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Date : 20160822


Dossier : T-1962-15

Référence : 2016 CF 953

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 août 2016

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

JOHN C. HERRINGTON

demandeur

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               M. John Herrington [le demandeur] présente cette demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un chef d’équipe du Centre d’expertise d’allègement pour les contribuables, qui fait partie de la Direction générale des appels de l’Agence du revenu du Canada [ARC]. Le chef d’équipe a rejeté la demande du demandeur de réexamen de la première décision relative à l’allègement pour les contribuables. Dans cette décision, un autre chef d’équipe de l’ARC a rejeté la demande du demandeur pour l’annulation des pénalités et des intérêts débiteurs imposés pour les années d’imposition 2012 et 2013, sur la base de l’absence de circonstances exceptionnelles.

[2]               Lors de l’évaluation des observations écrites et orales du demandeur, j’ai tenu compte du fait qu’il se représentait lui-même et que je devais lui laisser une liberté considérable pour ses actes de procédure. Cependant, cela ne lui confère pas d’autres droits supplémentaires (Sauve c. Sa Majesté la Reine, 2011 CF 1081, au paragraphe 14; conf. par 2012 CAF 287, au paragraphe 6). J’ai également choisi de ne pas tenir compte de plusieurs commentaires sarcastiques et accusatoires injustifiés qui figurent dans son mémoire des faits et du droit et qu’il a faits pendant l’audience concernant l’avocat de l’intimé et la Cour.

II.                Remarque préliminaire

[3]               Par les présentes, le demandeur demande les recours suivants : i) l’allègement des pénalités imposées en 2012 et en 2013; ii) le remboursement plus intérêts; iii) 10 000 $ en dépenses en lien avec la demande de contrôle judiciaire.

[4]               Toutefois, le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, prévoit que sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour peut seulement :

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

[5]               Lors de l’application de l’alinéa 18.1(3)b), je ne suis pas appelée à exercer le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) [la LIR], ni à substituer ma propre décision à celle du ministre. Mon contrôle ne vise plutôt que la manière dont le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire (Sutherland c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2006 CF 154, au paragraphe 20).

III.             Faits

[6]               Les déclarations de revenus du demandeur pour les années 2009, 2011, 2012 et 2013 ont fait l’objet d’une nouvelle cotisation par l’ARC en raison de l’omission de revenus de placements. Aucune pénalité n’a été imposée pour l’année d’imposition 2009 puisqu’il s’agissait de la première omission dans une période de quatre ans, mais le demandeur s’est vu imputer 8,51 $ en intérêts d’arrérages.

[7]               Relativement aux omissions pour les années d’imposition 2011, 2012 et 2013, les pénalités et intérêts suivants ont été imposés au demandeur :

         En 2011, le demandeur a omis de déclarer des feuillets T3 du Fonds du marché monétaire canadien TD et du FNB iShares Global Gold Index, pour un total de 882,00 $. Le demandeur a fait l’objet d’une cotisation de 176,40 $ en pénalités pour omission et de 14,06 $ en intérêts d’arrérages. Le demandeur a présenté une demande d’allègement de ces pénalités et intérêts en vertu des dispositions d’allègement pour les contribuables. Le 26 juin 2014, les pénalités et les intérêts du demandeur ont été annulés.

         En 2012, le demandeur a omis de déclarer des feuillets T5 de TD Greenline pour un montant de 2 303,00 $. Le demandeur a fait l’objet d’une cotisation de 460,40 $ en pénalités pour omission et de 12,03 $ en intérêts d’arrérages.

         En 2013, le demandeur a omis de déclarer des feuillets T5 de TD Greenline pour un montant de 1 617,00 $. Le demandeur a fait l’objet d’une cotisation de 323,40 $ en pénalités pour omission et de 19,67 $ en intérêts d’arrérages.

[8]               Le demandeur a payé les pénalités et les intérêts d’arrérages au complet, peu après l’émission des avis de nouvelle cotisation respectifs.

