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Date : 20160718


Dossier : IMM-5815-15

Référence : 2016 CF 815

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

KENELY ANN BAUA LAMSEN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Contexte

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre d’une décision rendue le 11 novembre 2015 par un chef de sous-section (l’agent de supervision) de la Section de l’immigration de l’ambassade du Canada à Manila, aux Philippines (le bureau des visas), qui a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) pour le motif qu’elle a fait une fausse déclaration au sujet de son expérience de travail. Pour les motifs expliqués ci-dessous, je conclus que la décision est déraisonnable et que la présente demande de contrôle judiciaire doit donc être accueillie.

[2]               La demanderesse est une citoyenne des Philippines âgée de 30 ans. Sa mère, son père et son frère sont des résidents permanents du Canada.

[3]               Le 15 septembre 2014, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Elle a présenté sa demande en utilisant le code de groupe 3011 de la Classification nationale des professions (CNP), intitulé « Coordonnateurs/coordonnatrices et superviseurs/superviseures des soins infirmiers », en se fondant sur l’expérience qu’elle a acquise en tant qu’infirmière-chef au service de soins intensifs de l’hôpital Dr. Ester R. Garcia General Hospital (l’hôpital). Dans la rubrique sur ses antécédents professionnels de son formulaire de demande (no IMM 0008), la demanderesse a indiqué qu’elle possédait plus de quatre années d’expérience pertinente au titre du code de la CNP 3011, car elle travaillait comme infirmière-chef depuis avril 2010. Pour prouver ce fait, elle a soumis une lettre signée par la directrice des soins infirmiers de l’époque, Angeline Cornejo, et datée du 8 septembre 2014 en guise de certificat d’emploi de l’hôpital.

[4]               Le 9 février 2015, la demanderesse a épousé Percival Dannug, son compagnon depuis plus d’un an. Ce dernier était infirmier-chef à la salle d’urgence de l’hôpital. Le 28 mars 2015, elle a mis à jour sa demande afin d’indiquer qu’il était sa personne à charge. Pour étayer cette mise à jour, la demanderesse a rempli le « Questionnaire de l’époux, du conjoint de fait ou du partenaire conjugal » (le questionnaire de l’époux), qui a été ajouté aux pièces justificatives. À la question [traduction] « À quel moment et de quelle façon avez-vous rencontré votre époux? », la demanderesse a répondu ce qui suit :

[traduction]
Mon époux et moi nous sommes rencontrés au Ester R. Garcia Medical Centre, Inc. Nous y travaillons comme infirmiers soignants. Nous nous sommes rencontrés le 9 avril 2012 [...] Nous nous sommes rencontrés parce que j’ai travaillé dans le même service que lui lorsque j’ai travaillé au Ester R. Garcia Medical Hospital Inc. C’était avant que je sois promue infirmière-chef au service des soins intensifs et que mon époux soit promu infirmier-chef à la salle d’urgence.

[5]               Un employé du bureau des visas, identifié sous le numéro HLO2950 dans les notes du système mondial de gestion des cas (SMGC) associées au dossier, a confirmé la réception du questionnaire de l’époux le 8 octobre 2015.

[6]               Le 16 octobre 2015 – soit huit jours après la réception du questionnaire de l’époux –, un agent des visas, identifié sous le numéro JFO2931 dans les notes du SMGC (l’agent JFO), a appelé à l’hôpital pour vérifier les antécédents professionnels de la demanderesse. L’agent JFO a parlé à Angelica Padilla du service des ressources humaines de l’hôpital. Il lui a demandé quelle était la date d’entrée en fonction de la demanderesse et quel était son poste, afin de confirmer les renseignements contenus dans la lettre de Mme Cornejo. Mme Padilla a informé l’agent JFO que Mme Cornejo avait démissionné de ses fonctions de directrice des soins infirmiers l’année précédente. Elle a également indiqué que la demanderesse était infirmière-chef au service des soins intensifs. L’agent JFO lui a demandé à quel moment la demanderesse avait commencé à occuper ce poste. Après avoir vérifié dans les dossiers, Mme Padilla a répondu que la demanderesse avait commencé à assumer ces fonctions le 15 avril 2012. L’agent JFO lui a alors demandé si la demanderesse avait travaillé comme infirmière soignante avant cette date et Mme Padilla lui a répondu par la négative.

