Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160908


Dossier : IMM-326-16

Référence : 2016 CF 1019

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2016

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

LAKSHMAN SANTOSH KUMAR NOOKALA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le Programme de travail postdiplôme permet aux étudiants étrangers ayant obtenu un diplôme dans un établissement postsecondaire canadien participant d’acquérir une expérience de travail au Canada. L’expérience de travail qualifié au Canada acquise dans le cadre du programme aide ensuite les diplômés à obtenir la résidence permanente au Canada.

[2]               Pour obtenir un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme, un étudiant doit tout d’abord satisfaire certains critères. Entre autres, il doit avoir complété un programme d’études d’une durée d’au moins huit mois et avoir reçu un avis écrit de son établissement d’enseignement indiquant qu’il est admissible à un certificat ou à un diplôme. Il doit aussi avoir un permis d’études valide au moment de soumettre sa demande de permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme. 

[3]               Lakshman Santhosh Kumar Nookala est un citoyen de l’Inde qui est arrivé au Canada en août 2013 pour étudier à l’Université Concordia. Son permis d’études était valide du 28 août 2013 au 31 août 2015. Le 6 août 2015, M. Nookala a été avisé qu’il avait terminé ses études, puisqu’il avait obtenu une maîtrise en génie industriel de l’Université Concordia.

[4]               Rien n’empêchait M. Nookala de soumettre une demande de permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme avant l’expiration de son permis d’études, à la fin du mois d’août 2015, sauf le fait qu’il avait décidé de prendre des vacances à la fin de son programme d’études universitaires.

[5]               Même si les documents concernant sa demande sont quelque peu confus, il est admis que M. Nookala a soumis une demande de permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme le 12 septembre 2015, après l’expiration de sa période d’études. En conséquence, il avait accompagné sa demande d’une demande de rétablissement de son statut, en application de l’article 182 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

[6]               Un agent de l’immigration a conclu que, parce que M. Nookala n’était pas en possession d’un permis d’études valide au moment où il a soumis sa demande, il n’avait pas droit à un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme. L’agent a également refusé de rétablir le statut de M. Nookala.

[7]               M. Nookala affirme que l’agent de l’immigration a entravé son pouvoir discrétionnaire en exigeant qu’il ait un permis d’études valide pour pouvoir soumettre une demande de permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme.

[8]               Selon M. Nookala, le seul élément appuyant la conclusion de l’agent de l’immigration voulant qu’un permis d’études valide soit requis pour avoir droit à un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme est ce qu’il appelle la « ligne directrice » du défendeur concernant le permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme. M. Nookala soutient qu’il est bien établi que les lignes directrices administratives ne sont pas des lois et que, par conséquent, la « ligne directrice » concernant le permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme ne peut avoir d’effet obligatoire sur la décision de l’agent de l’immigration.

[9]               Comme je l’expliquerai ci-après, je n’accepte pas les arguments de M. Nookala. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

I.                   Analyse

[10]           La norme de révision qui doit être appliquée à la décision de l’agent de l’immigration en l’espèce est la norme de la décision raisonnable : Rehman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1021, au paragraphe 13, [2015] A.C.F. no 1015.

[11]           Il y a entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire lorsque le décideur traite des directives comme des dispositions impératives : voir, par exemple, Canadian Reformed Church of Cloverdale B.C. c. Canada (Emploi et Développement social), 2015 CF 1075, 2015 A.C.F. no 1089. Toutefois, la partie clé du document qui établit le permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme n’est pas une « directive », au sens donné à ce terme dans la jurisprudence: voir, par exemple, Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 32, 3 R.C.S. 909.

[12]           Le document relatif au programme en cause en l’espèce établit les critères qu’un candidat doit satisfaire pour obtenir un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme. Même si ce document contient également de l’information et des directives sur la manière d’administrer le programme, rien dans ce document ne confère aux agents de l’immigration le pouvoir de modifier les critères d’admissibilité du programme. En conséquence, l’agent de l’immigration n’a nullement entravé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a déterminé que M. Nookala devait détenir un permis d’études valide pour obtenir un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme.

[13]           M. Nookala reconnaît qu’il était loisible au ministre de créer le permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme en vertu de l’article 205 du Règlement. Cette disposition habilite le ministre à créer des programmes qui permettent aux étrangers d’obtenir des permis de travail lorsque le ministre le juge nécessaire, entre autres, pour des raisons d’intérêt public en rapport avec la compétitivité des établissements universitaires ou de l’économie du Canada.

[14]           M. Nookala admet également qu’il était loisible au ministre de fixer des critères d’admissibilité pour des programmes tels que le permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme et, en fait, il ne s’oppose pas à la majorité des critères d’admissibilité. Toutefois, si je comprends bien son argument, M. Nookala affirme que le ministre ne pouvait pas créer un critère d’admissibilité qui avait pour effet de rendre absurde une disposition du Règlement.

[15]           M. Nookala soutient que l’article 182 du Règlement permet expressément à un résident temporaire au Canada en vertu d’un permis d’études d’obtenir que son statut soit rétabli à l’expiration de son permis d’études, à condition qu’il en fasse la demande dans les quatre-vingt-dix jours suivant l’expiration de son permis d’études. C’est vrai, relativement parlant.

