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Date : 20160919


Dossier : T-1885-14

Référence : 2016 CF 1055

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2016

En présence de madame la protonotaire Mireille Tabib

ENTRE :

ALCON CANADA INC.

ALCON LABORATORIES, INC.,

ALCON PHARMACEUTICALS LTD., ET

ALCON RESEARCH, LTD.

demanderesses

et

APOTEX INC.

défenderesse

ET ENTRE :

APOTEX INC.

demanderesse reconventionnelle

et

ALCON RESEARCH, LTD.

défenderesse reconventionnelle

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               L’instruction de la phase relative à la responsabilité de la présente action en contrefaçon a été fixée au 27 novembre 2017. Les questions liées à la quantification ont été scindées et seront instruites lors d’une deuxième phase si la Cour décide, après l’instruction de la première phase, que le brevet 370 d’Alcon est valide et a été contrefait par la solution pharmaceutique ophtalmique Apo-Travoprost Z d’Apotex.

[2]               Apotex présente maintenant une requête pour permission de modifier la défense et la demande reconventionnelle en vue d’ajouter un nouveau motif d’invalidité du fait de l’antériorité, un moyen de défense ex turpi causa fondé sur le comportement anticoncurrentiel, et deux nouveaux moyens de défense fondés sur la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, l’abus de procédure et le principe de l’obligation d’opter, le tout découlant des demandes en interdiction instituées par Alcon relativement au même brevet et au même produit.

[3]               À l’audience, étant donné que les parties avaient convenu que le moyen de défense ex turpi causa ne se rapportait qu’à la quantification des dommages, elles ont consenti à une ordonnance rejetant la requête d’Apotex relativement aux modifications ayant fait naître ce moyen de défense, sous réserve du droit d’Apotex de demander la permission d’apporter les mêmes modifications au début de la seconde phase de l’action, le cas échéant, et en tenant pour acquis qu’Alcon ne serait pas en mesure d’utiliser cette période d’ici là comme autre moyen de défense à l’encontre de la requête.

[4]               La requête a par conséquent procédé uniquement à l’égard des nouveaux paragraphes 98 à 104 proposés (la défense fondée sur l’invalidité du fait de l’antériorité), des paragraphes 53 à 55 (la défense fondée sur la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et sur l’abus de procédure) et les paragraphes 30 à 41 (la défense fondée sur l’obligation d’opter).

I.                   Contexte et chronologie

[5]               En 2014, Apotex était désireuse de mettre sur le marché une version générique de la solution ophtalmique Travatan Z d’Alcon. Apotex a signifié à Alcon un avis d’allégation conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, en sa version modifiée [le « Règlement sur les MB(AC) »], alléguant que le brevet 370, couvrant la formulation du Travatan Z, était invalide. La demande d’interdiction instituée par Alcon en réponse a été rejetée à l’été 2014; Apotex a obtenu son avis de conformité et a mis en vente le produit Apo-Travoprost Z en août 2014. Presque immédiatement après, Alcon a institué une action en contrefaçon à l’encontre d’Apotex et Apotex a poursuivi Alcon dans une action distincte en dommages (T-1844-14) pour n’avoir pas été en mesure de commercialiser son produit conformément à l’article 8 du Règlement sur les MB(AC).

[6]               Bien que les deux actions aient procédé à des rythmes différents, Apotex a demandé à plusieurs reprises, mais sans succès, que les deux actions soient regroupées et entendues ensemble. Alcon interprète la présente requête en modification comme une nouvelle offensive dans cette bataille continuelle, dont le but est de retarder l’instruction de la présente action de sorte que l’action d’Apotex fondée sur l’article 8 puisse « combler ce retard » et être entendue en même temps (pour davantage de contexte, voir la décision Apotex Inc. v. Alcon Canada Inc., 2016 CF 720, une décision rendue dans le cadre de cette action connexe fondée sur l’article 8 à l’encontre de la requête en disjonction d’Apotex). Apotex nie les intentions que lui impute Alcon.

[7]               Bien que la requête en modification n’ait été déposée qu’à la fin juillet 2016, après que la date du procès eut été fixée, Apotex a annoncé son intention de faire la demande de modification dès la mi-mai 2016.

[8]               Des interrogatoires préalables ont été menés au début de mars 2016. Alcon a d’abord demandé que la date du procès soit fixée dans la présente affaire à la fin de mars 2016. Dans le cadre d’une conférence de gestion de l’instance en avril 2016, la Cour a demandé aux parties et aux avocats de s’abstenir de prendre de nouveaux engagements en septembre et en décembre 2017 pour permettre l’éventuelle instruction de la présente affaire. C’est après cette date, soit à la mi-mai 2016, qu’Apotex a présenté pour la première fois à Alcon une ébauche des modifications qu’elle proposait. Alcon a refusé de consentir aux modifications.

