivement appelés les [critères de comparaison des prix].

[9]               Les modifications permettent au Conseil de mettre de côté le critère de comparaison de la médiane des prix internationaux, au profit du critère de comparaison du prix international le plus bas et d’accroître le montant des revenus cumulatifs gagnés en trop.

[10]           Les modifications permettent également au Conseil d’accorder des réparations rétroactivement en remontant jusqu’à l’année 2009. J’en suis arrivée à cette conclusion en me basant sur le fait qu’au paragraphe 31(d) des modifications, la période du 1er janvier 2012 au 30 juin 2014, qui correspondait à la période pour laquelle les revenus gagnés devaient être compensés, a été supprimée. Par conséquent, je juge que les modifications permettent au Conseil de rendre une ordonnance couvrant une période antérieure à 2012. Il y a donc possibilité d’obtenir des réparations remontant à 2009. Cet avis est renforcé par le fait que le paragraphe 31 des modifications montre des calculs de prix, qui ont été caviardés, mais qui remontent à 2009.

[11]           Dans sa décision datée du 10 juin 2016, le Conseil a autorisé les modifications au motif que le préjudice subi par Alexion pourrait être réparé en ajournant l’audience. L’audience été prolongée et reportée. On prévoit qu’elle durera 19 jours et qu’elle commencera à la mi‑janvier 2017.

[12]           La demande de contrôle judiciaire d’Alexion a été déposée le 13 juillet 2016 [la demande]. Elle vise à obtenir l’annulation de la décision du Conseil d’autoriser les modifications et sollicite des déclarations selon lesquelles i) le Conseil n’a pas compétence pour saisir rétroactivement des revenus tirés de prix excessifs, et ii) le Conseil doit consulter l’industrie conformément au paragraphe 96(5) de la Loi sur les Brevets, L.C.R. 1985, c P-4, [la Loi] avant d’apporter des modifications aux critères de comparaison des prix applicables. Le paragraphe 96(5) de la Loi stipule que le Conseil doit « consulter le ministre, les ministres provinciaux responsables de la santé et les représentants des groupes de consommateurs et de l’industrie pharmaceutique que le ministre peut désigner à cette fin » avant de formuler des directives [les consultations].

[13]           Le 29 juillet 2016, le défendeur a déposé une requête en vue de faire radier la demande d’Alexion déposée devant la protonotaire Aylen au motif qu’elle était prématurée puisque, en l’absence de circonstances spéciales, les décisions interlocutoires rendues par les tribunaux administratifs ne devraient pas être contestées tant que le tribunal n’a pas rendu sa décision finale. Le défendeur s’est appuyé sur l’arrêt Powell Ltd c. Agence des services frontaliers du Canada, 2010 CAF 61, aux paragraphes 30 à 33.

[14]           La protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire et a conclu que les faits ne révélaient l’existence d’aucune circonstance exceptionnelle. Elle a souligné que si des prix excessifs devaient être établis au cours de l’audience, Alexion pourrait faire valoir devant le Conseil tous ses arguments à l’encontre des autres réparations décrites dans les modifications. En outre, elle a mentionné que les arguments formulés au sujet des réparations pourraient également être défendus, au besoin, dans une demande de contrôle judiciaire de la décision du Conseil.

[15]           Dans le présent appel, Alexion a formulé des observations comparables à celles soumises à la protonotaire. Elles comprennent ce qui suit :

a)                   Alexion ne devrait pas avoir à se présenter à une audience où on utilise des critères de comparaison des prix qui n’ont pas fait l’objet de consultations;

b)                  les réparations ne doivent pas être rétroactives, et les paiements recherchés à ce motif sont écrasants et ne sont pas justifiés par la Loi ou les Règles;

c)                   la prolongation de l’audience de huit jours est excessive;

d)                  les modifications vont à l’encontre de la primauté du droit.

[16]           Je n’ai décelé aucune erreur manifeste et dominante dans la décision de la protonotaire concernant la requête en radiation. Elle n’a pas appliqué de principe erroné ni mal apprécié les faits. Je partage son opinion que les arguments qu’Alexion désire soumettre quant à la rétroactivité des autres réparations demandées et à l’applicabilité des critères de comparaison de prix peuvent être présentés au Conseil et, au besoin, faire l’objet d’une demande subséquente de contrôle judiciaire de la décision du Conseil. Je suis d’accord avec la protonotaire que les observations formulées par Alexion n’ont pas soulevé de questions fondamentales sur la primauté du droit.

[17]           Bien qu’il semble y avoir une possibilité de répercussions importantes pour Alexion si on venait à conclure que des prix excessifs ont été appliqués et si des réparations étaient accordées conformément aux modifications, ces répercussions ne sont pas certaines ni immédiates. À mon avis, les modifications et la prolongation de la durée de l’audience devant le Conseil ne constituent pas des circonstances exceptionnelles.

[18]           Pour ces motifs, le premier appel est rejeté.

II.                 Deuxième appel

[19]           La protonotaire a également examiné la requête d’Alexion concernant le consentement à une ordonnance visant à faire traiter certains documents comme des renseignements confidentiels [la requête et les documents confidentiels]. Elle a compris que l’ordonnance de confidentialité avait été demandée pour protéger certains renseignements au cours de la demande, et elle a donc rejeté la requête en raison de son caractère théorique puisqu’elle avait annulé la demande.

[20]           Alexion soutient que les documents confidentiels devaient être utilisés par la protonotaire dans le cadre de la requête en radiation, et que l’ignorer constituait une erreur de droit.

[21]           J’ai examiné la lettre soumise par Alexion à la Cour fédérale en date du 21 octobre 2016 et les autres documents contenus dans le dossier déposé devant la protonotaire. Je suis d’avis que la protonotaire aurait raisonnablement compris que les documents confidentiels étaient présentés uniquement en vue d’un usage futur dans le cadre de l’audience relative à la demande. Rien dans les documents n’indique que les documents confidentiels étaient pertinents à la requête en radiation.

[22]           Je conclus donc que la protonotaire n’a pas commis d’erreur de droit. Sa décision était correcte et elle n’a pas mal interprété les faits lorsqu’elle a rejeté la requête en raison de son caractère théorique.

[23]           Pour ces motifs, le deuxième appel est rejeté. Toutefois, Alexion est en droit de présenter une nouvelle requête pour protéger les documents confidentiels.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 6 janvier 2017


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1160-16

 

INTITULÉ :

ALEXION PHARMACEUTICALS INC. c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 novembre 2016

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

La juge SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 janvier 2017

 

COMPARUTIONS :

Malcolm Ruby

David T. Woodfield

 

Pour la demanderesse

 

Joseph Cheng

Christine Mohr

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney, c.r.

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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