[7]               À la suite de cet appel, l’agent JFO a envoyé à la demanderesse une lettre relative à l’équité procédurale qui indiquait que la demanderesse semblait avoir soumis un certificat d’emploi falsifié et avoir déclaré incorrectement des faits dans son formulaire de demande.

[8]               Le 26 octobre 2015, en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, le représentant de la demanderesse a présenté divers documents, dont une lettre de Mme Padilla, dans laquelle cette dernière expliquait qu’elle n’avait pas fourni les bonnes dates d’emploi à l’agent JFO à cause d’une erreur dans le système de conservation des dossiers de l’hôpital. Elle a ensuite confirmé que la demanderesse avait bel et bien travaillé comme « infirmière soignante ») du 5 avril 2010 au 15 avril 2012 avant d’être promue au poste d’infirmière-chef, un poste qu’elle occupait encore. Mme Padilla avait joint à sa lettre un nouveau certificat d’emploi de l’hôpital pour confirmer ces faits, de même que tous les relevés de salaire de la demanderesse remontant jusqu’en avril 2010.

[9]               L’agent JFO a examiné la réponse de la demanderesse à la lettre relative à l’équité procédurale avant de la transmettre à l’agent de supervision pour qu’il l’examine, et ce dernier a déterminé ce qui suit :

[traduction]
La réponse [de la demanderesse] à la lettre relative à l’équité procédurale n’a pas dissipé mes inquiétudes à l’égard de la présentation erronée des faits. Son formulaire de demande et son certificat d’emploi indiquent qu’elle possède cinq années d’expérience de travail au titre du code 3011 de la CNP. Elle obtiendrait alors un total de 68 points, ce qui rendrait sa demande admissible au traitement. Or, sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale confirme mes conclusions initiales, selon lesquelles elle ne possède que trois années d’expérience de travail acquises dans la pratique de sa profession admissible de la CNP, soit d’avril 2012 jusqu’à ce jour. Avec seulement trois années d’expérience de travail, la demanderesse principale n’obtiendrait que 66 points et ne répondrait donc pas aux exigences minimales du programme. Je constate que la demanderesse principale n’a pas indiqué d’autres codes de la CNP aux fins d’examen.

II.                Décision

[10]           Dans une lettre à la demanderesse datée du 11 novembre 2015, l’agent de supervision a déclaré que la demanderesse était interdite de territoire en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi, qui se lit comme suit :

40(1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi.

[11]           Dans la décision, l’agent de supervision a d’abord fait remarquer que, selon le service des ressources humaines de l’hôpital, la demanderesse a travaillé comme infirmière soignante pendant deux ans avant d’être promue au poste d’infirmière-chef au service des soins intensifs. Or, son formulaire de demande indique qu’elle a été infirmière-chef pendant tout ce temps.

[12]           L’agent de supervision a ensuite déclaré que la demanderesse avait peut-être falsifié le certificat d’emploi original et que la déclaration inexacte de ses antécédents professionnels dans sa demande pourrait être considérée comme une présentation erronée directe sur un fait important quant à un objet pertinent, ce qui risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi :

[traduction]
[La demanderesse] n’a pas déclaré avec exactitude la durée de son expérience de travail à titre d’infirmière-chef au service des soins intensifs de l’hôpital Dr. Ester R. Garcia Medical Center Inc. Cette conclusion a été tirée seulement après l’entrevue téléphonique menée avec l’employeur de la demanderesse, ce qui constitue un écart par rapport à la procédure habituelle de traitement des demandes. Cette fausse déclaration risquait d’entraîner une erreur dans l’application de la (Loi), ce qui aurait pu donner lieu à la délivrance d’un visa à la (demanderesse) alors qu’elle n’y était pas admissible.

[13]           L’agent de supervision a fait observer que la demanderesse n’a pas abordé cette question dans sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, ce qui, au bout du compte, [traduction] « confirmait les conclusions initiales selon lesquelles la demanderesse ne possédait que trois années d’expérience de travail acquise dans la pratique de sa profession admissible au titre du code 3011 de la CNP et non pas cinq années d’expérience ».