[9]               Des requêtes en vue d’obtenir des réponses ont été entendues et la date de l’instruction a été officiellement fixée en juin 2016. Compte tenu du refus d’Alcon de consentir aux modifications proposées d’Apotex, la Cour a également fixé le calendrier pour l’exposé écrit situant le débat relativement à la présente requête en modification et pour son instruction.

II.                Loi applicable

[10]           Des modifications devraient être permises pourvu qu’elles servent les intérêts de la justice et qu’elles ne causent pas d’injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer. Il n’existe pas de désaccord fondamental entre les parties quant aux facteurs que la Cour doit examiner pour déterminer si les intérêts de la justice seraient servis en autorisant les modifications. Ces facteurs comprennent notamment ce qui suit : le moment auquel est présentée la requête visant la modification, la mesure dans laquelle les modifications proposées retarderaient l’instruction expéditive de l’affaire, la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l’origine par une partie a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu’il serait difficile, voire impossible, de modifier, et la mesure dans laquelle les modifications demandées faciliteront l’examen par la Cour du véritable fond du différend (Teva Canada limitée c. Gilead Sciences Inc, 2016 CAF 176; Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Teva Canada Limited, 2014 CAF 65; Merck & Co Inc. c. Apotex Inc, 2003 CAF 488).

[11]           Il est certain que les modifications qui ne révèlent pas de cause d’action ou de défense valable ou qui peuvent être radiées conformément à l’article 221 des Règles des Cours fédérales ne devraient pas être autorisées.

[12]           Là où les parties sont en désaccord, c’est la mesure dans laquelle, lors de l’examen du bien-fondé des modifications proposées, la Cour doit appliquer les mêmes critères rigoureux applicables aux requêtes en radiation, selon lesquelles les allégations de fait proposées doivent être avérées et les arguments de droit nouveaux doivent pouvoir procéder afin d’être tranchés par le juge du procès à moins d’être voués à l’échec, ou si la Cour doit voir la loi et la procédure judiciaire dans une « optique réaliste » pour déterminer si les modifications proposées auront une « chance raisonnable de succès ». Alcon fait valoir qu’il existe une différence entre les deux normes, la dernière étant moins rigoureuse que la première.

[13]           Je suis convaincue que la présente requête peut être tranchée sans avoir à résoudre cette question. Pour les motifs qui suivent, je suis convaincue que, même en utilisant la norme de l’« optique réaliste » avancée par Alcon, la nouvelle défense fondée sur l’invalidité du fait de l’antériorité présente une perspective raisonnable de succès, et que certaines parties du moyen de défense proposé fondé sur la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et sur l’abus de procédure et l’intégralité du moyen de défense fondé sur l’obligation d’opter ne révèlent aucune cause de défense valable, même en utilisant les normes rigoureuses applicables aux requêtes en radiation fondées sur l’article 221 des Règles.

III.             La défense fondée sur l’invalidité du fait de l’antériorité

[14]           Dans ses modifications proposées, Apotex soutient que les détails de la formulation du produit Travatan Z, y compris une liste de 15 précisions particulières qui correspondent aux revendications du brevet, ont été dévoilés au public par les employés et représentants d’Alcon Research et d’autres personnes pendant la réunion annuelle de l’Association for Research in Vision and Ophthalmology (« ARVO ») ou dans le cadre de celle-ci, en mai 2006, et dans un résumé présenté et publié lors de la réunion de l’ARVO; Apotex fait également valoir dans ses modifications que ces divulgations ont figuré dans certains articles scientifiques expressément désignés.

[15]           Alcon soutient que ces allégations n’ont aucune possibilité raisonnable de succès parce que, en réalité, l’un des éléments essentiels des demandes, soit une limite s’appliquant à la concentration d’espèces anioniques, n’était même pas connu ou n’avait pas même été découvert par les inventeurs avant la réunion de l’ARVO en 2006 et parce qu’aucun des documents n’alléguait, à première vue, ni ne mentionnait les espèces anioniques, et encore moins leur concentration dans la composition.

