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Date : 20160818


Dossier : T-1358-15

Référence : 2016 CF 940

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 août 2016

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

FLORIJA IMEROVIK

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande déposée par Florija Imerovik, contestant la décision de la directrice générale, Sûreté aérienne (Transports Canada), laquelle a révoqué l’habilitation de sécurité en matière de transport (HST) de Mme Imerovik. La décision contestée a mis fin à l’emploi de Mme Imerovik à titre d’agente de contrôle à l’Aéroport international Lester B. Pearson-Toronto. La décision de la directrice générale était fondée sur les relations personnelles de Mme Imerovik avec trois individus (y compris son mari et son fils) qui entretenaient des liens manifestes avec un groupe du crime organisé albanais.

[2]               Mme Imerovik a reçu une habilitation de sécurité en matière de transport en 2002. Cette habilitation a été renouvelée trois fois. Si ce n’eût été de la décision de Direction générale, son habilitation de sécurité en matière de transport serait demeurée valide jusqu’au 10 octobre 2017. À un certain moment, Transports Canada a demandé à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de procéder à des vérifications de sécurité supplémentaires concernant Mme Imerovik. Cette demande a donné lieu à un rapport de vérification des antécédents criminels (rapport de VAC), lequel dénotait les préoccupations qui ont conduit à la décision de la directrice générale.

I.                   Contexte procédural

[3]               L’enquête de la GRC a révélé que Mme Imerovik vivait avec son mari et son fils. De plus, un tiers dont l’appartenance à des gangs était connue aurait vécu dans la maison familiale entre 2010 et 2012.

[4]               La GRC a rapporté que le mari de Mme Imerovik a été accusé, en 1991, de possession de biens criminellement obtenus, de faux et d’emploi de documents contrefaits. Ces chefs d’accusation ont par la suite été suspendus. La GRC a également rapporté qu’en 2013 le mari a été vu aux funérailles d’une personne connue comme étant un dirigeant d’une organisation criminelle, de même qu’en compagnie de certains membres d’un groupe du crime organisé albanais.

[5]               La GRC a aussi mentionné que le fils de Mme Imerovik a fait l’objet de chefs d’accusation en instance pour l’utilisation non autorisée de données relatives à une carte de crédit et pour fraude de moins de 5 000 $. Les chefs d’accusation de voies de fait causant des lésions corporelles et d’agression armée portés contre le fils en 2010 avaient été rejetés. En 2013, le fils a été vu en présence d’une personne connue pour être membre d’un groupe du crime organisé albanais et, en juillet 2014, il a été vu en compagnie d’une personne faisant l’objet de chefs d’accusation criminels pour fraude. En 2013, le fils a été intercepté par la Police provinciale de l’Ontario, alors qu’il conduisait la voiture de Mme Imerovik.

[6]               Les enquêteurs de la GRC ont également fait référence à un associé tiers connu pour être lié au crime organisé albanais. En 2010, le tiers a été poignardé près d’un club social soi-disant fréquenté par des sujets du crime organisé albanais, et il n’a pas coopéré à l’enquête policière à cet égard. En 2013, cette personne a été vue aux funérailles d’une personne connue comme dirigeant d’une organisation criminelle, de même qu’en compagnie de certains membres d’un groupe du crime organisé albanais.

[7]               Le contenu du rapport de la GRC a été communiqué à Mme Imerovik pour lui permettre de le commenter. Son conseiller juridique a fourni une longue réponse écrite. Entre autres points, son avocat a tenté de clarifier et de corriger ce qui suit :

(a)                Les chefs d’accusation criminels dont a fait l’objet son mari ont été portés il y a 23 ans, ils concernaient des affaires relatives à la propriété et ils ont tous été suspendus. Aucune autre allégation n’a été soulevée contre lui.

(b)               Le mari de Mme Imerovik a nié tout lien avec le crime organisé albanais.

(c)                Le fils de Mme Imerovik a fait l’objet de chefs d’accusation pour fraude, mais il a été acquitté des chefs d’accusation de voies de fait datant de 2010. Il n’a aucun casier judiciaire en matière de violence, et il a nié tout lien avec le crime organisé albanais ou avec toute autre organisation criminelle.