[14]           L’agent de supervision a conclu que la demanderesse était interdite de territoire pour fausses déclarations et que, en vertu de l’alinéa 40(2)a) de la Loi, elle ne pouvait pas entrer au Canada comme immigrante ou visiteuse pendant une période de cinq ans sans l’autorisation écrite du ministre.

III.             Analyse

[15]           La demanderesse soutient que l’agent de supervision a manqué à l’obligation d’équité procédurale en ne lui donnant pas l’occasion de répondre aux préoccupations découlant de sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale. Elle soutient également que la conclusion quant à l’existence de fausses déclarations était déraisonnable.

[16]           Les questions d’équité procédurale requièrent l’application de la norme de la décision correcte et n’appellent donc pas la déférence de la Cour (Sharma c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1253, au paragraphe 26). Autrement, la norme de contrôle qui s’applique à l’examen de la décision visant la demande présentée par un demandeur à titre de membre de la catégorie de  travailleurs qualifiés (fédéral) est celle de la décision raisonnable (Suri c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 589, au paragraphe 17). À ce titre, si l’agent est parvenu à une conclusion qui est transparente, justifiable et intelligible et qui fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard de la preuve portée à sa connaissance, notre Cour n’interviendra pas (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

A.                L’agent de supervision a-t-il manqué à l’obligation d’équité procédurale?

[17]           En ce qui concerne la question d’équité procédurale, la demanderesse soutient qu’en raison des conséquences graves que comporte une conclusion d’interdiction de territoire, « une norme d’équité élevée est requise pour conclure à l’existence de fausses déclarations » (Ni c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 162, au paragraphe 18). Par conséquent, la demanderesse fait valoir que l’agent de supervision avait l’obligation de tenir compte de l’explication qu’elle a donnée dans sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale – à savoir que les renseignements originaux fournis par l’employé de l’hôpital étaient erronés – et de prendre ensuite les dispositions nécessaires pour vérifier cette explication. La demanderesse affirme que, si l’agent de supervision avait véritablement tenu compte du contenu de sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, tous les doutes qui subsistent auraient été dissipés.

[18]           Je ne suis pas d’accord. La demanderesse a été traitée équitablement dans les circonstances : elle a reçu une lettre précisant les doutes de l’agent au sujet de la fausse déclaration et elle a eu l’occasion d’y répondre. La jurisprudence exige qu’un agent des visas envoie une lettre relative à l’équité procédurale dans laquelle il soulève formellement ses préoccupations et permet au demandeur de présenter une réponse, mais pas que l’agent accepte aveuglément la réponse à la lettre relative à l’équité procédurale sans se questionner (Ni, au paragraphe 18). De plus, l’obligation d’équité procédurale envers les demandeurs de visa se situe au bas du spectre, et ce, malgré les conséquences potentiellement graves d’une conclusion de fausse déclaration (Mehfooz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 165, au paragraphe 12).

B.                 La conclusion quant à l’existence de fausses déclarations était-elle déraisonnable?

[19]           La demanderesse soutient que l’agent de supervision a commis une erreur (i) en omettant de tenir compte de façon appropriée des éléments de preuve fournis dans la réponse à la lettre relative à l’équité procédurale et (ii) en omettant de reconnaître qu’elle n’avait aucunement l’intention de faire une fausse déclaration.

[20]           Premièrement, la demanderesse affirme qu’elle n’a pas fait de fausses déclarations au sujet de son expérience de travail à titre d’infirmière, car elle a déclaré dans son questionnaire de l’époux qu’elle a été promue du poste d’infirmière soignante au poste d’infirmière-chef en 2012, une promotion qui a par la suite été confirmée par l’hôpital. Elle reconnaît qu’elle a fait une erreur technique à l’égard de son titre de poste dans le premier formulaire, mais elle soutient qu’elle a fourni des renseignements exacts dans le questionnaire de l’époux et dans sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale.