[16]           En supposant, sans le déterminer, que la Cour puisse examiner la preuve afin d’évaluer si les modifications proposées ont une possibilité raisonnable de succès, cette preuve devrait avoir au moins un minimum de robustesse et de fiabilité. Les requêtes en modification ne devraient pas être rejetées sur la base d’éléments de preuve incomplets ou non concluants, car cela obligerait la partie qui demande la modification à répondre en attaquant la crédibilité du témoignage de son adversaire ou en réfutant la propre preuve qu’il a lui-même soumise à l’appui de sa demande, transformant ainsi une requête en modification en une requête en jugement sommaire.

[17]           La seule preuve présentée par Alcon dans le cadre de la présente requête consiste en une réponse qu’il a donnée à un engagement pris lors d’un interrogatoire préalable, indiquant une date à laquelle les inventeurs [traduction] « ont déterminé » les limites de la concentration des espèces anioniques. Ce témoignage n’est ni assermenté ni vérifié. Même si on y ajoute foi, la preuve de la date à laquelle les inventeurs [traduction] « ont déterminé » les limites pertinentes n’éliminerait pas en soi la possibilité que d’autres employés ou représentants d’Alcon, ou même d’autres personnes ayant eu accès à l’information d’Alcon aient pu, comme il est allégué dans les modifications proposées, faire de manière indépendante des déclarations quant à la concentration appropriée. Le seul fait, par Alcon, de se fonder sur l’absence des mots précis « espèces anioniques » dans les documents mentionnés dans les modifications est tout aussi insuffisant, étant donné qu’il s’agit de documents scientifiques complexes.

[18]           Je n’accepte pas l’objection d’Alcon voulant que la référence dans les modifications proposées aux [traduction] « autres qui ont, directement ou indirectement, obtenu de l’information d’Alcon Research » soit trop vague ou non pertinente ou soit une manière de chercher la petite bête. L’expression n’est pas utilisée pour savoir quelle information a été obtenue par d’autres avant la divulgation publique alléguée, mais pour décrire et identifier ceux qui auraient fait cette divulgation lors de la réunion de l’ARVO.

[19]           Je conclus par conséquent que les modifications proposées sont suffisamment détaillées et qu’elles ont une possibilité raisonnable de succès. Je note que bien qu’Apotex n’ait pas démontré pourquoi elle n’aurait pas pu inclure ces allégations dans sa défense et sa demande reconventionnelle au début de la présente action, elle a soulevé cette question dans le cadre de son interrogatoire préalable d’Alcon et a posé une série de questions sur la réunion de l’ARVO. Ces questions ont été déclarées non pertinentes en l’absence d’arguments précis, mais, si les modifications sont désormais autorisées, l’interrogatoire préalable peut procéder rapidement, la majeure partie des questions ayant déjà été formulées. Je conclus que le retard à soulever ce moyen de défense n’est pas préjudiciable et ne perturbera ni ne retardera le procès. Je suis également convaincue que les modifications proposées portent directement sur une question en litige entre les parties. L’autorisation d’apporter ces modifications doit par conséquent être accordée.

IV.             Moyen de défense fondé sur la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et abus de procédure

[20]           Les paragraphes contestés sont rédigés comme suit :

[traduction] 53.       Dans le dossier de la Cour fédérale no T-1667-12, la juge Kane a conclu ce qui suit :

a)         Systane Free est un « élément très pertinent de l’art antérieur » au brevet 370;

b)         « les composants du système de conservation utilisés dans Systane Free sont les mêmes que ceux du système de conservation présenté dans la revendication 13 » du brevet 370;

c)         « on ne peut dire que Systane Free utilise un système différent » de celui du brevet 370;

d)         « Systane Free enseignait l’association de chlorure de zinc, d’acide borique ainsi que de propylèneglycol et de sorbitol »;

e)         Toute différence entre le système de conservation utilisé dans Systane Free et celui décrit dans le brevet 370 serait « plus ou moins évidente » pour une personne versée dans l’art.

54.       Étant donné que la demande d’interdiction dans le dossier de la Cour fédérale no T-1667-12 implique les mêmes parties (ou leurs ayants droit) que la présente action, qu’il a été déterminé que la prétendue invention du brevet 370 est évidente en ce qui a trait à Systane Free et qu’une décision définitive (2014 CF 791) a été prise, pour cause de préclusion découlant d’une question déjà tranchée et d’abus de procédure, les demanderesses ne peuvent contester les conclusions de fait qui ont été pleinement débattues et ont fait l’objet d’une décision définitive dans le dossier de la Cour fédérale no T-1667-12, y compris celles énoncées au paragraphe 53 de la présente défense, ni présenter des allégations incompatibles avec cette décision, car ces conclusions ont force obligatoire dans la présente action.

