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Date : 20160921


Dossier : T-1401-16

Référence : 2016 CF 1081

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Victoria (Colombie-Britannique), le 21 septembre 2016

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

MORGAN PERRY

demandeur

et

LE CHEF ET LE CONSEIL DES PREMIÈRES NATIONS DE COLD LAKE,

ET ALLAN ADAM, PRÉSIDENT D’ÉLECTION POUR LES PREMIÈRES NATIONS DE COLD LAKE

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

VU LA REQUÊTE datée du 16 septembre 2016 présentée au nom des défendeurs, le chef et le conseil des Premières Nations de Cold Lake [le chef et le Conseil des PNCL], en vue d’obtenir :

(a)               une ordonnance ajoutant M. Allan Adam, président d’élection pour les Premières Nations de Cold Lake, à titre de défendeur;

(b)               une injonction provisoire ou interlocutoire empêchant M. Adam de tenir une nouvelle élection pour choisir les membres du conseil des PNCL en attendant la décision définitive de la Cour concernant la demande de contrôle judiciaire;

ET APRÈS avoir examiné les documents déposés et avoir entendu l’avocat du chef et du conseil des PNCL, l’avocat de M. Perry, et M. Adam pour son propre compte par téléconférence le 21 septembre 2016;

ET COMPTE TENU que M. Perry n’adopte aucune position à l’égard de la requête présentée au nom du chef et du conseil des PNCL, et approuve l’analyse juridique avancée au nom du chef et du conseil des PNCL à l’appui de la réparation sollicitée;

ET COMPTE TENU de ce qui suit :

[1]               Le 22 juin 2016, une élection a eu lieu en vue de choisir le chef des PNCL. Le 29 juin 2016, une élection a eu lieu pour choisir les membres du conseil des PNCL. M. Perry a contesté la radiation de son nom de la liste des candidats à l’élection des membres du conseil des PNCL au motif qu’il avait été injustement exclu en raison de son lieu de résidence.

[2]               Le 11 août 2016, le comité d’appel des PNCL, constitué en vertu de la Loi électorale des PNCL, a publié un rapport de ses décisions concernant plusieurs plaintes reçues. Le comité d’appel a accueilli la plainte de M. Perry. Bien qu’il n’ait relevé aucune irrégularité dans la tenue de l’élection, le comité d’appel a conclu que la Loi électorale des PNCL comportait des lacunes parce qu’elle exclut certains candidats et électeurs en fonction de leur lieu de résidence, de leur descendance et de leur âge.

[3]               Le comité d’appel a ordonné au président d’élection, M. Adam, de tenir une nouvelle élection accélérée pour nommer les membres du conseil, en ajoutant M. Perry comme candidat. M. Adam a par la suite informé le chef et le conseil des PNCL qu’il entendait répondre à la demande du comité d’appel et tenir une nouvelle élection pour nommer les membres du conseil le 25 août 2016.

[4]               Le 18 août 2016, le chef et le conseil des PNCL ont adopté une Résolution du conseil de bande rejetant la décision du comité d’appel, laquelle ordonnait qu’une nouvelle élection soit organisée. Le chef et le conseil des PNCL ont informé M. Adam qu’il avait rempli son mandat à titre de président d’élection et que ses services n’étaient plus requis.

[5]               Le 22 août 2016, M. Perry a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du chef et du conseil des PNCL de présenter la Résolution du conseil de bande rejetant la décision du comité d’appel, laquelle ordonnait qu’une nouvelle élection soit organisée pour choisir les membres du conseil.

A.                M. Adam devrait-il être ajouté comme défendeur?

[6]               L’alinéa 104(1)b) des Règles de la Cour fédérale, DORS/98-106, prévoit que la Cour peut, à tout moment, ordonner que soit constituée comme partie à l’instance toute personne qui aurait dû l’être ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige dans l’instance. La discrétion de la Cour est guidée par un seul critère : la nécessité (Air Canada c. Thibodeau, 2012 CAF 14, au paragraphe 11).

[7]               Je suis convaincu que la participation de M. Adam à la demande de contrôle judiciaire de M. Perry est nécessaire afin de garantir le règlement efficace et complet du litige. La question centrale soulevée par la demande de contrôle est la suivante : le comité d’appel a-t-il agi dans les limites de sa compétence quand il a ordonné à M. Adam de tenir une nouvelle élection pour choisir les membres du conseil? M. Adam se fonde sur la directive du comité d’appel comme étant la source l’autorisant à déclencher une nouvelle élection. Il est, par conséquent, impératif que M. Adam soit lié par le résultat de la demande de contrôle judiciaire.