[21]           Deuxièmement, la demanderesse cite Osisanwo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1126, aux paragraphes 9 à 15, qui établit la proposition selon laquelle elle n’a en réalité pas fait de fausses déclarations parce qu’elle n’avait pas d’intention coupable de tromper. Elle soutient également que la fausse déclaration était sans importance étant donné que toute son expérience de travail était, au bout du compte, liée aux soins infirmiers.

[22]           Le défendeur réplique que l’agent de supervision a examiné et analysé en détail les arguments de la demanderesse et est arrivé à une conclusion raisonnable. Même si la demanderesse croyait sincèrement qu’elle n’induisait pas en erreur le bureau des visas lorsqu’elle a indiqué dans ses formulaires qu’elle a travaillé comme infirmière-chef d’avril 2010 à avril 2012, alors qu’elle n’était en fait qu’infirmière soignante, cette conviction n’était pas raisonnable et ne peut donc pas être considérée comme une erreur commise de bonne foi. Qui plus est, la fausse déclaration n’exige pas une intention et ne comporte pas d’intention coupable.

[23]           Après avoir examiné les positions que les parties ont respectivement exposées à la Cour, je conclus que la décision était déraisonnable. J’en viens à cette conclusion parce que j’estime que l’agent de supervision n’a pas examiné de manière adéquate l’ensemble de la demande. Il est vrai que la demanderesse a fait une fausse déclaration en introduisant une erreur de deux années quant à la durée de ses fonctions d’infirmière-chef dans l’une des parties de sa demande (le formulaire no IMM 0008). Cependant, elle a correctement décrit sa promotion du poste d’infirmière soignante au poste d’infirmière-chef dans un autre questionnaire (le questionnaire de l’époux). Cette promotion a ensuite été confirmée dans sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale.

[24]           Une demande de visa doit être analysée dans son ensemble (Koo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 931, au paragraphe 29). L’analyse ne peut pas être compartimentée, particulièrement lorsqu’une conclusion de fausse déclaration comporte des conséquences aussi graves (Xu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 784, au paragraphe 16).

[25]           En l’espèce, les abondantes notes du SMGC associées au dossier ne contiennent aucune évaluation du contenu du questionnaire de l’époux et aucun commentaire à ce sujet. Selon moi, il s’agit d’une omission importante.

[26]           De plus, l’analyse de la réponse à la lettre relative à l’équité procédurale est extrêmement limitée. La lettre de refus indiquait seulement que la [traduction] « réponse de la [demanderesse] n’était pas satisfaisante », sans expliquer pourquoi. Compte tenu de son contenu, l’agent de supervision a conclu que le certificat d’emploi fourni par Mme Cornejo avait été « falsifié » et que les dates indiquées dans la réponse à la lettre relative à l’équité procédurale ne correspondaient pas à celles figurant dans la demande. Cela est particulièrement problématique étant donné que les dates figurant dans la lettre de suivi de Mme Padilla correspondent à celles indiquées dans le questionnaire de l’époux. Un agent a l’obligation d’expliquer pourquoi des éléments de preuve documentaire ne  « sont pas satisfaisants », comme l’a déclaré la juge Tremblay-Lamer dans des circonstances semblables dans la décision Rong c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 364 :

[27]      Le fait que l’agente se soit concentrée sur l’information fournie par M. Han à l’exclusion de la preuve documentaire dénote un esprit étroit, de l’indifférence envers la preuve documentaire et l’absence de véritable pondération des éléments de preuve favorables et défavorables (Paulino c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 542, aux paragraphes 59 à 62).

[…]

[31]      En outre, il était déraisonnable pour l’agente de ne pas communiquer avec les représentants de l’entreprise au motif que la demanderesse avait présenté les lettres qu’ils avaient signées après avoir reçu la lettre d’équité et que ces lettres ne pouvaient donc pas être considérées comme des sources fiables d’information impartiale.

[27]           La récente décision de la Cour dans l’affaire Chhetry c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 513 s’applique également. Dans cette décision, la juge Strickland a déclaré que la « difficulté réside en l’espèce dans le fait que ni la décision ni le dossier ne démontrent que la réponse du demandeur à la lettre relative à l’équité procédurale et l’évaluation des éléments de preuve supplémentaire ont été raisonnablement évaluées ».