55.       Pour cause de préclusion fondée sur la cause d’action, les demanderesses ne peuvent également contester la conclusion de la juge Kane dans le dossier de la Cour fédérale no T-1667-12 selon laquelle le brevet 370 est invalide en raison de l’évidence, ni même présenter des allégations incompatibles avec cette conclusion.

[21]           Ces allégations auraient pu être incluses dans la défense initiale d’Apotex. Cependant, parce qu’elles reposent sur le dossier constitué dans la procédure d’interdiction et qu’elles ne nécessitent pas d’interrogatoire préalable, le retard à les soulever ne peut être préjudiciable. Dans la mesure où elles soulèvent une cause de défense valable, elles devraient être autorisées.

[22]           Après avoir procédé à un examen approfondi de la jurisprudence, la Cour d’appel fédérale a jugé dans l’arrêt Apotex Inc. c. Pfizer Ireland Pharmaceuticals, 2011 CAF 77 (Sildénafil 2011) que la question de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ou de l’abus de procédure pourrait s’appliquer pour empêcher une partie de remettre en cause ou de faire valoir de nouveau certaines conclusions de fait qui ont été tranchées dans une instance antérieure relative à un avis de conformité « en s’appuyant sur la même preuve et en avançant les mêmes arguments » que ceux qui ont été produits dans la procédure d’interdiction. La Cour d’appel fédérale a, cependant, explicitement réaffirmé les principes existants et a confirmé de façon constante les principes que la doctrine de la chose jugée, « à savoir le principe suivant lequel une partie ne peut plaider à nouveau une cause d’action déjà tranchée », ne s’applique pas entre une instance relative à un avis de conformité et une action ultérieure (au paragraphe 18) et que les défenses fondées sur la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, l’abus de procédure et les autres moyens de défense « ne peuvent pas non plus s’appliquer à la question de la validité d’un brevet » (au paragraphe 19). Dans la mesure où la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ou l’abus de procédure peut s’appliquer, ce n’est qu’à l’égard de certaines questions factuelles et juridiques et alors, seulement en l’absence d’un dossier de preuve différent ou de nouveaux arguments importants.

[23]           Le raisonnement de la Cour d’appel dans l’arrêt Sildénafil 2011 reconnaît expressément et affirme la capacité d’une partie à présenter de nouveaux éléments de preuve ou à soulever de nouveaux arguments dans l’action subséquente pour faire valoir une conclusion différente tirée dans une instance antérieure relative à un avis de conformité, et en réalité, oblige le juge de première instance à réexaminer la question à la lumière du dossier complet dont il est saisi (paragraphe 25).

[24]            Ce que le paragraphe 55 des modifications proposées fait valoir, c’est que, « pour cause de préclusion fondée sur la cause d’action », Alcon ne peut « contester les conclusions de fait ni même présenter des allégations incompatibles avec » les conclusions de la juge Kane « selon lesquelles le brevet 370 est invalide en raison de l’évidence ». Ce paragraphe va à l’encontre de la décision explicite de la Cour d’appel fédérale selon laquelle la préclusion fondée sur la cause d’action quant à la validité d’un brevet ne révèle aucune cause de défense valable et par conséquent, je conclus qu’elle ne devrait pas être accueillie.

[25]           Le paragraphe 54 proposé fait valoir, pour sa part, qu’Alcon « ne peu[t] [...] contester les conclusions de fait ni même présenter des allégations incompatibles avec » les conclusions de fait de la juge Kane « car ces conclusions ont force obligatoire dans la présente action ». Tel qu’il est rédigé, ce paragraphe pourrait être interprété comme laissant entendre qu’Alcon ne peut présenter de nouveaux éléments de preuve ou soulever de nouveaux arguments à l’appui d’une décision différente, plutôt que de se voir simplement empêchée de remettre en cause les conclusions factuelles énumérées au paragraphe 53 « en s’appuyant sur la même preuve et en avançant les mêmes arguments ». Une telle allégation irait directement à l’encontre des principes réaffirmés par la Cour d’appel dans l’arrêt Sildénafil 2011, selon lesquels les conclusions dans une instance antérieure relative à un avis de conformité n’ont pas force exécutoire dans une action subséquente, mais que, jugeant l’affaire de façon discrétionnaire, et selon la preuve dont il dispose, le juge saisi de l’action subséquente pourrait appliquer le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et de l’abus de procédure pour empêcher la remise en cause (voir des exemples d’application : Janssen-Ortho inc. c. Novopharm Ltd., 2006 CF 1234; AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex inc., 2014 CF 638, conf. par 2015 CAF 158 et Pfizer Ireland Pharmaceuticals c. Apotex Inc., 2014 CAF 13, au paragraphe 25).