(d)               Le tiers était une connaissance de Mme Imerovik, et non un proche associé. Pendant sa séparation conjugale, il a utilisé son adresse pour le réacheminement du courrier, mais il n’a jamais vécu chez elle.

[8]               La décision de recommander la révocation de l’habilitation de sécurité de Mme Imerovik a été formulée lors d’une réunion de l’Organisme consultatif du Programme d’habilitation de sécurité en matière de transport, tenue le 25 mars 2015. Le compte rendu de la discussion de la réunion contient les renseignements suivants :

·          [traduction] La question est de déterminer s’il a lieu de permettre à Mme Imerovik, agente de contrôle de Garda of Canada à l’Aéroport international Lester B. Pearson-Toronto, de conserver son habilitation de sécurité ou de la révoquer, vu les renseignements récents reçus par Transports Canada.

·          Les programmes de filtrage de sécurité de Transports Canada ont à l’origine accordé une habilitation de sécurité en matière de transport à Mme Imerovik en 2002, laquelle a été renouvelée tous les cinq ans et elle est en ce moment valide jusqu’au 10 octobre 2017.

·          Les vérifications de casier judiciaire indiquent que la demanderesse n’a fait l’objet d’aucune condamnation criminelle.

·          Le 20 novembre 2014, les programmes de filtrage de sécurité de Transports Canada ont reçu un rapport provenant du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) de la GRC, exposant en détail l’association très étroite de la demanderesse avec trois individus ayant des casiers judiciaires et des associations avec le groupe du crime organisé albanais.

·          L’Organisme consultatif a noté que, bien que l’appelante ait obtenu une habilitation de sécurité en matière de transport en 2002, les renseignements concernant l’association de la demanderesse avec des individus ayant des casiers judiciaires et des associations avec le groupe du crime organisé albanais n’étaient pas disponibles auparavant.

·          L’Organisme consultatif a noté que la demanderesse vit avec deux associés très proches depuis 1990, lesquels ont été reconnus comme son mari et son fils, de même qu’avec un associé tiers, entre 2010 et 2012.

·          L’Organisme consultatif a également noté que ces associés ont fait l’objet de chefs d’accusation pour de nombreuses infractions, notamment pour voies de fait causant des lésions corporelles et agression armée.

·          L’Organisme consultatif a ensuite mentionné que les chefs d’accusation portés contre son fils pour faux, emploi de documents contrefaits, utilisation non autorisée de données relatives à une carte de crédit, fraude de moins de 5 000 $ et possession de biens criminellement obtenus le porte à croire que certains de ces chefs d’accusation sont liés à des infractions plus graves.

·          L’Organisme consultatif a mentionné que le fils de la demanderesse était passager d’un véhicule conduit par un individu membre d’un groupe du crime organisé albanais.

·          L’Organisme consultatif a ensuite mentionné que deux (2) de ces proches associés avaient récemment assisté aux funérailles d’un individu connu comme étant un dirigeant d’une organisation criminelle. Ils sont arrivés aux funérailles en compagnie de membres du groupe du crime organisé albanais.

·          Un examen des renseignements au dossier a mené l’Organisme consultatif à croire, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse pouvait être amenée ou incitée à commettre un acte, ou à aider ou à encourager une personne à commettre un acte qui pourrait illégalement interférer avec l’aviation civile.

·          L’Organisme consultatif a examiné les observations écrites présentées par la demanderesse; cependant, ces dernières ne fournissaient pas suffisamment de renseignements pour dissiper ses préoccupations.

[9]               Ces conclusions ont mené l’Organisme consultatif à recommander la révocation de l’habilitation de sécurité en matière de transport de Mme Imerovik, pour les motifs suivants :

[traduction] L’Organisme consultatif recommande l’annulation de l’habilitation de sécurité en matière de transport de la demanderesse, en fonction d’un rapport de police exposant en détail l’association de la demanderesse avec le groupe du crime organisé albanais et avec d’autres individus possédant des casiers judiciaires. L’Organisme consultatif a noté que deux (2) des associés vivent avec elle, et qu’ils sont par conséquent considérés comme de très proches associés (son mari et son fils). Un examen des renseignements au dossier a mené l’Organisme consultatif à croire, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse pouvait être amenée ou incitée à commettre un acte, ou à aider ou à encourager une personne à commettre un acte qui pourrait illégalement interférer avec l’aviation civile. En outre, les observations de la demanderesse ne fournissaient pas suffisamment de renseignements pour dissiper les préoccupations de l’Organisme consultatif.