[28]           Dans le cas de Mme Lamsen, les renseignements contenus dans le questionnaire de l’époux n’ont jamais été abordés; le bureau des visas a simplement reconnu avoir reçu le questionnaire le 8 octobre 2015. Le questionnaire de l’époux contenait d’importants éclaircissements au sujet de son expérience de travail. Les motifs auraient dû à tout le moins expliquer pourquoi ces renseignements n’étaient pas satisfaisants.

[29]           Le même raisonnement s’applique au contenu de la réponse à la lettre relative à l’équité procédurale : la demanderesse a présenté des éléments de preuve pour confirmer l’expérience de travail qu’elle a indiquée dans le questionnaire de l’époux et pour expliquer pourquoi l’hôpital avait d’abord omis de confirmer ses antécédents professionnels. L’agent de supervision aurait donc dû fournir plus qu’une lettre de refus type.

[30]           Avant d’en venir à la conclusion de fausse déclaration, l’agent de supervision devait d’abord analyser les renseignements qui ont par la suite été fournis avant l’envoi de la lettre relative à l’équité procédurale (dans le questionnaire de l’époux) et qui ont été confirmés de nouveau dans la réponse à la lettre relative à l’équité procédurale (dans la lettre de Mme Padilla et les dossiers de paye qui l’accompagnaient).

[31]           Je conclus mon analyse en répétant ce que j’ai dit au début de celle-ci : les agents doivent s’assurer que leurs conclusions quant à l’existence de fausses déclarations sont bien fondées en raison des conséquences importantes qu’elles auront pendant une longue période. Le juge Shore a souligné récemment ce point dans la décision Seraj c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 38, laquelle décision commençait par la mise en garde suivante :

[1]        Les conclusions quant à l’existence de fausses déclarations ne doivent pas être tirées à la légère. Ces conclusions doivent être appuyées par des éléments de preuve convaincants, selon lesquels un demandeur a fait une fausse déclaration; cette conclusion expose le demandeur à d’importantes conséquences pendant une longue période, en plus de voir sa demande rejetée.

[32]           En raison de tous les motifs susmentionnés, les commentaires du juge Shore s’appliquent directement en l’espèce. Je ne peux conclure que la conclusion de l’agent de supervision, selon laquelle la demanderesse a fait de fausses déclarations en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi, est raisonnable.

IV.             Conclusion

[33]            Je conclus donc que la décision de l’agent de supervision, selon laquelle la déclaration inexacte faite sur le formulaire no IMM 0008 constitue une fausse déclaration, est déraisonnable. L’agent de supervision a non seulement omis de reconnaître les éléments de preuve fournis dans le questionnaire de l’époux, mais aussi de tenir compte des éléments de preuve documentaire contenus dans la réponse de la demanderesse à la lettre relative à l’équité procédurale, qui semble confirmer les renseignements figurant dans le questionnaire de l’époux.

V.                Question à certifier

[34]           À l’audience, l’avocate du défendeur a demandé que la question suivante soit certifiée :

En dépit des éléments de preuve clairs quant à la présentation erronée des faits rapportés par le demandeur selon sa connaissance subjective, lesquels sont importants au regard de l’issue de la décision, peut-on conclure que l’agent des visas a agi raisonnablement ou de façon injuste sur le plan de la procédure en n’appliquant pas l’exception relative aux erreurs commises de bonne foi?

[35]           L’avocate du défendeur a également déposé des observations après l’audience pour appuyer sa demande de certification. Bien que je félicite l’avocate de représenter la position de son client avec autant d’habileté, cette question n’est pas déterminante pour l’issue des motifs écrits et il ne convient donc pas de la certifier.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

3.      Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« Alan S. Diner »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5815-15

 

INTITULÉ :

KENELY ANN BAUA LAMSEN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 juillet 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

DATE DES MOTIFS :

Le 18 juillet 2016

COMPARUTIONS :

Mario Bellissimo

Chris Collette

Pour la demanderesse

Sybil Thompson

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mario Bellissimo

Chris Collette

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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