[26]           Apotex a cependant soumis à la Cour, à titre de preuve à l’appui de la présente requête, les allégations précises qui ont été examinées et qui ont été maintenues par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sildénafil 2011. Ces actes de procédure ont été rédigés dans les termes suivants :

[traduction] « Dans le cadre [de l’instance antérieure relative à l’avis de conformité], on a conclu à [une certaine question de fait ou de droit]. Cette conclusion a force exécutoire dans la présente action. Apotex ne peut pas remettre en cause [cette question] en raison de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, de la préclusion accessoire, de la courtoisie et de l’abus de procédure ».

[27]           Dans la mesure où la forme des modifications proposées en l’espèce n’est pas considérablement différente des modifications autorisées dans l’arrêt Sildénafil 2011, je me dois de les lire et de les interpréter d’une manière conforme à la décision rendue dans Sildénafil et je conclus qu’elles révèlent une cause de défense valable. Le plaidoyer qu’une partie ne peut « contester » des conclusions de fait précédemment tirées par la Cour « car ces conclusions ont force exécutoire dans la présente action » n’est pas sensiblement différent du plaidoyer selon lequel une conclusion antérieure a force exécutoire et la partie ne peut « remettre en cause » la question. Toutefois, le plaidoyer voulant qu’une partie ne puisse « présenter des allégations incompatibles avec » une conclusion précédemment tirée par le juge ne peut avoir d’autre sens que d’empêcher une partie de produire une preuve différente de celle produite dans le cadre de l’instance antérieure et ne révèle pas de cause défendable. Ces mots seront par conséquent radiés du paragraphe 54 proposé.

[28]           Je dois ajouter qu’Apotex a erré en se fondant sur la décision Apotex inc. c. Pfizer Ireland Pharmaceuticals, 2012 CF 1339, conf. par 2014 CAF 13. La Cour fédérale, dans cette cause, a rejeté une action en contrefaçon sur jugement sommaire parce qu’elle a conclu qu’elle était liée par l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada, dans une procédure d’interdiction antérieure, voulant que le même brevet soit nul pour cause de divulgation insuffisante. Cependant, le rejet par la Cour fédérale reposait sur sa conclusion voulant que les questions tranchées par la Cour suprême aient été des questions de droit et non des questions de fait. En l’espèce, les modifications proposées se rapportent clairement aux conclusions de fait de la juge Kane et non à un quelconque point de droit. En tout état de cause, en appel de la décision de la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale dans la décision Pfizer Ireland Pharmaceuticals c. Apotex Inc., 2014 CAF 13, a souligné au paragraphe 25 que pour éviter un jugement sommaire, « elle [Pfizer] aurait dû produire ou citer des éléments de preuve se rapportant à la manière dont le lecteur versé dans l’art interpréterait le mémoire descriptif, et pourquoi cette interprétation mettait en doute celle adoptée dans l’arrêt Teva 2012 ». Ceci vient renforcer la conclusion que, même sur des questions de droit éclairées par des éléments de preuve, il est loisible à une partie dans une action en contrefaçon de présenter une preuve nouvelle ou différente pour parvenir à des résultats différents.

V.                Défense fondée sur l’obligation d’opter

[29]           Les modifications proposées présentent un argument à deux volets. Tout d’abord, Apotex allègue et fait valoir qu’en déposant une demande d’interdiction en réponse à l’avis d’allégation d’Apotex, Alcon a choisi de se prévaloir de la suspension de 24 mois en vertu du Règlement sur les MB(AC) et a ainsi accepté les conséquences et renoncé à la possibilité de faire valoir le brevet 370 dans une action en contrefaçon ultérieure. Les principes de l’obligation d’opter (ou le principe qui interdit d’approuver et de désapprouver une même chose), de la renonciation et de l’abus de procédure empêchent donc Alcon de poursuivre l’action en contrefaçon et de prétendre à une réparation. Deuxièmement, Apotex allègue et fait valoir que dans la procédure d’interdiction, Alcon [traduction] « a choisi » d’indiquer à son seul témoin expert de ne pas considérer, en formulant son opinion sur l’évidence, le Systane Free comme faisant partie de l’art antérieur. Compte tenu de ce choix et des conclusions de la juge Kane selon lesquelles le Systane Free faisait partie de l’art antérieur, les modifications proposées font valoir qu’Alcon est soit [traduction] « empêchée » d’intenter cette action en contrefaçon de brevet, d’affirmer que le brevet 370 n’est pas invalide et de demander une mesure de réparation contre Apotex, soit [traduction] « empêchée » d’affirmer que le Systane Free ne faisait pas partie de l’art antérieur, de donner des instructions différentes à son expert et de présenter la preuve d’expert qu’elle aurait dû présenter dans le cadre de la demande d’interdiction. Apotex soutient en outre que, lors du lancement du produit Apo-Travoprost Z, elle s’est appuyée sur la stratégie adoptée par Alcon dans la procédure d’interdiction et sur ses résultats; par conséquent, elle soutient qu’Alcon est empêchée d’intenter une action en contrefaçon ou de demander des dommages-intérêts contre Apotex.

