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Date : 20160720


Dossier : IMM-5856-15

Référence : 2016 CF 832

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

FARAH SULAIMAN

MONA ALSAYED

ADNAN ALSAIED

demandeurs

et

MINSTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] d’une décision d’un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’agent] à l’effet que les demandeurs n’entraient pas dans l’une des exceptions prévues par l’Entente sur les tiers pays sûrs et excluant les demandeurs du Canada pour une période d’un an pour contravention du paragraphe 20(1) de la LIPR.

II.                Les faits

[2]               La demanderesse principale, Mme Farah Sulaiman, est une Palestinienne apatride née en Arabie Saoudite. Les demandeurs Mona Alsayed et Adnan Alsaied sont ses enfants mineurs et sont citoyens de la Syrie.

[3]               Le mari de la demanderesse, Rami Elsayed, est un citoyen syrien qui travaille présentement en Arabie Saoudite. Il y détient un permis de résidence lié à son employeur.

[4]               Le 16 novembre 2015, la demanderesse est entrée aux États-Unis en compagnie de ses enfants à l’aide d’un visa de visiteur. Le mari de la demanderesse n’a pas pu accompagner les demandeurs, car son employeur a refusé de le laisser quitter l’Arabie Saoudite.

[5]               Le 21 novembre 2015, la demanderesse s’est présentée au poste frontalier de Lacolle en compagnie de ses enfants dans le but de demander l’asile au Canada.

[6]               Le 22 novembre 2015, l’agent a émis un avis d’exclusion à l’endroit de la demanderesse pour une période d’un an.

III.             Question en litige

[7]               Il y a deux questions en litige :

1)      L'agent a-t-il violé le droit à l'interprète et le droit à l'avocat des demandeurs?

2)      L’agent a-t-il erré en concluant que les demandeurs n’entraient pas dans l’une des catégories d’exception à l’application de l’Entente sur les tiers pays sûrs?

IV.             Analyse

[8]               La norme de contrôle pour la question d’un droit à l’avocat ainsi que du droit à l’interprète est celle de la décision correcte, car il s’agit de droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés aux articles 10 et 14 (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, para 58 [Dunsmuir]). La norme de contrôle pour des questions de faits et mixtes de faits et de droit est celle de la décision raisonnable [Dunsmuir, para 166].

A.                L'agent a-t-il violé le droit à l’interprète et le droit à l’avocat des demandeurs?

[9]               La demanderesse principale allègue ne pas bien avoir compris ce qui se disait au cours de l’entrevue avec l’agent, qui s’est déroulée en anglais. Elle allègue aussi qu’on ne lui a pas offert les services d’un avocat ni ceux d’un interprète. Elle soutient avoir informé l’agent que sa compréhension de la langue anglaise était limitée, nécessitant même l’assistance de l’agent pour remplir les formulaires, et qu’elle n’a pas compris la nature des documents qu’on lui faisait signer ni leurs conséquences.

[10]           Pour sa part, le défendeur soutient que les notes de l’agent indiquent clairement que la demanderesse principale parlait couramment l’anglais et qu’il était possible de maîtriser une langue et de mal comprendre certaines questions à l’occasion.

[11]           Je partage le point de vue du défendeur à ce sujet. Les notes annexées de l’affidavit de l’agent, décrivant les réponses de la demanderesse aux questions, démontrent une compréhension de l’anglais de la part de la demanderesse principale. Il est évident qu’elle n’aurait pas pu participer et répondre aux questions posées par l’agent pendant l’entrevue de la même manière si elle n’avait pas compris ce qui se passait.

[12]           Par ailleurs, la demanderesse principale n’a pas fait la preuve d’aucune raison de douter de la véracité des notes de l’agent. L’agent est présumé être une partie désintéressée dans le contexte des procédures d’immigration. Il n’y a donc pas lieu de douter, dans les circonstances, qu’un interprète a bel et bien été offert à la demanderesse.

[13]           Quant à la question du droit à l’avocat, je suis d’avis que la demanderesse ne bénéficiait pas d’un tel droit, vu qu’elle n’était ni en détention, ni en état d’arrestation, et était libre de retourner aux États-Unis. Les faits démontrent que la demanderesse a subi une entrevue de routine afin d’identifier les raisons pour lesquelles elle souhaitait entrer au Canada et déterminer si elle remplissait les critères d’admission : Heredia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1215, para 13 :

[13]      En outre, il s’agissait d’un interrogatoire de routine visant à identifier les raisons pour lesquelles le demandeur souhaitait entrer au Canada et à déterminer s’il remplissait les conditions d’admission. Il importe de rappeler que le demandeur est arrivé au Canada en voyageant clandestinement et qu’il n’avait aucune pièce d’identité en sa possession. L’interrogatoire était de nature administrative et l’agente de l’ASFC n’avait aucune obligation légale d’informer le demandeur de la possibilité qu’une mesure d’exclusion soit émise contre lui, ni des conséquences d’une telle mesure.

[14]           L’agent n’a donc pas violé ni le droit à l’interprète ni le droit à l’avocat dans les circonstances.

B.                 L'agent a-t-il erré en concluant que les demandeurs n'entraient pas dans l'une des catégories d'exception à l'application de l'Entente sur les tiers pays sûrs?

[15]           L’Entente sur les tiers pays sûrs prévoit quatre types d’exception, dont une exception pour les demandeurs d’asile qui ont des membres de la famille au Canada. L’Entente définit les membres de famille comme :

         un époux;

         un tuteur légal;

         un enfant;

         un père ou une mère;

         un frère ou une sœur;

         un grand-père ou une grand-mère;

         un petit-fils ou une petite-fille;

         un oncle ou une tante;

         un neveu ou une nièce;

         un conjoint de fait;

         un conjoint de même sexe.

[16]           La demanderesse principale a déclaré à l’agent que son mari avait des oncles au Canada. Elle soutient que ces personnes sont également ses oncles par le biais des liens du mariage et que le texte de l’Entente ne définit pas le mot « oncle». Comme les liens par le mariage ne sont pas exclus, elle prétend qu’elle et ses enfants auraient dû être admis sous l’exception concernant les membres de la famille.

[17]           Or, la Cour note que la position de la demanderesse ne correspond pas au sens ordinaire du mot « oncle». Le Petit Robert définit ce mot comme suit :

Le frère du père ou de la mère, et par ext. Le mari de la tante.

[18]           En anglais, le Canadian Oxford Dictionary va dans le même sens :

[…] the brother of one’s father or mother […] an aunt’s husband.

[19]           Il est donc très clair que ce mot se rapporte aux liens de sang entre les individus et ne comprennent pas les oncles du mari de la demanderesse qui ne sont donc pas, à son égard ou à l’égard de ses enfants, des membres de la famille au sens de l’Entente. Il était alors raisonnable pour l’agent de ne pas admettre les demandeurs au Canada et de les exclure pour une période d’un an.

V.                Question certifiée

[20]           La demanderesse a proposé à l’audience une question certifiée visant à définir le mot « oncle » au sens de l’Entente. Comme un « bel-oncle » ou une « belle-tante » ne sont pas clairement pas des liens de parenté reconnus, je ne vois aucune question sérieuse d’importance générale à certifier.

VI.             Conclusion

[21]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

« Peter Annis »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5856-15

 

INTITULÉ :

FARAH SULAIMAN, MONA ALSAYED, ADNAN ALSAIED c MINSTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 juin 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Me Perla Abou-Jaoudé

pour leS demandeurS

 

Me Simone Truong

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Perla Abou-Jaoudé

Montréal (Québec)

 

pour leS demandeurS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

pour le défendeur

 

 

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