[16]           Toutefois, l’article 182 du Règlement stipule aussi expressément que, pour avoir droit au rétablissement de son statut, le demandeur doit également démontrer qu’il continue à satisfaire aux exigences initiales de sa période de séjour. Cela est tout à fait logique. En fait, la notion de « rétablissement » indique implicitement que l’objectif visé est le rétablissement de l’ancien statut.

[17]           Sans doute parce qu’il était à la recherche d’une forme quelconque de permis de travail, dans sa demande de rétablissement de son statut, M. Nookala indique qu’il souhaite rétablir son statut de « travailleur ». C’est cette demande que l’agent de l’immigration a prise en considération. Cependant, M. Nookala n’a jamais détenu de permis de travail au Canada et, en conséquence, la décision de l’agent de rejeter cette demande de rétablissement est raisonnable.

[18]           Même si l’on peut considérer la demande de M. Nookala et sa lettre d’accompagnement comme une demande de rétablissement de son permis d’études, il ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 182 du Règlement concernant le rétablissement de ce permis.

[19]           Pour être admissible à un permis d’études, un demandeur doit avoir été admis à un programme d’études d’un établissement d’enseignement canadien désigné : voir l’alinéa 216(1)e) du Règlement. Donc, conformément au libellé spécifique de l’article 182 du Règlement, pour avoir droit au rétablissement de son statut, M. Nookala devait établir qu’il avait été admis à un programme d’études d’un établissement d’enseignement désigné au moment de sa demande de rétablissement pour que son statut d’étudiant soit rétabli. Toutefois, M. Nookala avait terminé ses études en août 2015 et il n’était plus inscrit à un programme d’études dans un établissement d’enseignement canadien désigné. En conséquence, M. Nookala ne satisfaisait plus aux exigences initiales de sa période de séjour, de sorte qu’il ne satisfaisait plus non plus aux exigences de l’article 182 du Règlement. 

[20]           Selon M. Nookala, il était loisible à l’agent de l’immigration de rétablir « momentanément » son statut d’étudiant afin de lui permettre d’obtenir un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme. Cependant, il n’a présenté aucun précédent pour étayer cet argument, lequel va à l’encontre de l’article 182 du Règlement. La décision dans Ni c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 725, [2014] A.C.F. no 814, citée par le demandeur ne portait pas sur la question litigieuse aux présentes et, en conséquence, n’aide nullement le demandeur.

[21]           Je ne suis pas d’accord avec M. Nookala qu’en obligeant un demandeur à détenir un permis d’études valide pour avoir droit à un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme, le ministre a fixé un critère qui rend absurde l’article 182 du Règlement.

[22]           M. Nookala aurait pu demander le rétablissement de son statut en vertu d’un permis d’études conformément à l’article 182 du Règlement, s’il avait satisfait à la disposition ci-contre, à savoir qu’il était toujours inscrit à un programme d’études postsecondaires. Rien dans le permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme ne change cela.

[23]           Cependant, comme M. Nookala n’était plus étudiant, il ne remplissait plus les conditions de l’article 182 du Règlement. Comme il n’avait pas de permis d’études valide au moment où il a soumis sa demande de permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme, il ne remplissait pas non les conditions inhérentes à ce programme. Par conséquent, il était tout à fait raisonnable pour l’agent de refuser la demande de permis de travail de M. Nookala.

Addenda

[24]           Après la rédaction des présents motifs, mais avant leur signature, le demandeur a fourni à la Cour une partie d’une ligne directrice publiée sur le site Web du Ministère. Essentiellement, la ligne directrice se lit comme suit : « l’expression « exigences initiales de sa période de séjour » ne doit pas être interprétée littéralement lorsqu’elle est utilisée dans le contexte d’une demande de rétablissement du statut ». Puis, la ligne directrice indique que « l’interprétation à privilégier dans ce contexte c’est de s’assurer que la personne qui demande le rétablissement de son statut de résident temporaire satisfait, au moment de la demande, aux exigences de la catégorie dans laquelle elle présente une demande ».

[25]           Selon M. Nookala, cela signifie qu’une personne qui a déjà détenu un permis d’études peut faire « rétablir » son statut sous forme de permis de travail, y compris un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme.

[26]           En l’espèce, je n’ai pas à déterminer si cette interprétation suggérée par la ligne directrice ministérielle est raisonnable ou non. La décision de rejeter la demande de rétablissement présentée par M. Nookala était fondée sur le libellé spécifique de l’article 182 du Règlement. En conséquence, cette décision se situait dans une gamme de résultats possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Bref, cette décision était raisonnable.

II.                Conclusion

[27]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n’ont proposé aucune question de portée générale, et aucune ne sera certifiée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

« Anne L. Mactavish »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-326-16

 

INTITULÉ :

LAKSHMAN SANTOSH KUMAR NOOKALA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er septembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 8 septembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Ravi Jain

Sonia Akilov

 

Pour le demandeur

 

Stephen Jarvis

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.