[30]           La défense formulée dans ces modifications repose essentiellement sur le fait qu’Apotex ne peut pas intenter une action en contrefaçon ou y avoir gain de cause, soit uniquement en raison de la procédure d’interdiction antérieure, ou conjointement avec les « circonstances particulières » découlant des éléments de preuve qu’elle a présentés dans le cadre de la procédure d’interdiction et sur lesquels elle s’est appuyée, ou, subsidiairement, sur le fait que ces circonstances empêchent Alcon de présenter une preuve différente dans le cadre de l’action de celle qu’elle a présentée dans la demande.

[31]           Comme il a été mentionné précédemment, la Cour d’appel fédérale, dans la décision Sildénafil 2011, a examiné minutieusement la jurisprudence pour conclure sans équivoque que les principes suivants énoncés dans la décision Pharmacia Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.), et réitérés dans la décision Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd. [1999] A.C.F. no 548, 166 F.T.R. 161, 1 C.P.R. (4th) 22, demeuraient applicables :

[...] Si, en prenant ce Règlement, le gouverneur en conseil avait eu l’intention de prévoir le prononcé d’une décision définitive sur la validité et la contrefaçon d’un brevet, qui lierait toutes les parties privées et empêcherait tout litige ultérieur visant les mêmes questions, il l’aurait sûrement exprimée. Le tribunal n’est pas disposé à accepter l’hypothèse voulant que les brevetés et les sociétés génériques soient forcés de faire valoir leurs droits privés uniquement au moyen de la procédure sommaire de demande de contrôle judiciaire. Étant donné que le Règlement dispose que les questions qui peuvent être tranchées à cette étape seront examinées dans le cadre d’une telle procédure, il est donc assez clair que ces questions sont obligatoirement de nature limitée ou préliminaire. Si l’instruction complète des questions de validité et de contrefaçon est nécessaire, on peut procéder de la façon habituelle en intentant une action.

[Non souligné dans l’original.]

[32]           La Cour d’appel fédérale a conclu son analyse en rappelant que : « [p]our la même raison, la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, l’abus de procédure et les autres moyens de défense plaidés par Merck ne peuvent pas non plus s’appliquer à la question de la validité d’un brevet ». Comme nous en avons discuté ci-dessus, l’analyse de la Cour d’appel dans la décision Sildénafil 2011 prévoit expressément le droit pour une partie à une procédure d’interdiction de présenter, dans le cadre d’une action en contrefaçon subséquente, des éléments de preuve importants et nouveaux et de faire valoir des arguments importants et nouveaux.

[33]           Il est clair et manifeste que les modifications proposées n’ont aucune chance de succès, car elles visent un résultat qui va à l’encontre du droit précis et établi qui a élaboré et appliqué le contexte de faits fort semblables. Ces principes ont été réitérés et appliqués afin de permettre que ces nouveaux éléments de preuve soient soulevés et de parvenir à des conclusions différentes dans des actions en contrefaçon intentées après la procédure d’interdiction (Janssen-Ortho inc. c. Novopharm Ltd., précitée, et AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex inc., précitée).

[34]           Apotex s’appuie sur les décisions Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959; Fullowka c. Whitford, (1996) 147 DLR (4th) 531; et R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, pour faire valoir qu’elle soulève un moyen de défense nouveau, qu’une requête en radiation n’est pas le cadre opportun pour trancher des questions de droit importantes ou sérieuses, et que même les arrêts liant un juge des requêtes ne sont pas un motif suffisant pour radier un acte de procédure si un appel interjeté à une cour supérieure peut raisonnablement donner lieu à une conception du droit différente.