[9]               Toutefois, il a ensuite présenté une demande d’allègement pour les contribuables concernant les pénalités et les intérêts pour les années d’imposition 2012 et 2013 [la demande au premier palier]. Le demandeur a indiqué qu’il existait [traduction] « d’autres circonstances » justifiant sa demande : ses feuillets T5 pour les années 2012 et 2013 ont été envoyés à son ancienne adresse postale et, par conséquent, il ne les a jamais reçus. Il a indiqué sa nouvelle adresse à la Banque TD, et la Banque TD a envoyé le changement d’adresse à TD Greenline, son groupe d’investissement. Cependant, TD Greenline n’avait pas encore mis à jour l’adresse du demandeur dans ses dossiers. Le demandeur a mentionné qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable en communiquant avec l’ARC le 3 mars 2014 pour demander tous ses feuillets de renseignements pour l’année 2013. Toutefois, un agent du centre d’appels de l’ARC l’a subséquemment informé qu’il n’avait reçu son feuillet T5 pour l’année 2013 que le 15 mars 2014.

[10]           Un agent des services fiscaux a préparé un rapport d’allègement pour les contribuables dans lequel il recommandait de rejeter la demande au premier palier. Le rapport souligne que le demandeur aurait dû faire preuve de plus de diligence afin de déclarer tous ses revenus à la suite de l’établissement d’une nouvelle cotisation pour sa déclaration de revenus pour 2011 et de l’imposition de pénalités pour avoir omis de déclarer des revenus. Un chef d’équipe de l’ARC a approuvé la recommandation de rejeter la demande au premier palier du demandeur, et a envoyé la lettre de décision au demandeur.

[11]           Le demandeur a présenté une seconde demande d’allègement pour les contribuables (la demande au second palier) concernant les pénalités et les intérêts imposés pour les années d’imposition 2012 et 2013. Encore une fois, le demandeur a indiqué qu’il existait [traduction] « d’autres circonstances » justifiant sa demande : la Banque TD avait confirmé que la demande de changement d’adresse envoyée à TD Greenline avait été [traduction] « perdue par la poste ». Le demandeur a plaidé que ces circonstances étaient indépendantes de sa volonté.

[12]           Un second agent des services fiscaux a préparé un rapport d’allègement pour les contribuables dans lequel il recommandait de rejeter la demande au second palier. Le rapport a reconnu que le courrier perdu était au-delà du ressort du demandeur, mais a conclu que ces circonstances n’avaient pas raisonnablement empêché le demandeur de déclarer tous ses revenus dans sa déclaration de revenus initiale.

IV.             Décision contestée

[13]           Une autre chef d’équipe a approuvé la recommandation de rejeter la demande de second palier du demandeur, exerçant son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR. Dans sa lettre de décision, la chef d’équipe a indiqué qu’elle était d’accord avec le demandeur relativement au fait que TD Greenline n’avait pas la nouvelle adresse postale était indépendant de sa volonté. Cependant, elle ne pouvait pas conclure que cela [traduction] « l’avait raisonnablement empêché de présenter une déclaration de revenus exacte et complète avant la date limite respective ». La chef d’équipe a reconnu que le demandeur avait communiqué avec l’ARC le 3 mars 2014 pour obtenir ses feuillets de renseignements pour l’année 2013, mais a conclu [traduction] « qu’après avoir omis à plusieurs reprises de déclarer des revenus semblables, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne s’assure que ses feuillets de renseignements reflètent sa situation financière ».

V.                Questions en litige et norme de contrôle

[14]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

A.                La chef d’équipe de l’ARC a-t-elle commis une erreur en décidant de ne pas annuler les pénalités et les intérêts imposés au demandeur, ou d’y renoncer?

B.                 Doit-on adjuger des dépens?

[15]           La norme de contrôle applicable à la décision discrétionnaire du ministre rendue en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR est celle de la décision raisonnable (Canada (Agence du revenu) c. Telfer, 2009 CAF 23, au paragraphe 24). Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire se limite à l’examen de la manière dont la chef d’équipe a exercé son pouvoir discrétionnaire (Sutherland, précitée, au paragraphe 20).