B.                 La demande de mesure injonctive doit-elle être accueillie?

[8]               L’accueil des demandes d’injonction interlocutoire est régi par le critère en trois étapes énoncé dans RJR – MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, page 334 [RJR – MacDonald]. Selon ce critère, la partie requérante doit établir l’existence d’une question sérieuse à juger, et faire la démonstration qu’elle subira un préjudice irréparable qui ne peut être compensé par des dommages-intérêts si la demande d’injonction n’est pas accueillie, et que la prépondérance des inconvénients, en tenant compte de l’intérêt du public, favorise le statu quo.

[9]               Les parties conviennent de l’existence d’une question sérieuse à juger. Les exigences minimales ne sont pas élevées : la question ne doit être ni futile ni vexatoire. Quant à savoir si le comité d’appel a le pouvoir d’ordonner au président d’élection de tenir une nouvelle élection, ou si son rôle est uniquement d’informer le chef et le conseil des PNCL de ses décisions relatives aux plaintes, cela soulève une question sérieuse (Grandbois c. Cold Lake First Nation, 2013 CF 1039; Jacko c. Cold Lake First Nation, 2014 CF 1108).

[10]           Les parties conviennent également de l’existence d’un préjudice irréparable qui ne pourrait être compensé par des dommages-intérêts, à moins que la demande d’injonction ne soit accueillie. Une nouvelle élection en vue de choisir les membres du conseil aurait pour effet d’engendrer de l’incertitude au sein des PNCL concernant la légitimité et le pouvoir du conseil actuel. Comme l’a observé le juge Blanchard dans la décision Nation Crie de Samson c. Bruno, 2006 CF 1220, au paragraphe 15, cela « servirait à miner encore plus le processus électoral, qui est la pierre angulaire des institutions démocratiques. Dans ce sens, il serait impossible de remédier au préjudice et ce préjudice serait donc irréparable » (voir également Prince c. Première Nation de Sucker Creek, 2008 CF 479, au paragraphe 32).

[11]           Enfin, je suis convaincu que la prépondérance des inconvénients favorise le maintien du statu quo. Les intérêts de la communauté des PNCL sont mieux servis si l’injonction demandée est accordée jusqu’à ce que la demande de contrôle judiciaire de M. Perry soit tranchée sur le fond (Buffalo c. Rabbit, 2011 CF 420, au paragraphe 37). En outre, le demandeur, M. Perry, n’adopte aucune position quant à la demande de mesure injonctive, et approuve l’analyse juridique avancée par le chef et le conseil des PNCL.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.                  Allan Adam, président d’élection pour les Premières Nations de Cold Lake, est ajouté à titre de défendeur dans la demande de contrôle judiciaire, et l’intitulé de la cause est modifié en conséquence. M. Adam peut, dans les dix jours suivant la date de la présente ordonnance, déposer un avis de comparution conformément à l’article 305 des Règles des Cours fédérales.

2.                  Il est interdit à Allan Adam, président d’élection pour les Premières Nations de Cold Lake, d’organiser, de préparer ou de tenir toute élection pour les Premières Nations de Cold Lake, ou de prendre quelque mesure que ce soit pour tenir de telles élections, en attendant la décision définitive de la Cour concernant la demande de contrôle judiciaire.

3.                  Ni l’une ni l’autre partie n’a droit aux dépens.

« Simon Fothergill »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

T-1401-16

 

INTITULÉ :

MORGAN PERRY c. LE CHEF ET LE CONSEIL DES PREMIÈRES NATIONS DE COLD LAKE,

ET ALLAN ADAM, PRÉSIDENT D’ÉLECTION POUR LES PREMIÈRES NATIONS DE COLD LAKE

LIEU DE L’AUDIENCE :

TÉLÉCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 septembre 2016

ORDONNANCE ET MOTIFS

LE JUGE FOTHERGILL

DATE DES MOTIFS :

Le 21 septembre 2016

COMPARUTIONS :

Priscilla Kennedy

Pour le demandeur

Maxime Faille

Graham Ragan

Paul Seaman

Pour les défendeurs

LE CHEF ET LE CONSEIL DES PREMIÈRES NATIONS DE COLD LAKE

 

Pour son propre compte

Pour le défendeur

 ALLAN ADAM, PRÉSIDENT D’ÉLECTION POUR LES PREMIÈRES NATIONS DE COLD LAKE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DLA Piper (Canada) S.E.N.C.R.L.

Avocats

Edmonton (Alberta)

Pour le demandeur

Gowling WLG

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour les défendeurs

LE CHEF ET LE CONSEIL DES PREMIÈRES NATIONS DE COLD LAKE

 

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