[Non souligné dans l’original.]

[10]           Malgré la gravité de l’affaire, il s’est écoulé près de quatre mois avant que la directrice générale ne donne suite à la recommandation précitée. Le compte rendu de décision, daté du 17 juillet 2015, a justifié la révocation de l’habilitation de sécurité en matière de transport de Mme Imerovik comme suit :

[traduction] La question est de déterminer s’il a lieu de permettre à Mme Imerovik, agente de contrôle de Garda of Canada à l’Aéroport international Lester B. Pearson-Toronto, de conserver son habilitation de sécurité en matière de transport (HST) ou de la révoquer, vu les renseignements récents reçus par Transports Canada. Ma décision est énoncée ci-dessous et elle est fondée sur un examen du dossier, notamment les préoccupations portées à l’attention de la demanderesse dans la lettre qui lui a été envoyée en date du 27 novembre 2014, les observations de la demanderesse, la recommandation de l’Organisme consultatif d’examen d’habilitation de sécurité en matière de transport, de même que la Politique du Programme d’habilitation de sécurité en matière de transport (PHST).

Les renseignements concernant l’association très proche de Mme Imerovik avec trois (3) individus étant associés à un groupe du crime organisé albanais ont soulevé des préoccupations concernant son jugement, sa loyauté et sa fiabilité. J’ai noté que la demanderesse a désigné deux (2) de ces individus comme étant son fils et son mari, avec lesquels elle réside depuis 25 ans. J’ai également noté que les dossiers indiquent que le troisième individu a également résidé à l’adresse de la demanderesse, entre 2010 et 2012, ce qui m’a menée à croire qu’elle et sa famille sont de proches associés de cet individu. J’ai noté que deux (2) des associés de la demanderesse ont été vus, en mai 2013, aux funérailles d’une personne connue comme dirigeant d’une organisation criminelle, et qu’ils sont arrivés aux funérailles dans le même véhicule que des membres du groupe du crime organisé albanais. J’ai également noté que le fils de la demanderesse a été vu par la police, en juillet 2014, en compagnie d’un individu membre d’un groupe du crime organisé albanais. Après avoir examiné tous les renseignements au dossier, j’ai des raisons de croire, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse pourrait être amenée ou incitée à commettre un acte, ou à aider ou à encourager une personne à commettre un acte qui pourrait illégalement interférer avec l’aviation civile. J’ai examiné la déclaration fournie par la demanderesse, mais les renseignements fournis n’ont pas suffi à dissiper mes inquiétudes.

En conséquence, je souscris à la recommandation de l’Organisme consultatif et j’annule l’habilitation de sécurité en matière de transport de Mme Imerovik.

[11]           La présente demande découle de cette décision.

II.                Questions en litige

(a)                Quelle est la norme de contrôle appropriée?

(b)                La directrice générale a-t-elle commis une erreur dans sa décision de révoquer l’habilitation de sécurité en matière de transport de Mme Imerovik?

III.             Analyse

[12]           Parce que cette contestation de la décision de la directrice générale donne lieu à l’application de normes juridiques à la preuve, la norme de la décision raisonnable s’applique : voir l’arrêt Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités) c. Jagjit Singh Farwaha, 2014 CAF 56, aux paragraphes 84 à 86, [2015] RCF 1006.

[13]           L’article II.35 de la Politique du Programme d’habilitation de sécurité en matière de transport (Politique du PHST) prescrit l’annulation d’une habilitation de sécurité en matière de transport « d’une personne s’il est déterminé que la présence de ladite personne dans la zone réglementée d’un aéroport énuméré est contraire aux buts et objectifs du présent programme ». Cet objectif est décrit à l’article I.4 de la Politique du PHST, qui édicte que :

L’objectif de ce Programme est de prévenir l’entrée non contrôlée dans les zones réglementées d’un aéroport énuméré de toute personne :

1.         mêlée ou soupçonnée d’être mêlée à des activités relatives à une menace ou à des actes de violence graves commis contre les personnes ou les biens;

2.         membre ou soupçonnée d’être membre d’une organisation connue ou soupçonnée d’être mêlée à des activités de menace ou à des actes de violence graves commis contre les personnes ou les biens;

3.         soupçonnée d’être étroitement associée à une personne :

·          mêlée aux activités citées à l’alinéa (a);

·          membre d’une organisation citée à l’alinéa (b);

·          membre d’une organisation citée au paragraphe (e) ci-après.