VI.             Analyse

A.                La chef d’équipe de l’ARC a-t-elle commis une erreur en décidant de ne pas annuler les pénalités et les intérêts imposés au demandeur, ou d’y renoncer?

[16]           Le mémoire des faits et du droit du demandeur ne contient aucun argument juridique. Essentiellement, le demandeur n’est pas d’accord avec la décision de la chef d’équipe de ne pas renoncer aux pénalités et aux intérêts. Il affirme qu’il a agi de façon responsable en produisant sa déclaration de revenus et qu’elle devrait renoncer aux pénalités et aux intérêts en raison des circonstances qui étaient indépendantes de sa volonté (le courrier perdu).

[17]           Il a mieux défini sa position lors de l’audience. Il blâme le système informatique de la défenderesse de ne pas lui avoir fourni d’avertissement préalable selon lequel un de ses feuillets T5 envoyés par TD Greenline à l’ARC avec son numéro d’assurance sociale ne figurait pas dans ses déclarations de revenus des années 2012 et 2013. En d’autres mots, le demandeur soutient que l’obligation de diligence de l’ARC à l’égard des contribuables canadiens (Leroux v Canada Revenue Agency, 2014 BCSC 720) comprend l’obligation de les informer chaque fois qu’un feuillet T3 ou T5, dont une copie est éventuellement envoyée par les institutions financières à l’ARC, manque dans la déclaration de revenus du contribuable. Le demandeur veut modifier la LIR et le système de l’ARC afin que les pénalités soient imposées seulement si un avertissement approprié a été envoyé au contribuable.

[18]           L’objet visé par le paragraphe 220(3.1) de la LIR est plutôt de savoir si un allègement devrait être octroyé en présence de circonstances atténuantes indépendantes du contrôle du contribuable qui l’auraient empêché de respecter la LIR (Stemijon Investments Ltd c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, au paragraphe 50).

[19]           Je suis d’accord avec la demanderesse que la décision de la chef d’équipe était raisonnable.

[20]           Premièrement, il était raisonnable que la chef d’équipe conclue qu’il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté du demandeur qui l’avaient empêché de se conformer à son obligation de déclarer tous ses revenus en produisant ses déclarations de revenus. Comme le demandeur avait fait des omissions semblables de revenus de placements par le passé, il était raisonnable que la chef d’équipe s’attende à ce qu’il s’assure que les feuillets de renseignements qu’il présentait reflétaient adéquatement son portefeuille de placements. Il incombe au contribuable d’inclure tous ses revenus gagnés pendant une année et cette responsabilité ne peut être transférée à l’ARC juste parce que cette dernière reçoit éventuellement une copie des feuillets T3 et T5 produits par les institutions financières.

[21]           Deuxièmement, la chef d’équipe a examiné toutes les observations du demandeur lorsqu’elle a évalué la demande de second palier, et ne s’est pas appuyée sur les faits non pertinents. Ainsi, la décision de la chef d’équipe appartient aux issues possibles et acceptables, et elle a rendu une décision transparente, justifiée et intelligible (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9).

B.                 Doit-on adjuger des dépens?

[22]           Dans son avis de demande, le demandeur a demandé l’adjudication de 10 000 $ en dépens, mais ne mentionne pas ce montant dans son mémoire des faits et du droit, dans lequel il ne fait que demander l’adjudication de dépens.

[23]           La défenderesse réclame des dépens relativement à la présente demande.

[24]           Je conclus que les dépens devraient être adjugés en faveur de la défenderesse, en raison du résultat de l’instance (paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106).

VII.          Conclusion

[25]           La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et les dépens sont établis à 500 $ en faveur de la défenderesse, y compris les débours et les taxes.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Les dépens sont établis à 500 $ en faveur de la défenderesse, y compris les débours et les taxes.

« Jocelyne Gagné »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1962-15

INTITULÉ DE LA CAUSE :

JOHN C. HERRINGTON c. AGENCE DU REVENU DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 août 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GAGNÉ

DATE DES MOTIFS :

Le 22 août 2016

COMPARUTIONS :

John C. Herrington

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Karen A. Truscott

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour la défenderesse

 

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