[35]           Un moyen de défense qui a déjà été examiné et rejeté ne devient pas un moyen de défense ou un argument « nouveau », qui peut faire l’objet d’un procès, simplement parce qu’il est revêtu du vocabulaire propre à d’autres doctrines en common law ou en equity. Lorsque les effets juridiques de certaines circonstances factuelles ont été abondamment et à plusieurs reprises analysés dans une variété de situations différentes, que des principes cohérents ont été développés pour répondre à ces effets et que ces principes ont été appliqués uniformément, on peut dire que le droit est bien établi. Une partie qui souhaite contester une loi établie doit faire davantage que d’invoquer les doctrines de common law ou d’equity comme s’il s’agissait d’incantations dont les mystères ne peuvent être compris qu’après la tenue d’un procès en règle.

[36]           La Cour fédérale dans Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc. 2012 CF 454, a examiné un certain nombre de facteurs pour déterminer si un moyen de défense qui avait déjà été jugé non recevable en droit pouvait néanmoins être maintenu. Ces facteurs comprennent ce qui suit : le moyen de défense proposé reçoit un accueil favorable dans la jurisprudence américaine, la décision anglaise originale a été rendue il y a de cela 125 ans et n’a été appliquée qu’à deux reprises au Canada, dans les deux cas après un procès en règle plutôt que dans le cadre d’une requête en radiation, une décision ultérieure de la Cour suprême du Canada a signalé un changement dans le droit des dommages-intérêts, et l’argument pour appuyer le moyen de défense était solide et convaincant (voir le paragraphe 24). Dans Galand Estate v Stewart, 1992 ABCA 334, au paragraphe 35, la Cour d’appel de l’Alberta a reconnu qu’une demande ne devrait pas être radiée si la tendance des décisions récentes indique que la loi semble sur le point de donner droit à une telle demande, mais a rappelé que cela ne signifiait pas qu’un moyen de défense qui conteste une loi existante devrait être accueilli [traduction] « simplement parce qu’un Buck Rogers du XXVe siècle sera capable de faire tout ce qu’il veut », mais seulement dans le cas [traduction] « d’une sorte de tendances prévisibles dans la Loi ».

[37]           Apotex n’a pas porté à mon attention une jurisprudence canadienne ou étrangère pour étayer de façon persuasive son argumentation. La jurisprudence sur laquelle repose le droit établi faisant contrepoids est récente, décisive, abondante et cohérente. On n’observe aucune tendance jurisprudentielle récente qui étayerait son argumentation. Plus important encore, Apotex n’a pas présenté d’argument à l’appui de sa demande qui soit solide ou convaincant. En fait, c’est tout le contraire.

[38]           La doctrine de l’obligation d’opter, ou le principe qui interdit d’approuver ou de désapprouver une même chose, que ce soit en common law ou en equity, repose fondamentalement sur l’affirmation voulant qu’une personne exerce ou accepte des droits ou des recours incompatibles ou inconciliables. Comme l’explique la décision Charter Building Co v 1540957 Ontario Inc., 2011 ONCA 487, au paragraphe 22, la seule différence entre la doctrine de common law et la doctrine en equity est l’élément de choix. Le point commun entre les deux demeure l’existence d’une incohérence entre deux décisions ou situations inconciliables :

[traduction] 22        Cet extrait montre donc qu’il y a une différence fondamentale entre les deux doctrines. La doctrine reconnue en equity ne sous‑entend pas un choix entre différents recours. Pour que la doctrine s’applique en equity, il n’est pas nécessaire de démontrer que la partie en question a fait un choix conscient entre des droits incompatibles au moment où la décision initiale a été prise. En fait, la doctrine reconnue en equity ne sous-entend aucun choix, mais plutôt le fait d’accepter les conséquences d’une décision déjà prise. En revanche, la doctrine reconnue en common law repose sur un choix et s’applique de façon à empêcher une personne qui a pris une mesure de se tourner vers une conduite incompatible qu’elle a expressément rejetée.

[39]           La conclusion jurisprudentielle selon laquelle la doctrine de la chose jugée, la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et l’abus de procédure n’empêchent pas une partie à une procédure d’interdiction d’intenter par la suite une action en contrefaçon ou d’introduire des éléments de preuve ou arguments nouveaux ou différents dans une action ultérieure fait obstacle à tout argument selon lequel il peut y avoir une incohérence dans l’exercice des deux recours ou dans le choix par une partie d’éléments de preuve. En effet, les appels interjetés à l’encontre de procédures d’interdiction sont généralement rejetés en raison de leur caractère théorique lorsque des avis de conformité ont déjà été délivrés, au motif qu’un innovateur infructueux a un recours approprié dans une action en contrefaçon (Janssen inc. c. Teva Canada Limitée, 2015 CAF 36, citant Abbott Laboratories c. Apotex Inc., 2007 CAF 368, Pfizer Canada Inc c. Apotex Inc., 2001 11 CPR (4th) 245, et Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2007 CAF 359).