4.         que le ministre croit, en s’appuyant sur les probabilités, être sujette ou susceptible d’être incitée à :

·          commettre un acte d’intervention illicite visant l’aviation civile;

·          aider ou inciter toute autre personne à commettre un acte d’intervention illicite visant l’aviation civile.

5.         mêlée à une organisation criminelle ou soupçonnée d’être ou d’avoir été membre de celle-ci ou d’avoir pris part à des activités d’organisations criminelles, telles que définies aux paragraphes 467.1(1) et 467.11(1) du Code criminel du Canada;

6.         membre d’un groupe terroriste, tel que défini à l’article 83.01(1)(a) du Code criminel du Canada.

[14]           La décision d’annuler l’habilitation de sécurité en matière de transport de Mme Imerovik était fondée sur la croyance de la directrice générale que Mme Imerovik pouvait être amenée ou incitée à commettre un acte, ou à aider ou à encourager une autre personne à commettre un acte qui pourrait illégalement interférer avec l’aviation civile, conformément au paragraphe I.4(4) de la Politique du PHST. La préoccupation sous-jacente voulait que ses relations personnelles et familiales la rendait vulnérable à une influence illégale. La norme de preuve applicable est celle de la croyance raisonnable, selon la prépondérance des probabilités : voir MacDonnell c. Canada (Procureur général), 2013 CF 719, au paragraphe 29, [2013] ACF no 799 (QL).

[15]           Il y a lieu de noter que la directrice générale n’a pas prétendu fonder sa décision sur le paragraphe I.4(3) de la Politique du PHST, qui traite explicitement des relations suspectes. En vertu de cette disposition, Mme Imerovik devrait être soupçonnée d’être étroitement associée avec des personnes connues ou soupçonnées d’être reliées à des actes de violence grave commis contre des personnes ou des biens, ou qui sont connues ou soupçonnées d’être membres d’un groupe participant à une telle conduite criminelle. Il pourrait s’agir d’une conduite menant à une annulation si le mari ou le fils de Mme Imerovik étaient raisonnablement soupçonnés d’être membres d’un groupe du crime organisé ou s’ils se livraient eux-mêmes à des actes de violence grave. Toutefois, il n’y a rien dans le rapport de la GRC qui permet de soutenir une telle croyance.

[16]           Il ne ressort pas clairement de la décision de la directrice générale qu’elle a tenu compte des conclusions et des observations de l’Organisme consultatif. La seule préoccupation explicite contenue dans la décision relève de l’existence des relations établies de Mme Imerovik avec trois personnes [traduction] « qui sont associées à un groupe du crime organisé albanais ». Cela aurait soulevé une préoccupation quant au [traduction] « jugement, à la loyauté et à la fiabilité » de Mme Imerovik.

[17]           Bien que l’Organisme consultatif ait pris note des chefs d’accusation en instance concernant de nombreuses infractions dont faisaient l’objet les associés de Mme Imerovik, la décision de la directrice générale ne fait pas mention de ces renseignements. Il s’agit peut-être de renseignements pertinents vu l’absence de preuve concernant ces chefs d’accusation, tous étaient en instance ou rejetés (dans le cas du fils) ou suspendus (dans le cas du mari). Sans information générale, l’existence de chefs d’accusation criminels ne revêt, bien entendu, aucune importance. Dans l’arrêt Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités) c. Jagjit Singh Farwaha, précité, la Cour a examiné la pertinence potentielle dans ce contexte de chefs d’accusation criminels suspendus ou retirés. Au paragraphe 121, le juge David Stratas souligne la nécessité de considérer les « faits entourant l’incident à l’origine des accusations » : voir aussi Salmon c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1098, aux paragraphes 84 et 85, 247 ACWS (3d) 499.