[40]           De même, la doctrine de la renonciation ne saurait s’appliquer en théorie à la décision d’une partie d’intenter une seule forme de procédure, compte tenu de la décision des tribunaux voulant que les deux formes de procédure puissent être poursuivies.

[41]           Apotex soutient que la situation factuelle alléguée, où Alcon a indiqué à son seul témoin expert de ne pas tenir compte, en formulant son opinion sur l’évidence, des éléments que la Cour a jugé être des éléments très pertinents de l’art antérieur, constitue un « contexte factuel unique » qui justifie de permettre au moyen de défense nouveau mais raisonnable de suivre son cours jusqu’à l’instruction. Apotex ne justifie toutefois pas de façon convaincante son argument selon lequel le contexte factuel allégué favoriserait l’application de la doctrine de l’obligation d’opter, de la renonciation, de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ou de l’abus de procédure ou toute autre application de concepts établis. Le contexte factuel allégué dans les modifications, même s’il est établi, n’est rien de plus qu’une décision par Alcon quant à la preuve qu’elle a choisi de présenter dans la procédure d’interdiction. Il n’y a rien d’unique dans ce contexte, et certainement rien qui, en théorie, pourrait être interprété comme étant incompatible avec le droit reconnu d’Alcon de présenter un dossier de preuve plus étoffé dans une action ultérieure.

[42]           Apotex a cité la décision Apotex Inc. c. Pfizer Canada Inc., 2014 CAF 250, à l’appui de son argument voulant que la Cour ait reconnu qu’il peut y avoir des cas où une concession faite ou une position prise dans une seule procédure pourrait être interprétée comme liant la partie qui a fait cette concession dans une autre instance. Les faits invoqués en l’espèce ne concernent que les décisions à l’égard de la preuve prises par Alcon dans la procédure d’interdiction. Ces décisions, même de la manière dont elles sont plaidées, n’atteignent pas un degré tel qu’on puisse les qualifier de concessions ou de positions incompatibles ou inconciliables. Elles sont, au contraire, tout à fait conformes à la jurisprudence des tribunaux selon laquelle il est permis d’introduire, dans une action, un dossier de preuve plus étoffé que celui présenté lors d’une procédure d’interdiction antérieure entre les mêmes parties.

[43]           L’autre allégation voulant qu’Apotex se soit appuyée sur la stratégie adoptée par Alcon dans la procédure d’interdiction, lorsqu’elle a décidé de lancer son produit, n’ajoute rien à l’analyse. Même s’il est établi, le recours unilatéral par une personne à l’exercice d’un droit par une autre personne qui n’est pas jugé incompatible avec un autre ne peut pas constituer le fondement d’une défense fondée sur l’obligation d’opter, ni même sur la renonciation ou la préclusion.

[44]           Les paragraphes 30 à 41 proposés par Apotex ne révèlent pas de cause défendable et l’autorisation de les ajouter doit être refusée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                  La requête d’Apotex de modifier sa défense en ce qui concerne les paragraphes 12 à 29 et 42 à 52 proposés est rejetée sur consentement et sous réserve du droit d’Apotex de renouveler sa requête dans le cadre de la deuxième phase de l’action, le cas échéant; la période qui s’est écoulée entre juillet 2016 et le début de la deuxième phase de l’action ne peut pas être soulevée par Alcon comme moyen de défense supplémentaire à cette requête.

2.                  Apotex est autorisée à modifier sa défense pour ajouter les paragraphes proposés suivants : 53, 54, à l’exception des mots « ni même présenter des allégations incompatibles avec », et 98 à 104, et elle est autorisée à ajouter les documents 77 à 80 en annexe « A » de la défense.

3.                  La requête d’Apotex est par ailleurs rejetée.

4.                  Apotex devra payer à Alcon des dépens s’élevant à 2 500 $.

« Mireille Tabib »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1885-14

 

INTITULÉ :

ALCON CANADA INC. ET AL c APOTEX INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 août 2016

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA PROTONOTAIRE TABIB

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 septembre 2016

 

COMPARUTIONS :

John Norman

 

Pour les demanderesses

 

Jordan D. Scopa

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour les demanderesses

 

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la défenderesse

 

 

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