[18]           La recommandation de l’Organisme consultatif comporte également des erreurs. Par exemple, rien dans le rapport de la GRC ne laisse entendre que le tiers désigné avait été l’objet de chefs d’accusation criminels ou qu’il avait été reconnu coupable. Néanmoins, l’Organisme consultatif renvoie à tort au lien de Mme Imerovik avec [traduction] « un autre individu possédant un casier judiciaire » (voir le dossier de la demanderesse, onglet 4, dossier de recommandation). L’organisme consultatif a aussi faussement imputé certains chefs d’accusation criminels au fils de Mme Imerovik, que la GRC avait associés à une autre personne. Ces erreurs sont le résultat d’un examen sommaire et bâclé du rapport de la GRC, lequel examen devrait avoir inquiété la directrice générale.

[19]           Si la directrice générale n’a pas été influencée par autre chose que les relations de Mme Imerovik avec trois individus ayant de soi-disant liens avec le crime organisé albanais, il est nécessaire d’examiner ce qui restait, parmi les éléments de preuve, à l’appui de l’annulation de l’habilitation de sécurité en matière de transport de Mme Imerovik.

[20]           Rien dans le rapport de la GRC n’indique que le mari et le fils de Mme Imerovik étaient connus ou soupçonnés d’être membres d’un groupe du crime organisé. Le rapport indique, tout au plus, que le mari de Mme Imerovik et le tiers ont été vus, en 2013, aux funérailles d’une personne connue comme dirigeant d’un groupe du crime organisé albanais, et qu’ils sont arrivés en compagnie de [traduction] « certains membres de cette organisation ». À une occasion, le fils de Mme Imerovik a aussi été vu en compagnie d’un membre d’un groupe du crime organisé albanais. Le mari et le fils de Mme Imerovik ont, tous deux, nié être membres de tout groupe du crime organisé.

[21]           Bien que le rapport de la GRC ait établi un lien entre Mme Imerovik et le tiers, « associé au » crime organisé albanais, il mentionne également qu’il a vécu dans la résidence familiale entre 2010 et 2012. Malgré le démenti de Mme Imerovik, cette déclaration est reprise dans tous les rapports subséquents. Toutefois, l’Organisme consultatif et la directrice générale ont accepté la déclaration de la GRC comme un fait avéré, sans aucune tentative apparente de procéder à une vérification. Cela a été désigné comme un facteur substantiel dans la décision, et il incombait à l’Organisme consultatif et à la directrice générale de se renseigner davantage. Des contradictions de cette importance doivent faire l’objet d’un examen minutieux, plutôt que d’être simplement acceptées comme des faits parce qu’elles proviennent des forces de l’ordre. Mme Imerovik a soutenu que le tiers n’avait été qu’une connaissance de passage. Si cet élément de preuve était véridique, le motif pour annuler son habilitation de sécurité serait affaibli.

[22]           Vu les contradictions flagrantes contenues dans le dossier présenté à l’Organisme consultatif et à la directrice générale, et compte tenu des longs antécédents de travail sans incident de Mme Imerovik, elle avait droit à un examen plus attentif de la preuve que celui qui lui a été offert. En regard de la piètre qualité du rapport de l’Organisme consultatif et des motifs ténus énoncés par la directrice générale, je conclus que sa décision est déraisonnable et elle est annulée.

[23]           Pour les motifs précités, la présente demande est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre décideur afin qu’il rende une nouvelle décision sur le fond. Toute enquête supplémentaire doit être menée par des personnes n’ayant pas participé à la décision faisant l’objet du contrôle. Des dépens fixés à 2 250 $ sont payables à Mme Imerovik.


JUGEMENT

LA COUR accueille la présente demande, et l’affaire est renvoyée à un autre décideur afin qu’il rende une nouvelle décision sur le fond. Toute enquête supplémentaire doit être menée par des personnes n’ayant pas participé à la décision faisant l’objet du contrôle. Des dépens fixés à 2 250 $ sont payables à Mme Imerovik.

« R.L. Barnes »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

T-1358-15

 

INTITULÉ :

FLORIJA IMEROVIK c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 juin 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BARNES

DATE DES MOTIFS :

Le 18 août 2016

COMPARUTIONS :

Vincent F. Ruscitto

Pour la demanderesse

Jon Bricker

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ruscitto Law Firm

Société professionnelle

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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